La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 1074 .
L'amendement n° 1074 de M. Pascal Brindeau est défendu.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur, pour donner l'avis de la commission spéciale.
Avis défavorable. Vous proposez que l'on informe le conjoint, en cas de don de gamètes. Or nous avons décidé en commission spéciale de supprimer le double consentement au sein du couple. Je rappelle que la France est le dernier pays en Europe à solliciter le conjoint pour un acte qui engage d'abord la personne du donneur. Il est opportun de maintenir dans le texte de loi la position constante de la commission spéciale à cet égard.
J'ajoute que c'est aussi une demande importante de la part des organismes qui s'occupent des donneurs qui jugent extrêmement contraignant de devoir différer leurs pratiques pour faire signer le conjoint, sachant que le trouver et le faire venir peut prendre du temps.
Ne commencez pas, monsieur Cordier ! Le règlement a été respecté par M. le rapporteur et il ne vous appartient pas d'en commenter son usage.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour donner l'avis du Gouvernement.
Cet amendement propose que l'autre membre du couple soit informé, préalablement au don de gamètes, des dispositions législatives et réglementaires afférentes, notamment de celles relatives à l'accès des enfants nés de don aux données non identifiantes et à l'identité du donneur – objet de l'article 3 du présent projet de loi, que nous aurons bientôt l'occasion de discuter. Mais si, comme nous avons déjà eu l'occasion de l'expliquer, l'information et l'accord du partenaire sont légitimes, le Gouvernement encourageant les couples à échanger en ce sens, ces échanges relèvent de la sphère privée et non de la loi, raison pour laquelle le Gouvernement a toujours émis un avis défavorable à une telle proposition et le réitère lors de cette troisième lecture.
Monsieur le président, je n'ai pas pu venir vous en parler, mais je remercie Mme la présidente de la commission spéciale ainsi que tous les groupes parlementaires qui ont bien voulu accéder à ma demande de prise de parole même si elle n'a que peu à voir avec les amendements en discussion – il est vrai que dans le cadre du temps législatif programmé, on peut dire ce que l'on veut, me semble-t-il.
Chacun sait ici qu'un député court un peu partout, surtout en période électorale, et je viens seulement d'apprendre, honte à moi, qu'ont eu lieu aujourd'hui, en Meurthe-et-Moselle, les obsèques de Jacques Manel, chef de service du centre anti-poison et de toxicovigilance de ce département. Je tenais profondément à lui rendre hommage ce soir parce que, dans ce petit département qu'est la Meurthe-et-Moselle, c'est grâce à des hommes comme lui, qui ont à cœur de réaliser des projets, puis de les faire grandir, que nous avons à Nancy un centre anti-poison. On vote ici des lois d'importance nationale, mais il peut y avoir dans nos villes, et on en est tous fiers alors, de grands hommes, de grandes femmes, qui les rendent belles.
Notre chauvinisme local n'en est-il pas touché ? Cela me tenait donc vraiment à cœur d'intervenir, même si cela n'a pas vraiment de rapport avec ce texte de loi. Et je vous remercie tous, encore une fois, de m'avoir laissé rendre hommage ce soir à Jacques Manel, qui nous a quittés.
L'amendement n° 1074 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 1075 , 168 , 371 , 784 et 1223 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 168 , 371 , 784 et 1223 sont identiques.
L'amendement n° 1075 de Mme Agnès Thill est défendu.
Les amendements n° 168 de M. Patrick Hetzel, 371 de M. Xavier Breton, 784 de Mme Anne-Laure Blin et 1223 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1075 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 1607 , 166 , 369 , 782 et 1219 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 166 , 369 , 782 et 1219 sont identiques.
L'amendement n° 1607 de Mme Blandine Brocard est défendu.
Les amendements n° 166 de M. Patrick Hetzel, 369 de M. Xavier Breton, 782 de Mme Anne-Laure Blin et 1219 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1607 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de douze amendements, n° 167 , 370 , 534 , 715 , 783 , 931 , 1221 , 1513 , 536 , 1566 , 9 et 1608 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 167 , 370 , 534 , 715 , 783 , 931 , 1221 , 1513 d'une part, 536 et 1566 d'autre part, sont identiques.
Les amendements n° 167 de M. Patrick Hetzel, 370 de M. Xavier Breton et 534 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
La parole est à Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, pour soutenir l'amendement n° 715 .
Je veux me faire par cet amendement le porte-voix de la fédération des CECOS – centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humain – qui demande en effet le maintien du consentement du conjoint parce que le don de gamètes n'est pas anodin, notamment le don d'ovocytes étant donné les risques médicaux, dont il faut tenir compte et qui peuvent interférer dans la vie du couple. De plus, il peut y avoir consentement au moment du don et non plus lors de l'utilisation effective. Il est donc proposé que le consentement du conjoint soit, lui aussi, révocable.
Les amendements n° 783 de Mme Anne-Laure Blin, 931 de Mme Agnès Thill, 1221 de M. Marc Le Fur, 1513 de M. Julien Ravier, 536 de Mme Emmanuelle Ménard, 1566 de Mme Josiane Corneloup, 9 de Mme Annie Genevard et 1608 de Mme Blandine Brocard sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable à cette nouvelle tentative de rétablir l'obligation de l'accord du conjoint pour un don de gamètes.
Je suis saisi de huit amendements, n° 170 , 373 , 786 , 1226 , 169 , 372 , 785 et 1224 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 170 , 373 , 786 , 1226 d'une part, et 169, 372, 785 et 1224 d'autre part, sont identiques.
Les amendements n° 170 de M. Patrick Hetzel, 373 de M. Xavier Breton, 786 de Mme Anne-Laure Blin, 1226 de M. Marc Le Fur, 169 de M. Patrick Hetzel, 372 de M. Xavier Breton, 785 de Mme Anne-Laure Blin et 1224 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1078 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de sept amendements, n° 588 , 680 , 1609 , 171 , 374 , 787 et 1228 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 588 et 680 , d'une part, et 171, 374, 787 et 1228, d'autre part, sont identiques.
Les amendements n° 588 de Mme Annie Genevard, 680 de M. Fabien Di Filippo, 1609 de Mme Blandine Brocard, 171 de M. Patrick Hetzel, 374 de M. Xavier Breton, 787 de Mme Anne-Laure Blin et 1228 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1609 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur de la commission spéciale, pour soutenir l'amendement n° 965 .
Avec votre autorisation, monsieur le président, je défendrai en même temps mon amendement n° 966 .
Vous avez en effet déposé un amendement n° 966 . Nous vous écoutons soutenir ces deux amendements.
Aujourd'hui, la loi autorise la conservation des ovocytes uniquement pour des raisons médicales, si une maladie ou une intervention altère ou risque d'altérer la fertilité, à une exception près : la femme qui pratique un don d'ovocytes peut être autorisée à en conserver pour elle-même sous certaines conditions. Par cet article 2, le Gouvernement entend ouvrir le droit à l'autoconservation des gamètes sans raison médicale, et c'est une bonne chose que nous, les membres du groupe Socialiste et apparentés, saluons.
Cependant, les conditions d'âge seraient fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Agence de la biomédecine, et il est indiqué dans l'étude d'impact que cette ouverture au droit à l'autoconservation se ferait à partir de 30 ans ou 32 ans. Nous en avons discuté en commission spéciale et ce seuil est justifié dans l'étude d'impact par une moyenne statistique montrant un plus fort taux de fécondité avant cet âge. Or de nombreuses femmes, peut-être même de plus en plus, souffrent de pathologies telles que l'endométriose, qui peut se manifester dès la puberté, ou l'insuffisance ovarienne prématurée – qui touche une femme sur 10 000 avant 20 ans et une sur 1 000 avant 30 ans.
Aujourd'hui, ces personnes se voient trop souvent refuser l'autoconservation de leurs ovocytes, même si elles souhaitent le faire pour des raisons médicales. Demain, ce pourrait encore être le cas.
Les deux amendements visent donc à permettre l'autoconservation des ovocytes, dès la majorité pour le premier et, à défaut, à partir de 25 ans s'agissant de l'amendement de repli. Certes, il a été dit à plusieurs reprises qu'il ne fallait pas nécessairement promouvoir l'autoconservation des ovocytes, mais entre l'autoriser dès la majorité et en faire l'absolue promotion, il y a une marge que je ne franchis pas.
En réponse aux arguments exposés en commission spéciale, nous soulignons que toute femme majeure est libre de son corps et qu'elle est seule capable de savoir ce qui serait trop lourd à supporter ou non pour elle. Compte tenu de la lourdeur du processus, elle ne prendrait d'ailleurs pas à la légère la décision d'autoconserver ses ovocytes.
La commission spéciale a émis un avis défavorable parce que les conditions que vous citez comme l'endométriose – on pourrait aussi évoquer la chimiothérapie pour traiter un cancer ou une leucémie – sont déjà prévues dans la loi et la conservation des ovocytes est bien entendu proposée par les équipes médicales dans ces cas-là.
Il est ici question d'une autoconservation d'ovocytes non pas de convenance, mais qui relève tout de même de la seule décision d'une femme. Tout l'objectif a donc été de définir les conditions dans lesquelles la demande sera suffisamment légitime pour que les moyens adaptés soient mis en relation avec les besoins. Si l'on abaisse à 25 ans ou, a fortiori, à 18 ans, la condition d'âge, les demandes seront faites à foison, sans toujours être réfléchies. J'ai cité tout à l'heure l'exemple de femmes trentenaires dont le couple n'est pas immédiatement apte à pourvoir à l'éducation d'un enfant ; généralement, ce n'est pas le type de décision que l'on prend à 18 ou à 20 ans.
Je crois que la commission spéciale a été sage en proposant d'en rester, au moins pendant les sept prochaines années jusqu'à la future révision de la loi de bioéthique, à des dispositions qui posent une borne d'âge pour l'autoconservation des ovocytes, sachant qu'elles seront prises en suivant les conseils de l'ensemble des experts de l'Agence de la biomédecine, qui inspire le Conseil d'État.
Je souligne une nouvelle fois que l'autoconservation des ovocytes sans raison médicale présente tout de même une difficulté majeure. Je citerai simplement une phrase que l'on trouve dans l'avis de l'Académie nationale de médecine, et qui indique de façon très troublante que « ce changement de nature de l'acte médical n'est pas sans soulever de sérieuses questions de fond pour l'avenir de la pratique médicale. » L'Académie nationale de médecine nous alerte donc sur certaines évolutions dangereuses pour la pratique médicale elle-même. Je trouve frappant que l'on n'obtienne pas de réponse à ce type d'interrogations.
Les amendements n° 375 de M. Xavier Breton, 541 de Mme Emmanuelle Ménard et 788 de Mme Anne-Laure Blin sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable car l'intention des amendements est couverte par l'article L. 2141-11 du code de la santé publique.
L'amendement n° 546 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis.
Vous ne pouvez plus parler, madame Ménard. Le règlement, c'est le règlement. L'autorité est une valeur à laquelle chacun doit se soumettre.
L'amendement n° 546 n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 173 de M. Patrick Hetzel, 376 de M. Xavier Breton, 789 de Mme Anne-Laure Blin et 1233 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1610 .
Des candidats à l'assistance médicale à la procréation (AMP) ont rapporté les pressions dont ils étaient parfois victimes pour qu'à l'occasion de l'AMP ils acceptent de donner leurs gamètes pour d'autres couples. Un don réalisé dans de telles conditions présente un consentement vicié. Il est donc particulièrement important qu'aucune proposition de don ne soit faite à la personne qui demande l'autoconservation de ses gamètes préalablement au prélèvement ou au moment de sa réalisation.
Même avis.
Parce que ce n'est pas l'option que nous avons retenue.
L'amendement n° 1610 n'est pas adopté.
L'amendement n° 548 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1611 de Mme Blandine Brocard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est satisfait. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement n° 1611 est retiré.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1612 .
Il s'agit de préciser davantage l'absence de prise en charge par l'employeur, ou par toute personne à l'égard de laquelle le patient se trouverait en situation de dépendance économique, des frais relatifs à la conservation des gamètes. Monsieur le rapporteur, vous dites que c'est un point auquel vous tenez beaucoup, je vous propose donc de le préciser davantage.
Je vous remercie d'en reparler, mais il n'empêche que votre amendement est satisfait puisque la précision figure déjà dans le texte. Avis défavorable.
L'amendement n° 1612 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1083 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1082 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je propose que la possibilité de pratiquer le prélèvement, le recueil et la conservation des gamètes soit réservée aux établissements de santé publics ou privés à but non lucratif, comme c'est le cas pour les embryons, afin de protéger ces opérations de l'appétence d'établissements guidés par la seule logique du profit. On sait que dans d'autres pays, notamment aux États-Unis, c'est devenu un commerce très lucratif et que bon nombre d'entreprises ont des ramifications également dans notre pays. Cette précaution est non seulement utile, mais également nécessaire.
Il s'agit en effet de supprimer la possibilité offerte aux centres privés de recueillir et de conserver des gamètes qui, comme je l'ai indiqué hier à l'occasion de la discussion générale, est pour nous une ligne rouge.
Nous l'avons suffisamment dit : l'article 1er constitue une avancée décisive de liberté et d'égalité, et nous le défendons. En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec l'alinéa 13 de l'article 2, qui permet que le recueil et la conservation des gamètes soient rendus possibles dans des établissements privés à but lucratif, afin qu'ils prennent le relais lorsque les établissements publics ou privés à but non lucratif sont inexistants.
D'abord, l'alinéa entérine le fait que, face à un désert de centres hospitaliers publics, ce soit évidemment le privé qui prenne le relais. Cela ne nous satisfait pas. Si nous consacrons des droits nouveaux, il faut que ces derniers soient effectifs et que la puissance publique puisse les mettre en œuvre.
Ensuite, l'alinéa fait courir le risque, déjà présent, d'une privatisation du système de santé mais aussi d'une marchandisation des corps. Je note d'ailleurs que les couples hétérosexuels pour lesquels l'AMP est actuellement autorisée n'ont pas besoin de se rendre en Espagne : quand le secteur public fait défaut, les couples qui le peuvent s'orientent vers la médecine privée. Parce que le service public de la santé, particulièrement en matière d'AMP, fait défaut, les délais sont longs et tous les couples ne veulent pas attendre. Pour ceux qui le peuvent, le privé prend le relais, à un coût exorbitant.
Maintenir cette pratique dans la loi, c'est accepter la déliquescence du secteur public en matière d'AMP. Or, comme nous l'avions déjà dit au cours des lectures précédentes, nous la refusons. Cette disposition, qui ne figurait pas dans le texte initial et qui a été ajoutée par voie d'amendement, constitue immanquablement une ligne rouge très importante.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1616 .
Je n'ai plus grand-chose à ajouter, Mme Genevard et Mme Faucillon ayant très bien exposé les enjeux du sujet. Permettez-moi simplement d'appeler l'attention de mes collègues de la majorité : quand la droite et la gauche de l'hémicycle identifient une même ligne rouge, il faut vraiment se poser des questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Nadia Essayan applaudit également.
Dans un monde idéal, chaque département de métropole et d'outre-mer disposerait d'établissements publics aptes à réaliser le prélèvement et la conservation des ovocytes. Malheureusement, ce monde idéal n'est pas encore réalisé. Nul ne défend plus que moi le service public de la santé ; j'y ai attaché toute ma vie professionnelle, et je continuerai à le défendre.
Pour autant, de même que nous avons beaucoup défendu, de façon prioritaire, l'intérêt supérieur de l'enfant, nous devons aussi défendre l'intérêt prioritaire de la femme, c'est le plus important. De façon pragmatique, il n'est pas acceptable que dans des départements entiers – et d'une façon beaucoup plus large encore en outre-mer –, certaines femmes n'aient aucun accès à une structure permettant le prélèvement et la conservation des ovocytes. Cette situation constitue une discrimination vis-à-vis de ces femmes, auxquelles on ne va pas demander de déménager ou de se rendre en métropole pour celles qui habitent des îles lointaines.
Il faut donc pouvoir faire appel à des professionnels qui, je vous le rappelle, ont été formés exactement dans les mêmes conditions que ceux qui travaillent dans le secteur public. Ils sont habilités, ont reçu l'autorisation de l'agence régionale de santé (ARS) et vont réaliser tout cela exactement dans les mêmes conditions qu'à l'hôpital public, avec la même technicité et sans dépassement d'honoraires ou facturation supplémentaire. Le risque de commercialisation abusive est donc totalement nul, tout ceci sera rigoureusement contrôlé par les ARS.
Autant je voudrais que vous ayez raison et qu'on puisse faire conserver des ovocytes partout dans un service hospitalier public, autant je ne veux pas priver des femmes de cette possibilité. C'est parce que plusieurs décennies seront nécessaires pour doter la totalité des départements français de métropole et d'outre-mer de services compétents dans les hôpitaux publics que nous avons ajouté ce dispositif par voie d'amendement, dans le souci scrupuleux que les femmes seront bien traitées et qu'elles n'auront pas un euro de plus à débourser qu'à l'hôpital public.
Le rapporteur a brillamment exposé les différentes raisons qui nous poussent à émettre un avis défavorable sur ces amendements déposés par des députés siégeant tant à la droite qu'à la gauche de l'hémicycle. L'idée du Gouvernement n'est pas de généraliser l'accès des établissements privés à but lucratif à cette activité. Nous ne sommes pas confrontés à un déficit d'offre et il n'est pas nécessaire d'augmenter le nombre d'établissements autorisés, en particulier pour y inclure des établissements risquant de vouloir recruter le plus de candidats possible dans une démarche lucrative.
Cependant, comme l'a bien dit le rapporteur, des circonstances locales, notamment dans des territoires ultramarins, peuvent entraîner une absence d'offre disponible ; dans ce cas, il faut offrir aux femmes, de façon dérogatoire et exceptionnelle, la possibilité de recourir à ces services. Ne pas le faire créerait une discrimination envers les femmes habitant les territoires sous-dotés. C'est pourquoi il est important de préserver la possibilité d'autoriser, à titre dérogatoire et exceptionnel – je le répète –, les établissements privés à pratiquer ces activités, au nom de l'égalité de toutes les femmes.
Avis défavorable à l'ensemble des amendements.
Ouvrir de nouveaux droits n'est pas gratuit : pour les rendre effectifs, la puissance publique doit mettre des moyens. Le mot de « pragmatisme » que vous avez utilisé, monsieur le rapporteur, signe une sorte de renoncement : vous nous expliquez que, dans un monde idéal, il y aurait des centres publics dans chaque département. En effet, dans un monde idéal, nous aurions eu des masques et des blouses en mars ou en avril 2020 !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Caroline Fiat applaudit également.
Mieux vaut ne pas utiliser cette image pour la période que nous traversons. Et puis, à qui voulez-vous faire croire que des centres privés iront s'installer dans les départements que vous citez par philanthropie ?
Vous dites que les ARS exerceront un contrôle sur ce type d'actes, mais vous savez bien que, pour d'autres actes médicaux, les frais dépassent largement les plafonds. Contrairement à la puissance publique, dénuée de but lucratif et soucieuse d'assurer des droits, les centres privés n'iront dans les zones où le service public fait défaut qu'avec l'idée d'entrer dans leurs frais, voire de se faire de l'argent.
Se développera donc, dans ces territoires, pour cet acte mais aussi pour d'autres, un système de santé privé cherchant à faire du profit. Vos arguments ne tiennent pas. Ils ne font qu'illustrer le renoncement de l'État à assurer les nouveaux droits que nous ouvrons à l'article 1er et plus généralement dans ce texte, et que je suis fière de voter.
Même si on laisse de côté les centres de conservation des ovocytes et que l'on s'intéresse aux centres publics proposant l'AMP, on constate que les délais d'attente renvoient déjà les hommes et les femmes vers les centres privés. Cette loi nous offrait l'occasion de combler ces lacunes et de permettre à l'État d'être au rendez-vous pour les couples hétérosexuels et, demain, pour les femmes seules et les couples de femmes.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit que le droit de la femme était prioritaire sur celui de l'enfant. Je ne crois pas que ce soit le cas. Pire, ce texte passe du droit de l'enfant, qu'on n'évoque presque plus, au droit à l'enfant.
Cela me semble grave.
Si votre souci est de permettre à toutes les femmes d'accéder à cette pratique, partout sur le territoire, y compris là où le service public fait défaut, sous-amendons les amendements en discussion en précisant que le recours aux centres privés n'est possible que là où il n'y a pas d'établissements publics, et en attendant que ceux-ci s'y installent.
Votre proposition est satisfaite, c'est exactement ce que dit le texte.
Permettez-moi, très exceptionnellement, de me montrer taquine. Mme Faucillon ne m'en voudra pas de défendre l'amendement de Mmes Brocard, Genevard et Blin et de MM. Hetzel, Breton et Le Fur. Imaginons, dans un exercice de politique-fiction, que nous ayons déposé des amendements prévenant du danger que représenteraient des EHPAD à but lucratif, qui feraient payer les résidents. Imaginons qu'une crise sanitaire arrive et que ces EHPAD fassent n'importe quoi. Une députée d'un parti qui se nommerait La République en route dirait : mais non, madame Fiat, jamais un établissement privé à but lucratif ne versera de l'argent à ses actionnaires pendant que les soignants en sous-effectif verront mourir les résidents. Dans un monde idéal, nous n'aurions que des EHPAD publics, pourvus d'un personnel suffisant pour soigner toutes les personnes hébergées.
Revenons à la réalité. L'amendement proposé par nos collègues des bancs de droite et par ma collègue Elsa Faucillon …
Exclamations sur divers bancs
…prouve par A plus B qu'il faut donner aux services publics de notre pays les moyens d'offrir ces prestations à tout le monde. Pourquoi aurions-nous besoin du privé ? Eh oui, madame Genevard, monsieur Hetzel, monsieur Breton, madame Blin, monsieur Le Fur, madame Brocard, vous avez raison !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Blandine Brocard applaudit également.
Pourquoi toujours compter sur le secteur privé à but lucratif ? Je compte sur vous, en novembre 2021, pendant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour voter tous mes amendements sur le sujet ; je saurai vous rappeler votre position ! Arrêtons de toujours compter sur le secteur privé à but lucratif, qui entraîne, en effet, la marchandisation de toute chose. Comment se donner les moyens d'avoir un service public digne de ce nom ? Il faut voter des PLFSS conséquents. C'est vous, chers collègues de la majorité, qui en avez le pouvoir, chaque année, à la même date, en octobre et novembre !
Merci, madame Fiat, vous avez été rapide ! La parole est à M. Raphaël Gérard.
Je voudrais revenir aux propos du rapporteur. Comme je l'ai dit en m'exprimant sur l'article 1er , je suis souvent d'accord avec Mme Faucillon sur ce texte, mais cette fois nos avis divergent légèrement. En réalité, dans les territoires ultramarins, en dehors du secteur privé, il n'y a pas d'accès à l'AMP. On peut certes se dire qu'il faut se donner les moyens pour que cela change,…
…mais aujourd'hui, les délais d'attente sont très longs du fait de la pénurie de gamètes due aux caractéristiques morphologiques des candidats à l'AMP. En conséquence, les femmes qui ont les moyens sont obligées de faire appel au réseau privé, de plus souvent basé à l'étranger, et de se rendre dans des pays voisins pour accéder aux gamètes et aller au bout de leur projet parental. La disposition prévue dans le texte n'empêche pas d'engager une réflexion sur la création d'établissements publics capables de pallier ce manque, mais adopter ces amendements reviendrait à fermer la porte à l'AMP pour nombre de couples ultramarins qui ne disposent pas, actuellement, d'une autre solution.
Par ailleurs, on constate que ce sont les centres publics qui créent des difficultés pour l'accès à l'AMP de certains couples, notamment transparentaux. L'obstruction opposée à un couple hétéroparental composé d'une femme cisgenre capable de porter son enfant et d'un homme transgenre sont toujours le fait de centres publics, qui refusent sans aucune raison à un couple hétérosexuel le droit d'accéder à l'AMP. Interrogeons-nous sur les pratiques des centres privés et publics plutôt que de fermer la porte à l'AMP, à court et moyen terme, pour nombre de nos concitoyennes ultramarines.
Les uns et les autres ont pu amplement s'exprimer. Je mets donc les amendements aux voix.
L'amendement n° 1553 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 549 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il fait écho à un amendement que j'ai défendu précédemment. Si une personne ne souhaite plus conserver ses gamètes, elle ne doit pas se voir proposer un don qui n'était pas l'objet de la démarche qu'elle avait engagée. L'autoconservation des gamètes proposée aux personnes ne doit pas être détournée vers la constitution de banques de gamètes en vue de leur utilisation pour le parcours de l'AMP de tiers.
Les amendements n° 176 de M. Patrick Hetzel, 379 de M. Xavier Breton, 792 de Mme Anne-Laure Blin et 1238 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
On a bien montré en commission spéciale qu'une réduction drastique de la durée de conservation des gamètes n'était pas envisageable. Avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 1613 n'est pas adopté.
Les amendements n° 1084 de Mme Agnès Thill, 1614 de Mme Blandine Brocard et 550 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Les amendements identiques n° 177 de M. Patrick Hetzel, 380 de M. Xavier Breton, 551 Mme Emmanuelle Ménard, 793 de Mme Anne-Laure Blin, 1152 de M. Thibault Bazin et 1239 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 1615 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 1153 .
La question est dans le droit fil de ce qui vient d'être dit. Nous allons tout doucement vers une marchandisation. La preuve : vous prévoyez la prise en charge par la sécurité sociale des actes afférents au recueil et au prélèvement de gamètes en cas de choix de réaliser une autoconservation de gamètes, ouverte aux femmes et aux hommes, sans aucune raison médicale.
Pouvez-vous nous expliquer, monsieur le rapporteur, pourquoi vous allez dans ce sens si ce n'est pour préparer une marchandisation et progressivement le développement d'une tout autre orientation que celle qui a prévalu jusque-là ? Nous sommes en train de franchir une nouvelle ligne éthique. Quels seront d'ailleurs les tarifs appliqués pour les remboursements ? Vous êtes, nous le voyons bien, en train de préparer le développement d'une activité économique extrêmement lucrative.
Avis défavorable. C'est justement pour éviter toute commercialisation qu'une partie est prise en charge par la solidarité nationale, ce qui évitera des disparités selon les niveaux de ressources. Toutes les conditions sont garanties pour continuer à progresser, à contre-courant de toute commercialisation et de toute marchandisation. Soyez rassurés.
Cet amendement vise à conserver le critère d'infertilité médicalement diagnostiquée comme condition au remboursement de l'AMP et de l'autoconservation des ovocytes par la sécurité sociale. Un remboursement d'un acte médical non thérapeutique ne serait pas justifié puisque la sécurité sociale a pour objet initial la couverture des soins et des risques liés à une maladie. Par ailleurs, ce remboursement de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes et aux femmes seules engendrera un coût conséquent de 200 millions d'euros pour le contribuable, selon l'Agence de la biomédecine. Il convient donc de réserver ce remboursement aux AMP pour infertilité médicalement diagnostiquée.
Avis défavorable. La solidarité nationale, en particulier l'assurance maladie, ne s'occupe pas exclusivement de thérapeutique ni même de soins mais aussi d'actions de prévention, de dépistage, de vaccination, d'IVG (interruption volontaire de grossesse), ainsi que de cette action de prévention que peut représenter l'autoconservation. Ce serait une discrimination que de l'accepter pour certaines femmes et non pour d'autres.
L'amendement n° 1086 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Les amendements identiques n° 178 de M. Patrick Hetzel, 381 de M. Xavier Breton, 794 de Mme Anne-Laure Blin et 1241 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Je suis saisi de huit amendements, n° 329 , 1617 , 179 , 382 , 795 , 1242 , 1192 et 1195 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 179 , 382 , 795 et 1242 , d'une part, ainsi que les amendements n° 1192 et 1195 , d'autre part, sont identiques.
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir l'amendement n° 329 .
Cet amendement propose de réintroduire une disposition fort importante, initialement introduite par l'Assemblée et finalement abandonnée par notre commission spéciale en nouvelle lecture : l'interdiction formelle d'importation de gamètes, sous quelque forme que ce soit, pour les entreprises commerciales ainsi que pour les particuliers.
Il nous paraît nécessaire d'affirmer cette interdiction à cet endroit du texte qui traite de l'autoconservation des gamètes, en précisant particulièrement l'interdiction à l'égard des entreprises commerciales et des particuliers. En effet, des entreprises privées basées à l'étranger, spécialisées dans la vente de gamètes, développent leur activité en France en contravention avec tous les fondamentaux de nos règles éthiques. Ces entreprises s'adressent tant à des entreprises basées sur notre territoire qu'à des particuliers.
La parole est à Mme Blandine Brocard, pour soutenir l'amendement n° 1617 .
La rédaction que nous avons adoptée en première lecture interdisait strictement l'import ou l'export de gamètes à titre commercial. Alors que nous disions que l'importation et l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux issus du corps ne pouvaient être effectuées à titre commercial, notre rédaction prévoit aujourd'hui que l'importation et l'exportation « sont exclusivement destinées à permettre la poursuite d'un projet parental par la voie d'une assistance médicale » : cela signifie que l'importation et l'exportation peuvent être réalisées à titre commercial lorsque la finalité est non une finalité commerciale mais un parcours d'AMP. Cette formulation autorise donc l'importation de gamètes achetés à l'étranger.
Des entreprises privées basées à l'étranger et qui sont spécialisés dans la vente de gamètes développent leurs activités en France en totale contravention avec tous les fondements de notre droit bioéthique, notamment en termes d'anonymat et de gratuité. Ces entreprises s'adressent tant à des entreprises basées sur notre territoire qu'à des particuliers, raison pour laquelle nous défendons ces amendements. Encore une fois, monsieur le rapporteur, que comptez-vous faire pour éviter les dérives en termes de marchandisation du corps humain ?
De toute évidence, vous n'apportez pas de réponses. Il y a là une alerte majeure, c'est une ligne rouge éthique que vous êtes une nouvelle fois en train de franchir allègrement, sans même, je le répète, apporter la moindre réponse.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Soyez satisfaits, c'est dans le texte de loi, à l'alinéa 27. Cet alinéa, qui a été rédigé par nous tous conjointement avec le Sénat, est plus disant et fait reculer des risques que vous n'avez pas prévus dans vos amendements, puisqu'il prévoit que l'ensemble des mouvements transfrontaliers de gamètes se font « à l'exclusion de toute finalité commerciale ».
Cette disposition est à la fois plus précise et plus englobante que celle que vous avez adoptée en première lecture. Elle inclut en particulier une disposition relative à l'exportation de gamètes qui manque dans la plupart de vos amendements. Plutôt que de fragiliser le dispositif en adoptant l'un ou l'autre, je vous propose de les retirer et de maintenir le texte qui inclut l'interdiction de tout mouvement transfrontières de gamètes ayant une finalité commerciale.
Même avis pour les mêmes raisons.
Si vous maintenez la rédaction actuelle, des décisions seront prises pour exporter des gamètes afin de poursuivre éventuellement une AMP à l'étranger et, quand on aura constaté que c'est possible à l'étranger, on l'étendra en France. Votre rédaction est extrêmement sioux, mais il y a là un vrai danger. Je le dénonce solennellement : c'est un cheval de Troie pour ce genre de choses en effet de retour.
M. Marc Le Fur applaudit.
Monsieur Hetzel, relisez les textes. Votre amendement ne prévoit pas suffisamment l'interdiction d'exportation vers d'autres pays. Le texte de la loi, pensé conjointement entre le Sénat et l'Assemblée nationale, permet d'exclure non seulement l'importation mais aussi l'exportation ; il offre donc une bien meilleure garantie. N'essayez pas de fragiliser notre position pour éviter une commercialisation. N'ouvrez pas des portes quand nous voulons nous protéger d'une commercialisation transfrontalière. Rejoignez-nous et retirez vos amendements.
L'amendement n° 1554 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 126
Nombre de suffrages exprimés 118
Majorité absolue 60
Pour l'adoption 83
Contre 35
L'article 2, amendé, est adopté.
Cet article 2 bis nous offre certes une occasion de nous réjouir, puisque le Parlement introduit la prévention de l'infertilité dans ce projet de loi, mais il est aussi symptomatique : il faut un projet de loi de bioéthique pour qu'un plan de prévention sur le sujet soit demandé. Ce plan aurait-il pu être intégré au Plan national de santé publique ? L'élaboration des termes de celui-ci, de ses mesures et de ses actions reste encore trop souvent inconnue.
Pourquoi l'infertilité n'est-elle pas intégrée dans le Plan national de santé publique ? Pourquoi des priorités sont-elles à l'agenda, quand d'autres ne le sont pas ? Quels moyens seront alloués à ce plan de prévention dans le cadre du Plan national de santé publique ? Autant de questions relatives à la construction et au pilotage de notre politique de prévention, qui restent posées.
Nous sommes néanmoins sur le bon chemin puisque, je me permets de le redire et de m'en réjouir, la prévention est bien inscrite maintenant comme un des piliers de notre stratégie nationale de santé.
Cet amendement a pour objectif de compléter l'article 2 bis en écrivant que la recherche sur les causes de l'infertilité, l'organisation de la prévention et la mise au point de réelles thérapies de restauration de la fertilité sont une priorité nationale.
Les amendements identiques n° 1088 de Mme Agnès Thill et 1134 de M. Xavier Breton sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Avis défavorable car cette rédaction est plus déclarative, moins précise et moins opérationnelle que celle du texte de la loi.
Les amendements identiques n° 181 de M. Patrick Hetzel, 384 de M. Xavier Breton et 1243 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques n° 180 de M. Patrick Hetzel, 383 de M. Xavier Breton, 596 de M. Philippe Gosselin, 796 de Mme Anne-Laure Blin et 1245 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques n° 1087 de M. Pascal Brindeau et 1514 de M. Julien Ravier sont défendus.
Depuis le début de l'examen de ce projet de loi, nous sommes nombreux à demander à ce que des recherches soient menées sur les causes de l'infertilité pour mieux la prévenir et lutter contre celle-ci. Le groupe Libertés et territoires appelle également à favoriser une meilleure information des hommes et des femmes quant aux enjeux liés à la fertilité et à la procréation, dès le plus jeune âge, mais également tout au long de la vie. Après les dispositions adoptées en première lecture et rétablies en deuxième et en nouvelle lecture, cet amendement propose d'ajouter dans le projet de loi que la fertilité féminine et masculine fera également l'objet de séances d'information et d'éducation dans les collèges et les lycées.
Vous avez raison, madame Pinel, l'information et l'éducation de la jeunesse française, non seulement sur l'infertilité, mais aussi sur la sexualité et, plus largement, sur la santé sexuelle, sont insuffisantes. Elles sont cependant déjà prévues par la loi. C'est la raison pour laquelle la commission spéciale a émis un avis défavorable sur votre amendement. Le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports doit théoriquement organiser des séances d'information et d'éducation sur ces sujets en coordination avec le ministère des solidarités et de la santé. M. le secrétaire d'État nous confirmera sans doute dans quelques instants qu'il en est bien ainsi.
Sachez que j'attache comme vous une grande importance à l'information des jeunes, avant qu'ils soient en situation de procréer, sur leur santé sexuelle, leur sexualité, la protection face à certaines maladies et la réflexion nécessaire, autant chez les garçons que chez les filles, dès le plus jeune âge, sur leur avenir procréatif. Je partage donc pleinement votre intention, madame Pinel, mais ce n'est pas tant une disposition dans un article de loi qui manque pour le moment, que l'application des dispositions déjà existantes. J'en appelle donc au représentant du Gouvernement ici présent afin qu'il plaide auprès des deux ministères concernés pour une réelle application des textes.
Avis défavorable pour les mêmes raisons. Je confirme que cette question est actuellement examinée par le Gouvernement. Sachez, par ailleurs, s'agissant des cours de sensibilisation à la vie affective et sexuelle, que nous avons lancé, avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, et Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances, une mission d'évaluation et d'audit en vue de mieux sensibiliser les enfants aux violences, notamment sexuelles, dont ils peuvent être victimes. Cette réflexion participe de la même démarche que celle à laquelle vous nous invitez, tout comme d'ailleurs la stratégie que nous avons initiée en matière de lutte contre les perturbateurs endocriniens. Ces différentes questions sont en cours d'évaluation et d'élaboration, et s'inscrivent dans la même logique que l'amendement.
L'amendement n° 331 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté.
C'est en plaçant l'intérêt de l'enfant au centre de nos préoccupations que ce projet de loi organise un changement de paradigme essentiel au sujet de l'accès aux origines. En effet, l'évolution du régime de l'accès aux origines pour les personnes majeures nées d'une assistance médicale à la procréation est l'une des plus grandes avancées portées par le texte.
Comme beaucoup, je considère que la recherche des origines et la levée du secret font partie intégrante de la construction et de la réalisation d'une personne. Il ne s'agit pas d'instaurer un droit à la rencontre, mais de permettre à ceux qui le désirent de lever le voile sur une partie de leur identité à leur majorité. Tel est l'objectif de l'article 3 relatif aux droits des personnes nées d'une AMP avec tiers donneur, qui traduit la possibilité pour ces enfants devenus majeurs d'accéder à certaines données non identifiantes du donneur. Cet article, en rétablissant la rédaction adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, ménage l'équilibre entre le droit d'accès aux origines personnelles et l'anonymat du donneur.
Il est en effet important de rappeler que la levée de l'anonymat est partielle et non totale, et qu'elle sera également strictement réalisée au bénéfice de l'enfant devenu adulte. Il s'agit de mettre en place un dispositif qui n'inflige ni violence, ni intrusion aux donneurs et à leur famille. L'homme est depuis toujours taraudé par la question de ses origines. Interdire cette connaissance à certains sous prétexte qu'ils ont été conçus à l'aide d'une AMP n'est tout simplement pas acceptable. Bien au contraire, il est essentiel de permettre aux personnes majeures issues d'une AMP qui le souhaitent d'avoir enfin accès à leur récit génétique, qui servira à renforcer la base de leur construction personnelle, étape nécessaire pour élaborer puis réaliser un projet de vie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'article 3 du projet de loi répond enfin favorablement à une demande constante des enfants devenus adultes nés d'une AMP avec tiers donneur : le droit d'accéder aux données non identifiantes et à l'identité de leur donneur au moment de leur majorité. Après des décennies de secret organisé, il était grand temps que cesse cette injustice, laquelle prend fin aujourd'hui grâce au texte. Alors que ce retard est désormais rattrapé, une autre question se pose cependant : celle de l'accès aux origines pour les enfants ayant atteint l'âge de 15 ans, c'est-à-dire l'âge de la majorité sexuelle, voire de 17 ans, l'âge pris en compte pour le don du sang. Cette étape a été franchie dans d'autres pays européens : en Allemagne à partir de 16 ans et en Autriche à partir de 14 ans, un enfant peut accéder aux informations non identifiantes du donneur. Je défendrai une nouvelle fois un amendement en vue d'autoriser l'accès aux origines pour les enfants à partir de 15 ans.
Soyons clairs : la levée de l'anonymat des donneurs ne changera en rien la filiation de l'enfant. Le donneur ne deviendra jamais le parent de l'enfant au sens juridique. Il n'aura aucune obligation d'aucune sorte à son égard, et réciproquement. Il s'agit d'une question d'égalité des droits de tous les enfants. L'accès aux origines, notion désormais parfaitement distinguée de la filiation par la Cour européenne des droits de l'homme, est un droit fondamental. Il se base sur l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui affirme la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant. Rétablir le droit d'accès aux origines pour les enfants nés d'AMP, c'est comprendre qu'il est naturel de vouloir connaître son ascendance génétique, ne serait-ce que pour des raisons médicales et psychologiques, essentielles pour se construire. C'est aussi valoriser l'acte de pure solidarité du donneur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'article 3 consacre une avancée majeure, considérable, avec l'inscription dans la loi d'un droit d'accès aux origines reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme. Pour rappel, la France eût été condamnée si elle n'avait pas avancé sur le sujet à la suite du recours déposé par des enfants nés d'une insémination artificielle avec donneur (IAD), parmi lesquels Audrey Kermalvezen.
Dans les faits, il faut bien reconnaître que les tests génétiques ont déjà rendu cet accès effectif, à défaut d'être légal, pour les personnes issues du don. Alors que nous sortons de cinquante ans d'hypocrisie et de mensonge quasi institutionnalisés, nous devons maintenant nous battre pour qu'un récit de vérité soit construit par les parents avec leur enfant au sein de la famille. C'est la raison pour laquelle le groupe Mouvement démocrates (MODEM) et démocrates apparentés défendra un amendement, déjà adopté par l'Assemblée en deuxième lecture, soutenu par Mme la rapporteure Coralie Dubost et par de nombreux groupes, visant à permettre aux responsables de l'enfant de disposer de quelques éléments non identifiants relatifs au donneur afin d'être incités à partager plus volontiers qu'ils ne le font aujourd'hui – il est si facile de ne rien dire… – l'histoire de sa conception avec leur enfant et de répondre ainsi à sa potentielle souffrance. Nous devons sortir pour de bon de la honte et du tabou dans l'intérêt de tous, et d'abord des personnes issues du don.
L'amendement n° 1025 de Mme Emmanuelle Ménard, qui tend à supprimer l'article 3, est défendu.
La parole est à Mme Coralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l'avis de la commission.
L'amendement n° 1025 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Chers collègues, je vous invite à un peu plus de prudence dans vos propos ! Vous parlez de mensonge et de honte, mais des centaines de milliers de familles ont choisi de garder le secret. Vous ne cessez de nous appeler à ne pas stigmatiser certaines familles, mais n'est-ce pas précisément ce que vous faites en jugeant les familles qui ont cru bien faire, au regard de la législation existante, en conservant le secret sur les origines de leur enfant ? Que ressentent ceux qui ont fait ce choix en vous entendant ? Ils doivent être profondément meurtris.
Révéler l'AMP avec tiers donneur, laisser à l'enfant le choix de connaître plus tard ses origines ou ne rien dire : le choix est difficile pour les familles. Je suis donc surpris, même choqué, par le ton péremptoire avec lequel vous défendez votre position, bien qu'il soit dans l'esprit de vos interventions de cet après-midi. Vous prétendez être guidés uniquement par l'intérêt supérieur de l'enfant, mais qui le définit ? Ce n'est certainement pas nous dans cette assemblée.
Soyez plus modestes, chers collègues ! Nous participons sans doute à la définition de l'intérêt supérieur de l'enfant, mais les parents aussi, ainsi que la société au quotidien. Quelle prétention est la vôtre quand vous montrez du doigt des familles qui ont cru bien faire et qui vivent une situation difficile ! Vous nous donnez des leçons à longueur de temps, mais c'est vous qui stigmatisez les familles et qui instruisez des procès !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Les amendements n° 798 de Mme Anne-Laure Blin et 1248 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Je veux répondre à la fois à M. Breton et à Mme Bannier en leur disant qu'ils ont en réalité raison tous les deux et qu'ils se sont mal compris. Je ne crois pas que Mme Bannier cherche à jeter l'opprobre sur les parents quand elle évoque le mensonge et le secret organisés pendant de nombreuses décennies en France autour de l'origine de la naissance des enfants issus de l'AMP avec tiers donneur. Ce dont elle parle, c'est de l'institutionnalisation du mensonge, c'est du secret organisé par l'État et inscrit dans le code civil.
Sans vouloir déformer vos propos, madame Bannier, il me semble que nous partageons ce soir la même fierté de permettre, par ce texte, que l'État cesse de stigmatiser les familles en leur imposant le déni. Nous avons la volonté de créer les conditions qui permettront aux familles de choisir de parler sans gêne. Le regard que la société porte sur elles, les propos que nous tenons dans cet hémicycle, les textes que nous adoptons et les mots que les médecins leur confieront pendant leur parcours les aideront, ou non, à confier à leur enfant le récit de ses origines personnelles.
Il est donc bien évident qu'aucun parent n'est jamais mis en cause. Nous assistons simplement à un changement dans la culture de l'État et nous en sommes collectivement très fiers, car nous espérons qu'il apportera beaucoup de bien-être aux familles concernées.
S'agissant de votre amendement, monsieur Breton, qui portait sur les données médicales, il est déjà satisfait, comme les trois autres qui lui sont identiques. Par conséquent, je demande son retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Les amendements identiques n° 182 de M. Patrick Hetzel, 385 de M. Xavier Breton, 797 de Mme Anne-Laure Blin, 1246 de M. Marc Le Fur et 1618 de Mme Blandine Brocard sont défendus.
L'amendement n° 655 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je donne lecture de la rédaction que nous proposons, parce que je trouve qu'elle se suffit à elle-même : « À sa majorité, la personne née d'une assistance médicale à la procréation par recours à un tiers donneur peut consentir à ce que ses informations médicales non identifiantes soient accessibles à tout médecin, pour nécessité médicale, au bénéfice du donneur de gamètes. » On voit bien que cette question médicale est susceptible d'avoir une importance majeure.
Les amendements identiques n° 387 de M. Xavier Breton, 799 de Mme Anne-Laure Blin et 1249 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous pensons, monsieur Hetzel, que votre demande est satisfaite puisque le médecin peut quant à lui avoir accès à ces informations en cas de nécessité médicale – et non thérapeutique, nous avons conduit une amélioration sur ce point ; si nécessaire, il pourra les transmettre à l'enfant issu de dons. Compte tenu du secret médical et de la sensibilité de certaines pathologies, nous pensons qu'il faut laisser le médecin apprécier la situation et ne pas multiplier le nombre de personnes étant susceptibles de transférer ces données. Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 1089 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 1474 .
Nous avons déjà eu l'occasion de débattre à plusieurs reprises de la levée de l'anonymat du don et mon avis est déjà connu sur ce sujet. Je comprends la demande émanant de certains enfants, qui souhaiteraient connaître l'identité du tiers donneur ; en même temps, cela remettrait en cause la philosophie du don telle que nous la connaissons dans notre pays, ses fondements et la manière dont elle s'est structurée. Je m'interroge donc sur la décision que nous sommes en train de prendre en la matière, qui tend à rebiologiser la filiation.
D'ailleurs, certains des opposants à l'AMP ne s'y sont pas trompés puisqu'ils ont eux-mêmes défendu la levée de l'anonymat. Nous sommes en train de créer une sorte de lien social entre le donneur et l'enfant ; cela me semble aller à contre-courant de ce que devraient être la philosophie de ce texte et la conception de la bioéthique que nous défendons. Il y a là à mon sens une incohérence et c'est pour cette raison que j'ai déposé l'amendement.
Je tiens à répondre à M. Dharréville car je connais la sincérité de son engagement, même si nos points de vue diffèrent. Je pense que son intervention reflète une partie des inquiétudes de la société, dues à ce qui a été précédemment expliqué, à savoir ces décennies au cours desquelles le secret a été organisé comme s'il existait une forme de honte. Or il ne doit y avoir aucune honte…
…ni pour les parents ni pour les enfants ni pour les donneurs ni pour personne. Je veux ensuite vous rassurer sur la filiation, puisque vous l'avez évoquée, même si elle est traitée à l'article suivant : il n'y aura jamais de filiation entre le donneur et l'enfant.
Il n'y a pas de confusion : le donneur n'est jamais le père, mes collègues l'ont dit et nous l'avons répété au cours des différentes lectures. À partir du moment où il n'y a pas de confusion, il n'y a pas non plus de difficulté à garantir une transparence pour l'enfant – et non vis-à-vis de la société.
Il faut d'ailleurs que nous soyons prudents : nous ne levons pas le principe de l'anonymat du don, qui reste anonyme, invisible au regard de la société et des parents. Au moment où ils entrent dans le processus d'AMP, ceux-ci ne savent pas qui est le donneur. Le principe de l'anonymat du don est donc maintenu dans notre code civil et respecté dans les processus d'AMP.
En revanche, l'enfant qui est issu de ce don – il en est le fruit mais n'est pas lui-même receveur – a des droits qui lui sont propres ; il n'a pour sa part pas choisi cette situation et il peut dans certains cas avoir besoin d'un récit génétique – pas toujours, certains nous ont dit qu'ils n'en avaient pas besoin mais ce n'est pas le cas de tous. Pour ceux qui en ont besoin, donc, l'option est ouverte puisqu'elle a déjà été reconnue par la Cour européenne des droits de l'homme – cela a été dit – mais aussi par le Conseil constitutionnel comme étant d'un intérêt vital dans la construction d'un récit personnel. Demande de retrait ou avis défavorable.
Même avis.
Je remercie Mme la rapporteure pour sa réponse et lui confirme qu'il n'y a en effet aucune honte à avoir. Ce n'est pas le sujet et je ne crois d'ailleurs pas que mes propos aient pu donner ce sentiment. C'est donc pour cela que je propose d'assumer que l'enfant issu d'un don résulte d'un projet parental tel qu'il est défini dans la loi, et que sa conception est tout à fait dans l'ordre des choses. Pour le reste, le débat a déjà eu lieu et mes opinions sont connues.
L'amendement n° 1474 n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 185 de M. Patrick Hetzel, 388 de M. Xavier Breton, 800 de Mme Anne-Laure Blin, 1154 de M. Thibault Bazin, 1250 de M. Marc Le Fur et 1619 de Mme Blandine Brocard ainsi que le n° 657 de Mme Emmanuelle Ménard, qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune, sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable.
L'amendement n° 657 n'est pas adopté.
Les amendements n° 186 de M. Patrick Hetzel, 389 de M. Xavier Breton, 801 Mme Anne-Laure Blin et 1251 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 638 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de huit amendements n° 1091 , 641 , 642 , 640 , 1092 , 668 , 639 et 1582 pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
Les amendements n° 1091 de Mme Agnès Thill, 641, 642 et 640 de Mme Emmanuelle Ménard, 1092 de Mme Agnès Thill, et 668 et 639 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l'amendement n° 1582 .
J'en ai parlé tout à l'heure. Si un mineur peut s'émanciper à 16 ans et donner son sang à 17, pourquoi ne pas lui permettre d'accéder aux données non identifiantes du tiers donneur dès l'âge de 16 ans ? J'ai déjà abordé ce sujet à plusieurs reprises : un mineur de 16 ans est capable de faire des choix seul, notamment concernant sa santé. Le médecin a accès aux données non identifiantes ; quand le mineur se rend seul chez lui, pourquoi ne pourrait-il pas avoir connaissance de ces informations ?
Nos voisins européens, que j'ai cités tout à l'heure, ont accordé ce droit aux mineurs, parfois à 16 ans, parfois même à 14. Il me semble que c'est le bon moment pour que nous en fassions autant, étant entendu que nous n'aurons plus l'occasion d'y revenir avant cinq ans ; on peut considérer qu'un jeune de 16 ans en construction dispose de la maturité requise pour accéder à ces informations.
Madame Provendier, nous avons déjà longuement débattu de l'âge à partir duquel l'enfant pourra avoir accès aux données non identifiantes et identifiantes. Vous le voyez, c'est la première fois dans l'histoire de l'AMP qu'un gouvernement défend l'avancée consistant à donner aux enfants issus d'une IAD un accès à leurs origines personnelles ; cela provoque encore quelques secousses culturelles – nous venons d'en discuter, certains devant encore s'habituer à une telle notion.
Par conséquent, nous pensons que dans un premier temps, 18 ans est l'âge adéquat ; c'est l'âge qui est globalement reconnu comme celui de la maturité et de la responsabilité, celui auquel on est capable d'absorber l'ensemble des informations qui nous arrivent. Cela étant, nous verrons avec le temps, plus tard, dans d'autres lois de bioéthique, si cette limite d'âge peut évoluer. Mais à ce jour, pour une première fois, c'est celle qui nous semble la plus raisonnable.
Même avis que la rapporteure, dans la lignée des arguments déjà développés. Par ailleurs, si l'on considère l'âge de 18 ans comme celui de la maturité, celui auquel on peut commencer à appréhender ce type de questions, le mineur émancipé pourra avoir accès dès 16 ans à toutes ces informations.
J'ajoute qu'il s'agit d'un droit nouveau et qu'il faut peut-être l'introduire par étapes. Cela n'empêche pas que l'enfant ait accès au récit de ses origines par ses parents. Il en était déjà question à l'article 1er et nous allons encore en discuter lors de l'examen des amendements suivants. Alors que ce sujet a été largement dépassionné, devenant probablement moins tabou qu'il ne l'était pendant des décennies, tout va être fait – tout doit être fait – pour que la culture du secret qui a prévalu – sans porter aucun jugement sur les parents qui ont été confrontés à des situations individuelles pas toujours simples – puisse laisser place à la construction de l'identité de l'enfant, en lui donnant accès le plus tôt possible, quand il est prêt et quand ses parents le sont, au récit de ses origines.
Mon amendement n° 1091 vise en effet à supprimer le critère de majorité pour accéder aux données à la fois identifiantes et non identifiantes du donneur. Ne pas lever l'anonymat total des donneurs aurait pour effet de rassurer les couples ou les femmes seules recevant les gamètes, ainsi que les donneurs. Les contrats qu'ils signeraient l'emporteraient sur les préoccupations identitaires de l'enfant ainsi conçu, dont les droits resteraient subordonnés à la volonté d'adultes.
Les enfants issus de dons oseraient-ils demander plus, et revendiquer les mêmes droits que les autres enfants ? La réponse qui leur serait donnée serait toujours la même : « Vous êtes en vie grâce à l'AMP, votre seul droit est d'en être reconnaissants et de nous en remercier. »
Par son chapitre Ier autorisant l'AMP pour toutes, le projet de loi relatif à la bioéthique augmente les situations de violation objective des droits de l'enfant. Par son chapitre II, il console les enfants une fois nés en leur promettant qu'ils auront peut-être accès à l'identité de leur père biologique lorsqu'ils auront atteint l'âge de 18 ans. Certains connaîtront cet homme et d'autres non, sans qu'aucune égalité soit garantie entre enfants.
Enfin, l'alinéa 10 de l'article 3, que vise le présent amendement, méprise leur quête d'origines jusqu'à ce qu'ils aient 18 ans, puis, une fois atteinte la majorité, il fait dépendre leurs droits du bon vouloir d'un tiers. C'est contraire aux principes mêmes de toutes les conventions internationales des droits de l'homme, qui font reposer ces derniers sur la dignité humaine et non sur la volonté d'un autre.
Je suis favorable à l'amendement visant à permettre d'accéder à 16 ans aux données non identifiantes. Je vais prendre un exemple concret : si le jeune se rend compte, en cours de SVT – sciences et vie de la Terre –, qu'il existe un problème de compatibilité des groupes sanguins, il risque d'apprendre la vérité sur ses origines. Si on ne lui a jamais rien dit, cela peut être assez violent.
Je suis frappé de la manière dont les débats se déroulent : il semblerait que selon la majorité, rien n'allait avant qu'elle ne vienne nous faire découvrir la lumière et que tout soit parfait. Je voudrais simplement vous faire la lecture d'un petit extrait des propos qui ont été tenus dans cet hémicycle en 1994. Le législateur avait alors décidé de transposer au don de gamètes le régime élaboré pour les dons du sang et d'organes, pour lesquels l'anonymat est conçu comme le corollaire ou le prolongement des principes de gratuité et plus encore de non-patrimonialité des éléments du corps humain.
Jean-François Mattei résumait ici même le dilemme sur l'accès aux origines : « Ni l'une ni l'autre solution n'est bonne : si nous nous en tenons à la règle de l'anonymat, il est clair que nous prenons le risque d'une quête d'identité chez l'adolescent ; si, inversement, on lève l'anonymat, on remplace sa quête identitaire par l'ambiguïté d'une référence identitaire et, au lieu de régler le problème, on lui en substitue un autre qui est tout aussi grave. »
Il est incroyable que vous essayiez de nous vendre un monde meilleur où tout irait à sens unique. En changeant de paradigme comme vous voulez le faire, vous allez créer de nouveaux problèmes, mais vous faites comme si ceux-ci n'existaient pas. Dès 1994, le législateur s'était posé cette question et avait insisté sur le fait que le monde n'était pas binaire. Aujourd'hui, nous en sommes manifestement très loin.
Si j'ai bien compris, monsieur le secrétaire d'État, un mineur émancipé de 16 ans pourra avoir accès aux informations non identifiantes du donneur, du fait de son émancipation. Tout en saluant une fois de plus cette avancée majeure dont nous pouvons tous nous réjouir, je regrette le fait que les jeunes de 16 ans devront attendre encore longtemps avant d'avoir accès à leurs origines, contrairement à ceux d'autres pays. Même si j'entends parfaitement votre argumentation, je ne vais pas retirer mon amendement qui est le reflet de mes convictions.
De nos précédents échanges, il ressort que l'accès à l'identité – un point particulier de l'accès aux origines, qui ne se résume pas à l'accès aux données non identifiantes – nous plonge dans de nombreux paradoxes. Sans reprendre les propos de notre collègue Pierre Dharréville, je dirais que le sujet soulève de réelles questions.
Quant au présent amendement, il propose, comme le recommande le Conseil d'État, que le tiers donneur donne son consentement à l'accès à son identité au moment de la demande de l'enfant devenu majeur et non au moment du don.
Cette modification est proposée pour trois raisons principales.
Première raison : les conséquences sur le don de gamètes que pourrait avoir l'actuelle rédaction de l'article, même si le coup de frein prévisible pourrait être compensé ensuite de différentes manières qu'il convient de regarder de près.
Deuxième raison : la nécessité de mieux prendre en compte le droit à la vie privée et familiale du donneur. Quand le donneur est jeune, il ne sait pas quelle sera sa vie dans dix, quinze ou vingt ans. Comme le recommande le Conseil d'État, il nous paraît nécessaire de veiller au droit et à la liberté du donneur de permettre ou non l'accès à son identité au moment de la majorité de l'enfant.
Troisième raison : le consentement du donneur apparaît plus à même d'être éclairé au moment de la demande de l'enfant devenu majeur qu'au moment du don.
L'amendement n° 1090 de Mme Valérie Six est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Madame Tamarelle-Verhaeghe, j'entends votre demande et votre argumentation. Il me semble néanmoins que si nous en revenions au principe, adopté par le Sénat, de double consentement pour certains donneurs, et strictement sur la question de la transmission des données identifiantes, cela reviendrait à créer une situation de grande inégalité et d'inéquité entre les enfants issus de procréation médicalement assistée (PMA). Certains pourraient avoir accès aux données non identifiantes et aux données identifiantes des donneurs à leur majorité, tandis que d'autres pourraient se voir opposer un refus. Il est inenvisageable de placer les enfants en situation d'inégalité.
En outre, pour les donneurs qui viendront après la promulgation de ce texte, tout sera parfaitement clair : ils seront avertis ; personne n'agira sous la contrainte ; ce sera un choix. Peut-être avez-vous déjà commencé à discuter des effets du projet de loi dans votre entourage. Pour ma part, j'ai déjà eu des réactions. Plusieurs personnes m'ont expliqué qu'elles avaient pris conscience du besoin de dons en France à la faveur des débats autour de ce texte, et qu'elles iraient volontiers donner sous le régime de la levée partielle de l'anonymat au bénéfice de l'enfant. Il n'y a donc pas de craintes spécifiques à avoir ni à vouloir mettre des verrous particuliers. Nous sommes au contraire dans une phase d'ouverture où tous les acteurs sont avertis et en confiance. C'est pourquoi je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis. La mesure que vous proposez ne serait pas seulement inégalitaire, elle poserait des problèmes concernant la construction de l'enfant. Imaginez l'enfant qui pense avoir accès à ses origines quand il sera majeur et qui, le moment venu, se verra opposer un refus. Pendant toute son enfance et son adolescence, il aura eu cette perspective qui aura contribué à la construction de son récit et de son identité et, le moment venu, on lui claquera la porte au nez. Gardons le régime que nous avons initialement conçu.
Les amendements n° 643 de Mme Emmanuelle Ménard, 1620 de Mme Blandine Brocard, 601 de M. Philippe Gosselin et 674 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
L'amendement n° 1531 de Mme Coralie Dubost, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement n° 1531 , accepté par le Gouvernement, est adopté. En conséquence, l'amendement n° 672 , les amendements identiques n° 191 , 394 , 805 et 1257 , les amendements identiques n° 187 , 390 , 669 , 802 , 1155 et 1252 , les amendements n° 675 et 1621 et les amendements identiques n° 188 , 391 , 803 et 1254 , tombent.
L'amendement n° 649 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les expériences relatées à l'étranger montrent qu'une fois le donneur décédé, les membres de sa famille cherchent à s'opposer à la levée de l'anonymat. Nous proposons donc de préciser que les membres de sa famille ne peuvent s'y opposer, afin d'éviter des procédures judiciaires.
Certains de nos amendements étant tombés, j'aimerais revenir sur l'un des problèmes posés par la rédaction actuelle de l'article : vous allez créer une discrimination entre deux types d'enfants – les uns auront accès aux données identifiantes du donneur à leur majorité tandis que les autres en seront privés.
Mais non ! Il faut lire le texte, monsieur Hetzel : c'est l'inverse !
Les amendements identiques n° 393 de M. Xavier Breton, 605 de M. Philippe Gosselin, 645 de Mme Emmanuelle Ménard, 804 de Mme Anne-Laure Blin et 1256 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Tout d'abord, monsieur Hetzel, je vais vous répondre sur l'amendement que vous avez présenté, en évoquant des cas étrangers où des familles saisissent la justice pour s'opposer à la communication de certaines informations. Vous parlez de pays où, précisément, le droit civil n'interdit pas la filiation entre le donneur et l'enfant issu de l'AMP. Dans ces États, l'oubli de cet aspect fondamental peut en effet être source de contentieux. Ce n'est pas le cas en France où la législation est stabilisée depuis 1994. Nous maintenons et réaffirmons cette interdiction, ce qui fait qu'il n'y a pas de confusion.
Pour ce qui concerne la discrimination, si les trois lectures du texte ont été très utiles, elles n'en paraissent pas moins encore insuffisantes puisque semble subsister une incompréhension : à leur majorité, tous les enfants auront accès aux informations non identifiantes et identifiantes. S'ils le veulent, ils pourront ne consulter que des informations non identifiantes. Ce sera à eux de choisir. On ne leur donnera pas un « package » de données non identifiantes et identifiantes, mais on les laissera choisir selon leurs besoins. Il n'y a pas d'inégalité, bien au contraire.
Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Même avis pour les mêmes raisons.
Madame la rapporteure, je m'étonne de vous entendre expliquer que l'amendement n'est pas nécessaire parce qu'il vise à corriger des situations qui existent à l'étranger mais que nous ne verrons pas en France. Comment pouvez-vous nous garantir que la jurisprudence n'évoluera pas ? Je vous trouve très présomptueuse d'émettre de telles affirmations sur la jurisprudence. Je vous vois feuilleter le code civil – ce qui est une bonne chose –, mais vous nous dites que certains points sont liés à des éléments de jurisprudence à venir. Comment pouvez-vous savoir ce qu'elle sera ? Quand nous évoquions la situation de ces enfants, une fois parvenus à leur majorité, vous avez été tout aussi affirmative concernant la jurisprudence à venir. Or personne ne peut affirmer avec certitude ce que sera cette jurisprudence. En tant que législateurs, nous devons donc anticiper et être le plus clairs possible pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté.
Je vous sens obstiné mais très désireux d'entendre lire le code civil, même si vous semblez le trouver insuffisant puisque vous pensez que les juges vont se prononcer contra legem, ce qui est un peu audacieux.
Lisons l'article 311-19 du code civil en vigueur : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l'encontre du donneur. » Le code civil est particulièrement clair. Je vous invite à lire aussi la jurisprudence de Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, qui ne fait que confirmer ces éléments du code civil, proscrivant également – elle s'est déjà prononcée sur le sujet – l'établissement judiciaire d'une filiation et les bénéfices afférents. Vous vous doutez bien que ce sont des histoires d'héritage qui ont conduit aux affaires qui ont émergé à l'étranger.
C'est impossible en France où il n'y a pas de filiation. Vous jetez le trouble et vous vous trompez doublement : la loi est très claire à ce sujet, comme nous ne cessons de le répéter d'un hémicycle à l'autre ; vous supposez que les juges iraient à l'encontre d'une loi de 1994 qui est passée plusieurs fois à l'Assemblée nationale. Quelles intentions prêtez-vous aux juges ? Voulez-vous dire qu'ils ne respecteraient pas la loi ?
C'est ubuesque ! Vous savez bien que cette situation ne peut pas se produire : c'est un principe en droit de la filiation qui est stabilisé et maintenu. Je suis certaine que, même ce soir, les juges nous entendent.
Je suis saisi de huit amendements, n° 1094 de Mme Agnès Thill, 1093 de M. Pascal Brindeau, 193 de M. Patrick Hetzel, 396 de M. Xavier Breton, 816 de Mme Anne-Laure Blin, 1259 de M. Marc Le Fur, 1095 de M. Pascal Brindeau et 1623 de Mme Blandine Brocard, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 193 , 396 , 816 et 1259 , sont identiques.
Tous sont défendus.
Pas du tout ! Il a des conséquences bien plus importantes que s'il n'était que rédactionnel.
Il s'agit bien d'un amendement de cohérence rédactionnelle avec les modifications apportées à l'article 1er .
L'amendement n° 677 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je souhaite évidemment que mon amendement soit adopté et je suis en conséquence défavorable à l'amendement n° 677 .
Même avis.
Il convient de collecter des données médicales objectives et réelles et non subjectives. Elles seront pertinentes après la naissance de l'enfant pour son suivi médical. En effet, il est plus que pertinent de recueillir les antécédents médicaux du donneur et de ses proches parents – par exemple les antécédents de cancers, de diabètes ou de maladies génétiques dans la famille –, tels qu'ils sont déclarés au moment du don.
L'amendement n° 650 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Nous en avons déjà largement débattu : les donneurs sont soumis à toute une batterie d'examens afin qu'ils soient dans le meilleur état de santé possible, et, au moment du don, des éléments sont recueillis pour établir la description générale des données non identifiantes. S'il est par la suite nécessaire d'obtenir d'autres informations, cela passera par le système de remontée d'informations par le médecin, système que nous avons décrit au début de notre discussion.
Je demande le retrait des amendements ; à défaut mon avis sera défavorable.
Le recueil de l'état de santé des donneurs au moment du don est essentiel, mais il est également utile de recueillir, dans le même temps, leurs antécédents médicaux et ceux de leurs proches parents.
L'amendement n° 967 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à exclure des données non identifiantes recueillies au moment du don celles relatives à la situation professionnelle du donneur afin qu'elles ne soient pas communiquées à l'enfant issu du don. Monsieur le secrétaire d'État, lors de l'examen du projet de loi par le Sénat, vous indiquiez à ce sujet que « la situation professionnelle du donneur participe, parmi d'autres éléments, à la connaissance de son contexte de vie ». Je ne suis pas d'accord avec vous.
À mon sens, les informations de cette nature ne présentent pas de réel intérêt pour l'enfant issu du don, en particulier pour expliquer le lien génétique qui lie l'enfant et le donneur. Elles pourraient par ailleurs induire des réactions psychologiques en raison par exemple d'une situation professionnelle atypique du donneur. Il est préférable que l'enfant se développe sans idées préconçues sur ses capacités afin qu'il ait droit à un avenir ouvert.
Nous considérons que la situation professionnelle du donneur constitue un élément du récit dont l'enfant peut avoir besoin pour se construire, un élément de cette identité dite génétique. Nous estimons qu'il n'y a pas de risque de choc psychologique. Depuis que je vous ai entendue, madame la députée, je cherche quelle situation pourrait provoquer un choc psychologique, mais je ne vois pas où pourrait être le danger pour l'enfant. La connaissance d'une histoire professionnelle fait, bien au contraire, partie des éléments d'appropriation d'un récit, d'une histoire et d'une identité. À défaut du retrait de l'amendement, j'y serai défavorable.
Même avis, pour les mêmes raisons.
L'amendement n° 1097 n'est pas adopté.
Je profite de la défense de cet amendement pour poser une question à Mme la rapporteure. En commission spéciale, la semaine dernière, nous avons eu des échanges très intéressants au sujet de la filiation au cours desquels Mme Ménard vous a demandé : « J'avais bien précisé, dans un amendement précédent, que l'établissement de la filiation entre le donneur et l'enfant ne se ferait qu'au cas où l'enfant n'aurait qu'un parent. Où est le problème s'ils sont d'accord tous les deux, l'un pour avoir un père, l'autre pour le devenir ? » Vous lui avez répondu : « J'ai une bonne nouvelle pour vous : le donneur pourra adopter l'enfant. » Il y a bien quelque chose de contradictoire dans vos propos.
Les amendements n° 395 de M. Xavier Breton, 652 de Mme Emmanuelle Ménard, 806 de Mme Anne-Laure Blin et 1258 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements identiques ?
Je crains que M. Hetzel n'ait pas été sensible à mon humour. Les échanges en commission spéciale étaient un peu vifs la semaine dernière et je voulais, en quelque sorte, vous rassurer ; il ne s'agissait évidemment que d'une boutade de juriste. Je vous confirme qu'il n'y aura pas d'établissement de la filiation entre le donneur et l'enfant dans le cadre du titre VII du livre Ier du code civil. Théoriquement et juridiquement, il reste certes possible de l'établir dans le cadre du titre VIII, mais ma remarque n'était, je le répète, qu'une boutade en réponse à la logique que vous exposiez.
Cela ne remet en rien en cause ce que nous avons dit du titre VII et de la filiation liée à l'engendrement qui cause la venue au monde de l'enfant dans le cadre d'un projet parental. L'article 3 est relatif à l'accès aux origines. Il n'y aura pas d'établissement de la filiation dans ce cadre.
L'amendement n° 651 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour soutenir l'amendement n° 968 .
Il vise à permettre au donneur de laisser tout type de données non identifiantes qui lui paraît utile, au moment du recueil de son consentement.
L'amendement n° 968 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1098 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 194 de M. Patrick Hetzel, 397 de M. Xavier Breton, 817 de Mme Anne-Laure Blin et 1260 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Autre série d'amendements identiques : les amendements n° 196 de M. Patrick Hetzel, 398 de M. Xavier Breton, 608 de M. Philippe Gosselin, 679 rectifié de Mme Emmanuelle Ménard, 826 de Mme Anne-Laure Blin et 1262 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques n° 198 de M. Patrick Hetzel, 400 de M. Xavier Breton et 609 de M. Philippe Gosselin sont également défendus.
L'amendement n° 1100 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 1283 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les trois amendements identiques n° 199 de M. Patrick Hetzel, 402 de M. Xavier Breton et 839 de Mme Anne-Laure Blin sont défendus.
Les amendements identiques n° 195 de M. Patrick Hetzel, 401 de M. Xavier Breton et 1278 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Je suis saisi de deux amendements, n° 978 rectifié et 1101 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement n° 978 rectifié .
Je propose de rétablir une disposition adoptée en deuxième lecture par notre assemblée avec le soutien ardent de Mme la rapporteure afin que les parents aient accès aux données non identifiantes durant la minorité de l'enfant issu du don.
Je connais un enfant issu d'une IAD, fils de paysan, qui est biologiquement l'enfant d'un aristocrate. Il ne ressemblait pas beaucoup à son père et si peu à sa mère. On lui a caché son histoire et il a fini par hurler à son père : « Tu n'es pas mon père ! » Cela a duré des années jusqu'à ce que la vérité sorte. Il n'avait en réalité aucun problème avec ses parents ni avec qui que ce soit, il était sage et très bon élève. Il hurlait seulement sur son père qu'il adorait par ailleurs.
Ne croyez-vous pas, monsieur le secrétaire d'État, que quelques éléments concrets sur la couleur de ses yeux ou ses cheveux bouclés, sur ce qui dérangeait cet enfant, eût encouragé la famille à un dialogue dont nous savons en entendant les enfants issus d'IAD que l'absence peut provoquer crises de larmes et des problèmes physiques et psychologiques – anorexie, problèmes digestifs, tentatives de suicide… ? Aujourd'hui, on ne peut plus guère ignorer les travaux de Serge Tisseron sur les effets très négatifs des secrets de famille.
Avec cette disposition, il n'est pas question de politique ; il est question de bon sens. L'amendement ne touche pas à l'anonymat du donneur pendant dix-huit ans ; il est totalement respecté. Il ne change rien à la filiation, en aucun cas. Il permet seulement au récit d'être progressif, car un projet avec tiers donneur n'implique pas uniquement la personne issue du don et le géniteur ou la génitrice, mais également les parents. Les associations de parents comme celles des personnes issues du don soutiennent d'ailleurs l'amendement – je pense à Origines, au collectif BAMP, le blog assistance médicale à la procréation, à Mam'en solo ou à l'AGPL, l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens.
Cette disposition, adoptée par l'Assemblée en deuxième lecture, pose aussi une question de démocratie. Si nous voulons que nos concitoyens aient confiance en la politique, nous devons au moins être cohérents avec nous-mêmes. Hier, madame la rapporteure, vous souteniez cette mesure ; j'attends que vous fassiez de même ce soir !
Murmures sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement n° 1101 de M. Pascal Brindeau est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
J'entends l'énergie contenue dans le message que vous me transmettez, madame Bannier. Parce que nous avons organisé de nombreuses auditions, je sais que derrière votre emphase, il y a la demande de beaucoup d'associations d'enfants issus de dons et de parents passés par une AMP avec tiers donneur. Ces parents souhaitent, au-delà du droit de l'enfant à bénéficier, à sa majorité, de l'accès à des données non identifiantes et identifiantes, avoir le droit d'obtenir des données non identifiantes qui leur permettent de s'approprier le récit génétique pour le transmettre plus facilement à l'enfant.
Dans l'absolu – et c'est pour cela que j'en avais discuté avec vous en deuxième lecture –, je ne trouve pas cette idée absurde, loin de là, et je comprends l'intention consistant à sécuriser le parent. Néanmoins, après de longues discussions dans cet hémicycle, je reconnais que nous sommes en train de créer, au titre II, un droit au bénéfice de l'enfant. Il s'agit d'un droit nouveau qui constitue une petite révolution culturelle, tout de même, comme l'opposition ne cesse de le souligner.
Dans ce contexte, peut-être serait-il plus judicieux de laisser les enfants commencer par s'approprier ce droit. Nous pourrions observer la façon dont cela est vécu et, ensuite, plus tard – comme vous le savez, les lois de bioéthique sont régulièrement révisées –, nous pourrons voir comment les choses évoluent au bénéfice ou non des parents.
Il faut tenir compte de la question soulevée par le secrétaire d'État en deuxième lecture, car nous sommes tenus, en responsabilité, de nous la poser aussi. Dans une famille où tout se passe bien, où les parents sont bienveillants, où s'établit une sécurité relationnelle avec l'enfant dans un climat apaisé, je ne doute pas que ce type de droit améliore la conversation et la relation entre l'enfant et les parents – c'était la raison de mon avis personnel favorable en deuxième lecture.
En revanche, dans les familles traversées de tensions pour une raison ou une autre – cela arrive, et pas seulement en cas d'AMP –,…
C'est vrai !
…de telles informations pourraient être utilisées pour faire pression sur l'enfant, ce qui serait destructeur – c'est la préoccupation qui me retient ce soir.
Si je vous remercie d'avoir nourri le débat, d'avoir fait infuser cette idée auprès de différentes personnes, nous ne sommes pas mûrs pour trancher la question ; de plus, nous devons absolument sécuriser le droit que nous ouvrons pour les enfants concernés.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Sur ce sujet en particulier, je m'adresserai à vous avec une grande humilité, avec un grand respect pour les histoires personnelles de chacun et avec, j'espère, la dignité que ces débats demandent.
Madame Bannier, vous avez raison d'indiquer que votre proposition ne remet pas en cause l'anonymat ou la filiation. Vous vous en souvenez, en deuxième lecture, nous avions déjà eu des débats animés à ce sujet ; nous avons eu l'occasion d'en parler depuis.
Je maintiens la position du Gouvernement, qui donc est aussi la mienne, en tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour plusieurs raisons. Premièrement, comme la rapporteure l'a indiqué, en cas de conflits familiaux – cela arrive –, il faut éviter que l'asymétrie d'information entre parents et enfants ne porte préjudice à ceux-ci ; que les parents n'utilisent les données contre eux. Notre responsabilité – en tout cas la mienne – est de prendre en considération cette possibilité, pour protéger l'enfant, autant que possible.
J'entends bien votre démonstration : il ne s'agit pas de conférer un droit aux parents, mais de participer à la construction de l'identité de l'enfant. Or, en la matière, il faut distinguer entre les informations relatives au mode de conception et celles concernant le donneur.
On a précédemment parlé de dialogue ; eh bien, tout l'objet du nouveau régime d'AMP est de favoriser celui-ci. D'ailleurs, dès l'article 1er , que vous avez adopté tout à l'heure, il est précisé que les médecins de l'équipe d'AMP inciteront « les membres du couple ou la femme non mariée […] à anticiper et à créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité, de ce qu'il est issu d'un don ». Nous devons tout faire pour cela. Ce sera inscrit dans la loi et nous ferons en sorte que les professionnels poussent les parents à renseigner leur enfant sur les conditions de sa conception, avant même sa majorité.
Enfin, le droit que nous créons à l'article 3, qui constitue une avancée majeure, est personnel. Il est attaché à l'enfant et non à ses parents – même si j'entends bien, madame la députée, que vous vous préoccupez ici de la construction de l'enfant.
Je maintiens donc l'avis défavorable formulé en seconde lecture. Ces deux amendements visent à créer une asymétrie d'information au profit des parents, que ceux-ci pourraient utiliser au détriment de leur enfant – je ne le souhaite pas.
Monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, je ne suis pas convaincue par votre argument. Je ne vois pas du tout comment des informations telles que « cheveux blonds, 1 mètre 90, yeux marron » ou « yeux bleus » pourraient faire l'objet d'un conflit avec l'enfant, dans une famille.
Les familles concernées ont eu beaucoup de mal à avoir un enfant ; elles ont dû construire un projet long, difficile. Si un conflit survient, celui-ci risque surtout d'être lié à l'identité de l'enfant ! Comment des informations sur la couleur des yeux et des cheveux poseraient-elles problème ?
Si l'enfant naît avec des cheveux blond platine et une peau claire dans une famille de bruns à la peau basanée, de telles informations non identifiantes permettraient aussi aux parents de mieux comprendre pourquoi leur enfant est ainsi et ne leur ressemble pas. Cet instrument de compréhension doit être donné le plus tôt possible.
Je me réjouis particulièrement d'être présente ce soir pour voter l'article 3, car c'est celui dont je suis le plus fière.
J'entends vos réserves, monsieur le secrétaire d'État. Mais il faut aussi entendre l'ensemble des familles concernées, qui vivent toutes les situations possibles et imaginables, dont celles évoquées par Mme Bannier. Si elles souhaitent accéder à des données non identifiantes avant la majorité de leur enfant, pour l'aider dans sa construction, nous devons prendre en compte ce désir.
Par ailleurs, même si nous avons décidé de ne pas franchir le pas de leur autorisation en France, les tests génétiques à visée généalogique sont aujourd'hui très diffusés. Il est préférable que les familles concernées disposent de données non identifiantes ; sinon, face à des questionnements intenses, elles seront tentées d'envoyer une éprouvette contenant un peu d'ADN aux organismes qui pratiquent ces tests. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a donc cosigné l'amendement n° 978 rectifié .
En seconde lecture, mes collègues et moi-même avons défendu un amendement similaire à ceux-ci et je ne vois pas pourquoi nous ferions autrement aujourd'hui.
Imaginez la panique qu'éprouvent les parents lors de la naissance de l'enfant, ou même avant, quand on les interroge sur les antécédents familiaux de celui-ci, en matière de diabète, de problèmes urinaires, rénaux, et ainsi de suite. En interdisant aux parents d'accéder à ces informations, vous les obligerez à répondre : « Nous ne savons pas ; nous avons eu recours à un donneur ; excusez-nous, papa est infertile. » Imaginez la situation ! Elle sera d'autant plus complexe qu'il s'agira de moments où le bébé n'ira pas bien. Voilà la situation que vous leur ferez vivre !
« Non ! » sur les bancs du groupe LaREM.
Les parents doivent connaître les antécédents médicaux du géniteur de l'enfant. Parmi ceux qui sont parents, sur ces bancs, ceux qui n'ont pas de problème de fertilité le peuvent ; ceux qui doivent recourir à une AMP, non.
L'amendement de Mme Bannier est donc important pour la santé de l'enfant. Nous voterons en sa faveur pour cette raison et pour que les parents n'aient pas à répondre aux médecins : « Nous ne savons pas ; c'est une PMA. » Rendez-vous compte ! Puisque nous votons la loi, dans cet hémicycle, soyons un tant soit peu concrets.
Madame Fiat, soyez rassurée, le médecin aura accès aux données médicales, si bien que les antécédents médicaux du donneur seront connus.
L'amendement de Mme Bannier concerne seulement les données non identifiantes sur les caractéristiques physiques, professionnelles, la motivation du don, et ainsi de suite, qui sont déjà mentionnées dans le projet de loi.
Madame Bannier, j'entends votre demande, mais uniquement dans un cadre familial bienveillant, serein, apaisé. J'ai été très touchée de vous entendre dire que si les relations deviennent conflictuelles dans les familles concernées, ce sera probablement dû au fait que l'enfant est issu d'une IAD. Déculpabilisons ces enfants : les conflits sont nombreux dans les familles et ils n'en sont que rarement voire jamais la cause ; déchargeons-les de cette responsabilité.
Et ce n'est pas en octroyant aux parents l'accès à des informations non identifiantes que l'on garantira la fin des conflits dans les familles, car ceux-ci font partie de leur temps de vie.
Vous dites ne pas comprendre comment ces informations pourraient porter atteinte à l'enfant. Même si je n'aime pas dépeindre des situations désagréables, j'en donnerai un exemple – sans doute bien différent des familles que vous connaissez et pour lesquelles vous avez témoigné –, celui d'une famille comptant un enfant issu d'AMP, dont les parents se déchirent. Il n'y a rien là d'improbable. Imaginez que, pris de colère après une trahison ou une vexation et souhaitant faire mal à son conjoint ou à sa conjointe, l'un des parents utilise les données non identifiantes sur le donneur devant l'enfant, alors que celui-ci ne savait même pas jusque-là qu'il était issu d'une AMP. Ce serait d'une violence terrible !
Les données non identifiantes supposées appartenir à l'histoire de l'enfant et servir à sa construction personnelle deviendraient un outil pour les parents dans le cadre de leur conflit.
C'est pourtant à l'enfant de se les approprier ! C'est d'une telle patrimonialisation de l'information que nous avons longuement discuté avec le secrétaire d'État ; nous nous en préoccupons tous deux.
D'ailleurs, nous nous sommes tous posé la question ici.
J'ai pesé le pour et le contre. Puisque les situations familiales ne sont pas toujours idéales – entre la naissance de l'enfant et ses 18 ans, elles varient souvent –, ces informations risquent d'être instrumentalisées, ne serait-ce que dans une seule famille. Ce serait terrible ; cela desservirait la construction personnelle de l'enfant, à l'inverse de l'objectif poursuivi en ouvrant ce droit.
Même si je comprends votre demande, il nous faut donc poursuivre la réflexion à ce sujet, pour trouver d'autres outils pour mieux accompagner les parents dans l'élaboration de leur récit. Laissons ces informations à l'enfant lui-même, dont c'est le patrimoine, pour qu'il se les approprie.
Voilà qui est très clair !
Rien n'empêche aux parents de donner des informations à leur enfant sur ses origines. Au contraire, j'y suis favorable, c'est prévu dans le texte et nous ferons en sorte que ce soit le cas dans la pratique.
N'en déplaise à M. Breton, qui n'est pas là, je suis contre les secrets de famille, délétères pour les enfants. Le nouveau régime, la nouvelle philosophie que nous instaurons en matière d'accès aux origines permettront aux parents de parler de celles-ci à leur enfant avant sa majorité.
Mais c'est une chose de parler du mode de conception ; une autre de disposer de données…
Bruit de conversations sur les bancs du groupe LR.
S'il vous plaît, sur de tels sujets…
C'est un débat interne au groupe Les Républicains, entre MM. Aubert et Gosselin, qui crée un bruit de fond. D'autant que, monsieur Aubert, votre voix porte.
Nous commentions, monsieur le président. Nous ne sommes pas d'accord entre nous !
Sourires.
J'ai l'impression que cela arrive souvent, ces derniers temps, chez Les Républicains !
Sourires.
Pour conclure, il y a une différence entre le fait d'évoquer le mode de conception avec son enfant avant sa majorité – démarche que nous devons encourager car elle contribue à la construction de son identité – et le fait pour les parents de disposer de données, même non identifiantes, parmi lesquelles la profession du donneur, susceptibles d'être utilisées comme une monnaie d'échange ou un moyen de pression dans le cadre de relations conflictuelles.
C'est peut-être marginal, mais cela peut arriver. Une fois encore, il est de ma responsabilité d'en tenir compte, ce qui explique ma position.
Je vais répondre une dernière fois. Pour préserver un enfant dont les données non identifiantes seraient instrumentalisées dans le cadre d'un conflit – situation tout de même fortement improbable dans des familles très investies et très engagées dans le projet d'enfant –, vous laisserez pendant des années des enfants potentiellement très gênés par un trait physique discordant dans leur famille. Ils sont blonds dans une famille de bruns, bouclés alors que personne ne l'est dans la famille, et pendant des années ils ne le comprendront pas. On va peut-être leur dire que cela vient d'un donneur, mais il est important, capital, pour un enfant issu d'une IAD, de le voir écrit quelque part.
Les amendements n° 978 rectifié et 1101 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Il s'agit d'octroyer au donneur la possibilité de connaître le nombre, le sexe et l'âge des enfants nés grâce à son don. Il doit en effet se préparer à être interpellé sur son identité.
Il vise à donner accès à la commission ad hoc au répertoire national d'identification des personnes physiques (RNIPP) et au répertoire national interrégimes des bénéficiaires de l'assurance maladie (RNIAM), pour lui permettre d'assurer sa mission de recontacter les anciens donneurs. Il prévoit que l'accès au RNIPP ne pourra être effectué que dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1574 .
Ces amendements identiques de précision vont rendre le dispositif opérationnel. Je remercie l'opposition qui avait soulevé cette question et proposé des amendements en commission. Nous avons alors demandé à leurs auteurs de les retirer car nous étions en train de travailler à une solution. C'est chose faite. Aussi, j'espère que ceux-ci seront votés très largement.
Les amendements n° 1103 de Mme Valérie Six et 693 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Cet amendement apporte un complément nécessaire pour s'assurer de l'effectivité du travail de la commission créée par l'article 3. Il prévoit la création d'un traitement de données que la commission devra nécessairement utiliser pour l'exercice de ses missions, comme la réception et l'instruction des demandes d'accès aux données non identifiantes et à l'identité du ou des tiers donneurs formulées par les enfants nés de don, ou comme le recueil et l'enregistrement de l'accord des anciens tiers donneurs à la communication de leurs données.
L'amendement n° 1575 de Mme la rapporteure est défendu.
Je vais mettre aux voix ces deux amendements… Pardon, monsieur Hetzel, vous aviez demandé la parole, mais MM. Gosselin et Aubert font tellement de bruit que je ne vous entends pas !
Je vais faire un rappel au règlement : voilà deux fois que je suis cité alors que je ne dis rien !
Sourires.
J'insiste sur le fait que nous avons à plusieurs reprises déposé des amendements prévoyant d'utiliser des dispositifs similaires. Or ils ont été systématiquement déclarés irrecevables.
Le petit subterfuge utilisé ici est quand même assez intéressant. En réalité, Mme Dubost, ne pouvant pas contourner seule ce problème de l'irrecevabilité, nous voyons le Gouvernement arriver à son secours et, en dernière minute, permettre de faire ce que nous ne pouvons pas faire par ailleurs. Nous n'avons pas pu défendre plusieurs de nos amendements sur différents articles, en l'occurrence à l'article 3, car déclarés irrecevables, alors que la même procédure n'a pas été appliquée à Mme Dubost. Il y a là une asymétrie de traitement entre députés. Je tenais à le dire très clairement ici ce soir. C'est une drôle de manière de créer ou de vouloir créer du consensus. Manifestement, c'est le dissensus qui est au rendez-vous !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Sourires.
Il nous appartiendra, il vous appartiendra éventuellement de modifier les procédures. En tout état de cause, et je ne porte pas de jugement, celle utilisée est conforme au règlement.
Je suis tenu de prendre les amendements tels qu'ils me sont présentés par le service de la séance et de vous les soumettre.
Sourires sur les bancs du groupe LR.
Il ne faut y voir aucune offense, monsieur Hetzel, au contraire. Il me semble que le Gouvernement a bien pris en considération le souci dont vous avez fait part en commission. Cependant, pour rendre le dispositif pleinement opérationnel il faut créer une charge. Or, comme vous le savez, la charge ne peut être apportée que par le Gouvernement.
Mon amendement étant identique à celui du Gouvernement, il a pu être déclaré recevable, mais la charge est bien supportée par le Gouvernement, raison pour laquelle le président de la commission des finances, Éric Woerth, a déclaré vos amendements irrecevables.
En agissant ainsi, en déposant comme il l'a fait cet amendement, le Gouvernement contourne l'avis du Conseil d'État. Pour un texte dont on nous dit qu'il est en débat depuis deux ans, c'est quand même un peu embêtant que l'on ne puisse pas avoir l'avis du Conseil d'État. Tout cela n'est pas très sérieux pour un texte de ce type.
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit.
Je suis saisi de deux amendements n° 590 de Mme Annie Genevard et 812 de Mme Emmanuelle Ménard, pouvant faire l'objet d'une discussion commune. Ils sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Ils ne relèvent pas du domaine de la loi. Avis défavorable.
Les amendements identiques n° 200 de M. Patrick Hetzel, 403 de M. Xavier Breton et 841 de Mme Anne-Laure Blin sont défendus.
Il vise à ajouter un alinéa visant à améliorer l'encadrement du consentement donné par le tiers donneur au moment du don. Il s'agit également de lui octroyer un délai de rétractation de deux mois à compter de la date du don.
L'amendement n° 1104 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements rédactionnels identiques n° 818 de Mme Emmanuelle Ménard et 1529 de Mme la rapporteure sont défendus.
Je suis saisi de neuf amendements, n° 204 , 407 , 845 , 1306 , 843 , 203 , 406 , 844 et 1301 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 204 , 407 , 845 et 1306 , sont identiques, de même que les amendements n° 203 , 406 , 844 et 1301 .
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l'amendement n° 204 .
Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement. Il en est de même pour l'accès aux données non identifiantes et à l'identité du donneur qui ont potentiellement un impact sur la vie du couple du donneur, il est donc essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement.
Les amendements identiques n° 407 de M. Xavier Breton, 845 de Mme Anne-Laure Blin et 1306 de M. Marc Le Fur sont défendus. L'amendement n° 843 de Mme Anne-Laure Blin est lui aussi défendu, de même que les amendements identiques n° 203 de M. Patrick Hetzel, 406 de M. Xavier Breton, 844 de Mme Anne-Laure Blin et 1301 de M. Marc Le Fur.
L'amendement n° 843 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 611 de M. Philippe Gosselin et 1290 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les alinéas 65 et 66 que nous proposons de supprimer à l'article 3 visent à supprimer tous les embryons humains proposés à l'accueil et les gamètes issus de dons antérieurs au vote de la loi. Cela représente environ 12 000 embryons humains disponibles pour le don, c'est dire le peu de cas que vous semblez vouloir faire des embryons humains.
Les amendements identiques n° 404 de M. Xavier Breton et 840 de Mme Emmanuelle Ménard sont défendus.
Les amendements n° 854 de Mme Emmanuelle Ménard et 1105 de M. Pascal Brindeau, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
La parole est à M. Gérard Leseul, rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 969 .
Il vise à solliciter l'avis des donneurs quant à leur souhait de maintenir ou non leur don après le vote de la loi. Il serait en effet dommage de détruire le stock de gamètes existant sans prendre la peine d'essayer au moins de solliciter cet avis.
L'amendement est satisfait. Demande de retrait ou avis défavorable.
L'amendement n° 969 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.
Sur l'article 3, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 613 et 1156 .
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 613 .
L'alinéa 66 vise à supprimer tous les embryons humains proposés à l'accueil et les gamètes issus de dons antérieurs au vote de la loi. Cela représente 12 000 embryons. Nous proposons à tout le moins – et c'est bien le minimum minimorum – de faire la distinction entre embryons et gamètes.
Je suis saisi de six amendements n° 858 de Mme Emmanuel Ménard, 1157 de M. Thibault Bazin, 1311 de M. Marc Le Fur, 205 de M. Patrick Hetzel, 408 de M. Xavier Breton et 847 de Mme Anne-Laure Blin, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 858 et 1157 sont identiques, ainsi que les amendements n° 205 , 408 et 847 .
Tous sont défendus.
L'amendement n° 1311 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques n° 612 de M. Philippe Gosselin, 842 de Mme Anne-Laure Blin et 1294 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 846 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de coordination, comportant une date de changement de régime.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
Justement ! C'est un simple amendement de coordination. Vous êtes arrivé en milieu de soirée, j'ai déjà beaucoup parlé.
Monsieur Aubert, souhaitons-nous à tous deux d'être présents lors de la prochaine législature, pour éventuellement apporter des corrections au règlement.
Je suis saisi de cinq amendements, n° 614 , 1106 , 202 , 405 et 1297 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n° 614 , 1106 sont identiques, de même que les amendements n° 202 , 405 et 1297 .
L'amendement n° 614 de M. Philippe Gosselin est défendu.
La parole est à Mme Valérie Six, pour soutenir l'amendement n° 1106 .
C'est un amendement de cohérence avec l'amendement n° 1090 que j'ai défendu tout à l'heure, qui prévoyait le renouvellement du consentement du tiers donneur à l'accès à son identité au moment de la demande de l'enfant devenu majeur. Afin de respecter l'accord donné par le conjoint du donneur au moment du don, l'amendement a pour objet de faire en sorte que son accord soit également recueilli au moment de la levée de l'anonymat. En effet, celle-ci peut avoir un impact sur la vie du couple du donneur. En cas de séparation du couple, le consentement de l'ancien conjoint, pacsé ou concubin ne serait plus nécessaire.
Les amendements identiques n° 202 de M. Patrick Hetzel, 405 de M. Xavier Breton et 1297 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis, nous en avons déjà débattu.
Certes, nous sommes en temps législatif programmé et nous ne pouvons toujours argumenter pour défendre nos amendements. Mais, systématiquement, les rapporteurs et le Gouvernement se contentent de donner un avis défavorable. Des questions comme celles du consentement mériteraient un peu d'attention. À plusieurs reprises, nous avons insisté sur l'importance du consentement, en raison des répercussions de certaines décisions sur l'ensemble de la famille du donneur et sur le membre du couple qui n'aurait éventuellement pas eu connaissance de l'information. Nous demandons le consentement pour des raisons importantes. Balayer ces questions d'un revers de la main montre le peu de considération que vous avez, notamment pour les personnes en couple.
Je suis toujours très heureuse de répondre à M. Hetzel, d'autant plus que c'est la première fois que nous débattons de ces questions.
Sourires.
Je sais que vous déposez cet amendement en cohérence avec ce que vous avez évoqué à l'article 1er et ce que vous évoquerez à l'article 4 : la confusion totale entre les relations donneur-enfant et parent-enfant, ainsi que le rejet de la PMA pour toutes les femmes, pour ne cibler que le couple hétéroparental. Nous avons eu cette discussion environ 2 000 fois depuis la première lecture du texte.
Vous et nous avons un profond désaccord. Vous pensez qu'il faut demander l'autorisation du conjoint parce que vous assimilez le donneur à la famille de l'enfant à venir. Or nous avons une vision exactement opposée : depuis 1994, il est parfaitement clair que le donneur n'est jamais un membre de la famille de l'enfant à venir. Puisqu'il n'y a pas de relation familiale, il n'y a pas besoin du consentement du conjoint ou de qui que ce soit. Le don est strictement personnel et n'engage pas les relations familiales du donneur. Par conséquent, votre amendement est inutile ; il fait un contresens avec l'esprit même du texte. En ce sixième examen, l'avis est toujours défavorable.
Argument contre argument : à plusieurs reprises, madame la rapporteure, nous vous avons rappelé qu'est prévu dans le code civil un droit concernant différentes personnes ; la reconnaissance de paternité. Vous faites comme si elle ne s'appliquait pas dans le cas des dons, sauf que personne ne peut le garantir. La jurisprudence continue à évoluer, y compris sur des sujets comme la gestation pour autrui (GPA) – reportez-vous aux décisions de la Cour de cassation.
Vous êtes dans la négation de ces points. Nous considérons qu'il y a un risque réel – nous y reviendrons à l'article 4 – et qu'il faut protéger le conjoint du couple en cas de don. C'est pourquoi nous considérons qu'il doit y avoir un consentement de celui-ci. Une nouvelle fois, vous balayez cela d'un revers de la main : cela montre que vous ne voulez pas dialoguer et que vous considérez que seule votre vision serait pertinente.
Je voudrais rassurer M. Hetzel : les juges savent lire le code civil. Sous l'article 311-19 – que nous avons déjà lu plusieurs fois –, une jurisprudence de la première chambre civile de la Cour de cassation, du 16 mars 2016 précise qu'en raison des « […] dispositions des articles 311-19 et 311-20 du code civil […] » – ceux dont nous débattons depuis fort longtemps et que nous maintenons dans le texte – « [ne sont] pas applicables à l'action en établissement judiciaire de la filiation à la suite d'une procréation médicalement assistée […], ces textes ne régissant que les procréations […] », etc.
Il n'y a pas d'établissement judiciaire de la filiation, ce qui serait le fruit de l'action en recherche de paternité ; il n'existe que dans le cadre hors AMP – selon le titre 7. L'AMP, pour un homme, c'est la filiation la plus solide du code civil : le donneur ne sera jamais – jamais – reconnu comme le parent de l'enfant qui en est issu. Même en présentant un test génétique au juge dans le cadre d'une action en recherche de paternité, l'établissement judiciaire de la filiation sera refusé, précisément au titre des articles 311-19 et 311-20 du code civil, que nous maintenons dans l'article 4. Il n'y a pas d'ambiguïté, ni dans les textes, ni pour les juges, ni pour les familles, c'est absolument certain ; ne la créez pas !
L'amendement n° 1530 de Mme Coralie Dubost, rapporteure, est rédactionnel.
L'amendement n° 1530 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 96
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 70
Contre 17
L'article 3, amendé, est adopté.
Il s'agit d'un amendement de suppression de l'article 6. L'extension des possibilités de prélèvement de cellules-souches hématopoïétiques n'est pas opportune. Elle n'est pas conforme à l'objectif de la protection de la personne des majeurs protégés, pourtant garantie par l'article 415 du code civil. Compte tenu de leur discernement moindre, les majeurs protégés devraient faire l'objet d'un surcroît de protection plutôt que d'une moindre protection.
Les amendements identiques n° 438 de M. Xavier Breton, 620 de Mme Annie Genevard, 624 de M. Philippe Gosselin, 895 de Mme Anne-Laure Blin, 985 de Mme Emmanuelle Ménard et 1366 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements visent à supprimer l'article 6, qui lui-même vise à développer le don de cellules-souches hématopoïétiques dans le cadre intra-familial. Pour mémoire, les mineurs peuvent déjà donner des cellules-souches à leurs frères ou sœurs. Seul le don des cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse est concerné par les modifications apportées par l'article 6.
Le projet de loi apporte des garanties très importantes sur l'ouverture de ce don au bénéfice des parents. En supprimant cet article, vous reviendriez aussi – c'est sans doute votre objectif – sur des évolutions positives relatives aux majeurs protégés. En cohérence avec le droit civil et les évolutions opérées par l'article 7 du projet de loi, les procédures sont allégées lorsque les majeurs protégés sont aptes à exprimer leur consentement.
On distingue désormais les majeurs protégés des autres personnes, considérées comme aptes à exprimer leur consentement. Je ne peux qu'être défavorable à ces amendements de suppression.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
La parole est à Mme Florence Provendier, pour soutenir l'amendement n° 1583 .
Il vise à préciser que le juge doit également recueillir le consentement de l'enfant, s'il est capable de discernement, avant un prélèvement en vue d'un don. La Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) consacre le droit pour l'enfant de participer à toutes les décisions qui le concernent ; ce droit s'accompagne d'une recherche de son consentement. Ainsi, conformément à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, dans le cadre d'un acte médical, les médecins doivent rechercher systématiquement le consentement du mineur, s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. En effet, l'enfant peut subir une pression familiale pour l'inciter à accepter la demande de prélèvement, alors même qu'en son for intérieur, il n'en a pas envie. Il est donc essentiel que le juge s'assure de son consentement.
L'alinéa 5 de l'article 6 prévoit que « le consentement est exprimé devant le président du tribunal judiciaire ou le magistrat désigné par lui, qui s'assure au préalable que ce consentement est libre et éclairé ». Votre amendement semblant pleinement satisfait, j'y suis défavorable.
Demande de retrait, car l'amendement est satisfait. À défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 1583 est retiré.
L'article 6 est adopté.
Il vise à interdire tout prélèvement post mortem sur une personne faisant l'objet d'une protection juridique avec représentation relative à la personne. Il s'agit d'une disposition que le Sénat a introduite en première lecture et rétablie en deuxième lecture.
En tant que rapporteur, je fais mien l'avis exprimé par la commission spéciale du Sénat : puisqu'on ne peut présumer le consentement éclairé de ces majeurs protégés, les prélèvements post mortem ne peuvent être réalisés dans des conditions respectueuses de leur personne.
Le régime de droit commun, qui prévoit une inscription sur le registre national des refus, paraît en effet inadapté car il implique que la personne ait l'autonomie voire le discernement nécessaires pour s'y inscrire. Ce choix éminemment personnel de donner ou non ses organes ne saurait, en outre, relever de la mission du représentant légal. Enfin, la forme minimale de contrôle prévue par le droit en vigueur, à savoir le consentement écrit du tuteur, ne peut s'appliquer puisque la mission de ce dernier cesse au décès du majeur protégé, en application de l'article 418 du code civil.
L'amendement n° 1592 de M. Robert Therry est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis défavorable. Lors des précédentes lectures, dans les deux chambres, nous avons déjà débattu longuement de ce sujet, évidemment sensible. L'exclusion que vous proposez irait à l'encontre de la volonté de favoriser l'autonomie des majeurs protégés et serait contraire aux orientations prises depuis 2007 en matière de réforme des règles applicables aux majeurs protégés, dont la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, que vous avez examinée et votée, et l'ordonnance de mars 2020, ainsi que le présent projet de loi. En outre, une personne décédée n'est plus sous mesure de protection, il n'y a donc pas de raison objective de l'exclure du don d'organes, lequel est présumé consenti pour les autres majeurs.
Je vous remercie d'avoir rappelé vos arguments, néanmoins je ne suis toujours pas convaincu. Vous invoquez l'autonomie de la personne, ce qui me trouble profondément : beaucoup de ces majeurs protégés n'ont pas l'entendement suffisant pour répondre à la question posée et sont donc incapables de s'inscrire sur le registre. Je regrette que vous n'ayez pas adopté notre position.
Je citerai quelques chiffres dans l'espoir de vous convaincre, en exposant la réalité de la situation, pour souligner l'effet négatif qu'aurait l'adoption de ces amendements. En 2019, 1 729 donneurs en situation de mort encéphalique ont fait l'objet d'un prélèvement, dont 24 majeurs protégés. Notre pays connaît une pénurie de greffons, or ces 24 majeurs prélevés ont permis de greffer 75 personnes. C'est beaucoup.
L'article 7 est adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 1646 .
Le Gouvernement propose une nouvelle rédaction de l'alinéa 2 du présent article, qui concerne les critères de sélection des donneurs de sang, sujet sensible dont nous avons eu l'occasion de débattre à de nombreuses reprises, dans le cadre de ce projet de loi et d'autres textes examinés par l'Assemblée.
Il faut évidemment prendre en considération les impératifs prioritaires de sécurité pour le donneur et pour le receveur, mais aussi les évolutions épidémiologiques et technologiques, et celles relatives à la sociologie des donneurs. Cet amendement tend à modifier des dispositions introduites à votre initiative en commission spéciale en deuxième lecture. Elles visaient à inscrire dans la loi qu'aucune discrimination n'était possible à l'encontre des donneurs en fonction de la nature de leurs relations sexuelles.
En séance, l'Assemblée a adopté un amendement proposé par le Gouvernement, lequel a établi le texte présentement examiné. Il rappelle qu'au-delà de l'interdiction de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, interdiction déjà inscrite dans la loi depuis 2016, les critères de sélection des donneurs de sang ne peuvent être fondés que sur la sécurité du donneur comme du receveur. Ces critères n'ont aucune vocation à stigmatiser, ils doivent être pesés, justifiés, appropriés. Cette rédaction avait fait l'objet d'une concertation avec des associations telles que l'AFH – Association française des hémophiles – ou AIDES, et les deux chambres l'ont adoptée dans les mêmes termes.
Je ne mentionnerai que brièvement les arguments avec lesquels le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, vous a convaincus d'adopter cet amendement, il y a presque un an. D'abord, il est risqué d'inscrire dans la loi des prescriptions ou des interdictions trop générales, inadaptées à l'évolution de l'environnement épidémiologique, technologique ou de la société. Ainsi, les critères de sélection des donneurs de sang, en particulier celui qui ne concerne que les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, ont beaucoup évolué récemment : de l'ajournement permanent on est passé à un ajournement d'un an en 2016, puis de quatre mois en avril 2020.
Conscient néanmoins que toutes les attentes ne sont pas encore satisfaites, que toutes les inquiétudes ne sont pas encore levées, le Gouvernement propose ce nouvel amendement qui vise à compléter la rédaction actuelle de manière cohérente. Il s'agit d'inscrire dans la loi que les principes de sécurité qui justifient les critères de sélection des donneurs sont incompatibles avec toute forme de discrimination fondée sur le sexe ou la nature des relations sexuelles.
Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, s'était engagé à présenter des éléments nouveaux que je vais vous livrer. En mars 2021, les services du ministère ont réuni un comité de pilotage sur les critères de sélection, avec les représentants des institutions du secteur, les associations de donneurs de sang et les associations LGBT. Il a établi le bilan des évolutions récentes, bilan partiel puisque le passage à quatre mois est très récent et que la crise sanitaire a un peu perturbé l'analyse. Toutefois, cette réunion a permis de présenter l'évolution de l'épidémiologie : le risque résiduel lié au VIH chez les donneurs de sang a considérablement diminué ces dernières années – Santé publique France l'évalue maintenant à 1 sur 11,6 millions de dons.
Dans ces conditions et dans la continuité des engagements pris par le Gouvernement, notamment par les ministres chargés de la santé, le comité de pilotage a examiné et approuvé l'évolution vers une nouvelle méthode de sélection des donneurs, plus individualisée, sur le modèle de l'approche britannique. Elle sera appliquée à l'aide d'un nouveau questionnaire, à compter du 14 juin prochain. Cette approche plus individualisée du risque évitera toute différenciation fondée sur le sexe, selon un objectif partagé par l'ensemble des membres du comité de pilotage.
Dernier point important, l'entrée en vigueur de cette nouvelle méthode implique que les différentes parties prenantes, en particulier les experts virologues et infectiologues, travaillent à mettre à jour le questionnaire préalable au don de sang, à former les professionnels, à communiquer davantage et à sensibiliser les donneurs à ces évolutions. Les nouvelles dispositions entreraient en vigueur dès le début de l'année prochaine – là encore, c'est un engagement.
Veuillez excuser cette présentation un peu longue. Il s'agit d'un sujet essentiel, à propos duquel les ministres Olivier Véran et Agnès Buzyn avant lui avaient pris des engagements. Il était donc important de partager ces éléments avec la représentation nationale.
Je suis très content que vous ayez entendu des arguments que nous avons développés à plusieurs reprises, notamment en commission spéciale ; cependant, je suis très mécontent de la méthode employée. Nous avons déposé plusieurs amendements identiques sur ce sujet,…
…plus ambitieux, plus explicites peut-être que le vôtre, même si vous aussi avez manifestement pris du temps pour le rédiger. Malheureusement, nous n'avons pas pu en débattre en commission spéciale, non plus qu'y réfléchir en notre âme et conscience, si je puis dire, du moins le soumettre à notre propre entendement, à cause de l'absence de délai. Je trouve la méthode très cavalière, même si votre proposition représente un progrès.
Je maintiens mon amendement et je suppose que les collègues qui ont déposé des amendements identiques en feront autant. En effet, leur rédaction est plus explicite que celle que j'ai découverte il y a cinq minutes à peine. Je souhaite donc, je le répète, le maintien de la série d'amendements identiques qui suivent celui du Gouvernement et que nous avons examinés en commission spéciale, qui se trouvaient dans les liasses avec lesquelles vous avez pu préparer la séance.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour votre amendement. Avec le soutien de l'ensemble du groupe Dem, j'ai déposé un amendement identique à celui du rapporteur, tout comme notre collègue Jean-Luc Lagleize. Notre objectif est bien de faire cesser toute discrimination dans les faits, afin que les dons de sang soient reçus de la même façon, que le donneur soit homosexuel ou hétérosexuel. Il est très difficile de recruter chaque année 177 000 nouveaux donneurs, pour maintenir le niveau de 10 000 dons nécessaires par jour. Nous devons donc revenir à des règles bien plus rationnelles et conformes à la situation sanitaire réelle. S'il est dangereux d'inscrire dans la loi une interdiction ou une autorisation générale, l'amendement du Gouvernement nous convient très bien, car il permet d'atteindre notre objectif.
Comme le rapporteur, je dirai d'abord un mot de la méthode. Beaucoup d'entre nous sont mobilisés depuis de nombreuses années pour faire cesser cette discrimination.
Je note les efforts du Gouvernement mais je regrette que, compte tenu de la réserve des articles 4 et 4 bis , nous soyons plusieurs à ne pas avoir pu examiner en profondeur cet amendement. Nous n'avons pas pu non plus consulter les associations, très mobilisées sur cette question.
Nombre d'entre nous ont déposé des amendements sur ce point lors de chaque lecture, et ceux que nous avons déposés ici tomberont du fait de l'adoption du vôtre. Si je partage votre volonté de faire cesser toute discrimination concernant les donneurs de sang, grâce aux méthodes que vous avez évoquées. Reste que si j'ai envie de vous croire, le procédé employé me gêne, c'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.
Plusieurs membres du groupe La France insoumise ont cosigné l'amendement du rapporteur. Comme l'a indiqué notre collègue Pinel, il faut respecter certains procédés. Ainsi, quand le rapporteur nous a proposé de cosigner son amendement, nous avons pu prendre le temps de réfléchir, de s'informer, de discuter avec les représentants des associations.
Je ne nie pas vos bonnes intentions, monsieur le secrétaire d'État, mais, manque de chance, vous déposez votre amendement à minuit et il faudrait vous faire confiance ! Or, sincèrement, j'ai de plus en plus de mal à vous faire confiance…
Ne me prêtez pas une attitude qui n'est pas la mienne : je vous ai déjà fait confiance en votant des amendements de la majorité et du Gouvernement…
Monsieur Millienne, Mme Fiat va conclure, laissons-la s'exprimer librement.
J'ai cosigné l'amendement du rapporteur, qui n'appartient pas à mon groupe. J'ai de plus en plus de mal avec vos méthodes et il devient fatigant de voir le Gouvernement prétendre améliorer un peu de bons amendements en se contentant de changer une phrase, une virgule ou un adverbe…
Pourquoi ne pas accepter les amendements de députés ou d'un rapporteur de l'opposition ? Je n'y comprends plus rien. La méthode gouvernementale n'est vraiment pas la bonne.
Je suis très embêté. Je ne suis pas le seul signataire de cet amendement, cela a été dit et, au nom de l'ensemble des collègues qui ont accepté de le cosigner, je ne peux décemment pas le retirer, même si vous faites un effort rédactionnel.
Par ailleurs, même si je ne suis pas d'une très grande susceptibilité, en ma qualité de rapporteur issu de l'opposition, la moindre des choses eût été de faire preuve d'élégance et de me prévenir, avec un message, un petit mot glissé, qui aurait été le bienvenu, puisque, monsieur le secrétaire d'État, vous êtes au banc depuis un moment…
Mmes Caroline Fiat et Sylvia Pinel et M. Alain David applaudissent.
S'il y a bien une intention rédactionnelle dans votre proposition d'amendement, pouvez-vous en préciser l'aspect réglementaire et le calendrier que vous entendez établir, pour que nous sachions à partir de quelle date l'ensemble des personnes actuellement encore discriminées pourront donner leur sang ? Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, plus que des mots, je demande des dates et des précisions réglementaires.
La méthode que je retiens est celle de la qualité du travail parlementaire et de sa richesse.
Je salue, avec élégance,…
…votre collègue Saulignac, qui, sauf erreur, est à l'origine de ces dispositions. Comme l'a très bien rappelé Mme Pinel, nombre des groupes de cette assemblée, dont certains n'appartenant pas à la majorité, ont milité en faveur des dispositions en question, à commencer par le groupe Dem. De même, les associations, qui militent depuis des années en ce sens, ont été associées dans le cadre du comité de pilotage.
Je ne reviens pas sur la liste des engagements que j'ai déjà égrenés. La date sera celle du mois de janvier 2022, lorsque, avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les associations, nous aurons actualisé le questionnaire de recueil des dons. La méthode que je retiens est donc celle d'un travail d'intelligence collective, qui nous amène à vous proposer cet amendement.
Prochaine séance à quinze heures :
Suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 9 juin 2021 à minuit dix.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra