La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Trois mille : c'est le nombre de magistrats qui ont signé une tribune le mois dernier à la suite du suicide d'une de leurs collègues, pour alerter sur le manque de moyens dans l'institution judiciaire. Aujourd'hui, ils sont plus de 7 000 à avoir signé cette même tribune, sur les 9 000 magistrats que compte le pays. C'est « historique » et je m'énerve par avance de la réponse que va nous donner le garde des sceaux, qui nous parlera, dans ses éléments de langage, des 8 % d'augmentation de son budget en 2022, etc.
Je m'interroge. Vous, monsieur le garde des sceaux, qui avez rencontré les magistrats qui ont les mains dans le cambouis, vous qui connaissez la justice charnellement, intimement, vous semblez découvrir les audiences de nuit, la justice d'abattage des comparutions immédiates. Or vous ne pouvez pas dire que vous êtes étonné par la situation, vous, le grand avocat.
Je répondrai donc à cette brève question. Tout d'abord, je constate que vous me faites dire des choses que je n'ai pas dites, mais je suis habitué à cela de votre part.
J'ai entendu les acteurs du monde judiciaire qui expriment leur mal-être. Je les ai écoutés, les ai entendus, les ai reçus à la chancellerie et je les rencontre tous les jours dans mes déplacements. Mieux, je les invite à faire entendre leur voix dans le cadre de cet exercice tout à fait particulier que sont les états généraux de la justice. Ces états généraux sont faits pour cela, ils permettront de dégager des propositions pour améliorer la justice de ce pays pour nos concitoyens, pour les magistrats, les greffiers, les avocats, les agents pénitentiaires, les services administratifs.
Ma réponse à votre brève question n'est pas encore tout à fait terminée. Il est vrai que nous aurions pu durant ce quinquennat recruter plus de 650 magistrats et 870 greffiers. Il est vrai que nous aurions pu durant ce quinquennat augmenter de plus de 33 % le budget du ministère de la justice.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Il est vrai que nous aurions pu durant ce quinquennat augmenter le budget des services judiciaires autant que ce que la gauche et la droite réunies ont fait en dix ans.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Il est vrai que nous aurions pu durant ce quinquennat augmenter drastiquement l'aide juridictionnelle. La vérité, monsieur Bernalicis, c'est que tout cela, nous l'avons fait, et que c'est cette majorité qui l'a fait.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
Le problème, c'est qu'avec vous, c'est la politique du crocodile : une très grande bouche, de tout petits bras.
Mêmes mouvements. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
mais on finit par s'y habituer. Leur voix, monsieur le ministre, les magistrats la font entendre en dehors des états généraux de la justice. Ils la feront entendre demain dans tout le pays, notamment ici à Paris, dans leur manifestation devant Bercy, car ce sont bien les moyens qui manquent à l'institution judiciaire.
Vous êtes un maroufle.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes LaREM et Dem.
La pluie de soutiens, de la conférence des procureurs, de la conférence des procureurs généraux, de la Cour de cassation, du Conseil supérieur de la magistrature, vous ne pouvez la nier. Elle traduit votre incompréhension, vous qui poursuivez, après Mme Belloubet, un modèle de justice qui considère tout cela comme de la gestion de flux. La précarisation que vous perpétuez est précisément ce que dénonce la tribune des magistrats. Vous ne le comprenez pas et pourtant une justice maltraitée est une justice maltraitante.
Comme le disait ma grand-mère avec le bon sens des gens du Nord : grand diseux, petit faiseux.
Je ne veux pas répondre aux injures mais je rappellerai que ce budget en nette augmentation, monsieur Bernalicis, vous ne l'avez pas voté !
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Abject, honteux, révoltant, lâche. La consternation, la colère, la tristesse se sont emparées de nous et de nombre de nos compatriotes devant l'intolérable dégradation du Mont Valérien, du mémorial de la France combattante, que nous avons découverte hier matin avec indignation et dégoût.
Applaudissements sur tous les bancs.
La salissure, la souillure, la profanation, oui, la profanation de ce haut lieu, de ce lieu sacré de la mémoire de la France nous touche en plein cœur et c'est la nation assemblée qui s'indigne et condamne avec la plus grande fermeté cette insulte ignominieuse à nos héros, nos combattants, nos Résistants, tombés pour la libération de notre pays.
Le mémorial de la France combattante situé au Mont Valérien dans les Hauts-de-Seine, inauguré par le général de Gaulle en 1960, est un sanctuaire, un lieu de recueillement, d'hommage et de mémoire. Il y a tout juste quelques semaines y entrait pour son ultime repos Hubert Germain, le dernier compagnon de la Libération.
Devant une telle honte nationale, devant tant de bêtise crasse et haineuse,…
…devant tant de négation de ce que fut la grandeur de la France durant les années sombres, il faut inlassablement répéter l'importance de ce devoir de mémoire, l'urgence vitale de l'enseignement de l'histoire de France, la nécessité absolue et vitale de combattre toute expression totalitaire et obscurantiste.
Le Président de la République, les membres du Gouvernement ont immédiatement annoncé que les auteurs de cette souillure seraient recherchés puis jugés. Nous appelons à une totale diligence de nos forces de sécurité pour identifier et retrouver les auteurs de cette souillure. Nous appelons au prononcé de sanctions très sévères. Monsieur le Premier ministre, où en est actuellement l'enquête ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Mme Josette Manin applaudit également.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Je partage votre indignation et votre colère. Ma colère était très froide, hier, face à tant de bêtise, face à une telle ignorance de l'histoire ainsi que de la mémoire des Résistants, des otages, des 1 008 fusillés et des combattants de la France libre présents dans la crypte du Mont Valérien, où Hubert Germain, notre dernier compagnon de la Libération, est inhumé depuis le 11 novembre.
J'ai été révoltée par le fait que cet ensemble ait été souillé mais également par ce qui était inscrit, la calligraphie, qui, dans ce contexte, est absolument effroyable. À notre époque où les discours de haine, les discours clivants amènent notre société à de tels actes symboliques, les étoiles jaunes, les « SS » au bout du mot « passe », tout cela est révoltant. Plus que jamais, nous avons besoin, auprès de la jeunesse, de travailler avec insistance autour des valeurs mémorielles de la France combattante,…
…autour de ce qu'ont apporté ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour notre liberté, pour notre démocratie, pour notre République.
Je partage et nous partageons tous ici votre indignation.
J'ai porté plainte hier. L'enquête a démarré. Je n'ai pas pour l'instant d'éléments, vous le comprendrez puisque nous sommes à quelques heures du dépôt de plainte. Je vous en donnerai dès que nous en aurons. Dans tous les cas, je souhaite que les sanctions les plus sévères soient prononcées contre les individus qui ont commis ces actes ignobles.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Chacun connaît, monsieur le Premier ministre, le lien singulier entre la Nouvelle-Calédonie et la France. Nous avons tous en tête le drame d'Ouvéa, les accords de Matignon de votre prédécesseur Michel Rocard, et ce processus de trente années qui a conduit en 1998 aux accords de Nouméa, avec un statut d'autonomie envisagé. Depuis lors, trois consultations référendaires ont été organisées ces quatre dernières années.
Les Calédoniens ont voté le week-end dernier et ils ont dit leur attachement à la France, à la patrie France. C'est une belle nouvelle pour nous mais qui exige de notre part. C'est une belle nouvelle parce que nous avons la chance d'avoir une façade maritime extraordinaire, la deuxième au monde, grâce aux départements et territoires d'outre-mer, avec leurs richesses culturelles, économiques, géostratégiques.
Mais un Calédonien sur deux n'est pas allé voter. Il faut donc retrouver le chemin de l'unité, le chemin de la confiance, retrouver un schéma institutionnel puisqu'en juillet 2023 on devra proposer, vous le savez, un nouveau modèle institutionnel pour les Calédoniens.
J'aimerais savoir la méthode que le Gouvernement va employer, et vous singulièrement, puisque Lionel Jospin, Édouard Philippe, Michel Rocard que je citais à l'instant, ont tous été des artisans importants des accords passés. Donnez-nous votre méthode, votre calendrier, et dites-nous si plus de souveraineté est envisageable pour les Calédoniens, qui ont réaffirmé avec cœur leur attachement à la patrie française. Ils seront encore plus fiers d'être français demain, comme nous serons encore plus fiers qu'ils soient heureux dans la République française.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Merci de me poser cette question sur un événement très important qui s'est déroulé dimanche dernier et qui a marqué la fin de ce que nous appelons le processus des accords de Nouméa. Vous l'avez dit, en vertu de ce processus, à trois reprises les Calédoniens ont été interrogés sur le futur qu'ils voulaient pour leur île, à deux reprises sous mon gouvernement, dont dimanche dernier. À trois reprises, et je m'en réjouis, ils ont manifesté leur volonté de rester dans le giron de la République française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Cyrille Isaac-Sibille applaudit également.
Vous me permettrez en premier lieu de souligner l'impartialité, l'excellence et la sérénité de ces consultations référendaires. Jamais, je le précise, la date n'a fait l'objet d'un parfait consensus. Elle a toujours été contestée mais chaque fois, y compris cette fois-ci où plusieurs formations avaient appelé à ne pas participer au vote, les maires, quelles que soient leurs tendances politiques, ont veillé à l'exécution des opérations électorales de manière extrêmement calme et digne. C'est un point qu'il faut mettre au crédit de l'ensemble des acteurs.
Qu'allons-nous faire aujourd'hui, avec quelle méthode ? Telle est votre question. Je rappelle qu'avec Sébastien Lecornu nous avions anticipé cette échéance, c'est-à-dire la préparation de l'après-troisième référendum. J'ai invité à Paris, fin mai, début juin, l'ensemble des délégations ; la plupart ont voulu venir, sauf une. C'est d'ailleurs à partir de cette séquence que la date du troisième référendum a pu être arrêtée. Nous nous sommes mis d'accord pour que, quel que soit le résultat de la consultation référendaire, soit repris ce qui est toujours la même méthode depuis Michel Rocard, Lionel Jospin, les différents Premiers ministres qui ont eu en charge ce dossier, à savoir la voie du dialogue.
Il y a beaucoup de sujets à évoquer : les questions juridiques et institutionnelles, celle du nickel, celle du développement économique de l'île, celle aussi de l'influence dans cette zone du Pacifique extrêmement importante pour la France. Sébastien Lecornu, qui était sur place à la demande du Président de la République et à ma demande, y est toujours pour discuter avec l'ensemble des partis de la mise en place de cette méthode, sur la base des orientations arrêtées à Paris en juin. Seul le dialogue nous permettra de construire un avenir pour la Nouvelle-Calédonie dans la paix et la sérénité.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale. La cinquième vague de covid-19 frappe notre pays, suscitant une inquiétude nouvelle et forte à l'endroit de nos écoles où les taux d'incidence augmentent fortement. Depuis deux ans, nous avons acquis la certitude que la contamination par aérosol joue un rôle majeur, et que l'aération et la ventilation ont donc un caractère essentiel. Pourtant, s'il y a un lieu où la ventilation est négligée, alors qu'elle devrait être une priorité, ce sont bien les écoles.
L'installation des équipements d'aération se fait au compte-gouttes : seulement 20 % des écoles sont dotées de capteurs de CO
Faute de volonté politique, vous renvoyez la balle aux collectivités. Ce n'est pas acceptable, alors qu'elles font face à d'importants surcoûts matériels et d'organisation liés à la crise sanitaire. À l'exception des plus aisées, elles n'ont pas la capacité d'engager seules de telles dépenses. Nous vous avons alerté à de multiples reprises, en vain. Il y a plusieurs mois, vous vous étiez dit prêt à aider les collectivités, mais sans davantage de détails.
Vous évoquez une enveloppe de 20 millions d'euros, mais où est passée cette aide, dont on sait en outre qu'elle sera insuffisante ? Pouvez-vous nous dire combien d'écoles ont été soutenues pour installer les équipements de ventilation nécessaires ? Allez-vous augmenter la dotation prévue, compte tenu de la vigueur de l'épidémie chez les enfants ?
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Votre intervention a le mérite de rappeler les points importants afin de maintenir les écoles ouvertes. Il faut bien sûr redire que la vaccination et la politique de tests sont absolument essentiels dans la lutte que nous menons. Permettez-moi d'indiquer que selon le comptage de vendredi dernier, 3 200 classes étaient fermées dans toute la France, soit un chiffre qui reste raisonnable par rapport à l'ensemble.
Vous avez raison : les gestes barrières – et ce que recouvre cette appellation – représentent le troisième pilier de la lutte contre le virus. C'est parce que nous avons réussi à les faire respecter dans les écoles de France que nous avons pu traverser la crise l'an dernier en maintenant les écoles ouvertes. C'est encore le cas aujourd'hui, et c'est aussi la raison pour laquelle j'affirme souvent que les établissements scolaires sont des lieux où on se protège davantage que dans d'autres endroits, parce que le port du masque y est respecté, que les gestes barrières y sont enseignés et qu'ensuite, les enfants sont les ambassadeurs de ces gestes dans le reste de leur vie – n'oublions pas qu'ils se contaminent souvent davantage à l'occasion d'autres activités sociales.
Parmi les gestes barrières, figure l'aération régulière des pièces. Rien ne remplace le fait d'ouvrir les fenêtres dix minutes toutes les heures. Cela fait partie des consignes qui ont été rappelées dans le cadre du renforcement du protocole sanitaire que nous prônons.
En matière d'équipements d'aération, il faut distinguer les capteurs de CO
Nous intervenons donc en soutien, comme nous le faisons concernant les purificateurs d'air. La semaine dernière, la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, Brigitte Bourguignon, vous expliquait que plusieurs éléments doivent être pris en compte concernant les purificateurs d'air – je manque de temps pour entrer dans les détails. Un certain discernement est nécessaire. Oui, il y a une politique…
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux. La justice de notre pays est précieuse. Elle est garante de nos droits et libertés, mais elle est avant tout un service public, présent tant pour protéger les plus fragiles que pour affronter les moments difficiles. La justice a ses grands serviteurs, des hommes et des femmes dévoués pour la faire fonctionner, même quand le mécanisme est grippé par des décennies de sous-investissement.
À entendre certains responsables politiques, un coup de baguette magique suffirait pour obtenir de nouvelles places de prisons, des recrutements par milliers et le raccourcissement des délais de traitement ,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dans cette majorité, nous le savons bien : pour la justice, il faut des moyens massifs, des euros sonnants et trébuchants ; en un mot, du concret. Ce ne sont pas moins de 2,2 milliards d'euros supplémentaires qui ont été attribués à la justice pendant ce mandat – cela avait commencé avec votre prédécesseure, Nicole Belloubet, que je salue.
Voilà qui donne un horizon, un vrai. Mais à force d'années de mauvais traitement, on finit par perdre le sens même de sa mission, de ce travail quotidien que l'on aime tant. C'est le cas des magistrats, des greffiers, des agents pénitentiaires et des nombreux professionnels de justice qui vous ont interpellé, notamment dans des tribunaux de proximité comme ceux de Cambrai ou d'Avesnes-sur-Helpe, que vous connaissez si bien. Ils me disent entendre ce soutien inédit de votre part …
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR
…et, en même temps, ils ont du mal à voir le bout du tunnel de leurs galères …
Nombreuses et bruyantes interruptions sur les bancs des groupes LR et FI
…et des dysfonctionnements du quotidien auxquels ils remédient coûte que coûte. Je sais que vous les avez reçus, et que vous les rencontrez au gré de vos déplacements dans les juridictions, dans le cadre des états généraux de la justice. Cette instance de dialogue constitue une voix d'expression directe pour tout le personnel judiciaire, les forces de l'ordre et les associations, mais aussi les citoyens. L'objectif est de faire en sorte que la justice soit plus proche, plus accessible et plus efficace.
Monsieur le garde des sceaux, je vous le dis : vous êtes chaleureusement attendu dans le ressort qui vous a vu prêter serment ,
Exclamations sur plusieurs bancs LR
à Avesnes-sur-Helpe, dans cette terre du Nord qui vous est chère, pour échanger et débattre de toutes ces questions. Venez y faire le serment de la reprise de sens de la justice.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Brahim Hammouche applaudit également.
Merci, madame la députée. Je rappelle que chaque député est libre de poser la question qu'il souhaite.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Madame la députée Cattelot, en ce qui me concerne, j'apprécie beaucoup les mots que vous avez eus à mon égard.
Rires et exclamations sur les bancs des groupes LR et FI. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous le savez, je partage également tous les mots que vous avez prononcés sur la justice, car la justice, c'est évidemment notre pacte social.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Il faut la respecter, et il faut naturellement apporter aux magistrats, aux greffiers et aux personnels une reconnaissance sonnante et trébuchante ,
M. Ugo Bernalicis s'exclame vivement
pour reprendre votre expression.
Disons-le clairement : depuis de nombreuses années, l'abandon a atteint un niveau inégalé. Il est le fait tant de la droite qui hurle à cet instant, que de la gauche. Je vais vous donner un exemple très concret que vous connaissez, celui du budget des services judiciaires. La majorité – elle peut en être fière – et le Gouvernement ont fait en un seul quinquennat ce que droite et gauche ne sont pas parvenues à faire en dix ans.
Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
On vous entendait moins à droite lorsque le nombre de magistrats avait diminué de 140 ; et moins à gauche, lorsque le budget de la justice était de l'ordre de 1 % du budget total de l'État.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Je voudrais revenir sur deux annonces qui ont été faites hier. Après avoir atteint les objectifs de la LPJ – la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice –, la prochaine promotion de l'École nationale de la magistrature, la plus grande de l'histoire de l'école,…
…sera de 380 auditeurs de justice, et 80 places seront attribuées pour le concours supplémentaire ,
M. Sacha Houlié applaudit
soit un total de plus de 460 magistrats. Enfin, je vous le confirme avec le plus de clarté possible : oui, les postes ont été créés dans le cadre de la justice de proximité ;…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR – M. Ugo Bernalicis s'exclame bruyamment
…et j'indique à la représentation nationale que ces postes seront pérennisés.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Je vous demande de cesser les cris. La prochaine fois, ils feront l'objet d'un rappel à l'ordre inscrit au procès-verbal.
Monsieur le Premier ministre, souvenez-vous : en 2017, votre Gouvernement nous promettait un monde nouveau. Il devait moderniser la vie politique, en finir avec les pratiques iniques,…
…corriger les défaillances de notre démocratie – rien que cela. Cinq ans plus tard, il faut bien le dire : ce nouveau monde nous paraît pire que l'ancien. Finalement, votre majorité reproduit, et même accentue, tous les travers politiques qu'elle dénonçait hier.
Depuis septembre, le Président de la République fait campagne matin, midi et soir. Avec le chéquier de la France, il multiplie les dépenses électoralistes à mesure que la présidentielle se rapproche. Certes, cela n'est pas totalement nouveau, mais on ne l'avait jamais vu dans des proportions pareilles. Depuis l'été, on note quarante-deux annonces supplémentaires et 45 milliards de dépenses inconnues et rarement financées. Jamais on n'a connu un tel degré d'irresponsabilité budgétaire. Comme cela ne suffit pas, on découvre que le Président de la République profite de son statut pour faire campagne à bon compte et à grand renfort de battage médiatique.
L'émission qui sera diffusée demain soir est bien une émission de campagne, ni plus ni moins.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Pascal Brindeau applaudit également.
Personne ne s'y trompe, sauf que le président refuse de s'appliquer à lui-même les règles sur les temps de parole que doivent pourtant respecter tous les autres candidats.
Comment accepter que le président puisse lui-même se soustraire délibérément à la règle commune, et mener une campagne qui n'en porte pas le nom, qui plus est, financée par l'ensemble des Français ? Monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre vos responsabilités et saisir le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) afin que cette émission du Président de la République soit décomptée de son temps de parole ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Pascal Brindeau applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur Gosselin, quand on cherche à convaincre les Français, on cherche à leur parler ; pas à empêcher les autres de le faire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Quand on cherche à convaincre les Français, on cherche la cohérence. Vous dites l'exact inverse de ce que vous disiez il y a dix ans, quand vous défendiez à raison la légitimité du président Sarkozy à parler de son action face à la crise, jusque tard en 2012.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Quand on cherche à convaincre les Français, on parle d'eux, de leurs attentes, de leurs inquiétudes ; pas de tambouille politicienne
Exclamations sur les bancs du groupe LR
ou de je ne sais quel artifice pour enfumer le débat.
Mais la réalité, c'est que votre écran de fumée masque bien votre gêne et votre embarras. Cela fait un moment que vous avez arrêté d'essayer de convaincre les Français. Vous cherchez à les dégoûter du débat politique en le tirant vers le bas ;…
…à les dégoûter de l'action politique en refusant par principe toutes les propositions et toutes les solutions qui sont apportées ; à les dégoûter de l'avenir, en dépeignant tout en noir, en refusant de considérer qu'il puisse y avoir un espoir pour l'avenir. Nous assumons d'être au rendez-vous de la pire crise depuis un siècle et de nous exprimer devant les Français au sujet des mesures que nous prenons.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Nous assumons d'être au rendez-vous de l'Europe et de lui fixer un cap pour les mois à venir ; nous assumons d'être au rendez-vous de la France,…
… de recruter les policiers que vous avez licenciés, de baisser les impôts que vous avez augmentés, de sauver les services publics que vous avez voulu liquider.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ce quinquennat est un miroir de vos échecs et de vos renoncements. Voilà pourquoi vous êtes gênés quand le Président de la République s'exprime devant les Français, comme il est légitime à le faire. Laissez chacun s'exprimer et, surtout, laisser les Français juger.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous parlez de Nicolas Sarkozy, sachez qu'en janvier 2012, son temps de parole a été décompté,…
…et il a été considéré comme présumé candidat par le CSA. Appliquez donc les mêmes règles, puisque vous semblez les ignorer.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je vais vous donner une information exclusive : nous sommes en décembre.
Nous ne sommes pas encore en janvier. Les règles du CSA sont très claires.
Huées sur les bancs du groupe LR. – Plusieurs députés des groupes LaREM et Dem se lèvent et applaudissent vivement.
Plus un jour ne se passe sans que l'on nous remonte de tous les territoires des alertes dramatiques sur un hôpital public qui se désagrège sous nos yeux. Les lits continuent à fermer ; les discontinuités des services d'urgence s'accentuent partout ; le personnel reste tragiquement en pénurie dans tous les services. Pendant ce temps, vous répétez en boucle gestion du passif, Ségur de la santé et numerus clausus. Ce prétendu passif a pourtant permis, sous le quinquennat de François Hollande, le retour à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale pour la première fois depuis 2001, en ramenant le déficit de 17,5 milliards en 2012 à 400 millions en 2017, ne l'oubliez pas.
Aujourd'hui, nous sommes sur le Titanic. Alors que je vous alertais ici même en octobre sur l'état de délabrement des services d'urgence sarthois, le pire est malheureusement advenu avec plusieurs événements graves qui se sont produits en novembre au centre hospitalier de Bailleul, dans ma circonscription.
Pour les patients, le risque vital n'est plus une simple hypothèse : c'est une réalité mortifère. Vous naviguez à vue, alors qu'un plan d'urgence est nécessaire pour réorganiser l'hôpital et sa gouvernance, pour le recentrer sur les soins et la santé publique et pour revoir les politiques de ressources humaines ainsi que les modalités de tarification.
Le Ségur de la santé n'a pas éteint les revendications des soignants car la perte d'attractivité de leur métier n'est pas seulement financière. La pénurie de personnel s'étend au-delà des médecins. Où sont les infirmiers, les aides-soignants qui manquent cruellement pour faire tourner les établissements ? Au centre hospitalier du Mans, ce sont trente postes d'infirmiers qui sont vacants !
Sous le précédent quinquennat, nous avions augmenté les effectifs de la fonction publique hospitalière de 43 000 postes. Vous êtes au pouvoir depuis presque cinq ans : quand allez-vous réagir ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Il y a trois semaines, j'étais à vos côtés dans votre beau département, pas loin du Mans – j'ai bénéficié de votre accueil républicain. Vous m'avez fait part des difficultés rencontrées par votre territoire en matière de désertification médicale. Je vous ai répondu que j'avais conscience du problème, madame la députée : nous le savons, vous et moi, nous en connaissons les causes et nous allons travailler ensemble pour trouver des solutions.
Nous nous sommes ensuite rendus dans le centre de cancérologie de la Sarthe, qui est flambant neuf – il est encore en construction. Si vous avez tendu l'oreille, comme je l'ai fait, vous avez peut-être entendu ce que disaient les directeurs et surtout les médecins présents sur place : « L'hôpital-bashing, ce n'est pas notre truc, nous sommes en train d'innover parce que nous voulons nous en sortir par le haut. »
Ils le disent : c'est en innovant qu'ils parviennent à attirer les médecins qui reviennent dans leur territoire.
Oui, c'est difficile, ont-ils dit, mais en ajoutant qu'ils croient en l'avenir de l'hôpital. On peut comparer nos bilans respectifs, si vous le souhaitez. Vous avez factuellement raison quand vous dites que le déficit de la sécurité sociale s'est résorbé lors du quinquennat précédent, mais il y a une réalité qui ne vous aura pas échappé et qui a marqué le présent mandat : celle de la crise sanitaire.
Protestations sur les bancs du groupe SOC. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je le revendique : le Gouvernement et la solidarité nationale ont permis de payer les vaccins et les tests pour tous les Français sans reste à charge, et les Français ont pu être pris en charge en réanimation sans avoir besoin de présenter leur carte Vitale. Tout cela, évidemment, a un coût pour la nation, mais c'est un coût utile, car il permet de soigner et de sauver des vies.
Enfin, nous pouvons trouver des solutions territoriales grâce au plan d'investissement du Ségur de la santé. Il n'y a ni droite ni gauche : il n'y a que de l'argent public, mis à la disposition de 3 000 hôpitaux et EHPAD de notre pays pour encourager les soignants à tenir bon en leur disant que nous sommes à leurs côtés. Nous avons augmenté leurs salaires ; quant à vous, vous n'avez pas voté la mesure et c'est votre choix.
Vous utilisez l'image du Titanic. Mais j'ai envie de vous dire que les marins – les soignants – sont encore à bord : ils sont en difficulté, ils rament mais ils tiennent bon la barre. Vous, vous continuez à jouer de la flûte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je suis désolée mais vous ne répondez pas à ma question. Je vous parle de la pénurie de médecins, de soignants, d'infirmiers et d'aides-soignants que subissent nos hôpitaux : que répondez-vous à cela, s'il vous plaît ?
Ma question s'adresse également à M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Près de deux ans après le début de la pandémie, une grande partie de la population française observe avec inquiétude les contaminations de la covid-19 atteindre des niveaux inédits, puisque le chiffre de 50 000 nouveaux cas quotidiens a été dépassé le 11 décembre dernier. C'est d'autant plus préoccupant que le nouveau variant omicron commence à peine à se répandre sur le territoire national et que sa dangerosité est à ce stade encore mal connue.
Fort heureusement, la stratégie vaccinale de la France, soutenue par l'action du Gouvernement sous l'impulsion du Président de la République, nous permet d'aborder la nouvelle vague plus sereinement. On ne peut en effet que se réjouir de voir que la France compte parmi les pays les plus vaccinés en Europe et dans le monde. Cependant, il est désormais avéré que les personnes ayant complété leur schéma vaccinal devront recevoir une dose supplémentaire du vaccin contre la covid-19, si nous voulons maintenir une protection optimale de notre population et ainsi éviter de mettre notre système hospitalier sous pression.
Dans ce contexte, pouvez-vous rassurer les Français et la représentation nationale quant à la capacité de la France à administrer les doses de rappel qui permettront de protéger nos populations les plus fragiles et les plus exposées ? En outre, sommes-nous capables de convaincre ces populations fragiles de demander leur dose de rappel ? Ne devrions-nous pas, pour suivre les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), accélérer aussi la vaccination des plus jeunes, en particulier celle des enfants âgés de 5 à 12 ans ?
Par ailleurs, vous savez sans doute que les centaines de milliers de Français établis à l'étranger rentreront en France pour les fêtes de fin d'année, afin de retrouver leurs proches. Ces Français de l'étranger, en particulier ceux âgés de plus de 65 ans, pourront-ils rentrer en France à Noël avant d'avoir reçu une dose de rappel dans leur pays de résidence ? Et, le cas échéant, pourront-ils bénéficier de cette dose de rappel sur le territoire national, comme cela avait été le cas l'été dernier ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je n'ai que deux minutes pour vous répondre : je ne pourrai pas tout aborder. Il semble que notre pays ait atteint un pic épidémique très élevé – 50 000 contaminations par jour désormais –, le plus élevé que nous ayons connu depuis le début de la pandémie.
Je ne peux pas encore vous dire si la courbe va diminuer une fois le pic passé, ce qui serait évidemment une nouvelle rassurante, ou si nous resterons sur un plateau, ce qui ne serait pas rassurant – chacun peut le comprendre. De la même manière, je peux vous confirmer que ces quinze derniers jours, à mesure qu'augmentait le nombre de contaminations, la charge sanitaire, c'est-à-dire le nombre d'hospitalisations et d'admissions en réanimation, augmentait elle aussi. Elle continuera d'augmenter pendant les deux prochaines semaines et cela commence à peser lourd sur nos hôpitaux, qui sont très mobilisés.
J'ajoute que la vaccination protège ; il ne faut pas avoir la moindre hésitation à ce sujet. J'étais hier à l'AP-HP, plus particulièrement à l'hôpital Cochin : sur les huit patients présents dans l'unité de réanimation que j'ai visitée, sept n'étaient pas vaccinés, notamment deux femmes enceintes. Je le dis devant la représentation nationale parce que j'ai promis aux réanimateurs que je le ferais : les femmes enceintes qui hésitent à se faire vacciner se mettent en danger. Il y en a un certain nombre en réanimation et je peux vous dire que pour les équipes médicales, c'est probablement encore plus difficile à vivre que le reste des soins qu'ils apportent à des milliers de Français. Le patient vacciné qui se trouvait en réanimation était quant à lui porteur d'une greffe de rein, sous traitement immunosuppresseur : il n'était donc pas suffisamment protégé par le vaccin. Vaccinez-vous !
Je le dis aussi aux Français qui disposent d'un faux passe ou qui se font passer pour des personnes vaccinées : ils se mettent en danger. Ils doivent aller voir leur médecin pour lui dire qu'ils ont changé d'avis et qu'ils veulent se protéger. C'est absolument fondamental.
J'ai fixé un objectif très ambitieux, monsieur le député : 20 millions de doses de rappel devaient être administrées d'ici Noël. Je peux vous dire que ce sera fait avant Noël
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et que nous serons en capacité de vacciner toutes celles et ceux qui doivent l'être en temps et en heure, et même probablement avec quelques jours d'avance, ce qui nous permettra d'intensifier notre politique de rappel. Les dernières données montrent que si la double dose de vaccin est peut-être un peu moins efficace contre le variant omicron, elle protège tout de même à 70 % contre les formes graves ; grâce au rappel de la troisième dose, nous avons toutes les raisons d'espérer que les Français resteront protégés dans la durée. Il y a urgence à avancer et nous sommes à vos côtés.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, le 1er décembre dernier, la France s'est hélas encore une fois déshonorée en votant de façon honteuse et immorale la résolution de l'ONU déniant le lien historique entre le peuple juif et son site le plus sacré à Jérusalem, le Mont du Temple, remettant en question plus de trois mille ans d'histoire juive, mais aussi primo-chrétienne et chrétienne. En 2016, la France avait déjà voté pour islamiser en mosquées le tombeau de Rachel et le caveau des Patriarches. Aujourd'hui, on pousse le délire jusqu'à baptiser le mur des Lamentations « Al-Buraq », en référence à Mohammed, et on fait du mont du Temple, le lieu le plus sacré du judaïsme depuis quatre mille ans, un lieu exclusivement musulman !
Comment la patrie des droits de l'homme, pays des Lumières, peut-il se fourvoyer dans une entreprise négationniste dont le seul objectif est de délégitimer Israël ? Triste coïncidence, nous sommes aujourd'hui le 10 tevet : dans le calendrier juif,…
…c'est l'un des trois jours de jeûne commémorant la destruction du Temple de Jérusalem, et ce depuis deux mille six cent sept ans.
Dois-je vous rappeler que même dans les périodes les plus sombres de leur histoire, des massacres des croisés aux bûchers de l'Inquisition, des pogroms cosaques à la tragédie de la Shoah, les Juifs ont répété : « L'an prochain à Jérusalem » – L'shana haba'ah b'Yerushalayim ?
François-René de Chateaubriand l'avait compris puisqu'il écrivait déjà en 1811, dans Itinéraire de Paris à Jérusalem, à propos du peuple juif : « Il a assisté dix-sept fois à la ruine de Jérusalem, et rien ne peut le décourager ; rien ne peut l'empêcher de tourner ses regards vers Sion. »
Monsieur le Premier ministre, va-t-on remplacer dans la Bible les 669 occurrences de Jérusalem – aussi appelée Sion – par « Al-Qods »,…
…alors que Jérusalem n'est pas mentionnée une seule fois dans le Coran ?
Les marchands du temple vont-ils se transformer en marchands des mosquées ? Quel cadeau de Noël faites-vous à cet Islam conquérant qui a saccagé Palmyre, rasé Nimrod, détruit le monastère Saint-Élie et qui persécute les chrétiens d'Orient dans leur berceau historique ? Je suis triste et en colère, et j'ai écrit au Président de la République à ce propos.
Monsieur le Premier ministre, j'ai fait un rêve : celui de voir la France, comme l'ont fait les États-Unis, reconnaître Jérusalem comme la capitale unifiée de l'État d'Israël. À défaut, pouvez-vous au moins ne plus bafouer l'histoire judéo-chrétienne ?
Protestations sur quelques bancs du groupe GDR.
Je voudrais apporter quelques précisions sur le fond et sur la forme, concernant la résolution des Nations unies à laquelle vous faites référence. Ce qui compte, c'est que la liberté de religion et de conscience des habitants de Jérusalem soit garantie, ainsi que l'accès permanent, libre et sans entrave aux lieux saints pour les personnes de toutes religions et de toutes nationalités. Ce qui compte, c'est que le statu quo historique prévalant depuis 1967 sur la base d'un accord entre Israël et la Jordanie soit respecté. Ce qui compte, c'est qu'un règlement global, juste et durable de la question de Jérusalem tienne compte des aspirations légitimes des deux parties, israélienne et palestinienne.
Ce qui compte, c'est que le texte auquel vous faites référence comporte à notre demande l'ensemble de ces éléments, et qu'il n'impose en aucun cas un récit univoque concernant la vieille ville de Jérusalem.
Puisque vous avez fait part de vos observations en matière de terminologie, je voudrais préciser que ce qui compte, s'agissant du point précis que vous soulevez quant à l'appellation des lieux saints – le fait que l'appellation arabe « Haram al-Sharif » soit utilisée au lieu du vocable « Mont du Temple-Haram al-Sharif » –, c'est que nous avons obtenu cette année, pour la première fois, que le nom arabe ne figure plus seul dans aucune résolution votée à l'Assemblée générale des Nations unies, y compris dans le texte que vous évoquez. En effet, si le terme « Haram al-Sharif » est cité seul à un endroit de la résolution, c'est à la demande de la Jordanie et en référence à une autre résolution prise par le Conseil de sécurité. Parallèlement – j'attire votre attention sur ce point –, nous avons voté au niveau européen une déclaration faite à l'Assemblée générale des Nations unies, selon laquelle « l'appellation internationale applicable aux lieux saints de Jérusalem est ''Mont du Temple-Haram al-Sharif'', et aucune autre. »
J'espère que ces précisions auront permis une clarification et vous aideront à retrouver votre calme à ce sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et GDR.
Samedi, la plupart des 250 stations de sports d'hiver françaises ouvriront. C'est avec beaucoup de soulagement mais aussi d'appréhension que les 120 000 saisonniers travaillant dans ce secteur économique vont démarrer la saison.
Avec plus de 80 % de pertes de chiffre d'affaires l'hiver dernier et malgré les aides de l'État, les trésoreries de ces entreprises sont aujourd'hui fragiles. Or, à quelques jours de l'ouverture, il existe de vrais risques que vous devez anticiper.
Parmi ceux-ci figurent les obstacles relatifs à la venue des clientèles européennes, qui représentent une part essentielle de la fréquentation de nos stations. Alors qu'aucune homogénéité vaccinale ou sanitaire n'existe au niveau européen et que la France imposera de son côté, à partir du 15 janvier, un passe nécessitant une troisième dose, pouvez-vous nous indiquer si tout Européen dont le statut vaccinal est valide d'après la législation sanitaire de son pays d'origine sera accepté ? Sans cela, vous priverez de fait le secteur d'une partie majeure de son activité.
Je voudrais ensuite soulever un autre point critique : les départs en classes de neige.
Ces séjours scolaires sont salutaires pour la socialisation de nos enfants et ils constituent une occasion extraordinaire de faire vivre les valeurs républicaines. Il est donc essentiel que le ministère de l'éducation nationale fasse dès maintenant cesser leurs annulations en chaîne, en donnant aux rectorats des consignes claires. Il y va de la survie des structures dédiées à l'accueil de ces jeunes.
Que comptez-vous faire à ce sujet ?
Enfin, alors qu'en raison de l'épidémie, des incertitudes fortes perdurent quant au niveau de fréquentation qui sera celui des stations cet hiver, pourquoi ne pas lancer une grande campagne de promotion nationale de la montagne auprès de nos concitoyens ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cette filière économique, fruit d'une politique lancée par le général de Gaulle et Georges Pompidou, est l'une des rares dans lesquelles la France est leader mondial ! Sachons la reconnaître, la protéger et la préserver, dans cette période incertaine, comme un héritage précieux.
Mêmes mouvements.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger, de la francophonie et des petites et moyennes entreprises.
Nous l'avons sauvée, la montagne, l'année dernière, en lui octroyant 6 milliards d'euros d'indemnisation ! Je crois que nous pouvons nous permettre d'être raisonnablement optimistes à son sujet, tout simplement parce que la saison qui s'ouvre a été préparée minutieusement avec les professionnels et les élus des stations de montagne. Le Premier ministre a annoncé il y a quelques semaines les conditions dans lesquelles les stations pourraient ouvrir, grâce à l'utilisation du passe sanitaire. Les Français, comme les étrangers, ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : ils plébiscitent les destinations de montagne pour les vacances d'hiver, et c'est heureux – les taux de réservation ont rejoint ceux de 2019.
J'entends les inquiétudes relatives à la cinquième vague. Pour en sortir, il n'y a pas de mystère : il faudra respecter la doctrine du passe sanitaire et prendre les doses de rappel qui s'imposent. Une telle exigence s'applique naturellement à toutes les clientèles, nationale ou européenne, et je veux vous rassurer : tous les pays d'origine des clients européens ont instauré des dispositifs de rappel. C'est le cas en Belgique, aux Pays-Bas mais aussi au Royaume-Uni, où les jeunes enfants peuvent recevoir leur deuxième dose depuis le début du mois de décembre.
Nous nous préparons donc à une belle saison. Nous avons investi des moyens additionnels en matière de promotion touristique et nous avons même invoqué les mânes pour que la neige soit présente – vous l'avez vu, elle est là ! Nous nous projetons tout entiers vers le succès de la saison.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre de la transformation et de la fonction publiques, alors que les prix flambent et que le pouvoir d'achat est la première préoccupation des Français, M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire, a appelé les entreprises « à prendre leur part de responsabilités » en matière de hausse des salaires.
Pourtant, la semaine dernière, le premier employeur de France a annoncé, par la voie d'Amélie de Montchalin : « Toutes les conditions ne semblent pas aujourd'hui réunies pour une réévaluation immédiate du point d'indice » des fonctionnaires. Les 5 millions d'agents de la fonction publique n'auront connu aucune augmentation de salaire sous ce quinquennat et depuis douze ans, à l'exception de la microrevalorisation de 2016. Les plus chanceux devront se contenter d'un chèque inflation de 100 euros, qui n'est ni suffisant, ni pérenne.
Le constat est édifiant : en vingt ans, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a décroché de 20 % par rapport à l'évolution du coût de la vie. Nous assistons à une véritable paupérisation de la fonction publique, qui entraîne une crise des vocations, notamment dans l'éducation nationale et dans les hôpitaux, qui peinent de plus en plus à recruter.
Vous refusez de toucher au point d'indice des fonctionnaires comme vous refusez de rehausser le SMIC pour les salariés du privé. Vous achetez la paix sociale à coups de mesures sectorielles sans ambition.
Alors que l'inflation a atteint 2,7 % sur un an, quand les conditions seront-elles réunies, selon vous, pour le dégel du point d'indice des fonctionnaires et le rattrapage de la perte de salaire qu'ils subissent depuis tant d'années ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
En 2017, pour améliorer le pouvoir d'achat des fonctionnaires, nous devions faire un choix. Nous pouvions, comme toutes les majorités précédentes, de droite et de gauche, considérer que le seul levier dont nous disposions était le point d'indice et augmenter tous les fonctionnaires du même pourcentage. Le dernier gouvernement de gauche avait choisi cette stratégie, qui s'était traduite par une augmentation de salaire de 5 à 6 euros pour les fonctionnaires de catégorie C, les moins bien rémunérés…
Avec le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement, nous avons fait un choix différent, que nous assumons : celui d'une mesure qui fait une différence réelle sur la feuille de paie.
Je vous répondrai donc par des éléments concrets. Que verra-t-on, au mois de janvier 2022, sur la feuille de paie des fonctionnaires ? Les 1,2 million d'agents de catégorie C – je le répète, les moins bien rémunérés – de l'État et des fonctions publiques territoriales et hospitalières bénéficieront de hausses de 40 à 100 euros par mois !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le Gouvernement a également décidé de financer leur mutuelle santé, aujourd'hui à la seule charge des fonctionnaires, qui sera désormais prise en charge à 50 % par tous les employeurs publics. Dès le mois de janvier, cette mesure se traduira, pour les 2 millions agents de l'État, par 15 euros supplémentaires sur la feuille de paie.
Pour préserver le pouvoir d'achat des Français, nous avons fait le choix, vous l'avez rappelé, de verser une indemnité inflation à un certain nombre d'entre eux, mais nous avons aussi décidé, ce qui est historique, de consacrer des milliards d'euros à la revalorisation de métiers oubliés et relégués : je pense évidemment au métier de soignant, au cœur du Ségur de la santé, mais également aux métiers de chercheur, d'enseignant, de policier et de sage-femme. Nous avons débloqué des crédits très importants pour mettre fin aux inégalités dont pâtissaient jusque-là tous ces métiers. Tout cela suffit-il ?
M. Jean-Paul Dufrègne fait un signe de dénégation.
Je vous répondrai clairement : non ! Car le système de rémunération de la fonction publique ne garantit pas son attractivité et ne donne plus de perspective d'augmentation salariale. Que faire, alors ? Nous devons avoir le courage de repenser en profondeur ce système. C'est la raison pour laquelle je me suis prononcée en faveur d'une véritable négociation sur ce sujet, dans le cadre du dialogue social. Le système est à bout de souffle et l'augmentation du seul point d'indice ne nous permettra pas de résorber les inégalités, le problème d'attractivité de la fonction publique et…
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Permettez-moi, monsieur le ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie et chargé des petites et moyennes entreprises, avant de vous poser ma question, de rendre un hommage appuyé aux agents consulaires qui vivent depuis deux ans une situation difficile en raison de l'apparition de nouveaux variants du covid-19 et du blocage de certaines frontières. Je sais que l'ensemble de la représentation nationale s'y associera.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Les agents consulaires ont fait un travail remarquable pendant cette période. Grâce à eux, plus de 350 000 personnes ont été rapatriées en France l'année dernière. Au cours des derniers jours, des milliers de nos compatriotes étaient encore bloqués à l'étranger et des avions ont été affrétés pour les rapatrier.
Monsieur le ministre délégué, je sais le travail que vous avez fait pour que nos compatriotes résidant à l'étranger soient vaccinés. Néanmoins, nous l'avons vu cet été, certaines situations restent difficiles, en raison de blocages. Nous avons appelé les Français de l'étranger à se faire vacciner localement, ce qu'ils ont fait, mais les vaccins utilisés étaient souvent des vaccins non reconnus par l'Agence européenne du médicament. Le Gouvernement s'est donc mobilisé afin qu'ils bénéficient d'un vaccin à ARN messager pour leur troisième dose. Nos compatriotes de l'étranger ont donc reçu une troisième dose avant tous les autres.
Aujourd'hui, on leur dit qu'ils doivent recevoir une quatrième dose. Ils s'inquiètent et attendent des recommandations claires. Comment le Gouvernement prendra-t-il en considération la situation spécifique des Français de l'étranger ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
La parole est à M. le ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie et chargé des petites et moyennes entreprises.
Je vous remercie de ce coup de chapeau aux personnels des ambassades et des consulats, qui depuis, non pas mars 2020, mais janvier 2020 sont à l'œuvre !
M. M'jid El Guerrab acquiesce.
Les premiers Français à avoir été touchés par la pandémie étaient des Français établis hors de France, ceux de Wuhan, que la France a rapatriés. Avec M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, nous avons organisé le rapatriement de 370 000 Français de passage à l'étranger.
Nous avons également veillé à organiser un plan d'accompagnement social pour les Français de l'étranger en instaurant une aide spéciale covid-19 secours occasionnel de solidarité (SOS). Grâce aux arbitrages budgétaires que nous avons obtenus, cette aide sera maintenue au cours des prochains mois.
Par ailleurs, nous avons prévu un accompagnement scolaire et éducatif avec un dispositif exceptionnel en matière de bourses et un soutien renforcé aux établissements.
Enfin, le Gouvernement accompagne les Français de l'étranger sur le plan sanitaire. La campagne de vaccination a commencé il y a plusieurs mois à Madagascar et s'est poursuivie depuis partout dans le monde. Actuellement, les Français de l'étranger bénéficient de la vaccination dans 64 pays, grâce à une organisation logistique très complexe.
S'agissant des vacances de Noël et des prochaines semaines, je veux rassurer nos compatriotes établis hors de France : ils seront évidemment autorisés à revenir en France. S'ils ont été vaccinés avec des vaccins reconnus par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais pas agréés par l'Agence européenne des médicaments, ils pourront recevoir un rappel en France et bénéficier de tests de dépistage gratuits, le cas échéant, afin de prolonger leur passe sanitaire.
Nous allons aussi déployer la campagne de rappel partout dans le monde. Elle a commencé à Madagascar le 8 décembre et se poursuit actuellement à l'île Maurice et au Mali. Nous sommes aux côtés des Français partout dans le monde car ce sont Français à part entière !
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
À l'hôpital de Bailleul, un patient est mort faute d'anesthésiste. Partout, les hôpitaux craquent. À Saint-Junien, Pontivy, Moissac, Senlis, Saint-Calais et Luçon, partout les urgences ferment la nuit ou le week-end, quand elles ne ferment pas tout court. Partout, des services de cardiologie, de neurologie ou de chirurgie ferment. Partout, ce sont des « pertes de chance », comme on dit dans votre jargon : des cancers qui ne sont pas découverts, des enfants qui ne sont plus suivis en pédiatrie. Partout, ce sont des soignants qui fuient, qui s'enfuient, parce qu'ils sont usés et épuisés, mais pas seulement : ils fuient et s'enfuient parce que vous les avez trompés !
Que s'est-il passé ? Pendant la crise sanitaire, comme pendant une épreuve, les soignants ont tenu sur leurs nerfs, mais aussi sur l'espoir. Le président Macron leur chantait de telles louanges, à eux les « héros en blouse blanche ». Il leur promettait un « après », où ils pourraient tout simplement faire leur métier. Ils y ont cru, mais qu'ont-ils vu, dans votre budget, l'an dernier ? Des économies de 1 milliard d'euros à l'hôpital et 5 700 suppressions de lits !
Il fallait oser. Chapeau ! En pleine année covid, vous avez réussi un exploit. Quel message avez-vous adressé ainsi aux soignants ? Celui qu'il n'y aura pas d'après et que rien ne changera jamais.
Je veux le dire aux infirmiers et aux usagers : l'hôpital ne meurt pas, il est tué !
M. Ugo Bernalicis applaudit.
Ce n'est pas le virus qui détruit l'hôpital, ni une fatalité : ce sont vos choix, ceux de la majorité et du président Macron.
Je veux le dire aux infirmiers et aux usagers : la course entre les patients et les brancards dans les couloirs, c'est un choix ; nous pouvons changer ça.
Les lits fermés, les services fermés, les maternités fermées, c'est un choix ; nous pouvons changer ça.
Même mouvement.
Le refrain des gestionnaires sur le retour à l'équilibre et les restrictions budgétaires, c'est un choix ; nous pouvons changer ça.
Citoyens, médecins, infirmiers, usagers, par le débat, par le combat, dans la rue et dans les urnes, nous devons changer ça !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Merci de nous avoir lu ce tract sur la question hospitalière, monsieur Ruffin !
Vous parlez de choix, mais vous aviez celui de soutenir la plus forte hausse de salaire des soignants jamais enregistrée dans l'histoire de notre pays. L'avez-vous fait ? Non, vous avez voté contre !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous aviez le choix de soutenir le plus grand plan d'investissement jamais proposé pour 3 000 hôpitaux et EHPAD, doté d'une enveloppe de 19 milliards d'euros. L'avez-vous fait ? Non ! Vous êtes pourtant très prompt, lors de nos déplacements dans les hôpitaux et les EHPAD de votre département, à vous gargariser des mesures prises par le Gouvernement et accueillies avec soulagement par les soignants !
Protestations sur les bancs du groupe FI.
Vous voulez réduire la charge du personnel hospitalier. Vous avez donc sans doute pris vos responsabilités de parlementaire et de représentant élu de la nation et multiplié les appels à la vaccination auprès de la population. L'avez-vous fait ? Non, je ne crois pas !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous vous plaignez, comme nous, du manque de médecins. Vous avez donc sans doute aussi soutenu, en 2018, la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui supprimait le numerus clausus. L'avez-vous fait ? Non, je ne crois pas.
Au nom de vos responsabilités et de vos choix, avez-vous soutenu le plan budgétaire du Gouvernement visant à augmenter de 30 % le nombre d'infirmières et d'aides-soignantes en formation dans votre région cette année ?
Non, je ne crois pas.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Quant aux soignants à qui vous vous adressez, monsieur Ruffin, sachez que j'ai porté la blouse blanche dix ans, dont trois comme aide-soignant en EHPAD passés à m'occuper des personnes âgées sur quatre étages ! Vous voulez du pathos, je peux aussi en faire ! Le quotidien des soignants, je le connais. Nous les plaignons vous et moi pour leur charge de travail, mais la différence entre nous, c'est que je serai toujours à leurs côtés pour les soutenir et les tirer vers le haut alors que vous faites l'inverse depuis maintenant cinq ans !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la semaine dernière, une étude de l'IFOP sur la montée du fait religieux dans les lycées révélait l'ampleur du séparatisme au sein même de notre système éducatif. Ainsi, plus d'un lycéen sur deux reconnaît avoir déjà été confronté à une forme d'expression du fait religieux dans son établissement, malgré le principe de laïcité, 47 % des élèves ont eu connaissance de demandes de menus confessionnels et 28 % ont constaté l'absence de filles en cours de sport au nom de la religion.
Dans les lycées relevant de l'éducation prioritaire, plus d'un élève sur deux a constaté la remise en cause des enseignements. Ce chiffre atteint 56 % pour les cours sur l'origine de la vie et la théorie de l'évolution et 58 % pour l'éducation civique et morale. Enfin, 40 % des lycéens considèrent les règles religieuses comme plus importantes que les lois de la République. Ce taux est situé entre 35 % et 65 % en fonction de la religion et entre 31 % et 55 % selon la commune.
Monsieur le ministre, le Parlement a adopté la loi confortant le respect des principes de la République il y a un an. Au cours de l'examen de ce texte, vous avez rejeté nos propositions visant à renforcer la lutte contre le séparatisme à l'école, préférant vous concentrer sur l'instruction en famille. Vous avez également refusé de renforcer les contrôles des établissements scolaires hors contrat alors qu'ils sont les plus exposés au séparatisme.
Compte tenu de cette étude alarmante sur le séparatisme dans les lycées français, ne pensez-vous pas avoir sous-estimé la gravité de la situation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je ne conteste en rien cette enquête, étant, vous le savez très bien, le premier à souligner ce type de problème. Précisons que les enquêteurs ont interrogé des lycéens sur ce qu'ils ont pu vivre durant leur parcours scolaire et pas seulement au cours des quatre dernières années. En effet, je suis le premier à le reconnaître, de tels phénomènes existent dans la société et se retrouvent à l'école. En revanche, je prétends que jamais autant n'a été fait pour y faire face que depuis 2017.
Regardez ce qui a été entrepris plutôt que de prétendre – à tort – que nous n'avons rien fait. Vous venez de dire, par exemple, que nous ne faisions rien contre les écoles hors contrat. C'est totalement faux et même contraire à la réalité : à mon arrivée, aucune disposition juridique ne permettait de les empêcher d'ouvrir ou de les fermer ; il est désormais possible de les empêcher d'ouvrir grâce à l'adoption de la loi Gatel, ou de les contraindre à fermer grâce à l'adoption de la loi confortant le respect des principes de la République, dite loi contre le séparatisme.
Et je vous le dis : nous en fermons, comme vous le verrez encore dans les prochains jours.
Exclamations sur les bancs du groupe SOC.
Ce matin encore, j'étais avec le Premier ministre dans un territoire où il y a ce type de problème et, dans les jours qui viennent, je le répète, vous aurez encore un exemple de fermeture. S'il ne faut pas minimiser le phénomène, il ne sert à rien non plus de l'exagérer comme vous le faites.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Avec vous, monsieur le ministre, les établissements hors contrat qui ne respectent pas les valeurs de la République peuvent continuer à ouvrir sans autorisation.
Ce sont les services de l'État qui essaient ensuite de les faire fermer en utilisant des moyens connexes, tels que les règles d'hygiène et de sécurité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le député, vous venez dire une contre-vérité : la loi Gatel permet d'empêcher une ouverture pour des raisons d'ordre public, et la loi confortant le respect des principes de la République permet une fermeture pour les mêmes raisons. Non seulement c'est une réalité juridique, mais nous l'avons fait et nous le ferons encore.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Demain, notre assemblée sera appelée à se prononcer sur le dernier budget du quinquennat. Ce budget résulte de réformes économiques majeures entreprises dès l'été 2017 et de la relance engagée en septembre dernier.
Trois constats s'imposent. Premièrement, jamais notre pays n'avait enregistré une croissance économique aussi forte depuis que l'homme a fait son premier pas sur la lune. Deuxièmement, jamais notre pays n'avait connu un taux d'emploi aussi élevé depuis l'arrivée du film Les Dents de la mer sur le grand écran. Troisièmement, ce budget consacre cinq ans de baisses d'impôt pour les Français et pour les entreprises, ce qui marque une rupture sans pareil avec un demi-siècle de majorités successives accros au « taxons tout ce qui bouge ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Au-delà de ces résultats économiques, ce budget reflète nos engagements à l'égard des Français.
Nous allons protéger nos concitoyens face à l'envolée des prix comme nul autre grand pays ne le fait. En 2022, les prix du gaz n'augmenteront pas en France et la hausse du tarif réglementé de l'électricité n'excédera pas 4 %.
Sans ce budget, le prix du gaz augmenterait de 20 % et celui de l'électricité de 25 %. Cet hiver, grâce à ce budget, 5,8 millions de ménages modestes bénéficieront d'une augmentation de 100 euros de leur chèque énergie pour régler leurs fractures.
Dans les soixante jours qui suivront l'entrée en vigueur de ce budget, 38 millions de nos concitoyens recevront une somme de 100 euros, qui les aidera à faire face à une explosion temporaire des prix – celui de la baguette de pain, du carburant ou des pâtes.
Il y a des pages de pub pendant les questions au Gouvernement, maintenant ?
Reconstruire une économie forte et compétitive pour rendre à la puissance publique les moyens de protéger les Français lorsque la situation l'impose, n'est-ce pas là, monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, la raison d'être ce budget ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.
Vous l'avez dit, l'Assemblée nationale sera appelée demain à adopter un budget conforme aux engagements du Président de la République. Il réarme les ministères régaliens et prépare l'avenir. Il permet aussi de continuer à tenir nos engagements en matière de fiscalité : à l'issue du quinquennat, la baisse d'impôt atteindra 50 milliards d'euros, bénéficiant pour moitié aux ménages et pour moitié aux entreprises. Nous aurons ainsi effacé les conséquences des chocs fiscaux de 2010 et 2013 et rendu du pouvoir d'achat à nos concitoyens.
En moyenne, le pouvoir d'achat des ménages français a augmenté deux fois plus au cours des cinq dernières années que durant les dix années précédentes.
Pour un salarié payé au SMIC, la défiscalisation des heures supplémentaires, la baisse des cotisations et l'augmentation de la prime d'activité représentent l'équivalent d'un treizième mois. Nous devons en être collectivement fiers.
Pour mieux protéger les Français – et c'est aussi la raison d'être de ce budget –, nous prenons trois mesures face à la flambée des prix de l'énergie.
Tout d'abord, comme annoncé par le Premier ministre, un montant supplémentaire de 100 euros sera adressé dès aujourd'hui aux 5,8 millions de ménages bénéficiaires du chèque énergie.
Ensuite, un dispositif de blocage des prix permettra de contenir l'augmentation du prix de l'électricité dans une limite de 4 % et de faire en sorte que le prix du gaz ne soit pas supérieur au niveau atteint au mois d'octobre. Vendredi dernier, vous avez complété ce dispositif pour permettre au Gouvernement de réagir si l'augmentation était plus importante que prévu, et ainsi de protéger les Français.
Enfin, 38 millions de Français vont bénéficier d'une indemnité inflation de 100 euros, en premier lieu les étudiants boursiers qui ont déjà commencé à la percevoir. Les indépendants du secteur privé la percevront demain, les salariés du secteur privé à la fin du mois, les bénéficiaires de minima sociaux en janvier, et ainsi de suite jusqu'à fin février.
Tenir les finances publiques, investir, faire en sorte de dégager des marges, cela sert aussi à protéger les Français et à préparer l'avenir.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Depuis plus de trois ans, monsieur le Premier ministre, les groupes d'opposition vous interrogent sur la désertification médicale. La semaine dernière, vous avez encore écarté la question du président Chassaigne sur ce sujet. Nous avons pourtant franchi le cap de l'admissible et les personnes sans médecin référent se privent de soins, faute de trouver un professionnel.
On ne peut plus inaugurer des maisons de santé pilotées par l'Agence régionale de santé (ARS) sans les médecins, comme nous l'avons fait hier à Cuisery et Frangy-en-Bresse, en faisant de surcroît peser de vrais risques financiers sur ces collectivités.
La cartographie de la répartition des médecins est éloquente puisque les effectifs varient du simple au triple selon les secteurs. Selon la Cour des comptes, les mesures incitatives sont coûteuses et inefficaces. Le numerus apertus ne règle pas le problème actuel de la désertification médicale, mais vous ne voulez pas de mesures coercitives et défendez des mesures incitatives sans effets. Or la politique nationale de santé publique exige des résultats. Nous devons tenter d'autres actions. Que nous proposez-vous ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Votre constat est très juste, madame la députée : nous manquons de médecins. Si nous en manquons, c'est parce que, durant quarante ans, il a été décidé d'arrêter d'en former.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Le numerus clausus a été une formidable machine à empêcher de jeunes étudiants français d'apprendre la médecine en France. Pendant un temps, pour compenser, on a fait appel à des médecins qu'on allait chercher en Roumanie en recourant à des chasseurs de têtes, puis cela n'a plus suffi.
Vous posez une question tout à fait légitime. Croyez bien que le Gouvernement a pleinement conscience des difficultés de millions de nos concitoyens à trouver un médecin. Qu'allons-nous faire, demandez-vous, en attendant que la suppression du numerus clausus, décidée en 2018, produise ses effets, à savoir une augmentation du nombre de médecins installés ?
Tout d'abord, je signale que le recours à la télémédecine a été multiplié par cent en deux ans, le nombre d'acte de téléconsultation passant de 10 000 à 1 million. Cela ne remplace pas tout, mais cela aide.
Ensuite, le Président de la République a donné au Gouvernement la mission de doubler le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles en cinq ans. Ce sera fait.
Il nous a demandé de doubler le nombre de centres de santé. Nous avons très fortement augmenté leur nombre et nous pouvons atteindre l'objectif de doublement.
En outre, nous avons développé les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui permettent aux médecins et aux professionnels paramédicaux de mieux travailler. Nous avons déployé plus de 2 000 assistants médicaux au cours des dernières années sur l'ensemble du territoire national. Ça fonctionne. Pour les consultations de soins non programmés, des services d'accès sont en cours d'expérimentation dans une vingtaine de départements. Là aussi, ça fonctionne.
Dans le dernier budget de la sécurité sociale, vous avez eu l'occasion de voter pour que certains professionnels de santé soient en accès direct. Nous expérimentons la mesure pour les kinésithérapeutes et les orthophonistes. Ça fonctionne. Vous avez pu voter pour que les orthoptistes puissent prescrire des lunettes lorsqu'une personne a des difficultés à trouver un ophtalmologue. La mesure sera opérationnelle dans les prochaines semaines, et ça va fonctionner.
En attendant que le nombre de médecins augmente, nous trouvons toutes les dispositions possibles et imaginables pour faire reculer les déserts médicaux. Actuellement, nous formons 10 500 médecins par an – contre 8 000 au début de quinquennat et 7 000 au début du quinquennat précédent – et ce nombre devrait passer à 12 000, 13 000, 14 000 ou 15 000. Nous déployons des capacités de formation et nous développons les stages en ambulatoire dans les zones rurales. Nous allons y arriver.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Pour ma part, je n'ai jamais prétendu que vous n'avez rien fait. Il est clair que vous avez fait des choses, mais les résultats ne sont pas à la hauteur des exigences d'une politique nationale de santé publique.
Si j'ai insisté sur la cartographie, c'est que le problème est moins le nombre de médecins que leur répartition :…
…il y a un médecin pour 10 000 habitants dans certains secteurs, alors que le ratio est de trois pour 10 000 dans d'autres.
Quant aux maisons et aux centres de santé, ils sont parfois vides. Le problème reste donc bien prégnant. Devons-nous dire à nos concitoyens de prendre patience ? La santé n'attend pas. Devons-nous dire aux collectivités locales d'assumer la carence de l'État ? Elles n'en ont pas les moyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Monsieur le ministre de l'intérieur, pour la troisième fois en deux jours, une voiture de police a été incendiée devant le commissariat de Firminy, dans ma circonscription de la Loire, à la suite de jets de cocktails Molotov. Malgré la grande réactivité des pompiers, ces véhicules ont été entièrement détruits.
Pour les policiers, cet acte ne fait aucun doute : il s'agit de représailles de la part de trafiquants de drogue dérangés dans leurs activités par le travail remarquable de la police, après le déploiement récent d'une brigade spécialisée de terrain dans la vallée de l'Ondaine.
Ces attaques contre nos forces de l'ordre, qui se consacrent nuit et jour à la protection de la population, sont inacceptables, intolérables ! Nos forces de l'ordre font un travail admirable, reconnu par tous, avec de moins en moins de moyens et dans un climat social qui se tend de plus en plus. Les crimes et délits augmentent dans nos communes malgré l'accroissement timide d'effectifs qui restent insuffisants.
Les policiers de l'ensemble du territoire national vous demandent de les protéger. À Firminy, ils se sentent vulnérables dans ce commissariat dont l'accès n'est pas sécurisé. En 2016 déjà, un forcené avait lancé sa voiture à vive allure contre la porte d'entrée du commissariat.
S'attaquer à nos policiers, c'est s'attaquer à la République. Les trois auteurs de ces attaques viennent apparemment d'être interpellés. Ils doivent être fermement – je dis bien fermement – condamnés.
Monsieur le ministre, qu'allez-vous faire pour assurer la sécurité de ceux qui nous protègent au quotidien ? Allez-vous accepter notre invitation et venir à Firminy dans les jours à venir afin de rencontrer les policiers et les élus de la vallée de l'Ondaine ?
Monsieur le député, je suis d'accord avec la première partie de vos propos : la destruction des véhicules de la police de Firminy est tout à fait inacceptable. Comme vous l'avez souligné vous-même, elle fait suite aux très nombreuses opérations antidrogue conduites sur tout le territoire national à la demande du Président de la République et Premier ministre, afin de déranger les trafiquants.
Ces opérations donnent des résultats puisqu'elles se sont traduites par une augmentation de 20 % des saisies et de plus 50 % des interpellations. Les policiers font leur travail, ce qui provoque ce genre de réactions.
Je veux encourager vivement les forces de l'ordre, en particulier les policiers du département de la Loire, dont vous êtes un élu. Je me réjouis de la rapidité de l'enquête et, comme vous, je souhaite que les auteurs de ces faits puissent être confondus et condamnés.
C'est donc bien parce qu'il y a une activité policière supplémentaire dans tous les quartiers de la République, que nous constatons ces réactions. Et nous ne lâcherons pas.
En revanche, je suis moins d'accord avec la deuxième partie de votre intervention. L'augmentation des effectifs a été timide, dites-vous. Nous avons recruté plus de 10 000 policiers et gendarmes !
Peut-être avez-vous vu les chiffres que j'ai communiqués à la presse quotidienne régionale et qui ont été publiés ce matin ? Dans toutes les villes et départements de France, les effectifs de policiers et de gendarmes ont augmenté de manière très forte, conformément à l'engagement et aux promesses de la majorité parlementaire.
Avec le garde des sceaux, nous avons mis fin aux remises de peine automatiques pour ceux qui s'en prennent à des policiers. Nous avons choisi – point très important – une incrimination pénale spécifique. Pour la première fois, un observatoire dédié, demandé par les policiers, recensera les violences envers les policiers, les pompiers, les gendarmes et les élus. En la matière, nous ferons preuve d'une totale transparence.
Vais-je venir dans le département ? Oui. Quand ? La semaine prochaine. En cette période de Noël, j'espère que vous m'accueillerez et que j'aurai une nouvelle fois l'occasion de saluer et d'encourager les policiers qui sont la fierté de la République.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Si vous venez la veille de Noël, apportez les cadeaux qu'il nous faut : les moyens nécessaires pour assurer la sécurité face à ces délinquants et ces voyous !
Monsieur le ministre de l'agriculture, ce n'est pas un hasard si, vendredi dernier, vous avez choisi la Haute-Saône, le pays de la cancoillotte, avec ses plus de 3 000 exploitants, pour venir échanger sur les nouvelles dispositions des retraites agricoles.
Nous pouvons être fiers d'avoir répondu à une attente de longue date : augmenter à 85 % du SMIC le minimum de retraite, sur la base d'une démarche transpartisane engagée par André Chassaigne et travaillée avec Jacqueline Dubois. Il était urgent d'agir puisque la moitié des agriculteurs partiront à la retraite dans dix ans et viendront s'ajouter aux 200 000 retraités bénéficiaires de cette revalorisation dès ce mois.
Nous sommes allés plus loin, avec l'élargissement du dispositif aux conjoints collaborateurs et aux aidants familiaux. Cette injustice désormais réparée contribue à rendre de l'attractivité à ce métier essentiel à la société, comme nous l'a rappelé le dernier recensement décennal.
Cette action s'inscrit dans une démarche plus globale que nous menons avec le Gouvernement depuis 2017 ; avec les lois EGALIM 1, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, et 2, pour protéger la rémunération des agriculteurs ; avec le texte sur le foncier agricole adopté hier sur ces bancs, pour une meilleure distribution des parcelles de la ferme France et aussi, évidemment, avec France relance, le Varenne de l'eau et prochainement la réforme de l'assurance récolte.
Et ce n'est qu'un début. Depuis la décision du monde agricole de ne pas entrer dans le système général en 1962, les réalités ont évolué. La réforme des retraites qu'on nous a empêchés de mener prévoyait bien de corriger un déficit structurel par l'harmonisation et la solidarité.
Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer votre volonté de créer un système juste et durable pour nos agriculteurs, mais aussi pour nos artisans, nos commerçants, nos indépendants, bref, de créer un système de retraite plus équitable eu égard à la valeur travail ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.
Vous avez interrogé le Gouvernement sur ce que nous avons pu examiner ensemble durant mon séjour en Haute-Saône, à savoir la réalité des petites retraites agricoles pour les chefs d'exploitation comme pour les conjoints collaborateurs, qui sont souvent les épouses, et sur la nécessité de trouver les voies pour que l'ensemble des retraités modestes, qui ont fait l'objet d'un rapport très suivi de vos collègues Nicolas Turquois et Lionel Causse, puissent aussi être concernés demain par ces nouvelles mesures.
S'agissant tout d'abord de ce que nous avons pu voir ensemble dans votre département avec votre collègue Christophe Lejeune, nous avons trouvé au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) Normand des agriculteurs pleinement engagés. La cheffe d'exploitation en retraite, qui voyait sa pension évoluer de 70 euros en moyenne, bénéficiera d'une augmentation de 100 euros. Nous pouvons aussi féliciter et remercier le président Chassaigne pour son abnégation en la matière
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, SOC et GDR
et son sens de la négociation, car il l'a bien menée, avec le Gouvernement comme avec les parlementaires. Les deux lois qui portent son nom ont été votées à l'unanimité par cette assemblée et par le Sénat.
Elles nous permettent de revaloriser de 100 euros les retraites de plus de 200 000 chefs d'exploitation agricole et de 200 000 conjoints collaborateurs. Ce faisant, nous avons adressé un coup de chapeau à tous ceux qui nous nourrissent, et qui ont continué de le faire pendant la crise sanitaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Permettez-moi d'évoquer la mémoire d'André Aschieri, maire de Mouans-Sartoux pendant quarante ans, premier député écologiste du Sud de la France, élu en 1997. C'est sous son impulsion que fut créée l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, pour enfin prendre en compte le lien entre dégradation de l'environnement et impacts sur notre santé. Il nous a quittés la semaine dernière.
Applaudissements.
À quelques semaines de Noël, nous nous inquiétons du devenir de nos produits régionaux. Le danger ne vient pas de la position de quelques-uns face au foie gras, mais bien du risque que pourrait être l'utilisation à tort et à travers de l'outil nutri-score.
L'outil est intéressant pour comparer deux boîtes de raviolis, certes, mais il n'est d'aucune utilité pour nous expliquer que le kouign-amann est gras et sucré ! Le vrai danger pour notre santé, ce ne sont pas nos recettes traditionnelles à base de produits naturels, ce sont ces produits ultratransformés de l'industrie agroalimentaire mondiale, ces produits fortement soupçonnés d'être la principale cause de la maladie de NASH – stéatohépatite non alcoolique –, une forme d'hépatite.
Je me permets d'ailleurs de rappeler que c'est dans le Gers, pays du foie gras – qui est gras –, du confit de canard – qui est gras –, de la croustade – qui, sucrée et beurrée, contient un peu d'armagnac – que l'on vit le plus longtemps : 87 ans en moyenne ! La preuve est faite !
Monsieur le ministre de l'agriculture, dans notre pays qui a inventé la gastronomie, à la veille des fêtes de fin d'année, de ce plaisir à se retrouver autour de nos bons produits, nous devons prendre garde à la simplification des messages induits par le nutri-score.
M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.
Quelle sera la politique française dans le cadre du cycle européen de la politique agricole commune (PAC) et de la présidence française de l'Union européenne face au danger de perdre nos bons produits de terroir au profit de produits ultratransformés de l'agro-industrie, ce qui ne serait pas sans conséquence sur la santé de nos concitoyens et sur le revenu de nos agriculteurs ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, SOC et GDR.
Je vous confesse que le Premier ministre, le Gouvernement et l'ensemble de l'exécutif sont aussi attachés que vous aux beaux produits de notre terroir, nos IGP – indications géographiques protégées – et AOP – appellations d'origine protégée.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LT.
Le Gouvernement les défendra aux niveaux national et européen.
Soyons clairs : la France n'imposera pas le nutri-score au niveau national. Le Gouvernement n'entend pas rendre ce système obligatoire, il pourrait le devenir uniquement s'il en était décidé ainsi au niveau européen. Il n'y aurait aucun sens à agir différemment, puisque nous sommes dans un marché commun. La position française est sans ambiguïté.
Par ailleurs, nous savons bien que le calcul du nutri-score ne prend pas en compte la réalité des consommations puisqu'il se fonde sur une proportion exprimée en millilitres ou en grammes. Parfois, en dépit de notre amour prononcé pour les beaux produits dont vous avez parlé, cette proportion dépasse largement le niveau de la consommation effective, ce qui crée un biais. Nous avons décidé de revoir cette méthodologie au niveau européen, avec nos partenaires espagnols et italiens, qui sont confrontés à la même difficulté.
La position du Gouvernement est donc très claire : nous soutenons ces beaux produits du territoire et nous ne rendrons pas le nutri-score obligatoire au niveau national. Une telle décision ne pourrait être prise qu'au niveau européen. Nous devons revoir la méthodologie pour tenir compte de la réalité de la consommation et des bienfaits de ces produits auxquels nous sommes tant attachés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Sourires.
Mon indignation est totale face à la souillure du mémorial du Mont Valérien, moi qui occupe, dans cette enceinte, le siège qui était celui de Gabriel Péri. Demain, cela fera quatre-vingts ans qu'avec soixante-neuf otages, il y a été fusillé.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, le projet de décret relatif aux modalités de prise en charge des fauteuils roulants pour les personnes en situation de handicap suscite de nombreuses inquiétudes.
Il semble que le Gouvernement prévoie d'imposer des modalités d'acquisition pour certains modèles de fauteuils roulants accessibles uniquement à la location, des délais entre chaque renouvellement et une très forte baisse de leur prise en charge : cela risque de réduire de façon significative le parc de fauteuils roulants sur le marché français et la variété des modèles, avec un impact négatif sur les innovations technologiques.
Si les prix peuvent être prohibitifs parce que trop élevés, les niveaux de prise en charge le sont aussi parce que trop bas. Le reste à charge pour les personnes est difficile à supporter pour beaucoup et les parcours de recherche de financements sont tellement contraignants que nombre d'utilisateurs et utilisatrices renoncent à l'acquisition du fauteuil roulant le plus adapté à leurs besoins.
Les aides à la mobilité, notamment les fauteuils, sont un sujet extrêmement sensible. Le libre choix de ces aides ne doit pas être remis en cause. Il est essentiel que chaque personne utilisatrice puisse bénéficier, sans subir d'inégalités sociales, du fauteuil roulant le plus adapté à sa situation et à ses besoins, sans quoi les conséquences sur son état de santé, sur sa sécurité ou sur ses choix de vie quotidienne peuvent être considérables.
La baisse du prix des aides techniques que représentent les fauteuils ne peut se faire détriment des utilisateurs et utilisatrices. Quels sont vos projets ? Quels sont vos objectifs budgétaires ? Que pouvez-vous répondre aux inquiétudes des personnes en situation de handicap et de leurs familles ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC. – Mme Blandine Brocard et M. Ugo Bernalicis applaudissent également.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Cette réforme part d'un constat simple, partagé par tous : il existe trop de freins à l'acquisition d'un fauteuil ; des freins financiers, liés à des prix parfois exorbitants et non justifiés, parmi les plus élevés en Europe, mais également des freins liés aux délais, parfois trop longs et trop complexes.
Le panier de soins actuel est totalement obsolète. Pour remédier à cette situation, nous comptons améliorer le remboursement des fauteuils roulants par la sécurité sociale dans un objectif très simple : permettre un accès simplifié et plus rapide à des fauteuils roulants de qualité. Surtout, je suis extrêmement attachée à garantir que chaque personne puisse bénéficier du fauteuil roulant le plus adapté à sa situation et à ses besoins dans le respect, je le réaffirme, de ses libres choix. Cela passe par le renforcement des exigences sur le parcours de prescription, le développement d'essais systématiques en condition de vie réelle. C'est ce que nous faisons en déployant les équipes locales d'accompagnement aux aides techniques, qui sont plébiscitées.
Nous menons cette réforme dans un dialogue très étroit avec les associations représentatives. J'ai eu l'occasion d'échanger avec APF France handicap – anciennement, Association des paralysés de France – et les administrations jeudi dernier. Je veux rétablir certaines vérités et répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées. Le renouvellement anticipé du fauteuil sera évidemment possible au regard de son état d'usure et de l'évolution du handicap. Le remboursement de plusieurs fauteuils sera possible si le besoin est identifié et objectivé. Les personnes qui continueront à avoir un usage de leur fauteuil n'auront pas à le restituer en cas de nouvelle acquisition.
Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, nous souhaitons inciter au réemploi des aides techniques non utilisées, avec le reconditionnement. C'est important, et c'est aussi une demande des intéressés. Il n'est en aucun cas question de réaliser des économies pour l'assurance maladie. Des moyens supplémentaires sont alloués pour cette réforme et nous négocierons avec les fabricants pour parvenir à un niveau de prix qui leur permette de préserver leurs marges pour garantir l'innovation – vous avez raison – sans créer de rente de situation. J'espère que ces éléments vous auront rassuré, monsieur le député.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Les associations ont fait part de leurs inquiétudes après la rencontre que vous avez évoquée. Selon moi, il faut changer de vision.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail. Au 1er janvier, au moment de nous souhaiter nos meilleurs vœux pour la nouvelle année, les retraités auront des raisons de s'inquiéter. Ils subiront effectivement une énième perte de pouvoir d'achat. Leurs pensions de retraite ne seront revalorisées que de 1,1 % alors que l'inflation est chiffrée à 2,8 % sur un an. Cette revalorisation automatique apparaît trop faible pour compenser les effets d'une inflation galopante.
Je pense plus particulièrement aux 5,7 millions de Français dont la pension est inférieure à 1 000 euros. L'inflation pèse très fortement sur eux. L'augmentation dramatique des prix de l'énergie a de lourdes conséquences sur leur porte-monnaie en pleine période hivernale, où le besoin de se chauffer est vital.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. François Ruffin applaudit également.
La prime inflation n'aura qu'un temps ; elle ne permettra pas de compenser une perte de pouvoir d'achat durable. Avec de petites pensions, aucun écart n'est permis, et la précarité est une réalité.
Les retraités n'ont pas bénéficié du « quoi qu'il en coûte » : l'activité partielle, le fonds de solidarité et les dizaines de milliards d'euros accordés dans le cadre de mesures catégorielles ne s'adressaient pas à eux. Pourtant, eux aussi subissent de plein fouet les effets de la crise, en particulier la forte inflation actuelle.
Le président Macron leur avait promis, en avril 2019, que « toute retraite pour une carrière complète devra[it] être supérieure à 1 000 euros par mois ». Les millions de retraités concernés attendent toujours ! La seule promesse que l'exécutif ait tenu à leur égard, c'est l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) en début de quinquennat ! Force est de constater qu'Emmanuel Macron est le premier Président de la République, depuis quarante ans, à ne pas avoir réformé notre système de retraite, en dépit de ses promesses réitérées.
Les pensionnaires de petites retraites, qui ont travaillé toute leur vie jusqu'à quarante heures par semaine, méritent mieux qu'une simple revalorisation automatique de leurs revenus : ils méritent un véritable coup de pouce de la part du Gouvernement. Comptez-vous enfin garantir le maintien du pouvoir d'achat des retraités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Ugo Bernalicis et François Ruffin applaudissent également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.
D'abord, je crois que vous le savez, les pensions de retraite versées aux fonctionnaires et aux salariés relevant du régime général augmenteront de 1,1 % au 1er janvier 2022. C'est là le résultat d'une application stricte de la loi : nous maintenons bien le pouvoir d'achat des retraités, en nous conformant à la formule de calcul légalement définie. Il n'y a aucune ambiguïté en la matière. J'ai cru un instant que vous faisiez référence à la revalorisation des retraites complémentaires AGIRC-ARRCO, qui, elle, a bien été sous-indexée, à hauteur de 0,5 point. Vous n'êtes cependant pas sans savoir que cette décision relève des partenaires sociaux, et non du Gouvernement, qui a bien fait le choix de maintenir le pouvoir d'achat des retraités.
Mme Valérie Bazin-Malgras proteste.
Un mot ensuite du chèque inflation : il me semble que vous appartenez à une formation politique…
…qui a décidé de voter, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative au Sénat, la suppression du chèque inflation pour les retraités.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je me réjouis de constater que les députés de votre groupe souhaitent que le pouvoir d'achat des retraités augmente, contrairement aux sénateurs qui auraient souhaité les priver du bénéfice de cette prime. Il me paraissait important de souligner ce point.
En réalité, tout ne repose pas sur le chèque inflation : plus de 55 % des retraités ne payent plus de taxe d'habitation, grâce à la décision prise ici même par la majorité – mais j'imagine que vous vous êtes jointe à ce vote, puisque vous vous souciez du pouvoir d'achat des retraités.
Plusieurs mesures à destination des retraités modestes ont été prises.
Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, Julien Denormandie et moi-même avons été particulièrement attentifs à la situation des retraités agricoles et des conjoints collaborateurs.
Leur situation s'est améliorée grâce à M. Chassaigne, pas grâce à vous !
Ne doutez pas de la volonté du Gouvernement en la matière.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Si nous le pouvions, nous donnerions à voir, sur les écrans dont l'hémicycle est équipé, le parcours – que dis-je, l'aventure – que viennent de vivre onze jeunes footballeuses. Il fait en effet l'objet d'un documentaire plein d'espoir que vous avez visionné la semaine dernière, madame la ministre déléguée chargée de la ville, lors de votre venue à Clichy, dans les Hauts-de-Seine. Je vous remercie d'ailleurs de votre présence : vous avez ainsi pu rencontrer Hafsa, Lina, Joséphine, Wissam ou Noémie – ainsi que leurs coéquipières et leurs mamans supporters –, qui ont représenté la France en Finlande au mois de juillet dernier, à l'occasion de la Helsinki Cup, un tournoi mondial de football junior. Ces sportives, grâce à l'association Football is the solution, ont fait l'expérience de l'esprit d'équipe, de l'accomplissement par l'effort et du dépassement des frontières, que celles-ci soient géographiques ou culturelles.
Encore aujourd'hui, il en faut, du courage, aux filles pour jouer au foot et faire fi des préjugés tellement intégrés dans notre société ; il en faut, de la détermination, pour ne pas se faire piquer le ballon parce qu'on n'est pas un garçon ! Alors bravo à ces adolescentes qui prouvent que tout est possible quand on ose prendre la parole et revendiquer sa place, sur le terrain comme en dehors !
À travers leur exemple, je tiens à saluer l'action déterminante des associations qui œuvrent dans les quartiers, en particulier de celles qui favorisent l'accès au sport. Elles regroupent des millions de bénévoles et, en mettant le pied à l'étrier de nombreux jeunes, elles participent non seulement à améliorer leur santé et à développer leur sens du collectif, mais aussi, parfois, à leur offrir des perspectives d'insertion professionnelle. Ce dernier thème fait d'ailleurs l'objet d'une mission que vous avez récemment confiée à Karl Olive sur l'insertion des jeunes des quartiers par le sport.
Nous avons évoqué les vertus de la pratique du sport au cours de nos discussions sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, qui sera examinée par le Sénat en janvier prochain. Comment concevez-vous le rôle du sport pour lutter pour plus d'égalité dans les quartiers – je songe à l'égalité entre filles et garçons, mais aussi, plus globalement, à l'égalité des chances ?
Comment le Gouvernement entend-il soutenir l'activité des associations et des acteurs du monde sportif afin de faire rimer liberté, égalité et fraternité ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Vous avez raison de rappeler qu'il importe de prendre des actions déterminantes en faveur de l'émancipation individuelle. Roxana Maracineanu, ministre déléguée chargée des sports, et moi-même estimons précisément que le sport est un vecteur d'émancipation, de sociabilisation et de réussite, quel que soit le lieu où l'on vit.
Depuis 2017, nous avons agi résolument dans ce domaine, en intégrant le sport dans les contrats de ville conclus dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ; en déployant le plan de rattrapage des équipements sportifs décidé par le Premier ministre ; en apportant un soutien renforcé aux associations qui œuvrent pour l'insertion par le sport ; ou encore en développant les activités sportives dans les territoires grâce au doublement du nombre de bénéficiaires du dispositif SESAME – Sésame vers l'emploi dans le sport et l'animation pour les métiers de l'encadrement –, qui permettra de former 6 000 jeunes sans qualifications aux métiers du sport.
Comme vous l'avez rappelé, Jacqueline Gourault, Roxana Maracineanu et moi-même avons confié une mission à Karl Olive, un ancien journaliste sportif qui a grandi dans un quartier de la ville de Poissy, dont il est désormais maire. Je ne doute pas que son regard expert et créatif nous permettra d'aller plus vite, plus fort et plus haut. Il présentera d'ailleurs quelques mesures dans le cadre du colloque qui se tiendra ici même le 17 décembre. Je songe par exemple à la mobilisation de financements privés pour financer des actions sportives dans les quartiers, ou encore au développement de tiers lieux sportifs en bas d'immeubles avec le soutien des bailleurs sociaux. Ces derniers pourraient d'ailleurs s'appuyer, plus largement, sur le plan massif de financement d'équipements sportifs annoncés par le Président de la République en vue des Jeux olympiques de 2024.
Enfin, vous avez évoqué le parcours des jeunes filles suivies par l'association Football is the solution, que j'ai eu la chance de rencontrer. J'en ai ressenti une réelle fierté, car elles incarnent un message fort : l'importance du sport pour dépasser les différences de genre, mais aussi les différences sociales, économiques et culturelles. Vous pouvez compter sur l'action du Gouvernement pour contribuer à défendre cette conviction haut et fort.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il y a quelques jours, votre majorité a, une nouvelle fois, refusé de déconjugaliser l'allocation aux adultes handicapés (AAH), déniant aux couples en situation de handicap l'accès à davantage de justice et d'autonomie.
Je veux revenir sur la question posée par Pierre Dharréville et appeler votre attention sur un autre rejet tout aussi indigne : la garantie du libre choix du fauteuil roulant, que vous avez retirée du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La réforme en cours d'élaboration concernant la prise en charge des fauteuils, si elle était menée à terme, limiterait fortement le choix de leur fauteuil par les personnes concernées, allongerait les délais à respecter avant d'en changer et restreindrait ses modalités d'acquisition. Tout cela est complètement déconnecté de la réalité vécue par les personnes en situation de handicap, du marché des fabricants de fauteuil et des avancées techniques et technologiques auxquelles ces personnes peuvent prétendre.
En effet, votre projet remet en cause le libre choix des aides à la mobilité les plus adaptées et revêt des conséquences graves pour la santé, voire pour la sécurité des personnes concernées. Il suscite chez elles une très grande inquiétude, qui pourrait même se transformer en colère. Le fait de leur imposer un renouvellement tous les cinq ans montre votre méconnaissance totale de l'état d'un fauteuil au bout de trois ans d'utilisation quotidienne, tout comme le fait d'imposer la possession d'un unique fauteuil traduit votre ignorance des contraintes liées à l'utilisation d'une voiture ou à la mobilité au domicile.
Il est encore temps de revenir sur cette réforme injuste. Il est encore temps – c'est même indispensable – de mener une véritable concertation avec les usagers et les associations pour que leur libre choix soit maintenu. La rencontre de jeudi dernier et la réponse que vous avez adressée à Pierre Dharréville cet après-midi ne sont pas de nature à les rassurer. Êtes-vous disposée à engager une véritable discussion ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Que je sache, vous n'étiez pas présente à la réunion de jeudi dernier. Je me demande qui a pu vous en faire une restitution aussi négative.
L'association APF France handicap – anciennement, Association des paralysés de France –, qui y a participé aux côtés de la direction de la sécurité sociale (DSS) et de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), a pris acte des avancées réalisées. Nous rédigeons actuellement les textes d'application avec ses représentants ainsi qu'avec l'ensemble des associations membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Je répète donc ce que j'indiquais tout à l'heure : le libre choix du fauteuil sera garanti ; il n'y aura aucune obligation de restituer son fauteuil ; il sera possible de conserver deux fauteuils ; le déploiement des équipes locales d'accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT), ces équipes mobiles travaillant en lien avec les ergothérapeutes, permettra de déterminer le juste besoin des personnes en situation de handicap. APF France handicap a reconnu ces avancées. Si ses représentants font volte-face, je continuerai de travailler avec eux, mais je peux sincèrement vous assurer que nous les avons écoutés et entendus…
Non, vous ne les écoutez pas ! Vous faites comme pour l'allocation aux adultes handicapés !
…et que la DSS fait un travail remarquable pour tenir compte de toutes leurs propositions. Les associations s'expriment chaque jour auprès de mon cabinet et du CNCPH : nous construisons cette réforme avec elles.
Nous avons tenu compte de toutes les alertes qui nous ont été transmises. Philippe Denormandie et Cécile Chevalier ont fourni un travail remarquable pour rédiger leur rapport, qui a fait l'objet d'une grande concertation avec les associations et qui a été plébiscité par tous. C'est sur cette base que nous travaillons.
Je maintiens que nous travaillons avec elles. Si nous devons réexpliquer notre action, nous le ferons. Nous avons tenu compte de toutes les demandes qui nous ont été adressées et nous travaillons à la finalisation des décrets, qui seront bien évidemment, comme il se doit, présentés au CNCPH, comme ils l'ont toujours été.
Pour résumer : libre choix de l'équipement, possibilité de posséder deux fauteuils, et même un fauteuil sportif en cas de besoin, et baisse des prix permise par la négociation avec les fabricants – voilà ce à quoi nous nous attelons, parce que c'est là l'enjeu majeur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Vous écoutez peut-être les associations – tant mieux –, mais il faudrait surtout les entendre ! Toutes les personnes concernées le disent : leur fauteuil est le prolongement de leur corps. C'est donc un équipement essentiel. Votre rôle est de leur faciliter la vie, pas de la leur rendre encore plus compliquée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Les difficultés rencontrées par nos concitoyens sont légion. Je n'ai aucun doute sur le fait que tous ceux qui, dans cet hémicycle, ont eu l'occasion d'exercer un mandat local, ont déjà été frappés par la gravité de la situation d'un administré ou de sa famille. Je songe aux difficultés que certains Français éprouvent à joindre les deux bouts, à l'impossibilité de contacter certains bailleurs sociaux, ou encore au sentiment d'abandon généralisé dont souffrent nos aînés qui, après avoir pourtant travaillé toute leur vie, en sont maintenant réduits à réclamer des colis alimentaires.
De nouveaux visages franchissent depuis plusieurs mois la porte des mairies et des permanences. Tout en présentant leurs excuses, ils expliquent ne pas avoir l'habitude de se plaindre, mais confessent qu'ils n'en peuvent tout bonnement plus. Ce sont ces mêmes retraités qui disent devoir faire attention pour pouvoir donner un billet à leurs petits-enfants à Noël. Parmi eux, aucun ne se reconnaît dans le récit que tente d'imposer le Président de la République : celui d'une France dynamique et connectée, qui devrait être fière de ses start-up ou de sa politique européenne, qu'ils jugent souvent éloignée de leurs préoccupations quotidiennes.
C'est incompréhensible : en France, où la dépense publique représente depuis des années plus de la moitié de la richesse nationale, les témoignages toujours plus nombreux de ces retraités percevant de petites pensions – souvent des femmes, d'ailleurs – soulignent l'appauvrissement croissant de nos aînés.
Une société qui oublie ce qu'elle doit à ses aînés va droit dans le mur. Aujourd'hui isolés, ils sont nombreux à ne plus faire nation. Les chèques distribués à quelques mois des élections sans être financés ne dupent personne : même s'ils font plaisir à court terme, ils ne résolvent pas les problèmes de fond !
Après plus de quatre ans et demi de mandat, comment justifiez-vous votre inertie en matière de lutte contre l'isolement de nos aînés et contre la pauvreté structurelle de notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Avant de vous répondre sur le fond, je vous conseille de transmettre votre question aux sénateurs du groupe Les Républicains, qui ont récemment tenté d'exclure les retraités du bénéfice de la prime inflation.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Les phrases, c'est bien, mais les actions, c'est mieux ! En tant que parlementaire, vous avez l'occasion de leur faire passer le message. Je suis certain qu'ils vous écouteront.
Pour notre part, nous agissons. Chacun sait qu'il n'existe pas de martingale contre la pauvreté et que ce phénomène – je vous rejoins sur ce point – atteint structurellement un niveau élevé en France, comme d'ailleurs dans l'ensemble des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), alors même que la puissance publique engage des dépenses élevées pour aider les plus précaires.
Je me souviens que, voilà environ un an et demi, à l'occasion d'une précédente séance de questions au Gouvernement, un élu de votre groupe assurait, tribune de presse à l'appui, que la France compterait un million de pauvres supplémentaires à l'issue de la crise sanitaire. Peut-être avez-vous noté que l'INSEE a publié il y a un mois des chiffres montrant que, bien loin de connaître une telle augmentation, la pauvreté a en réalité continué de reculer légèrement, malgré la crise sanitaire. Cela signifie que, si le travail qui reste à faire est immense, notre système de solidarité nationale a fait la preuve, s'il en était besoin, du puissant rôle d'amortisseur qu'il joue en période de crise.
Déjà, lors de la crise économique et bancaire de 2008 – vous étiez alors en pouvoir –, l'explosion de la pauvreté a été un peu moins forte en France qu'en Allemagne grâce à notre système de solidarité. Soyons en fiers collectivement. Il n'appartient ni à la gauche ni à la droite, mais aux Français qui le financent avec leurs impôts.
Nous luttons avec efficacité et par tous les chemins possibles contre les inégalités de destin. La stratégie nationale de prévention et d'action contre la pauvreté représente 8 milliards d'euros. Les aides directes, comme l'indemnité inflation – 4 milliards d'euros –, viennent s'ajouter à toutes les aides apportées aux Français pendant la crise sanitaire.
Je ne vais pas dresser la liste de tout ce que nous avons fait, mais je rappelle que vous avez voté – et c'est dommage – contre l'extension de l'accès à la complémentaire santé pour 1 euro aux bénéficiaires du minimum vieillesse ou du RSA. C'était il y a seulement un mois. Regardez quels ont été vos votes, et ensuite vous pourrez nous poser des questions.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants. Comme l'ensemble de mes collègues sur ces bancs, j'ai été très profondément choquée par les dégradations commises hier par des anti-passe sanitaire sur le mémorial de la France combattante, au Mont-Valérien.
J'affectionne tout particulièrement ce site puisqu'il se trouve à Suresnes, dans ma circonscription. Nous y commémorons chaque année l'appel du 18 juin du général de Gaulle. Un mois après le transfert du corps d'Hubert Germain, dernier compagnon de la Libération, comment aurions-nous pu imaginer cela ?
Il n'est pas de plus grand déshonneur que de saccager ce lieu de mémoire collective, cette empreinte de notre histoire qui doit nous rappeler ce que nous devons au sacrifice de ces hommes et de ces femmes, résistants, juifs ou communistes, qui furent prisonniers, otages et torturés.
Une fois la colère passée, je m'interroge : comment en sommes-nous arrivés là ? Comment peut-on accepter que des individus s'approprient ce site et le symbole de la Résistance ? Il est inadmissible d'entretenir cette confusion. Ces inscriptions, là où ont été emprisonnés et fusillés plus d'un millier de combattants de la liberté, sont une injure à leurs familles, à notre histoire, à notre pays.
Souvenons-nous des mots du capitaine Honoré d'Estienne d'Orves peu avant son exécution : « Que personne ne songe à me venger. Je ne désire que la paix dans la grandeur retrouvée de la France. Dites bien à tous que je meurs pour elle, pour sa liberté entière, et que j'espère que mon sacrifice lui servira. »
Aussi, madame la ministre déléguée, en mémoire du combat de ces hommes et de ces femmes, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que de tels actes se reproduisent ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC et GDR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Je redis toute mon indignation et ma colère à la suite de la dégradation de ce lieu sacré de notre mémoire nationale. J'imagine que tous les habitants de Suresnes doivent être particulièrement touchés, car c'est également un lieu très important dans cette ville.
Vous m'avez interrogée sur les mesures que nous entendons mettre en œuvre. Au-delà de la plainte qui a été déposée et du travail des enquêteurs, ainsi que, je l'espère, de la décision de justice qui sera prononcée une fois que nous aurons retrouvé les auteurs de ces actes, nous devons conjuguer deux impératifs.
Le premier, vous l'avez évoqué, est la lutte contre tous les relativismes. Tout ne se vaut pas. Or, malheureusement, certains tiennent aujourd'hui des propos marqués par le relativisme, qui laissent penser que tout est équivalent. Il faut lutter contre les manipulations et les réécritures de l'histoire. Je dois vous dire qu'en ce moment, notamment pendant ces mois de campagne électorale, j'entends des horreurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il faut ensuite porter en étendard la connaissance contre l'ignorance. Cela passe bien sûr par une intensification du travail sur la mémoire au sein de l'éducation nationale, question à laquelle je sais Jean-Michel Blanquer très sensible. À cet égard, je veux saluer les professeurs qui font un travail extraordinaire, ainsi que les associations et les témoins qui se rendent dans les classes.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous devons aussi, bien sûr, favoriser et faciliter la fréquentation des lieux de mémoire, notamment les dix hauts lieux de la mémoire nationale que compte notre pays. Enfin de nouveaux vecteurs, numériques et artistiques, doivent être mobilisés.
La transmission mémorielle est un travail d'intérêt national. J'appelle chacun à s'appuyer sur ce travail et à le développer.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, alors même que nous préparons Paris 2024, et après le succès de notre équipe aux Jeux olympiques de Tokyo – à l'occasion duquel vous avez d'ailleurs mis en avant le secteur de l'enseignement du sport en oubliant légèrement son volet associatif –, je veux vous interpeller sur un problème qui concerne nos sportifs sur l'ensemble du territoire.
L'exemple de Clémence Beretta est tout sauf un cas isolé. Cette athlète vosgienne, romarimontaine, recordwoman de France à de multiples reprises, se trouve aujourd'hui, comme de nombreux autres sportifs français, dépourvue de l'aide directe aux athlètes en raison de la politique et des critères mis en place par l'Agence nationale du sport.
Certains des sportifs privés d'aide directe à la suite de cette nouvelle politique ont pourtant participé aux Jeux olympiques l'an dernier. Non seulement incohérente – puisque l'on abandonne ceux qui progressent –, cette mesure témoigne aussi d'un manque de suivi, l'aide étant finalement ciblée sur les athlètes déjà très performants. Or nous avons besoin d'aider le sport amateur en accompagnant aussi ceux qui émergent.
Ma question est simple. Si, comme vous l'avez déclaré après les Jeux olympiques de Tokyo, vous êtes attaché au sport amateur et au modèle sportif français, allez-vous revenir sur les critères de l'Agence nationale du sport afin d'aider nos futurs champions à représenter leur pays ou allez-vous les abandonner en les laissant se débrouiller seuls ?
Applaudissements sur les bancs des groupe UDI-I et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Votre question a le mérite de mettre l'accent sur la situation des sportifs de haut niveau. En effet, il est extrêmement important que la France mène une politique très forte en la matière, a fortiori dans le cadre de la préparation aux Jeux olympiques de 2024 : personne ne le conteste, et telle est évidemment notre intention.
Le système actuel, que vous connaissez bien, repose sur les conventions d'aménagement de l'emploi (CAE), pour le secteur public, et sur les conventions d'insertion professionnelle (CIP), pour le secteur privé. Le principe est que le sportif de haut niveau travaille à temps partiel tout en étant mis à disposition de sa fédération, l'État – à travers l'Agence nationale du sport et la fédération concernée – assurant une compensation vis-à-vis de l'entreprise qui l'emploie.
Pour que ces conventions soient signées, le sportif doit bien sûr répondre à certains critères. Il doit figurer sur les listes ministérielles de haut niveau, lesquelles sont divisées en quatre catégories : « élite » – pour les sportifs classés parmi les huit meilleurs mondiaux –, « senior » – pour les trente meilleurs sportifs de la discipline considérée –, « relève » – pour les espoirs – et « reconversion ».
À ce jour, 500 CAE ou CIP concernent des sportifs inscrits sur l'une de ces listes. Ces derniers font majoritairement partie du cercle de la haute performance, qui, dirigé par Claude Onesta, regroupe les meilleures chances de médailles olympiques et paralympiques pour les Jeux olympiques d'été et d'hiver.
Ces listes, établies sur des critères de performance sportive, sont proposées par chaque fédération puis validées par l'Agence nationale du sport et par mon ministère. Un sportif qui ne répond pas à ces critères ne peut donc figurer sur cette liste – il peut même en être exclu –, même s'il fait partie de l'équipe de France, comme c'est parfois le cas.
Nous suivons évidemment le dossier de Clémence Beretta. Elle figurera à partir du 1er janvier 2022 sur la liste des sportifs des collectifs nationaux. Sa CIP pourra donc être reconduite. Je sais d'ailleurs que vous avez saisi à ce sujet l'Agence nationale du sport il y a trois semaines, puis le ministère il y a deux semaines. Nous sommes donc au fait de sa situation.
En conclusion, sans remettre en cause la règle qui s'applique à tous – même si le sport de haut niveau suppose aussi le respect des règles –, nous sommes en lien avec la Fédération française d'athlétisme pour que cette jeune athlète puisse continuer à s'entraîner dans de bonnes conditions. Nous mènerons évidemment une politique volontariste en faveur des sportifs de haut niveau.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Laetitia Saint-Paul.
Suite de la discussion d'un projet de loi
Le jeudi 9 décembre, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 22.
À la demande du Gouvernement, en application de l'article 95, alinéa 4, du règlement, l'Assemblée examinera par priorité, à la suite de l'article 34 ter , l'article 49 bis et l'amendement portant article additionnel après cet article.
Un document présentant l'ordre de discussion des articles du projet de loi compte tenu des priorités demandées par le Gouvernement sera envoyé aux groupes et aux députés non inscrits.
Il vise à réécrire l'alinéa 4 de l'article, lequel, en l'état, permet à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de s'exonérer d'une convention intercommunale d'attribution (CIA) en fixant directement les objectifs concernés.
La rédaction actuelle n'encourage pas à la conclusion d'une CIA qui nous semble pourtant importante puisqu'elle implique des partenaires comme les bailleurs et diverses collectivités. La rédaction alternative que nous proposons favorisera ces conventions.
La parole est à M. François Pupponi, pour défendre l'amendement n° 3180 .
L'amendement n° 3180 est retiré.
La parole est à M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour donner l'avis de la commission.
Nous avons déjà évoqué, la semaine dernière, les responsabilités des intercommunalités et des communes. En commission, j'ai rappelé, comme l'a fait Mme la ministre déléguée chargée du logement, mon attachement aux conventions intercommunales d'attribution qui réunissent l'ensemble des acteurs à l'échelle des intercommunalités. Ces dernières me semblent constituer le territoire le plus pertinent pour déterminer les politiques de mixité et de peuplement.
Je rappelle qu'il appartenait aux intercommunalités de créer ces outils et que seulement un tiers, voire un quart d'entre elles, ont pour l'instant agi en ce sens. L'article 22 vise à accélérer le processus en accordant un délai supplémentaire. Nous continuons à défendre l'idée qu'au sein de chaque intercommunalité il faut que les bailleurs sociaux et l'ensemble des collectivités s'approprient ces outils.
Je reste attaché à ce délai supplémentaire et aux mécanismes d'accompagnement prévus à l'article 22. Je suis défavorable à l'amendement n° 2611 , comme je l'étais à tous les amendements identiques qui n'ont pas été défendus – M. Peu, qui vient de nous rejoindre, en avait déposé un. Je souhaite que l'on en reste à la rédaction de l'alinéa 4 retenue en commission.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je suis très favorable au principe de la convention intercommunale d'attribution, outil partenarial utile dont l'objectif est de fixer les priorités en matière d'attribution de logements sociaux à l'échelle d'un EPCI.
Le projet de loi tente de répondre à la question suivante : que fait-on lorsqu'aucune CIA n'est signée ? M. le rapporteur pour avis vient de le rappeler : un peu moins d'un tiers des EPCI qui doivent signer la convention depuis la loi de 2017 l'ont fait. Le projet de loi prévoit en conséquence que si la convention n'est pas signée, l'EPCI prend ses responsabilités et définit les objectifs d'attribution à son échelle. Nous avons besoin de ces objectifs d'attribution : ils sont la clé de la réalité de la mixité sociale. Cette dernière existe parce que l'on construit des logements sociaux partout, mais aussi parce qu'on en attribue dans des conditions qui la favorisent.
Il me semble important que le projet de loi prévoie ce qui se passe en l'absence de convention. En conséquence, je suis défavorable à l'amendement.
Il y a quelque chose de paradoxal dans vos propos, madame la ministre déléguée. Vous reconnaissez la très grande utilité des CIA, mais, en laissant la main aux EPCI, vous actez d'une certaine manière qu'elles sont peu nombreuses et que l'on ne parvient pas à en faire signer. Il est dommage de renoncer ainsi à un dispositif dont vous reconnaissez l'utilité. En laissant la main aux seuls EPCI, je crains que les modalités d'attribution ne soient pas aussi partagées qu'elles le seraient, notamment avec les bailleurs sociaux dans le cadre d'une convention.
Madame la présidente, vous avez commencé tôt, ce qui a empêché l'hémicycle d'entendre certains orateurs….
Sourires.
…défendre leurs amendements. Ce n'est pas vraiment courtois ni républicain…
Je ne puis vous laisser dire cela, cher collègue. Nous avons commencé à l'heure.
Il n'y a pas d'heure fixée pour la reprise des débats après la suspension de séance, madame la présidente.
Quoi qu'il en soit je reviens à l'amendement. Une réforme a eu lieu dans le sillage de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, qui s'est un peu déroulée à marche forcée. Des délais sont effectivement nécessaires, et devant la complexité des situations il faut laisser aux acteurs locaux le temps de s'organiser. Cependant, on ne peut pas imaginer qu'il y ait demain des trous dans la raquette. Or c'est bien de cela que vous nous parlez, madame la ministre déléguée, puisque vous évoquez les cas où il n'y aurait pas de CIA. Il est vrai que vous fixez un cadre national, et même, d'une certaine manière, un objectif national. Cela peut cependant créer des difficultés si vous ne prévoyez pas de CIA dans les territoires concernés par la réforme, car on s'éloignerait alors de son esprit contractuel et partenarial.
Nous avions combattu le dispositif initial mais, maintenant qu'il est en place, il faut faire les choses correctement : c'est une question de cohérence.
L'obligation de signer une CIA est d'ordre législatif : elle découle de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, dite « égalité et citoyenneté », et non de la loi ELAN. Cela fait donc déjà un certain temps qu'elle existe.
Il s'agit aujourd'hui d'une obligation légale non sanctionnée : si la convention n'est pas signée, il ne se passe rien. Le projet de loi vise ces trous dans la raquette en indiquant que, si les collectivités locales ne souhaitent pas signer une convention – le principe de leur libre administration ne permet pas de les y obliger –, l'EPCI reprend la main. J'ajoute que si l'EPCI ne signe pas, le préfet peut intervenir.
Prévoir ce qui se passe lorsque la convention n'est pas signée constitue à mes yeux le meilleur moyen pour qu'elle le soit.
La parole est à M. Thibault Bazin… afin que le débat démocratique s'enrichisse.
Sourires.
Sourires.
La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales m'a dit, dans un échange en aparté, qu'il fallait faire confiance aux élus locaux : c'est ce que nous souhaitons !
Puisque vous leur faites confiance, demanderez-vous une seconde délibération sur tous les points sur lesquels vous avez refusé qu'ils se prononcent ?
Sourires.
Ah !
L'amendement n° 2611 n'est pas adopté.
J'évoquerai surtout l'amendement n° 3275 – le précédent était un peu provocateur, je vous en parlerai.
La loi « égalité et citoyenneté » a rendu obligatoire l'attribution de 25 % de logements hors QPV – quartiers prioritaires de la politique de la ville – à des demandeurs relevant du premier quartile de ressources, soit les populations les plus fragiles. Cinq ans après l'avoir adopté, on s'aperçoit que ce texte est malheureusement très peu et mal appliqué. Au total, 8 % des EPCI l'appliquent et, dans les territoires hors QPV, seulement 15 % des attributions de logements ont concerné des demandeurs dont le niveau de ressources correspond au premier quartile.
Les bailleurs et l'État lui-même – c'est le sens de l'amendement n° 3401 – n'appliquent pas la loi systématiquement. En conséquence, l'amendement n° 3275 prévoit que les bailleurs informeront obligatoirement le préfet des attributions de logements afin qu'il soit possible de vérifier qu'ils appliquent bien la loi. Si ces informations ne sont pas transmises, ils seront redevables d'une amende – un peu comme celle prévue par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, lorsque la proportion de 25 % de logements sociaux n'est pas respectée. Si, malgré l'amende, la loi n'est toujours pas respectée, le préfet reprendra la main sur les attributions de logements sociaux tant que les structures concernées ne se conformeront pas au texte de 2017.
Je demande le retrait de l'amendement n° 3401 au profit de l'amendement n° 3275 , que je propose de sous-amender afin de supprimer une ambiguïté dans l'alinéa relatif à la substitution du préfet au bailleur en cas de non-atteinte de l'objectif d'attribution. Je ne crois pas que la remise du contingent aux communes garantirait d'atteindre les objectifs que nous partageons avec M. Pupponi.
Le Gouvernement demande le retrait de l'amendement n° 3401 et émet un avis favorable à l'amendement n° 3275 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement rédactionnel n° 3467. Ainsi précisé par le sous-amendement, l'amendement rendra le dispositif plus opérationnel. Nous voulons collectivement une mixité réelle et non une mixité sur le papier, qui ne se traduise pas dans les faits. Il s'agit de faire en sorte que ce que le législateur vote soit effectivement respecté, y compris, si nécessaire, en faisant intervenir le préfet.
Je vais bien sûr retirer mon amendement n° 3401 , qui, je l'ai dit, était un peu provocateur. Reste qu'il faudra regarder si 25 % des logements attribués par l'État le sont bien aux demandeurs du premier quartile hors QPV.
Je m'exprimerai sur l'amendement n° 3275 puisque je ne peux pas le faire sur celui que j'ai repris.
Aujourd'hui, lorsque le préfet prend la main parce que des obligations n'ont pas été respectées, on constate qu'il a beaucoup de mal à se substituer aux communes. Il m'a semblé intéressant que l'on imagine, par un mouvement symétrique, le transfert du contingent préfectoral vers les communes si le préfet ne respecte pas l'objectif d'attribution.
On a constaté que les sanctions prises n'ont pas été suivies d'effet dans bien des territoires et que le préfet auquel était transféré un contingent ne faisait pas mieux, voire qu'il faisait moins bien. Nous devons pouvoir déterminer qui est en mesure d'agir le plus efficacement : si les résultats des préfets sont encore moins bons, il faut pouvoir revenir en arrière. J'ai bien conscience qu'il y a des situations un peu abusives. Reste que, lorsque le préfet a pris la main et qu'il ne fait rien du tout ou qu'il ne fait pas mieux qu'auparavant, la crédibilité de l'État est en jeu.
Le sujet est d'importance car, derrière les débats un peu théoriques sur la mixité sociale, nous disposons ici d'un levier qui, si les préfets sont au clair sur les attributions et en contrôlent bien la répartition, pourrait être efficace pour faire respecter cette obligation légale. Comme le suggère François Pupponi, je suis à peu près sûr qu'on ne vérifie pas du tout, s'agissant des attributions hors QPV, notamment par rapport à l'objectif d'avoir un quart des bénéficiaires issus du premier quartile, tous contingents confondus, y compris celui de l'État. Quand j'écris à des bailleurs sociaux pour loger des personnes au-dessus du plafond de ressources, je suis étonné de m'entendre répondre que c'est impossible pour cette raison, alors qu'ils oublient ainsi qu'ils peuvent attribuer jusqu'à 30 % des logements à des demandeurs au-dessus du plafond dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Je suis bien placé pour la savoir puisque 90 % de mon territoire est en QPV. Même le préfet ne le sait pas ! Et les bailleurs sociaux s'abritent – volontairement ou non, je ne ferai pas ici de procès d'intention – derrière une interprétation abusive des textes. Ayons bien sûr de grandes ambitions en matière de mixité sociale au regard de la production de logements sociaux à venir, mais faisons déjà les efforts nécessaires pour le stock existant, dans les QPV comme dans les autres quartiers.
J'ajoute, s'agissant des contingents préfectoraux, où l'État a directement la main, que je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas davantage utilisés dans les QPV pour satisfaire, notamment, la demande de salariés de l'État, en allant bien au-delà des obligations minimales de logement des fonctionnaires par l'État. Pour ma part, je consacrerais la moitié du contingent préfectoral dans les QPV à leur logement. Et qu'on ne me dise qu'il n'y a pas de demande de leur part car, quand ils n'arrivent pas à obtenir satisfaction chez le préfet, c'est vers le maire qu'ils se tournent.
L'amendement n° 3401 n'est pas adopté.
Le sous-amendement n° 3467 est adopté.
Cet amendement de notre collègue Sylvia Pinel tend à supprimer les alinéas 7 et 8. En effet, le projet de loi 3DS introduit un nouveau critère de priorisation dans l'accès au logement social en faveur des « demandeurs de logement exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel », mais un critère aux contours aussi flous va complexifier le système d'attribution et risque de créer une inégalité entre demandeurs, voire une discrimination à l'égard de catégories exclues et pourtant tout aussi essentielles.
Je reprends ici une proposition de la Fondation Abbé Pierre, qui s'inquiète qu'une multiplication des publics dits prioritaires vide complètement la notion de son sens. Veillons à ce que la multiplication des publics prioritaires ne rende pas le système illisible, sous peine de ne plus savoir quel public doit l'être par rapport à tel autre.
Vu le contexte du covid, je vois bien l'intérêt qu'il y a à cibler, nouveau critère d'attribution, les « travailleurs des secteurs essentiels » ; mais, outre que ce critère est tout de même très flou, j'en reviens à ce que je disais : obligeons déjà les préfets à utiliser leur contingent pour loger les fonctionnaires concernés. Et puis, s'agissant des métiers essentiels, on a beaucoup évoqué, dès le début de la crise du covid, les caissières de supermarché – l'une d'entre elles est décédée dans ma circonscription dès la première vague, faute, alors, de protection. De grands groupes de distribution préfèrent utiliser leurs versements au titre du 1 % logement pour attirer des cadres, auxquels ils consentent des prêts à taux zéro pour faciliter leur accès à la propriété, plutôt que de mobiliser ces sommes pour leurs caissières qui, elles, ont besoin de se loger dans le parc social, les renvoyant ainsi vers les contingents municipaux et préfectoraux. Il y a là une anomalie totale ! Rétablissons le 1 % logement dans sa raison d'être, c'est-à-dire un dispositif d'aide au logement des salariés, notamment de ceux qui en ont le plus besoin, et veillons à ce qu'il ne soit pas détourné comme il l'est parfois par de grands groupes, et pas seulement de la grande distribution.
L'amendement n° 3266 de Mme Albane Gaillot est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
J'entends les remarques de nos collègues mais, dans le prolongement des discussions que nous avons eues en commission, je vais être clair : notre intention n'est pas d'ajouter un nouveau public prioritaire à ceux déjà visés dans le code de la construction et de l'habitation (CCH) comme dans la loi ELAN – je rappelle qu'un consensus s'était alors dégagé sur la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales. Il s'agit d'envoyer un signal fort au vu de la crise sanitaire que vous avez rappelée, monsieur Peu, pour que les travailleurs des secteurs essentiels qui n'arrivent pas à se loger par le moyen du contingent préfectoral ou d'Action logement fassent l'objet d'une prise en considération particulière à l'échelle d'un bassin de vie. Il est important, comme j'ai pu le voir à Bordeaux, que les soignants du CHU – centre hospitalier universitaire – puissent vivre à proximité de leur lieu de travail, et il y a certainement dans toutes vos circonscriptions, mes chers collègues, des travailleurs essentiels pour qui les trajets domicile-travail sont difficiles. Mais cela ne relève pas de la loi, non plus, à mon sens, que la définition des travailleurs des secteurs essentiels, d'autant que cette notion variera dans le temps et dans l'espace. En revanche, il faut être certain qu'un regard particulier soit porté sur ces situations, comme le permettra la loi 3DS : cela me semble indispensable. Je suis donc très satisfait de la rédaction trouvée en commission. Avis défavorable.
Le débat sur les conditions d'attribution est important car il est le corollaire de celui qui concerne la mixité sociale et la construction. Mais si la construction renvoie aux nouveaux logements sociaux, les attributions renvoient à la manière dont on fait vivre les gens à l'intérieur du parc social.
Vous disiez, monsieur Peu, que le contingent préfectoral devrait être mobilisé à la fois pour les publics prioritaires, c'est-à-dire les plus fragiles, mais aussi, notamment dans les quartiers de la politique de la ville, pour des salariés qui n'arrivent pas à se loger. Et c'est bien l'objectif poursuivi avec l'intégration, dans le dispositif, des travailleurs des secteurs essentiels, non comme un public prioritaire de plus mais comme une préoccupation transversale.
Monsieur Castellani, M. le rapporteur pour avis a fait allusion à un amendement de Mme Pinel qui, adopté en commission, vise précisément à confier à la conférence intercommunale du logement (CIL) la définition même des travailleurs des secteurs essentiels. Le Gouvernement avait prévu un décret, mais il n'y en aura pas au vu de la rédaction retenue par la commission des affaires économiques : point trop normée, elle montre qu'il faut faire confiance aux élus locaux, comme dirait M. Bazin. En conséquence, il me semble que le dispositif d'attribution est maintenant équilibré : chaque contingent devrait permettre de loger les publics prioritaires.
Pour en revenir au contingent préfectoral, on sait bien, quand l'on suit le sujet, que les préfets, globalement, jouent le jeu avec des attributions ciblées, en particulier, sur les personnes en sortie d'hébergement ou qui viennent de la rue. C'est ainsi que 300 000 personnes ont pu se loger, très souvent dans le parc social, grâce à la mobilisation du contingent préfectoral, notamment pour les demandes au titre du droit au logement opposable (DALO) ou encore pour les femmes victimes de violences. Il serait bon que tous les autres contingents soient mobilisés, et c'est aussi l'objet de la convention intercommunale d'attribution, parce que, in fine, une seule stratégie d'attribution permet de mobiliser tous les contingents à la fois pour les publics prioritaires et pour les travailleurs des secteurs essentiels. Je note au passage que les deux publics s'interpénètrent puisque – malheureusement, si l'on y songe – des travailleurs des secteurs essentiels, actuellement hébergés chez des tiers, ont déposé un dossier DALO.
La notion dont nous parlons est importante ; elle répond à un vrai besoin, révélé par la crise sanitaire mais pas uniquement, et le texte adopté en commission me semble équilibré de ce point de vue. Avis défavorable, donc.
Je rebondirai sur cette question de l'attribution de logements pour les salariés afin d'appeler votre attention, madame la ministre déléguée, sur la situation des entreprises qui, situées en zone détendue, dans des lieux parfois éloignés des axes de transport, ont des difficultés à offrir à leurs salariés des conditions de logement répondant à leurs attentes. C'est là un vrai sujet, qui concerne aussi certains fonctionnaires en zone de revitalisation rurale. Dans un département qui compte 700 postes de gendarmes dont 5 vacants, 3 – soit plus de la moitié – l'étaient dans une même commune, et ce pour une simple et bonne raison : les logements proposés étaient dans un état de précarité énergétique réel. De surcroît, un certain nombre de communes en milieu rural sont dépourvues d'offres locatives. Or l'objectif, pour un salarié qui commence sa vie active, n'est pas de devenir tout de suite propriétaire, mais d'abord de trouver un logement.
Au-delà de la question de la haute qualité environnementale en matière de logement, il y a celle de la haute qualité d'usage, qui demeure problématique quand le logement n'existe pas ou qu'il est peu attractif, ce qui renvoie forcément à la question de l'emploi pour la commune concernée. C'est bien pourquoi je ne suis pas défavorable à l'aide à l'accession à la propriété, bien au contraire, mais je pense que le dispositif du 1 % logement, sous ses trois aspects – investissement pour le logement des salariés, prêts pour leurs résidences principales, aides financières au titre d'Action logement – devrait davantage être concentré sur les zones détendues parce qu'il y a là un vrai défi dont on parle trop peu. Faute de logements attractifs le risque est de ne jamais trouver, dans nos territoires ruraux, de candidats pour les postes à pourvoir.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1315 .
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 13. La mise en œuvre de la cotation de la demande et de la gestion en flux des réservations de logements sociaux étant reportée à fin 2023, il s'agit, par cohérence, de prolonger de deux ans le calendrier fixé pour conclure une CIA, quel que soit le territoire, au lieu des huit mois prévus pour certains cas. Ce délai supplémentaire favoriserait une concertation plus approfondie à l'échelle locale tout en permettant aux EPCI prêts à conclure une CIA dans un délai plus court de le faire, et aux préfets de fixer, en lien avec les EPCI, un calendrier réaliste pour déployer la réforme de la gestion de la demande et des attributions dans un délai de deux ans.
L'amendement n° 1315 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 228 de M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis, est rédactionnel.
L'amendement n° 228 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 1275 de M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis, est défendu.
L'amendement n° 1275 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement n° 2349 de M. Stéphane Peu est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Défavorable, car nous avons besoin d'un peu plus de temps pour mettre en place de façon opérationnellement satisfaisante la cotation et la gestion en flux de la demande de logement social, dispositif prévu par la loi ELAN et reporté à cause de la crise sanitaire. Toutefois, cette durée de deux ans correspond à un délai maximal : la mise en place sera plus rapide si c'est possible, bien que cela soit difficilement envisageable en raison de la multiplicité des systèmes d'information liés à la conduite des projets. L'avis est donc défavorable.
L'amendement n° 2349 n'est pas adopté.
Nous sommes ici toutes et tous confrontés aux enjeux relatifs à l'accès au logement social – accès parfois trop long et trop opaque –, ses modalités étant source d'interrogations, voire de doutes et de suspicions chez nos concitoyens. La loi ELAN a opportunément prévu un système de cotation, qui doit objectiver et rendre plus transparente l'attribution des logements sociaux, un système de points et un barème devant s'appliquer à chaque dossier. Or l'entrée en vigueur du dispositif doit être à nouveau reportée, après l'avoir été une première fois en raison de la pandémie. Si nous pouvons comprendre ces délais, l'attente de nos concitoyens n'en demeure pas moins importante et il convient que nous garantissions la bonne application du système le moment venu.
Le présent amendement vise ainsi à prévoir un contrôle de l'exécution du dispositif six mois après sa nouvelle date d'entrée en vigueur, ainsi que des sanctions à l'encontre des bailleurs qui ne joueraient pas le jeu.
Je demande le retrait de l'amendement, à défaut de quoi l'avis sera défavorable, et ce pour deux raisons.
Premièrement, l'adoption de votre amendement imposerait à l'ANCOLS – Agence nationale de contrôle du logement social – de contrôler des centaines de bailleurs en l'espace de six mois. Certes, sa mission est d'effectuer des contrôles, mais il me paraît difficile d'en réaliser autant dans de tels délais.
Deuxièmement, les contrôles de l'ANCOLS sont déjà assortis de sanctions financières à l'encontre des bailleurs sociaux en infraction.
Je demande également le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable. Le système de cotation est placé sous la responsabilité des EPCI, or l'ANCOLS, qui est un organisme de contrôle des bailleurs, ne peut les contrôler. En revanche, le préfet pourra agir si les bailleurs sociaux associés au système ne signent pas ensuite une convention avec l'EPCI.
J'ajoute que l'ANCOLS contrôle déjà le respect de la totalité des dispositions législatives et réglementaires s'appliquant aux bailleurs, ce qui signifie que l'agence contrôlera l'application opérationnelle de la cotation chez les bailleurs lorsque les EPCI l'auront instaurée.
L'amendement n° 2508 est retiré.
Cet amendement de Sylvia Pinel, qui s'inscrit dans une logique de simplification de la gestion des flux, vise à ce que les territoires qui le souhaitent puissent conclure une convention unique multipartite entre l'organisme HLM, l'EPCI en tant que chef de file de la gestion de la demande et des attributions, l'État et les différents réservataires que sont les communes, Action logement et l'État lui-même, au titre du contingent préfectoral.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1353 .
Il vise à laisser la possibilité aux acteurs qui le souhaitent, sous l'égide de la conférence intercommunale du logement, d'élaborer une convention unique multipartenariale de gestion en flux, et ce dans une logique de simplification, en vue de mieux articuler les stratégies d'attribution des territoires.
La gestion en flux des réservations constitue une bonne occasion pour introduire davantage de fluidité dans les attributions et pour favoriser une approche fondée sur l'analyse de la demande et moins cloisonnée. Toutefois, son exécution s'avère complexe et se heurte à plusieurs difficultés.
En premier lieu, la négociation bilatérale entre chaque organisme et chaque réservataire ne permet pas toujours de garantir que la gestion en flux s'effectue au service d'une stratégie territoriale d'attribution. Bien que chefs de file de la réforme pour leur territoire, les EPCI concernés sont en effet insuffisamment impliqués dans l'exécution de la gestion en flux. Or leur implication est essentielle pour s'assurer de la cohérence entre les engagements pris dans le cadre de la gestion en flux et les objectifs d'attribution définis par les conférences intercommunales du logement.
Deuxièmement, les multiples conventions bilatérales conclues par l'organisme de logement social avec chacun des réservataires est très chronophage et peut donner aux réservataires l'impression d'être mis en concurrence.
Ainsi, pour encourager la mobilisation de tous les acteurs et dans une logique de simplification de la gestion en flux, l'amendement vise, comme je le disais, à permettre aux territoires qui le souhaitent de conclure une convention unique multipartite entre l'organisme HLM, l'EPCI en tant que chef de file de la gestion de la demande et des attributions, l'État et les différents réservataires, qu'il s'agisse des communes, d'Action logement ou de l'État lui-même, au titre du contingent préfectoral.
Cette convention unique par bailleur pourra être adossée à la convention intercommunale d'attribution et en reprendra les objectifs. S'agissant des modalités d'exécution, il est précisé que, sur le territoire où elle s'applique, elle se substitue à la convention de gestion en flux départementale.
La gestion des flux de réservation constitue selon nous une bonne occasion pour introduire davantage de fluidité dans les attributions. En effet, nous souhaitons encourager la mobilisation des partenaires, dans une logique de simplification de la gestion en flux. Le présent amendement vise donc à permettre aux territoires qui le souhaitent de conclure une convention unique multipartite entre l'organisme HLM, l'EPCI en tant que chef de file de la gestion de la demande et des attributions, l'État et les différents réservataires que sont les communes, Action logement et l'État lui-même, au titre du contingent préfectoral.
Cette convention unique par bailleur pourra être adossée à la convention intercommunale d'attribution et, comme le disait M. Bazin, en reprendre les objectifs relatifs aux modalités d'exécution. Il est précisé que, sur le territoire où elle s'applique, elle se substitue à la convention de gestion en flux départementale.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1316 .
Depuis quatre ans, j'ai observé que, pour faire adopter des amendements, la majorité propose de mener des expérimentations : c'est ce que j'essaierai donc de faire avec cet amendement de repli. Ainsi, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, je propose d'établir une convention unique de gestion en flux, et ce, comme je le disais, dans une logique de simplification et afin de mieux articuler les stratégies d'attribution des territoires. En raison du temps législatif programmé – même s'il en reste un peu à mon groupe –, je ne reprendrai pas les arguments que j'ai développés, mais il s'agirait là d'une bonne occasion pour introduire davantage de fluidité dans les attributions.
De cette manière, nous connaîtrions la portée des conventions uniques de gestion en flux à l'issue de leur expérimentation de cinq ans, en vue de leur éventuelle généralisation à l'ensemble du pays trois ans après l'entrée en vigueur des conventions intercommunales d'attribution – que les EPCI ont deux ans pour conclure.
Même si je salue le souhait de notre collègue Bazin de se rapprocher de la majorité ,…
Sourires
…et si je partage l'objectif de simplification, je demanderai le retrait de l'ensemble des amendements, à défaut de quoi l'avis sera défavorable, pour deux raisons.
Premièrement, les amendements identiques tendent à remplacer la convention de gestion de flux au niveau départemental, alors qu'elle offre des possibilités d'attribution plus larges que la convention unique de gestion en flux, notamment pour les réservataires autres que les collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous avons évoqué le sujet en commission, il me semble que le CCH prévoit déjà la possibilité, au plan réglementaire, de renforcer la simplification que nous appelons tous de nos vœux. Je laisse au Gouvernement le soin de nous apporter des clarifications sur ce point.
Je partage également l'objectif poursuivi par ces amendements. À la suite de nos discussions en commission, nous avons retravaillé le texte, notamment dans le cadre du comité de suivi et de pilotage de la réforme des attributions de logements sociaux, lequel associe des représentants des élus locaux et tous les acteurs concernés, à commencer, bien sûr, par l'USH – Union sociale pour l'habitat. Nous sommes arrivés à la conclusion que davantage de simplification était possible sans mesure législative. Celle-ci est possible soit par une simple instruction, soit, suivant l'analyse définitive qui sera faite, par la modification du décret relatif à la réforme des attributions.
Ainsi, aussi bien les amendements identiques de portée générale que l'amendement de repli de M. Bazin visant à expérimenter le dispositif me paraissent-ils satisfaits. Je demande donc leur retrait ; à défaut l'avis sera défavorable car, je le répète, les mesures à prendre ne sont pas d'ordre législatif.
Au risque de vous décevoir, monsieur le rapporteur pour avis, l'idée de me rapprocher de la majorité ne m'a jamais séduit, même pour un plat de lentilles : c'est une question de loyauté et de fidélité. J'ajoute que sur la question du logement, qui nous occupe aujourd'hui, je m'oppose fortement à la stratégie, dont j'avais prédit l'échec, menée par le Gouvernement depuis quatre ans et demi. À cet égard, les chiffres parlent d'eux-mêmes, étant donné que notre pays est passé, avant même le début de la crise sanitaire, sous le seuil de 400 000 nouveaux logements par an. Sur l'ensemble du territoire, nous avons besoin de plus de logements sociaux, de plus de logements pour l'accession à la propriété et de plus de logements locatifs mis sur le marché par des investisseurs – ce que n'a pas permis la politique du Gouvernement.
Quant aux présents amendements, ayant entendu les arguments de Mme la ministre déléguée, je les retire.
L'article 22, amendé, est adopté.
L'amendement n° 645 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'ANCOLS mène de multiples études relatives aux organismes HLM : elles peuvent être financières et comptables, ou transversales sur des thématiques telles que l'accès au logement, les droits de réservation, la gestion locative, ou encore la vente des logements. Or, à aucun moment, l'Union sociale pour l'habitat, qui regroupe pourtant les fédérations d'organismes HLM, n'est consultée ou associée à ces travaux. Cet amendement vise donc à y remédier, en complétant les dispositions relatives au fonctionnement de l'Agence nationale de contrôle du logement social.
La parole est à Mme Maina Sage, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 2016 .
Cet amendement identique a été élaboré avec l'Union sociale pour l'habitat qui, comme vous le savez, travaille également en outre-mer et demande à être mieux associée à la politique du logement – j'avais déposé, sans pouvoir les présenter, d'autres amendements sur de précédents articles en ce sens. Je le répète, à l'instar de la CTAP – conférence territoriale de l'action publique –, l'USH réclame d'être davantage associée et de participer chaque année à des rendez-vous sur la question de l'habitat.
J'ai tenu à déposer cet amendement car, si nous ne sommes pas encore prêts à accéder à la demande de l'USH, il est nécessaire d'écouter cet organisme fondamental pour la conduite de nos politiques publiques en matière d'habitat. Il se bat et s'est ardemment battu lors des auditions auprès de tous les rapporteurs du texte pour être mieux entendu.
Je serai bref car mon groupe ne dispose plus de beaucoup de temps de parole, mais je tiens également à relayer la demande de l'Union sociale de l'habitat d'être mieux associée. Je n'ai pas présenté mon amendement précédent, mais je le dis ici : le secteur des HLM est aussi une composante de l'économie sociale. Cela nécessite, si nous sommes fidèles à l'esprit de l'économie sociale, d'impliquer les usagers. Comme précédemment lorsque j'ai défendu l'implication des associations de locataires, celle de l'Union sociale de l'habitat dans les travaux de l'ANCOLS me paraît très importante.
Je serai bref également, car nous avons examiné ces amendements en commission. Nous sommes tous en relation avec l'USH et je ne voudrais pas, en émettant ici un avis défavorable, laisser croire que cet organisme n'est pas entendu. En ma qualité de rapporteur pour avis sur ce projet de loi comme en ma qualité de rapporteur sur de précédents textes et de président du Conseil national de l'habitat (CNH), j'ai beaucoup travaillé avec l'USH, notamment dans le cadre de la mission relative à la mixité sociale et aux attributions de logements sociaux que Mme la ministre déléguée avait confiée au CNH.
En l'occurrence, les présents amendements visent à associer l'USH aux études de l'ANCOLS, l'organisme de contrôle des bailleurs sociaux.
Il ne me semble pas opportun d'associer systématiquement l'ANCOLS aux bailleurs sociaux, que l'Agence contrôle, au-delà du lien quotidien qui les unit. Le dialogue se poursuit afin de tenir compte des besoins des bailleurs sociaux. L'association automatique à laquelle visent ces amendements n'étant pas nécessaire, je demande leur retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable.
Je profite de l'occasion pour saluer le travail de l'USH, avec laquelle nous avons œuvré pour élaborer ce texte et qui se réjouit de nombreuses mesures adoptées aux articles précédents.
Je veux à mon tour vous assurer de la collaboration très étroite entre le ministère et l'USH sur des sujets fondamentaux, l'USH représentant toutes les composantes et toutes les sensibilités du logement social. Nous avons par exemple relevé le défi de remonter les agréments de logements sociaux à 250 000 en deux ans – nous ne connaissons pas encore les résultats de 2021. Nous avons enrayé la baisse et retrouvé une progression des agréments de logements sociaux. Tous les grands acteurs du logement social contribuent à cette dynamique.
Je fais miens les propos de M. le rapporteur pour avis sur l'ANCOLS : il est tout à fait naturel que l'Agence soit en relation régulière avec l'USH ; que cette dernière soit formellement associée au comité d'étude me semble en revanche peu opportun compte tenu de la fonction de contrôle qu'exerce l'ANCOLS. Je demande donc le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'ANCOLS effectue des contrôles, certes, mais elle réalise également des études à leur suite : on peut comprendre que l'USH ne soit pas associée aux contrôles, mais elle pourrait l'être aux études sans que cela remette en cause l'impartialité et la neutralité des contrôles de l'Agence. La solution, intermédiaire entre une association systématique et l'absence de tout lien contraignant, mériterait somme toute un sous-amendement.
Les amendements n° 2352 de M. Stéphane Peu et n° 3200 de M. François Pupponi, pouvant être soumis à une discussion commune, sont défendus.
La parole est à M. François Pupponi, pour défendre l'amendement n° 3199 .
L'amendement n° 3199 est retiré.
Dû à notre collègue Sylvia Pinel, il vise à modifier l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation : au moins 25 % des attributions annuelles de logements sociaux sont actuellement réservées à des demandeurs dont les ressources sont inférieures au niveau le plus élevé du premier quartile de la répartition des ressources ; l'amendement propose de remplacer cette référence de calcul par un niveau de ressources inférieur à 50 % du niveau de vie médian, qui correspond au seuil de pauvreté.
Cette substitution présenterait plusieurs intérêts : la fiabilité serait accrue car ce seuil est connu des territoires qui l'utilisent fréquemment ; en outre, les enjeux d'équilibre social entre les territoires seraient mieux pris en compte.
Une telle modification apporterait de la cohérence aux politiques publiques. Le premier quartile de revenus est une notion fiscale très peu utilisée contrairement au seuil de pauvreté. Elle ne bouleverserait pas le profil des foyers bénéficiant de ces attributions ; en effet, en Île-de-France, le sommet du premier quartile se situe à 10 400 euros de revenus annuels quand le seuil de pauvreté atteint 11 200 euros, soit un niveau voisin.
Le seuil de pauvreté est une notion bien plus fiable et plus claire que le premier quartile ; pour que ce quota d'attribution soit mis en œuvre avec plus de détermination, peut-être faudrait-il s'appuyer sur un seuil plus lisible.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l'amendement n° 2614 .
La notion de seuil de pauvreté est en effet fréquemment utilisée dans les politiques publiques, bien plus que ne l'est celle du premier quartile. Elle est calculée sur une base tout à fait fiable qui est le revenu fiscal de référence alors que celle de premier quartile est moins robuste ; en effet, les contrôles sur pièces font souvent apparaître un glissement des ressources des demandeurs du premier vers le deuxième quartile ; en outre, des effets de seuil font que des personnes classées dans le deuxième quartile rencontrent de grandes difficultés d'accès au logement. Il faudrait adopter la référence du seuil de pauvreté, plus claire, plus cohérente et surtout plus efficace.
La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement n° 3194 .
Je le retire comme je retirerai le suivant, puisque ces sujets ont déjà été traités tout à l'heure.
L'amendement n° 3194 est retiré.
L'amendement n° 2351 de M. Stéphane Peu est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
J'en demande le retrait ; à défaut, l'avis sera défavorable. Le principal outil pour attribuer pertinemment les logements est le système national d'enregistrement des demandes de logement locatif social (SNE), qui mériterait sans doute d'évoluer pour gagner en efficience. Les acteurs du logement – syndicats, associations de locataires, bailleurs sociaux – disent que des aspects du SNE sont à améliorer. Comme les déclarations de revenus enregistrées sur le SNE ne sont pas fiables, la modification du seuil de ressources que vous proposez ne changerait pas la donne.
Je revêts ma casquette de président du Conseil national de l'habitat (CNH) pour vous dire qu'un travail est mené avec les services du ministère délégué chargé du logement, notamment la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), et avec l'USH, qui pilote la réflexion sur le SNE, afin que les données des 2,2 millions de demandes d'attribution – dont un tiers de personnes occupant déjà un logement social – contribuent à l'élaboration de politiques efficaces de peuplement et de mixité sociale.
Nous devons améliorer le SNE : la référence au premier quartile est en effet perfectible, mais je ne suis pas favorable à l'évolution que vous proposez. Le travail à mener relève davantage du pouvoir réglementaire que législatif.
En complément des propos du rapporteur pour avis, je vous indique que nous avons étudié les conséquences de la modification proposée par les amendements. L'acception classique du seuil de pauvreté situe celui-ci à 60 % du revenu médian et non à 50 % : dans 394 EPCI sur 417, l'application de ce critère serait, selon la DHUP, moins exigeante que celui actuellement utilisé. Autrement dit, le passage à la référence de 50 % du revenu médian augmenterait le nombre de demandeurs de logement social éligibles à l'attribution prioritaire, ce qui irait à l'encontre du souhait des auteurs des amendements, à savoir cibler le dispositif sur les personnes les plus en difficulté. Je demande donc le retrait des amendements ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 2351 n'est pas adopté.
Il vise à rendre plus objective et plus transparente l'attribution de logements sociaux, conformément à l'un des buts de la loi ELAN. Les réservataires auraient l'obligation de proposer au bailleur social un minimum de trois candidats pour chaque logement.
Ce n'est pas un secret, les listes d'attente sont longues pour accéder à un logement social, particulièrement dans les zones tendues, car les candidats sont bien plus nombreux que les logements disponibles. Il serait opportun, pour évacuer le soupçon de piston, lequel peut se répandre dans certains territoires, de rendre obligatoire la présentation de plusieurs dossiers en commission d'attribution.
Cette mesure compléterait le système de cotation déployé par la loi ELAN, lequel me semble une bonne réponse aux attentes de transparence et d'objectivité des attributions que nourrissent de nombreux concitoyens.
Le code de la construction et de l'habitation répond à votre souhait, madame Lazaar : aux termes du premier alinéa de son article R. 441-3, « sauf en cas d'insuffisance du nombre des candidats, les commissions d'attribution prévues à l'article L. 441-2 examinent au moins trois demandes pour un même logement à attribuer. Il est fait exception à cette obligation quand elles examinent les candidatures de personnes désignées par le préfet en application du septième alinéa du II de l'article L. 441-2-3 ou les candidatures présentées pour l'attribution de logements ayant bénéficié de la subvention mentionnée à l'article D. 331-25-1 ».
Je vous demande donc de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 2509 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Avec l'examen de l'article 22 et de ces amendements portant article additionnel, nous évoquons la mixité sociale : l'amendement n° 2350 vise à revenir à une définition qui fait du logement social un logement généraliste. Il n'est pas universel puisque tout le monde n'y a pas accès, mais il est généraliste dans la mesure où il s'adresse à l'immense majorité du salariat français.
Le logement HLM est également un vecteur de mixité sociale. En 2009, Mme Christine Boutin, l'une de vos prédécesseures, madame la ministre déléguée, a fait adopter la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite loi MOLLE,…
…dont les effets ont été très négatifs en termes de mixité sociale, notamment à cause de l'abaissement de 10 % du plafond de ressources donnant accès au logement HLM. Cette mesure fut une erreur funeste.
L'amendement, d'une simplicité biblique si je puis dire, a pour objet de revenir sur la loi MOLLE et d'augmenter de 10 % le plafond de ressources ouvrant l'accès au logement social. L'objectif est de conforter la mission généraliste du logement HLM et d'accroître la mixité sociale.
J'entends votre souhait, monsieur Peu. Mme la ministre déléguée et moi avons eu l'occasion de le dire, le logement social n'est pas réservé aux personnes dont la situation est la plus précaire : il est ouvert à l'ensemble des classes populaires et des classes moyennes. Nous aspirons, nous aussi, à plus de mixité et j'entends votre volonté d'ouvrir le logement social à davantage de Français en augmentant le plafond de ressources en deçà duquel un demandeur est éligible au dispositif.
N'oublions pas, toutefois, que 72 % des Français ne dépassent pas le seuil donnant accès au prêt locatif social (PLS), soit la partie la moins sociale du logement social. Cette proportion atteint 55 % pour le prêt locatif à usage social (PLUS) et 33 % pour le prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Le système est donc équilibré. D'ailleurs, vous nous reprochez souvent de ne pas attribuer suffisamment de logements par rapport au flot des demandes. Le rythme de construction de logements repart à la hausse. Aller dans votre sens et augmenter le plafond de ressources, donc la pression de la demande, n'arrangerait rien. Tous les mécanismes nécessaires existent déjà : les niveaux de plafond de ressources à ne pas dépasser pour prétendre aux trois catégories de financement du logement social sont adaptés, aussi je vous demande de retirer l'amendement ; à défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement n° 2350 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous rencontrons de vraies difficultés dans certains territoires pour trouver des logements à des salariés ou à des fonctionnaires, ce qui pose problème à des services publics et à des secteurs d'activité. La situation est très hétérogène selon les territoires, même entre ceux qui relèvent du même zonage.
L'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation définit une liste de publics prioritaires. Très large, elle comporte quatorze catégories de ménages, dont ceux éligibles au DALO, et suscite parfois des divergences d'interprétation entre acteurs locaux, ce qui retarde et alourdit les processus d'attribution. L'amendement vise à permettre aux EPCI de préciser localement, en lien avec les partenaires dans le cadre de la conférence intercommunale du logement, la définition des publics prioritaires pour leur territoire et les modalités de traitement de ces demandes.
L'amendement doit permettre aux acteurs chargés de la gestion de la demande de partager une définition commune et adaptée au contexte local des publics prioritaires pour favoriser leur meilleure prise en charge. Concrètement, des gens qui nous disent qu'ils doivent travailler à l'hôpital mais qu'ils ne trouvent pas de logement à proximité doivent être considérés comme un public prioritaire du territoire, car celui-ci a du mal à répondre à leurs besoins de logement.
L'amendement n° 2013 de Mme Maina Sage, rapporteure, est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La première partie de l'amendement est satisfaite par le code de la construction et de l'habitation, lequel donne déjà à l'échelon local la possibilité de compléter la liste des publics prioritaires. Je le cite : « Les orientations adoptées peuvent prévoir des catégories de demandeurs ou de logements et des secteurs du territoire concerné pour lesquels les logements disponibles, réservés ou non, font l'objet d'une désignation de candidats d'un commun accord entre les bailleurs, les réservataires et l'établissement public de coopération intercommunale […]. »
La liste des publics prioritaires a été allongée par la loi ELAN. Je ne souhaite pas fragiliser cette mesure qui, je le rappelle, avait fait l'objet d'un large consensus sur ces bancs. L'objectif du projet de loi 3DS est justement d'ajouter aux publics prioritaires qui relèvent de la responsabilité de l'État – particulièrement les personnes éligibles au DALO et les sorties d'hébergement – d'autres publics prioritaires pouvant être gérés à l'échelon local. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Même avis. M. le rapporteur pour avis a été très complet.
L'amendement n° 2013 est retiré.
L'amendement n° 1317 n'est pas adopté.
Pour favoriser la mixité des villes et des quartiers, un quart des attributions, hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, devrait être consacré aux demandeurs les plus modestes, c'est-à-dire à ceux qui appartiennent au premier quartile ; pourtant, cet objectif ne s'impose qu'aux organismes HLM, et non aux réservataires. Pour rendre l'objectif du premier quartile opérationnel, celui-ci doit donc également s'appliquer aux réservataires chargés de la désignation des candidats. L'amendement vise ainsi à clarifier le fait que l'objectif concerne l'ensemble des acteurs impliqués dans le processus de désignation et d'attribution.
Il vise à clarifier le fait que l'objectif d'attribution au sein du premier quartile de revenu est partagé par l'ensemble des acteurs impliqués dans le processus de désignation et d'attribution, en précisant qu'il doit également être mis en œuvre par les réservataires chargés de la désignation des candidats. Dans le fonctionnement actuel du processus d'attribution, l'organisme HLM met en place une commission d'attribution et d'examen de l'occupation des logements, chargée d'attribuer nominativement chaque logement. Un quart des attributions, hors quartiers prioritaires de la politique de la ville, doit être consacré aux demandeurs les plus modestes. Nous proposons que l'objectif s'impose non seulement aux organismes HLM mais également aux réservataires.
L'amendement n° 3190 est retiré.
Ils sont déjà satisfaits par le code de la construction et de l'habitation. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Ils sont satisfaits par le 4
L'amendement n° 680 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1329 .
La loi ELAN a rendu obligatoire le dispositif de cotation de la demande de logement social, dispositif qui permet de hiérarchiser les demandes selon des critères liés à la situation des demandeurs et grâce à un système de pondération. Il constitue une aide à la décision afin de départager plusieurs demandes pour un même logement, notamment dans les situations où la demande excède de manière très importante l'offre disponible, c'est-à-dire dans les zones tendues.
Vous voyez sans doute où je veux en venir, madame la ministre déléguée. Je veux parler encore des zones détendues, qui sont parfois oubliées – c'est du moins le sentiment que nous en avons…
Vous me rassurez, mais il faut maintenant des preuves du cœur ! Certains territoires ne sont pas concernés par un important déséquilibre entre l'offre et la demande : ce sont ceux qui se situent en zone B2 et C. Pour ces secteurs, il est proposé que le dispositif de cotation soit facultatif et puisse être mis en place à l'initiative de l'EPCI.
Le module de cotation prévu dans le système d'enregistrement comporte déjà soixante-quatre critères, dont dix sont aménageables au niveau local.
Il me semble que cela va dans le sens de la décentralisation et de la différenciation dont nous sommes en train de discuter. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La demande sous-jacente à l'amendement de M. Bazin est satisfaite par le texte actuel. En effet, la cotation de la demande n'est pas obligatoire partout en France : elle l'est uniquement dans les EPCI tenus de se doter d'un programme local de l'habitat (PLH) et sur le territoire desquels se trouve au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville, ainsi que dans les établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris, de la Ville de Paris ou de la métropole de Lyon. Cela représente, au total, 400 zones urbaines en France. A contrario, là où la cotation n'est pas obligatoire, les collectivités font ce qu'elles veulent, y compris quand elles décident de créer une cotation facultative pour départager les demandeurs. Demande de retrait.
J'avais bien compris que là où la cotation est obligatoire, elle est obligatoire, et que là où elle est facultative, elle est facultative. Ma question est la suivante : y a-t-il une tension entre l'offre et la demande dans toutes les zones où la cotation est obligatoire ? On constate, au sein d'une même zone, de grandes disparités de loyer et d'intensité de la demande. Tout cela appelle un regard plus précis. Il me semble que, pour être plus pertinent, il conviendrait de créer des sous-zonages.
L'amendement n° 1329 n'est pas adopté.
Il vise à généraliser la mise en place d'une bourse d'échange de logements entre locataires du parc social sur les territoires tendus en matière de logement. Cela existe déjà dans certains territoires comme l'Île-de-France, où le dispositif bénéficie du soutien de l'État et d'Action logement depuis l'accord-cadre d'avril 2018. Toutefois, il est loin d'être opérationnel partout dans la région – je pense, entre autres, à ma circonscription.
La mobilité dans le parc social constitue une vraie préoccupation, et il me paraît opportun de permettre aux locataires qui le souhaitent d'échanger leur logement, notamment dans la situation, fréquente, de parents qui se retrouvent seuls après le départ de leurs enfants et qui pourraient souhaiter déménager dans un logement plus petit, quand de nombreuses familles peinent à trouver un logement assez grand pour les accueillir.
Avant de généraliser le dispositif, il serait préférable de disposer d'un retour d'expérience. Mme la ministre déléguée pourra peut-être nous communiquer des chiffres précis du Gouvernement ; dans le cas contraire, je demanderai avec vous une évaluation du dispositif. Demande de retrait.
Le dispositif est en cours d'expérimentation dans plusieurs départements d'Île-de-France à droit constant, mais il me semble qu'il est encore trop tôt pour décider d'une obligation législative de généralisation. Nous avons besoin de plus de recul, sans compter que, dans certains territoires, il faudrait permettre à quelques bailleurs de commencer avant de rendre la bourse obligatoire pour tous les bailleurs du territoire. Demande de retrait.
L'amendement n° 2512 n'est pas adopté.
Je vais de nouveau parler des territoires détendus car le taux de vacance financière et le taux de rotation y sont beaucoup plus élevés qu'ailleurs. Or, plus le taux de rotation est important, plus les charges liées à la remise en état des logements sont lourdes. Cette double peine fragilise les organismes de logement social. Je donnerai quelques chiffres : 40 % de 2,4 millions de logements gérés par les OPH se trouvent dans les zones B2 et C ; le taux de vacance financière y est respectivement de 7,9 % et 7,7 %, contre 5,9 % et 4,3 % en zones B1 et A ; de même, le taux de rotation y est de 10,7 % et 11,5 %, contre 8,9 % et 4,3 % en zones B1 et A.
Outre les bailleurs sociaux, ce sont les communes qui sont affectées, car un taux de vacance trop élevé rend les quartiers moins attractifs, et il faut des efforts considérables pour renverser la situation. Les nombreuses normes nationales en matière d'attribution de logements – plafonds de ressources, gestion en flux, sous-occupation –, d'obligation d'application du supplément de loyer de solidarité (SLS) ou encore de changement d'usage des bâtiments sont autant de contraintes qui empêchent les EPCI de lutter efficacement contre ce phénomène endémique. La vacance appelant la vacance, la situation devient problématique dans certains territoires.
L'amendement propose donc, sur le fondement de l'article 72 de la Constitution, une expérimentation permettant aux EPCI volontaires d'adapter les normes nationales à leur situation particulière. Il ne s'agit pas de le faire n'importe comment : ce n'est pas le « quoi qu'il en coûte » ni le « quoi qu'il arrive »…
Le « quoi qu'il en coûte » n'a pas été fait n'importe comment !
L'expérimentation se fera sous l'égide des comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) concernés, qui piloteront une évaluation du dispositif et en tireront des enseignements de nature à éclairer le législateur. Madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, cette proposition s'inscrit dans la perspective d'une différenciation pour résoudre des problèmes locaux.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 529 .
Il s'agit d'un amendement de Sylvia Pinel.
Dans les territoires détendus, le taux de vacance financière et le taux de rotation sont plus importants, ce qui frappe à la fois les organismes de logement et les collectivités territoriales. L'amendement propose une expérimentation sur le fondement de l'article 72 de la Constitution visant à donner les moyens aux établissements publics de coopération intercommunale volontaires relevant de ce périmètre d'adapter les normes nationales à leur situation particulière. Pour cibler de manière la plus précise les EPCI en cause, le paramètre choisi – celui du nombre de demandes de logements sociaux pour une attribution lorsqu'il est inférieur ou égal à 2,1 – est renseigné dans chaque EPCI. Cette expérimentation se ferait sous l'égide des comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement concernés qui piloteraient une évaluation du dispositif.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1356 .
Il diffère légèrement du précédent, notamment par l'ajout d'une précision suivante : « lorsqu'en leur sein, le nombre de logements sociaux pour une attribution est inférieur ou égal à 2,1 ». L'esprit est le même.
La parole est à Mme Maina Sage, rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 2012 .
Je soutiens également la proposition d'expérimentation pour des territoires « zéro logement vacant ». On connaît la difficulté que peuvent représenter les vacances, à commencer par les problèmes d'attractivité cités par M. Bazin.
C'est aussi un problème d'équilibre économique : le manque de locataires met en difficulté les organismes de gestion.
La solution proposée mérite un examen approfondi. À nouveau, nous la devons à l'USH, qui est au cœur du problème. Grâce à la saisine des comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement, l'expérimentation serait évaluée en permanence. Nous saurions ainsi comment l'adapter au mieux et nous disposerions du bilan des expériences menées pendant les cinq années, ce qui serait également très intéressant.
La mesure concernerait spécifiquement les zones B2 et C, ainsi que des zones dans lesquelles on observe une vacance anormalement longue. Elle comporterait une dérogation aux plafonds de ressources.
Suggéré par l'USH, il vise à permettre aux EPCI dotés des compétences en matière d'habitat et de logement de conduire, s'ils le souhaitent, une expérimentation. Lorsque le rapport entre le nombre de demandes de logements sociaux et celui des attributions est inférieur ou égal à 2,1, ils seraient autorisés à déroger aux règles d'attribution des logements locatifs sociaux, aux conditions de maintien dans ces logements, et aux règles relatives au changement d'usage de logements locatifs sociaux.
Dans les périmètres en cause, les conséquences globales de la vacance justifient l'expérimentation. Les comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement concernés superviseraient le dispositif et piloteraient son évaluation.
L'amendement n° 3198 est retiré.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Avis défavorable. Je salue l'effort des collègues qui les ont déposés et ont tenté leur chance avec l'expérimentation. Je note que certains aspects du dispositif proposé sont quelque peu éloignés de la lutte contre la vacance, notamment la gestion en flux.
Nous avons déjà eu ce débat concernant la faculté des élus locaux d'adapter les règles ; dans ce domaine également, il faut plutôt passer par la voie réglementaire. Vous avez raison, dans les zones détendues, dont le logement social connaît un fort taux de vacance, il faut pouvoir adapter les règles. Toutefois, vos amendements sont dépourvus de fondement normatif ; surtout, ils ne me paraissent pas nécessaires. Nous pourrions mener collectivement, avec le Gouvernement, un travail réglementaire en ce sens.
Le sujet du logement est important dans les zones détendues comme dans les zones tendues : le Gouvernement n'a aucunement l'intention de concentrer son action sur certaines zones seulement. Il est indispensable qu'on puisse accéder à des logements de bonne qualité dans tous nos territoires.
Vous proposez d'expérimenter par voie législative des dérogations à des dispositions fondamentales en matière de logement social.
S'agissant du plafond de ressources, le code de la construction et de l'habitation prévoit déjà des dérogations, sur décision du préfet ou de l'EPCI, afin de lutter contre la vacance. Elles sont précisément encadrées. Sur ce point, vos amendements sont donc satisfaits.
S'agissant de l'ajustement des règles relatives au supplément de loyer de solidarité, le Gouvernement y est opposé, car cela constituerait une vraie rupture d'égalité, puisque les locataires devraient ou non payer un surloyer en fonction de leur lieu d'habitation.
S'agissant de la sous-occupation, les dérogations ne sont pas vraiment nécessaires : les commissions d'attribution n'examinent périodiquement les situations de sous-occupation que dans les zones tendues, donc pas dans celles dans lesquelles vous souhaitez conduire l'expérimentation.
Quant à la gestion en flux, elle favorisera au contraire un meilleur appariement entre l'offre et la demande et ne sera pas difficile à appliquer dans les zones détendues, où les réservataires et les bailleurs sont moins nombreux. Il s'agit d'une réforme importante pour tout le territoire ; autoriser des dérogations en la matière ne serait pas un bon signal.
Pour résumer, vos amendements sont déjà satisfaits concernant deux des dérogations qu'ils visent à prévoir ; pour les deux autres, j'y suis opposée sur le fond.
Il est néanmoins possible de lutter contre la vacance à l'échelle des EPCI. Certains logements sont moins attractifs parce qu'ils ont besoin d'une rénovation. Le plan de relance prévoit 500 millions d'euros pour rénover les logements sociaux, notamment ceux dont la classe énergétique est F ou G. Nous prévoyons d'autres opérations complémentaires, et un partenariat entre l'État et les collectivités est possible.
Je vous demande de retirer vos amendements, à cause des dispositions particulières qu'ils contiennent, et non en raison de l'intention générale. À défaut, l'avis sera défavorable.
J'ai bien entendu vos arguments. Vous avancez que certains aspects sont satisfaits, parce qu'on peut déjà recourir à des dérogations. Sur le terrain, ce n'est pas si évident.
S'agissant de la rénovation, je suis sûr que l'un des membres du Conseil constitutionnel regarderait avec beaucoup d'attention certaines dispositions du texte, au regard de la loi ELAN – mais vous n'y êtes pour rien, madame la ministre déléguée, puisqu'il s'agit de décisions prises avant votre nomination. Là n'est pas le sujet.
Il existe des îlots où la situation du peuplement est compliquée et il ne sera pas possible d'y remédier sans la souplesse que nous demandons. Si nous nous opposons à laisser certaines personnes venir y habiter pour des motifs réglementaires, les problèmes resteront entiers et la situation de vacance ne s'améliorera pas.
Concernant la capacité financière des offices HLM, je souligne que le taux de bénéficiaires des aides personnelles au logement (APL) est parfois très supérieur dans les zones détendues à celui que connaissent certaines zones très tendues. La situation est variable, mais la restructuration des bailleurs a parfois fortement augmenté le nombre des bénéficiaires des APL et donc pénalisé davantage certains territoires détendus. Cela crée un cercle vicieux, puisque leur capacité financière est très affaiblie et qu'ils rénovent donc beaucoup moins rapidement les logements.
La taille des logements constitue un autre problème. Vous connaissez les règles relatives à la sous-occupation ; elles constituent un vrai frein à la mixité sociale que favoriseraient certaines dérogations en la matière. On a du mal à bouger les murs : les bâtiments ne sont pas toujours modulaires. Il arrive que la demande d'appartements T2 soit supérieure à celle de T4, mais il n'est pas si facile de transformer un T4 en deux T2, car il faut créer des pièces humides, or les gaines et conduites sont parfois mal placées. Le sujet mériterait peut-être une approche technique, que cette expérimentation permettrait.
J'ai bien compris que vous y étiez défavorable, mais la navette pourrait laisser place à la réflexion, surtout si nous avons l'occasion de réexaminer le texte en février : avec d'autant d'articles du Sénat supprimés, je crains que la commission mixte paritaire (CMP) n'ait du mal à aboutir.
Sourires.
Je retiens la proposition du rapporteur pour avis de mener un travail avec les élus que le sujet intéresse, afin de trouver une solution réglementaire. Néanmoins, je ne suis pas persuadée que tous les problèmes pourront être résolus de cette manière. Vous l'avez dit, madame la ministre déléguée, vous êtes attachée à certains principes auxquels nous souhaitons déroger – tel est bien l'objectif de l'expérimentation. Nous voulons précisément ajuster les plafonds de ressources en vigueur pour ouvrir ces logements à d'autres catégories de locataires ; mécaniquement, il faudrait modifier les règles relatives au supplément de loyer de solidarité : c'est une question d'équilibre.
Il faut prendre le problème de la vacance dans sa globalité. J'entends que vous êtes favorables à trouver des premières solutions sur le plan réglementaire, mais je crois sincèrement que l'expérimentation est une voie à retenir. On peut toujours espérer que la navette la rende praticable. Je retire l'amendement.
L'amendement n° 2012 est retiré.
L'amendement n° 1330 n'est pas adopté.
L'article 22 bis AA, amendé, est adopté.
L'amendement n° 231 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 22 bis A, amendé, est adopté.
L'article 22 bis BA est adopté.
Je suis saisie de trois amendements de suppression, n° 623, 2353 et 2407.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement n° 623 .
Cet amendement de Sylvia Pinel vise à supprimer cet article, introduit par le Sénat, qui autorise la vente de logements sociaux, dans le cadre d'une opération prévue par une convention pluriannuelle signée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), après accord du maire et des garants des prêts ayant servi à les construire, les acquérir ou les améliorer.
En effet, la privatisation du logement social va à l'encontre du besoin de maintenir un parc immobilier à loyer ou à prix maîtrisés. La priorité n'est pas de se défaire du patrimoine constitué, mais bien de soutenir le développement de l'offre.
Le sujet est très important ; j'appelle votre attention sur le présent article. Quels que soient les bancs que nous occupons, je ne pense pas que nous ayons des divergences idéologiques ou politiques quant à la nécessité de lutter contre le phénomène des marchands de sommeil, ou au moins de s'en prémunir. Je pars du principe que nous sommes d'accord sur ce point, et qu'il est inutile de développer des querelles infondées. Les drames qui se sont déroulés dans certains logements nous ont tous instruits, comme l'évolution difficile de certaines grandes copropriétés dégradées. Plutôt récentes à l'échelle de l'histoire, puisque construites dans les années 1970 et 1980, elles se révèlent ingérables, comme celles de La Grande Borne à Grigny et de Clichy-Montfermeil – je ne peux pas toutes les énumérer.
Nous avons supprimé plusieurs articles introduits par le Sénat mais pas celui-là. Nous sommes d'accord pour vendre des logements HLM aux locataires. J'ai présidé un office HLM et je le faisais. On peut discuter des modalités et des objectifs, en faire un principe, peu importe – cela se pratique. Mais, je vous le dis tout de suite, en autorisant la vente, à des personnes morales, de blocs de plus de cinq logements HLM, vous mettez le ver dans le fruit !
Cela veut dire que des personnes morales, des sociétés, par exemple des sociétés civiles immobilières (SCI) achèteront des logements par paquets de cinq, les loueront, éventuellement les subdiviseront, les revendront à l'unité : tous les marlous, qui connaissent les lois aussi bien que vous et moi, et qui réussissent à s'insérer dans tous les dispositifs, achèteront.
Si la situation de Clichy-Montfermeil ou de Grigny est difficile à résoudre, c'est bien parce que des marchands de sommeil sont entrés dans le système. Dans les zones tendues, vous arriverez toujours à louer très cher des biens médiocres, sans vous acquitter de l'entretien minimal ni des charges de copropriété, créant ainsi des copropriétés surendettées. C'est une ineptie !
Nous avions eu un grand débat pendant l'examen de la loi ELAN sur la vente de HLM, une possibilité qui existe depuis leur origine. Vous en aviez quasiment fait un objectif en soi ; nous n'étions pas d'accord, mais il s'agissait de la vente de logements aux locataires. Là, c'est autre chose ! Je ne comprends pas pourquoi cet article d'origine sénatoriale n'a pas été supprimé, comme d'autres, par l'Assemblée. Partant, je le répète, de l'idée que nous sommes d'accord sur les principes, je vous le dis : vous déroulez le tapis rouge aux marchands de sommeil.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 2407 .
Je vais poursuivre l'argumentaire de Stéphane Peu, auquel je m'associe. L'article prévoit même un changement de destination des logements concernés : on pourra en faire des cellules commerciales. On peut même imaginer qu'il puisse y avoir, par le biais de l'article 22 bis B, une diminution du nombre de logements sociaux et de l'offre de logement social.
Je vais être un peu lourd sur le fond. Des personnes morales pourraient trouver là un effet d'aubaine : acheter, revendre ensuite à l'unité et faire une plus-value, mais aussi changer l'objectif initial, alors que ce sont des logements sociaux qui, pour une bonne partie d'entre eux, ont été construits et fonctionnent avec un apport initial d'argent public, ou à tout le moins, des intéressements ou des prêts publics.
Il y a quelque chose d'inepte dans cet article, à tous points de vue : le changement de destination et le profit que cela pourrait apporter. Surtout, l'objectif que nous sommes censés tous partager, à savoir fournir une offre de logement social abondante et à prix abordables, n'est pas atteint.
Ce sujet, sur lequel notre collègue Stéphane Peu est longuement revenu, est important. Il correspond à une demande de l'ANRU ; nous sommes dans le cadre d'opérations de renouvellement urbain.
Monsieur Peu, je ne suis pas d'accord avec vous sur le fond : vous associez vente en bloc et risque de marchands de sommeil. Mais vous pouvez trouver ces derniers dans n'importe quelle copropriété, quel que soit son passé, qu'il s'agisse de logement social, de logement social vendu ou de logement libre historiquement. À mon sens, faire le lien entre les deux est une erreur ; pointer du doigt le risque d'accroître la place des marchands de sommeil aussi. Dans la loi ELAN – c'était un sujet transpartisan –, nous avons voté des mesures pour lutter contre ceux-ci.
L'idée de cet article, c'est de requalifier des quartiers, de trouver des solutions alternatives à la démolition – d'où la vente ou le changement d'usage –, avec toujours trois propositions de relogement pour les locataires au moment de la vente. Au-delà de l'opération de renouvellement urbain, il y a une dimension sociale importante.
Par ailleurs, M. Bazin m'a assez reproché de revenir sur des articles introduits par le Sénat ; celui-ci me semble très correct, d'autant qu'il permet aux communes déficitaires – nous avons eu ce débat la semaine dernière, monsieur Peu – d'éviter de réduire le parc de logements sociaux. Je tiens à vous rassurer, il y a une vigilance : même s'il s'agit de vente en bloc, on ne vend pas à n'importe qui, l'effet est très ciblé.
L'ANRU souhaite utiliser ce dispositif, notamment pour le projet de Nanterre. J'y suis favorable à plusieurs titres. Demande de retrait des amendements de suppression, parce que l'article 22 bis B, qui nous vient du Sénat, est pertinent.
Je voudrais tout d'abord remercier les députés qui ont défendu les amendements de suppression d'avoir reconnu que nous sommes tous de bonne foi et que nous voulons défendre le logement social ; cela a été dit par M. Peu et par tous les députés. Il s'agit de trouver une juste voie de passage pour que la défense du logement social soit la plus efficace possible.
Nous avons une divergence de fond sur l'impact de l'article introduit par le Sénat, que vous proposez de supprimer. L'interprétation du Gouvernement – et la raison pour laquelle nous souhaitons son maintien –, c'est qu'il donne à l'ANRU et aux communes qui le souhaitent une solution alternative à la démolition dans les quartiers de la politique de la ville et dans les quartiers ANRU du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
De toute façon, dans une opération du programme national de renouvellement urbain (PNRU) ou du NPNRU, il y a d'abord un engagement de démolition et de reconstitution de l'offre de logement social. La question que nous ont posée l'ANRU et le maire de Nanterre – puisque l'amendement adopté au Sénat est directement issu d'une demande du programme ANRU à Nanterre – portait sur l'existence d'une alternative à la démolition, qui permette soit le changement d'usage, soit le changement d'affectation des logements.
Dans l'exemple de Nanterre, nous parlons des tours Nuages de l'architecte Émile Aillaud. Onze d'entre elles seront rénovées et resteront des logements sociaux ; une sera démolie et une autre accueillera des activités économiques ou de l'accession à la propriété. L'article 22 bis B encadre les possibilités de vente en bloc ou de changement d'usage par des conventions signées par la commune – il faut l'accord du maire –, l'État et l'ANRU. Bien évidemment, un changement d'usage sera pris en compte dans le calcul même de la reconstitution de l'offre ; ainsi, le juste nombre de logements sociaux ne privera personne.
Cette faculté très encadrée permet d'aller au-delà du projet de base de requalification du quartier. Nous sommes sensibles à la nécessité d'une mixité fonctionnelle : logements, commerces et activité économique. Cela sera facilité par cette mesure, avec une considération écologique : éviter la démolition.
Bien évidemment, l'objectif n'est pas de favoriser les marchands de sommeil. Vous le savez aussi bien que moi, dans les grandes copropriétés dégradées qui font l'objet d'une opération de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (ORCOD-IN) – à Clichy-sous-Bois, à Grigny, à Mantes-la-Jolie et bientôt à Nîmes –, des lots ont été rachetés par des marchands de sommeil, au point que les établissements publics fonciers vont eux-mêmes se porter acquéreurs.
Avec l'article 22 bis B, le dispositif sera vraiment encadré ; l'achat ne sera possible que dans le cadre d'un projet, qui sera validé et suivi – il figure en général dans le plan de financement de l'opération de renouvellement urbain. Les inquiétudes que vous exprimez sont traitées par la rédaction de l'article. Avis défavorable.
Madame la ministre déléguée, cela me fait penser à un « quoi qu'il en coûte » urbanistique pour un cas précis que l'on veut traiter. J'avais un cas similaire : un immeuble classé en péril. Pour trouver une solution et lancer l'opération, le bailleur social avait négocié une hauteur de 15 mètres dans un quartier en r + 2 ; à l'arrière, il avait aussi négocié une hauteur de 15 mètres, alors qu'il s'agissait de r + 1, engendrant un profond décalage. Cela a été appliqué à l'ensemble de la zone urbanistique pour traiter ce problème précis.
Vous ne m'écoutez pas, madame la ministre déléguée…
Pardon, c'est ma collègue Jacqueline Gourault qui me perturbe.
Sourires.
Je ne voudrais pas que vous vous perturbiez mutuellement au Gouvernement !
Quand on donne une autorisation sur un îlot ou une opération en particulier, elle vaut pour l'ensemble d'une zone. Le cas de Nanterre peut le justifier ; je n'ai pas d'opinion sur cet exemple-là.
Mais je suis très sensible aux arguments qui ont été développés, notamment par Stéphane Peu. Premièrement, je suis très sceptique concernant les ventes en bloc de logements sociaux ; je crois beaucoup aux parcours individuels, avec un accompagnement social bien mesuré. C'est en effet un sacré engagement, et il ne faut pas laisser des accédants à la propriété issus du parc HLM dans la mouise parce qu'ils n'ont pas les revenus suffisants pour financer ensuite la réhabilitation des logements.
Deuxièmement, si l'on sait quel est l'investisseur initial, il y a parfois des phénomènes de revente de revente. Après les engagements initiaux, l'accord de la mairie et le renoncement des garants, on ne maîtrise pas la suite qui peut être donnée. L'exemple de Nanterre sera peut-être très réussi, mais là, nous modifions le code de la construction et de l'habitation et c'est désormais partout qu'une vente en bloc pourrait se produire.
Souvent, les bailleurs ont dans leurs parcs des immeubles difficiles à gérer ; ils pourraient être tentés, parfois sous couvert de bonnes intentions, de faire confiance à un opérateur qui voudrait en transformer un. Imaginons que le projet capote ; néanmoins, la cession a été faite. La société de l'opérateur est mise en liquidation judiciaire, puis revendue ; nous n'avons aucune garantie de récupérer le bien, aucun moyen d'appliquer ce qui avait été signé. L'article, tel qu'il est rédigé, demande bien l'accord initial du maire et de l'ANRU, mais il ne donne pas assez de garanties pour la suite.
Il existe un risque, surtout concernant des immeubles peu valorisés, que les marchands de sommeil soient appâtés, quel que soit l'aspect sous lequel ils se présentent. J'ai en tête l'exemple d'un immeuble où le montant des loyers est tellement faible qu'il attire toujours des personnes très difficiles à gérer, à l'échelle du quartier. Les collectivités locales n'ont pas du tout la main pour gérer de telles situations.
Enfin, tel que l'article est rédigé, la notion de personne morale est très large et nous n'avons aucun engagement sur la suite qui pourrait être donnée. Concrètement, on transfère la propriété à une personne morale ; que se passe-t-il si celle-ci ne mène pas à bien son projet, alors que les garants ont renoncé et que la mairie a donné son accord ? La personne morale pourra revendre, parfois à un montant inférieur au montant initial, à quelqu'un qui se mettra à louer les biens comme un marchand de sommeil, avec toutes les difficultés de gestion qui en découlent. L'encadrement prévu dans cet article me paraît insuffisant. Je voterai en faveur de l'amendement de M. Peu si l'article n'est pas rectifié.
Je ne suis absolument pas convaincu. Madame la ministre déléguée, j'ai parlé d'un consensus pour être efficaces dans la lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat insalubre, car je crois qu'il existe ; je n'en discute pas. Vous avez parlé d'un consensus dans la défense du logement social : permettez-moi de penser que nous ne sommes pas tout à fait d'accord sur les chemins à emprunter pour bien le défendre.
Nous sommes à l'Assemblée nationale pour faire la loi, nous ne sommes pas au conseil municipal de Nanterre. Tout le monde ici a fait des dossiers ANRU : on peut avoir des dispositifs dérogatoires concernant des objets très particuliers. Je peux vous donner x exemples d'immeubles de logements devenus des bureaux dans des quartiers ANRU.
Ici, il ne s'agit pas de cela. Il s'agit d'une loi qui va permettre, dans les opérations ANRU, de vendre en bloc des logements. Il ne s'agit pas des parcours individuels dont parlait Thibault Bazin, qui permettent aux locataires de devenir propriétaires, avec un accompagnement le cas échéant. Vendre en bloc consiste à vendre des blocs de logements à des gens qui vont les acheter pour les louer, hors de toute règle de marché puisqu'ils n'auront plus le statut de logements HLM. C'est la définition même du produit souhaité par un marchand de sommeil ! Dans des quartiers ANRU, c'est-à-dire confrontés à certaines difficultés, des types vont acheter des biens plutôt pas chers par rapport à la moyenne du marché ; comme il s'agit souvent de zones tendues avec une forte pression sur la demande de logements, ces biens achetés peu cher seront loués très cher à des locataires qui s'y entasseront, et les charges de copropriété ne seront pas payées.
Inscrire cet article dans la loi, c'est montrer que vous n'avez rien compris à ce qui se passe dans les copropriétés dégradées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; c'est une complète régression.
Je vous l'assure, en persévérant à vouloir conserver l'article introduit par le Sénat, vous faites fausse route : il est totalement abscons, relève de logiques qui n'ont rien à voir avec celles de la politique de la ville ou avec Nanterre. Personne ne peut ici soutenir que le maire de Nanterre et moi-même ne partageons pas la même conception de la politique du logement en France et je suis certain qu'il n'a pas demandé la modification de la loi afin d'autoriser à vendre du logement social en bloc dans les quartiers ANRU. Ne racontez pas d'histoires ! Si un quartier de Nanterre rencontre un problème particulier, on le règle de manière spécifique, en accordant des dérogations, largement délivrées pour les opérations menées dans le cadre de la politique de la ville.
Mais ne déroulez pas le tapis rouge aux marchands de sommeil. Vous pouvez dire ce que vous voulez, c'est ce que vous êtes en train de faire ; nous le vérifierons dans très peu de temps.
M. Alain David applaudit.
L'article 22 bis B, amendé, est adopté.
La parole est à M. Philippe Naillet, pour soutenir l'amendement n° 2759 , qui tend à supprimer l'article 22 bis .
Puisque nous débattons de la question du logement, permettez-moi d'avoir une pensée pour les cinq victimes du terrible incendie qui s'est déclaré dans la nuit de dimanche à lundi dans un immeuble composé de logements sociaux à La Réunion, et d'apporter tout mon soutien aux familles, à leurs proches et aux personnes qui ont tout perdu. Je saisis cette occasion pour saluer les efforts de la maire de la ville de Saint-Denis, Ericka Bareigts : avec les bailleurs sociaux, elle a identifié quatre-vingt-seize logements qui devraient permettre de reloger rapidement les familles.
Nous sommes confrontés à une crise sanitaire difficilement maîtrisable, qui continue d'évoluer puisqu'un nouveau variant est apparu. L'objectif de protéger – la santé n'a pas de prix – et d'éviter les clusters ne doit pas conduire à interrompre le fonctionnement des commissions d'attribution des logements. Nous souhaitons que les réunions de ces commissions puissent continuer de se tenir de façon dématérialisée.
Je m'associe à vos pensées pour nos compatriotes de La Réunion.
Votre amendement de suppression vise l'objectif inverse de celui que vous recherchez puisque l'article prévoit précisément la dématérialisation des commissions. Il y a sans doute une confusion dans la rédaction. L'article tel que voté par la commission des affaires économiques répond bien à votre demande. Je vous invite à retirer votre amendement de suppression ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
À mon tour, je voudrais m'associer au message de soutien aux victimes, à leurs familles, à la ville de Saint-Denis et à tous les élus de La Réunion, confrontés à ce drame qui a touché plusieurs familles dont le logement social a brûlé, il y a quelques jours, à Saint-Denis.
Je partage l'avis du rapporteur pour avis sur votre amendement : alors que vous souhaitez la généralisation de la dématérialisation des commissions d'attribution, votre amendement va plutôt dans le sens inverse. Demande de retrait.
L'amendement n° 2759 est retiré.
L'article 22 bis est adopté.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1259 , qui tend à rétablir l'article 22 ter .
Le groupe Les Républicains s'associe également au soutien apporté à nos compatriotes de La Réunion, victimes de ce terrible incendie, qui témoigne de l'importance que l'on doit accorder à tous les logements dans l'ensemble de nos territoires.
L'article 22 ter est important pour notre groupe – d'ailleurs l'amendement visant à le rétablir a été signé par tous les membres du groupe. Si le contrat de mixité sociale permet d'engager une démarche positive de contractualisation et de différentiation dans le cadre des objectifs de construction de logements sociaux, il convient de confier aux maires la compétence pour conduire une politique du peuplement propre à assurer la mixité sociale de manière harmonieuse.
L'amendement vise donc à faire du maire le réservataire par défaut, afin de lui donner des outils supplémentaires pour mener une telle politique. Comme vous le dites, madame la ministre de la cohésion des territoires : faisons confiance aux élus locaux.
L'amendement n° 1259 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté. En conséquence, l'article 22 ter demeure supprimé.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l'amendement n° 1260 .
Si vous rabotez tout le texte voté par le Sénat, je ne sais pas comment nous parviendrons à une CMP conclusive.
Exclamations au banc des commissions et du Gouvernement.
L'amendement du groupe Les Républicains entend rétablir cet article adopté par le Sénat et supprimé en commission par l'Assemblée nationale. Il vise à créer une nouvelle cotation des résidences qui permettrait de rééquilibrer l'attribution des logements afin d'assurer une mixité sociale adresse par adresse dans les résidences identifiées comme fragiles par la CIA.
L'amendement n° 1260 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté. En conséquence, l'article 22 quater demeure supprimé.
J'ai soutenu cet amendement en commission des affaires économiques ; il concerne l'expérimentation relative à l'encadrement des loyers prévue par la loi ELAN. Il vise surtout à appeler l'attention de Mme la ministre déléguée.
Certains EPCI, notamment au Pays basque, n'avaient pas déposé de demande de dossiers visant à participer à cette expérimentation avant le mois de novembre 2020. En effet, l'expérimentation prévue à l'article 140 de la loi ELAN fixe quatre conditions, notamment une production de logements faible. Or au Pays basque, la production de logements est élevée, alors même que les logements mis à disposition sont rares, en raison du nombre de logements touristiques et de résidences secondaires, et chers. C'est la raison pour laquelle la communauté d'agglomération du Pays basque n'avait pas déposé de demande.
Depuis, nous avons adopté un amendement très important en commission des affaires économiques visant à prolonger de deux ans le délai initialement fixé dans la loi ELAN. Cette avancée permet aux EPCI qui n'ont pas obtenu gain de cause au premier tour de déposer une nouvelle demande et, à d'autres, de déposer leur première demande.
Le problème est que les critères fixés par l'article 140 n'ont pas été modifiés et nous inquiètent. Madame la ministre déléguée, ces critères peuvent-ils être appliqués avec souplesse, afin de prendre en considération la réalité du terrain et la situation de chaque EPCI, tant au Pays basque qu'ailleurs ? Vous savez, ainsi que Mme Gourault, l'importance de cette question pour les vingt-quatre communes du Pays basque situées en zone tendue, ce qui est également le cas d'autres communes dans le territoire.
La parole est à Mme Florence Lasserre, pour soutenir l'amendement n° 1927 .
La loi ELAN a instauré, à titre expérimental, un encadrement des loyers dans les zones tendues. Or certaines communes ne peuvent pas en bénéficier car elles ne respectent pas deux des quatre conditions d'éligibilité fixées par la loi, à savoir d'une part, un faible « taux de logements commencés, rapporté aux logements existants », d'autre part, des « perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat ».
Les EPCI d'un territoire comme le mien, le Pays basque, où la production de logements est importante, mais où l'attractivité ne cesse de croître et où les prix du foncier, du bâti et des locations dans le parc privé ne cessent d'augmenter, ne peuvent participer à l'expérimentation relative à l'encadrement des loyers en raison de ces critères. J'ai beaucoup échangé avec des acteurs du Pays basque ; ils m'ont indiqué que la forte production de logements dans les communes en zone tendue ne suffit pas à réguler les loyers. Au contraire, nous constatons une forte augmentation du prix moyen des locations. Nous pensons que ce plafonnement pourrait être un levier pour freiner la course folle des prix du logement.
Cet amendement vise à permettre aux représentants de l'État de déroger aux troisième et quatrième conditions de l'article 140 de la loi ELAN. L'objet de cet amendement est de doter notamment le Pays basque d'outils permettant d'agir face à l'envolée des prix de l'immobilier.
Nous avons débattu de ces amendements en commission, mes collègues ne seront donc pas surpris de m'entendre émettre le même avis – avis défavorable ou demande de retrait. Mme la ministre déléguée pourra nous apporter des éclairages sur la situation précise du Pays basque, où les tensions sont bien réelles.
Si les difficultés rencontrées dans votre territoire doivent être examinées, je suis défavorable à la modification des quatre critères cumulatifs qui assurent l'homogénéité et l'harmonie du dispositif d'encadrement des loyers à l'échelle de tout le territoire. Nous avons prolongé le délai initialement fixé pour que les territoires qui le souhaitaient déposent leur demande. Rappelons que Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier, Bordeaux et des communes de l'Est parisien se sont portées volontaires pour cette expérimentation.
Votre territoire rencontre un problème qui doit être réglé, sans pour autant remettre en cause le dispositif très équilibré de la loi ELAN, voté en 2018.
Dans le projet de loi 3DS, nous avons souhaité prolonger le délai ouvert pour les candidatures à l'expérimentation relative à l'encadrement des loyers prévue par l'article 140 de la loi ELAN, qui détermine quatre critères cumulatifs : « Un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ; […] Un niveau de loyer médian élevé ; […] Un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, faible ; […] Des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l'habitat ».
Je voudrais vous rassurer sur le fait que tous les dossiers sont analysés, en appliquant les critères tenant aux moyens à la lumière de ceux tenant au résultat. Ainsi, quel que soit le nombre de logements en construction, l'important est de constater la tension sur le marché, c'est-à-dire le niveau moyen élevé de loyers et l'écart important entre les loyers libres et ceux du parc locatif social.
M. Vincent Bru acquiesce.
Les troisième et quatrième critères sont interprétés à l'aune des deux premiers.
Nous repoussons la date limite pour demander à prendre part à l'expérimentation, sans modifier les critères de l'article 140, ce qui satisfera certaines collectivités, notamment dans le Pays basque ; je les invite à se porter candidates lorsque ce sera possible. J'émets une demande de retrait car les deux amendements sont satisfaits.
Je vous confirme que la communauté d'agglomération du Pays basque postulera certainement ; j'ai échangé encore très récemment avec son président. À la lumière des fabuleux éclaircissements de Mme la ministre déléguée, je retire mon amendement.
La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) donnait au préfet le soin de fixer le loyer médian majoré en fonction de la situation locale. À la suite de la censure du Conseil constitutionnel, cette disposition a été modifiée.
L'amendement vise à prendre en considération cette décision par laquelle le Conseil constitutionnel a censuré le critère « de la dispersion des niveaux de loyers observés » parce qu'il était « indépendant de celui des catégories de logement et des secteurs géographiques ». Le loyer de référence majoré pourrait être modulé si deux conditions sont remplies : un loyer médian élevé et un écart moyen important de loyer constaté dans le parc locatif privé entre secteurs géographiques du territoire. L'amendement est directement corrélé à l'objet de la loi et propose des critères précis et objectifs.
L'amendement n° 641 , qui arrive un peu plus tard dans la discussion, vise à fixer, en Île-de-France, le loyer médian majoré à un montant supérieur de 10 % au loyer de référence.
Ils s'inspirent de propositions émises par la Fondation Abbé Pierre. Le dispositif de plafonnement des loyers mis en place par la loi ELAN se traduit par trois plafonds, fixés par arrêtés préfectoraux : un loyer de référence, un loyer de référence minoré de 30 % et un loyer de référence majoré de 20 %, correspondant à un plafond à ne pas dépasser. Les deux amendements visent à changer modifier cette majoration de 20 %, afin que le prix plafond puisse être fixé à un montant inférieur dans certaines zones, où les loyers sont hors de prix – comme cela est le cas au Pays basque, où l'ampleur de la crise du logement ne cesse de grandir.
Plusieurs solutions sont possibles. L'amendement n° 1916 vise à rendre ce plafond modulable, en fonction de deux critères précis et logiques, tenant compte des remarques du Conseil constitutionnel, afin de renforcer l'efficacité du plafonnement des loyers. L'amendement n° 3182 vise également à baisser ce loyer plafond, non pas en le rendant modulable, mais en permettant de le fixer à un montant inférieur, de dix points, dans certaines zones où l'accès au parc locatif privé est devenu quasiment impossible en raison du prix exorbitant des loyers.
Ces amendements visent à modifier de manière assez substantielle le dispositif d'encadrement des loyers prévu par la loi ELAN. Je le redis, plusieurs territoires ont demandé à le mettre en place : à l'exception de Paris et de Lille, sur lesquelles nous avons un peu de recul, les autres se sont engagés compte tenu des règles déterminées par la loi. Il serait donc dangereux de modifier ces règles en cours de route.
Nous avons prolongé cette expérimentation jusqu'à la fin du mandat municipal : c'est seulement à cette date que nous pourrons en tirer les conclusions et en mesurer les effets. Je me réjouis que divers territoires, situés un peu partout en France, se soient approprié le dispositif. Contrairement aux idées reçues, il ne revient pas à une baisse des loyers ; la distinction entre le loyer de référence, le loyer minoré et le loyer majoré me paraît pertinente. La location reste rentable pour les propriétaires bailleurs, même dans les territoires où l'encadrement des loyers est mis en œuvre.
J'émettrai donc un avis défavorable à tous amendements visant à modifier les règles en cours de route, alors que nous avons voté, en commission, en faveur du prolongement de l'expérimentation.
Tous ces amendements, qui visent à améliorer le dispositif existant, présupposent que celui-ci est efficace. Il serait intéressant que le Gouvernement nous indique si le premier bilan de l'expérimentation est positif ou non. Si je vous interroge à ce sujet, madame la ministre déléguée, c'est parce que j'ai lu des articles de presse qui ont essayé d'analyser les offres, et qui constatent qu'il est très fréquent que la loi ne soit pas respectée. Pouvez-vous communiquer les premiers éléments quant à l'efficacité de cette mesure ?
Le principe d'une expérimentation, c'est aller jusqu'au bout pour essayer d'en tirer ensuite les conséquences quant à la décision législative à prendre. Les expérimentations les plus anciennes concernent Paris et Lille. D'autres territoires viennent d'être autorisés à la mener tout récemment ; pour ceux-ci, nous n'avons absolument aucun recul. L'impact réel sur le marché, pour Paris et Lille, est objectivement assez difficile à déterminer : le recul est encore insuffisant, et ce d'autant que la crise sanitaire a provoqué des changements de comportement des locataires et des propriétaires qui rendent l'analyse difficile.
Sur la question du caractère opérationnel et des contrôles, le premier bilan est en deux temps. Quelques centaines de locataires, une fois le bail signé, ont fait appel aux commissions de conciliation, qui leur ont généralement donné raison, et, dans les cas les plus extrêmes, ont donné lieu à quelques sanctions par les préfets : l'écart entre le nombre de locataires qui ont effectué une saisine et le nombre de sanctions est très important, car les choses se sont réglées en commission de conciliation.
Sur le sujet du respect par les offreurs, dans les annonces immobilières, de l'encadrement des loyers, un texte réglementaire est en préparation, pour demander aux agences immobilières de faire figurer dans les annonces le montant du loyer maximum en zone d'encadrement des loyers. Sur ce point, nous discuterons ultérieurement d'un amendement de Mme Taurine, auquel le Gouvernement sera favorable : il vise à instaurer la même obligation pour les propriétaires qui louent sans faire appel à de l'intermédiation locative, de façon à équilibrer le marché entre les annonces des agences et celles directement mises en ligne. Cela permettra de mieux faire respecter l'encadrement des loyers, dès le stade des annonces, avant même le passage en commission de conciliation.
Je me permets de compléter vos propos, madame la ministre déléguée, puisque mon collègue Nogal et moi-même avons effectué un certain nombre d'auditions, notamment celles des deux adjoints à l'urbanisme aux maires de Lille et de Paris, qui sont les premières à avoir demandé le blocage des loyers : ils nous ont tous deux indiqué – en particulier l'adjointe à la maire de Lille – ne disposer d'aucun recul permettant de savoir si la mesure était efficace. L'adjoint à la maire de Paris a ajouté qu'il était difficile de mobiliser suffisamment de fonctionnaires pour vérifier toutes ces données. Tel est véritablement le problème que connaissent aujourd'hui les grandes villes qui souhaitent pouvoir bloquer les loyers. En réponse à M. de Courson, si l'on en croit des adjoints des deux grandes villes concernées, il est très difficile d'avoir du recul sur le sujet.
L'amendement n° 3182 n'est pas adopté.
J'ignore ce qu'il en est pour Lille, mais, concernant Paris, il y a eu beaucoup d'articles de presse, d'analyses et de commentaires des élus parisiens, confirmant que l'encadrement des loyers était très positif et produisait ses premiers effets. Je défendrai un peu plus tard un autre amendement, visant à donner davantage de moyens pour faire appliquer la loi sur l'encadrement des loyers, puisqu'en l'absence de pouvoir de sanction, une loi est souvent assez inefficace.
Cet amendement vise à tenir compte de la spécificité de l'Île-de-France. Les statistiques de l'INSEE montrent que le coût de la vie est, en moyenne, supérieur d'environ 9 % en Île-de-France, par rapport au reste du territoire national métropolitain. Parmi les postes qui font exploser ce surcoût, celui du logement est en tête, puisque le logement y coûte en moyenne 50 % plus cher par ménage que sur le reste du territoire national. C'est la raison pour laquelle, tout en tenant compte de la décision du Conseil constitutionnel, l'amendement propose pour l'Île-de-France un loyer de référence majoré de 10 %, au lieu de 20 %, afin que l'encadrement des loyers corresponde davantage à la particularité de cette région, s'agissant notamment du prix des logements dans le secteur privé.
Sur les amendements identiques n° 714 et 2620 , ainsi que sur les amendements n° 2356 et 2622 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?
J'abonde dans le sens des propos de mon collègue M. Peu. Quant aux propos tenus par l'adjoint au logement de la Ville de Paris, ils ne sont pas exactement ceux qui ont été rapportés. En réalité, on constate une évolution plutôt positive de la situation, grâce à l'encadrement des loyers. Celle-ci a fait l'objet d'un certain nombre d'interprétations, plus ou moins aléatoires. Du point de vue de la Ville de Paris, les sanctions ne sont pas suffisamment appliquées. À cet égard, vous avez indiqué, madame la ministre déléguée, qu'une commission de conciliation avait permis de régler un certain nombre de situations, ce qui est surprenant, car sur les neuf amendes prononcées par le préfet à Paris, aucune ne dépasse le montant de 1 500 euros, alors que la loi permet d'aller jusqu'à 100 000 euros. Ce ne sont pourtant pas les manquements qui manquent – sans mauvais jeu de mots ! Comme vous l'avez indiqué, un grand nombre de saisines ont été faites et un grand nombre de constats établis.
S'agit-il d'un problème d'application des sanctions de la part de la préfecture de police de Paris ? Ou les situations sont-elles réglées en amont, en commission de conciliation – et dans ce cas avec quelles issues ? Pour notre part – nous y reviendrons –, nous souhaitons augmenter les sanctions et les appliquer de façon plus dure, en discutant de la possibilité donnée aux collectivités territoriales de les prononcer. La question n'est pas celle du manque de fonctionnaires – il faut que les agents puissent agir, c'est vital.
Nous discuterons un peu plus tard d'amendements qui sont directement liés à ce sujet. Les auditions menées ont montré le manque de recul – un point de vue partagé – et la volonté de certaines communes de mettre en place des outils particuliers : cela a constitué une différence entre l'adjoint à la maire de Paris, M. Brossat, et son homologue lilloise. M. Brossat s'est en effet dit favorable à renforcer les moyens, comme cela a été fait pour les locations saisonnières, de sanction et d'identification du non-respect de l'encadrement des loyers.
Je donnerai à cet égard un avis favorable aux amendements qui seront défendus sur ce sujet, visant à déléguer le pouvoir de sanction aux EPCI qui le demandent, car ce que nous recherchons, c'est que la mesure soit effective. L'encadrement des loyers – qu'il relève de la loi ALUR ou de la loi ELAN – est un signal fort adressé à nos concitoyens.
Mme Lamia El Aaraje acquiesce.
Le dispositif actuel est cadré et fonctionne. En commission, nous avons débattu du niveau des pénalités infligées par le préfet, puisque c'est un arrêté préfectoral qui prévoit l'encadrement des loyers. Nous nous sommes également interrogés, avec les élus de Paris et de Lille, pour savoir s'il ne faudrait pas porter les amendes à 15 000 euros ou à 30 000 euros pour les propriétaires bailleurs, car, en pratique, les amendes prononcées n'excèdent pas 1 500 euros.
Mme Lamia El Aaraje acquiesce.
Efforçons-nous tout d'abord de dresser les constats. Offrons ensuite la possibilité d'augmenter l'amende jusqu'à 5 000 euros. À cet égard, le modeste parlementaire que je suis adresse un message aux préfets : « Allez-y franco ! Faites en sorte que les amendes atteignent le maximum prévu par la loi. » Car il ne servira à rien d'inscrire 15 000 euros dans la loi, si les amendes effectivement prononcées ne dépassent pas 2 000 euros. Ces amendements, examinés ultérieurement, devraient donc répondre à vos demandes.
Cette question devra faire partie de l'évaluation de l'expérimentation : selon que le pouvoir de sanction et de surveillance est dans les mains du préfet et ou dans celles des EPCI, observe-t-on des différences ? Dans une logique de décentralisation et de différenciation, laissons la possibilité aux collectivités qui le souhaitent, qui sont volontaires, de se donner les moyens pour lutter contre le non-respect de l'encadrement des loyers.
Il vise à préciser la définition de la notion de complément de loyer, introduite dans la loi ELAN, disposition qui peut être appliquée « pour des logements présentant des caractéristiques particulières de localisation ou de confort ». Cela permet au propriétaire de justifier un dépassement du plafond de loyer. Or une telle définition ouvre la voie à une interprétation lâche et à une utilisation massive du complément de loyer pour dépasser les plafonds en vigueur. En effet, pour les meublés, la définition actuelle intègre les équipements et services associés au logement, au point que certaines justifications paraissent absurdes : à Paris, la présence d'une machine à laver peut servir de fondement à un dépassement important du plafond de loyer. Ce n'est pas là l'esprit de la loi ELAN. Nous plaidons donc pour l'établissement d'une liste précise des caractéristiques donnant à un propriétaire la possibilité d'appliquer le complément de loyer : il faut à notre sens basculer vers une logique d'exception précise, documentée et justifiée, si bien que les abus pourraient être sanctionnés – on a pu en constater d'incroyables.
J'ai expliqué tout à l'heure notre souhait d'un dispositif stable. Même si, vous avez raison, on peut relever des cas totalement absurdes, la notion de complément de loyer renvoie à de multiples cas particuliers et reste par conséquent très difficile à appréhender. Bien sûr, il faut pouvoir sanctionner les abus – mais c'est déjà le cas quand on les constate. Je ne souhaite pas qu'un décret précise la définition du complément de loyer, ce qui pourrait pendre des années. Il me paraît possible en revanche de trouver un accord sur une définition générale.
Même avis défavorable. Un premier décret, de 2015, a fait l'objet de précisions en 2019. La loi permet déjà au décret de fixer les conditions restrictives qui conviennent.
Dans ce cas, c'est du régime de sanctions que nous devons discuter. Il faut en effet pouvoir préciser, très humblement, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il revient au préfet de sanctionner effectivement et de manière dissuasive les abus constatés. Si nous avons pu le faire à notre échelle, j'imagine que le préfet, avec les moyens dont il dispose, ou bien les villes et autres collectivités si on leur délègue cette compétence, pourront constater à leur tour ces abus et les sanctionner durement car ils sont inacceptables. On parle ici d'inégalités majeures et qui fragilisent les personnes les plus précaires, les étudiants et les locataires de petites surfaces.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 48
Nombre de suffrages exprimés 47
Majorité absolue 24
Pour l'adoption 9
Contre 38
Il vise à supprimer le délai de trois mois pour contester le complément de loyer, délai trop contraint pour que les locataires engagent une procédure, délai, en outre, qui ne se justifie pas.
L'amendement n° 2359 de M. Stéphane Peu est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Même avis : ces amendements identiques suppriment le principe même de la commission de conciliation qui règle une partie des litiges.
Le présent amendement fixe, dans les zones d'encadrement des loyers, le loyer des logements classés F au loyer médian et celui des logements classés G au loyer de référence minoré, et interdit tout complément de loyer. En cas de contestation, il appartiendra au bailleur de démontrer que son logement ne relève pas de ces catégories.
Le dispositif expérimental instauré par la loi ELAN vise à encadrer les loyers et assortit cette réglementation d'une procédure de diminution ou de réévaluation des loyers se trouvant en contravention avec l'arrêté préfectoral fixant la fourchette dans laquelle ils doivent s'insérer. Telle que rédigée, la mesure s'applique aux baux renouvelés, à savoir aux baux faisant l'objet d'un renouvellement exprès. Qu'en est-il des baux renouvelés par tacite reconduction ? Nous craignons la création d'une distorsion de régime entre ces deux types, laquelle pourrait être à l'origine de procédures contentieuses.
Même si les agences départementales pour l'information sur le logement sont saisies par les locataires sur les différences d'interprétation entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation, je souhaite que nous allions au bout de l'expérimentation dont le bilan nous renseignera sur le fait de savoir si le mode de reconduction des baux a constitué un problème pour nos concitoyens – auquel cas il faudra peut-être ajuster et définir une doctrine. Je demande le retrait de votre amendement, ou bien j'émettrai un avis défavorable.
Le cas visé par l'amendement est celui des reconductions tacites de baux. Or le droit en vigueur satisfait votre demande : la reconduction tacite implique l'accord des parties et l'absence de modification du bail. Dès qu'un locataire se manifeste pour bénéficier de l'encadrement des loyers, il ne s'agit plus d'une reconduction tacite mais d'un renouvellement, soumis aux dispositions en vigueur. C'est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
Je dois avouer, cher collègue Bru, que j'ai du mal à comprendre, depuis le début de l'examen du présent article, la position du MODEM ; or il importe d'être clair et cohérent. J'appartiens moi-même à un groupe plutôt opposé à l'encadrement des loyers tandis que, si j'ai bien compris les amendements que vous défendez, vous y seriez plutôt favorables.
Dans certains cas, dites-vous, mais le président du groupe UDI-MODEM au conseil municipal de Paris parlait d'une « fausse bonne idée qui ne répond pas à un vrai problème » et peut même conduire à ralentir les investissements, conduire à sortir du parc par des moyens détournés – avec des locations de courte durée notamment –, ce qui est le cas de 3 millions de logements alors qu'on a un vrai besoin de logements.
Il ne me semble pas que le dispositif que vous avez imaginé avec la loi ELAN pour vingt-huit métropoles…
Mme la ministre déléguée fait un signe de dénégation.
Plus encore ? C'est dramatique… Ce n'est pas la bonne solution et elle peut conduire, je le répète, à sortir un certain nombre de logements du parc locatif privé. Il faudrait en fait construire davantage de logements pour rééquilibrer l'offre et la demande. L'idée que vous défendez est contre-productive.
Je crois au contraire qu'il s'agit d'un des éléments à même de répondre au montant considérable qu'atteignent les loyers dans des zones tendues, comme les zones touristiques, près de la côte. Mais laissons se poursuivre jusqu'au bout l'expérimentation en cours. Étant tout à fait de l'avis du rapporteur pour avis et de la ministre déléguée, je retire mon amendement.
L'amendement n° 3278 est retiré.
Nous ne nous écartons pas de la philosophie de la décentralisation et de la différenciation. Nous avons fait évoluer les dispositions alors en vigueur, au moment de l'examen du projet de loi ELAN, parce que la loi ALUR était un peu trop rigide. Le message que nous avons alors voulu faire passer aux collectivités – et je salue au passage notre collègue Lioger qui a été corapporteur du projet de loi ELAN – était le suivant : c'est à vous de déterminer la règle. J'ai ainsi pour ma part toujours assumé le fait d'être favorable, à Paris, à cet encadrement des loyers tant ils sont élevés ; en effet, la part de leur budget que nos concitoyens consacrent au logement est plus importante à Paris qu'ailleurs, ce qui vaut encore plus pour les étudiants et les personnes en situation précaire. C'est cela, l'esprit du projet de loi 3DS : offrir aux territoires la possibilité de décider pour eux-mêmes.
Pour aller dans le sens des propos de M. Bazin, je suis élu à Toulouse et j'ai eu le plaisir de participer à une grande concertation lancée par le maire et président de la métropole Jean-Luc Moudenc, membre du parti Les Républicains, afin de savoir s'il était utile d'y appliquer un encadrement des loyers. Il a été conclu, c'était en 2019, avant la crise, qu'en l'état du marché et au vu des quatre critères cumulatifs évoqués tout à l'heure, qu'il n'était pas nécessaire, à Toulouse, d'encadrer les loyers. Mais la situation peut évoluer. C'est en tout cas ce que prévoit le présent texte et il importe de ne pas s'en écarter.
L'amendement n° 2360 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Nous avons longuement évoqué l'article 140 de la loi ELAN qui permet d'encadrer les loyers sous certaines conditions et dans certains territoires. Il prévoit des sanctions en cas de non-respect de ces dispositions. Le contrôle reste toutefois aléatoire – ses modalités sont floues – puisqu'il n'est pas obligatoire de transmettre les contrats de location à une quelconque autorité. Aussi cet amendement – que je qualifierais d'audacieux –, proposé par notre collègue Antoine Herth et repris à son compte par l'ensemble du groupe Agir ensemble, vise-t-il à rendre systématique la transmission au préfet – peut-être par voie numérique – des contrats de location pour les zones soumises à un dispositif d'encadrement des loyers, afin qu'il puisse contrôler le respect des dispositions en vigueur.
Cet amendement est important car il s'agit, toujours en matière d'encadrement des loyers, du pouvoir de sanction, sans lequel la loi n'a aucun sens. L'encadrement des loyers est autorisé dans les collectivités qui ont la compétence en matière d'habitat et qui donc ont défini une série de dispositifs pour agir efficacement contre l'insalubrité, pour mieux réguler le marché, pour limiter les locations saisonnières… Ces collectivités sont donc dotées des moyens humains, financiers, techniques, de mener à bien leur politique de l'habitat.
Pour être éligibles à l'encadrement des loyers, ces collectivités ont dû rassembler des informations sur les prix, au-delà de celles qui sont publiées par les différents observatoires, et démontrer leur capacité à informer les propriétaires et les locataires. Ces collectivités ont donc les moyens nécessaires pour contrôler, et elles veulent le faire.
Avec l'amendement n° 2356 , nous proposons d'aller au bout de cette démarche. Pour que l'encadrement fonctionne, des sanctions sont nécessaires. De nombreux articles de presse ont montré l'importance des manœuvres diverses pour contourner la réglementation, notamment à Paris.
Nous proposons donc que le pouvoir de sanction soit transféré aux collectivités locales qui le souhaiteraient, dans les territoires qui font l'objet d'un décret d'application, c'est-à-dire ceux où l'expérimentation est en cours.
La loi existe ; les collectivités sont engagées ; des sanctions doivent être prises au plus près du terrain. L'amendement relève pleinement de la décentralisation et la différenciation, qui figurent dans l'intitulé du projet de loi.
La parole est à Mme Maina Sage, rapporteure, pour soutenir l'amendement n° 1979 .
Je veux apporter mon soutien à l'amendement présenté par M. Herth et M. Euzet avec le groupe Agir ensemble. Ces amendements visent à permettre aux collectivités ayant demandé la mise en place du dispositif expérimental d'encadrement des loyers de prononcer des sanctions en cas de manquement au dispositif prévu à l'article 140 de la loi ELAN.
La parole est à M. Christophe Euzet, pour soutenir l'amendement n° 2860 .
Comme l'a dit Maina Sage, cet amendement signé par l'ensemble du groupe Agir ensemble vise à améliorer la cohérence du dispositif.
Dans la mesure où l'expérimentation se fait sur la base du volontariat, il est important que les collectivités impliquées puissent aller au bout de leur démarche. Cet amendement vise à permettre aux collectivités territoriales qui ont demandé une expérimentation de l'encadrement des loyers, de bénéficier, sur délégation de l'État, de la maîtrise de la procédure sanctionnant les manquements au dispositif. Un arrêté de délégation en préciserait les modalités et la durée.
L'ensemble du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés soutient l'amendement n° 3277 . Par cet amendement, nous contribuons à atteindre l'objectif de déconcentration, puisque c'est le représentant départemental qui appliquera le dispositif. Nous forgeons la décentralisation, puisqu'il vise à accroître les pouvoirs des collectivités territoriales. Nous mettons en œuvre la différenciation, puisque la politique nationale sera appliquée sur le terrain de façon différente. Enfin, c'est la simplification, car comme cela vient d'être dit, il suffira d'un simple arrêté. Le 3DS est une réalité !
Exclamations.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour soutenir le sous-amendement n° 3527 .
Je propose de sous-amender les amendements identiques, n° 1979 à 3277 . L'amendement de M. Peu rend, lui, automatique le transfert du pouvoir de sanction. Cependant, comme je l'ai dit, les cas sont différents et seules certaines collectivités le demandent. Le sous-amendement vise à permettre au préfet ou à la collectivité de demander l'arrêt de cette délégation.
La commission émet un amendement favorable aux amendements identiques n° 1979 , 2860 , 3218 et 3277 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 3527 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sur le sous-amendement ?
Le Gouvernement est favorable au transfert du pouvoir de sanction à l'EPCI : donner à ces EPCI qui ont présenté leur candidature pour l'encadrement des loyers la possibilité de faire respecter eux-mêmes les règles me paraît cohérent.
J'émets donc un avis favorable sur les amendements identiques n° 1979 , 2860 , 3218 et 3277 , sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 3527 qui précise les conditions de fin de la délégation.
Monsieur Peu, je vous demande de retirer l'amendement n° 2356 au profit de ces amendements qui visent le même objectif.
Je salue les propos que vous avez tenus, madame la ministre déléguée et monsieur le rapporteur pour avis, sur ce sujet extrêmement important.
Je suis élue à Paris. Nous constatons des excès manifestes dans les annonces et des baux sont signés avec des loyers qui ne sont évidemment pas conformes à ce qui est prévu par l'encadrement que nous tentons d'appliquer. C'est une urgence capitale – si vous me passez le terme – puisque des études, comme celle de la Fondation Abbé Pierre et de la Ville de Paris réalisée en novembre 2021, montrent qu'entre le 1er août 2020 et le 1er août 2021, 35 % des logements mis sur le marché dépassent le plafond des loyers qui a été légalement fixé. Le dépassement moyen s'élève à presque 200 euros hors charges. Il s'agit donc de sommes conséquentes. Sur 8 753 annonce mises en ligne, 37 % des loyers proposés à Paris sont abusifs ; 43 % en Seine-Saint-Denis.
Ces études établissent aussi que 75 % des studios sont hors-la-loi, ce qui signifie que les travailleurs les plus précaires et les jeunes, les étudiants, sont les principales victimes de ces abus. Ces dépassements grèvent de façon assez conséquente leur budget. Ce n'est pas acceptable.
Le contrôle et la sanction sont aujourd'hui à la main de l'État, mais ils ne sont pas suffisamment appliqués. J'ai appelé votre attention sur une question pratique, madame la ministre déléguée : d'après les derniers chiffres transmis par la préfecture d'Île-de-France, neuf amendes seulement ont été prononcées par le préfet, et aucune ne dépasse le montant de 1 500 euros, alors même que la loi permet de sanctionner jusqu'à 5 000 euros.
Le groupe Socialistes et apparentés soutient donc ces amendements identiques, avec le sous-amendement proposé par M. le rapporteur.
Nous souhaiterions cependant aller plus loin. En effet, ces amendements visent à accorder aux collectivités qui le souhaitent la possibilité de s'impliquer davantage dans le contrôle, en transférant le pouvoir de sanction du préfet aux collectivités territoriales. Or la Ville de Paris a déployé des moyens conséquents pour sanctionner les abus, comme l'a dit M. le rapporteur pour avis, notamment sur les plateformes de location dites saisonnières qui s'imposent de manière très conséquente dans de nombreux arrondissements. Le centre de Paris n'est quasiment occupé que par des locations saisonnières, ce qui empêche un certain nombre de travailleurs, et plus généralement toutes sortes de personnes, de se loger de façon accessible à Paris.
Je regrette que les amendements proposés ne prévoient pas de compensation financière. C'est pour nous un enjeu capital de revitaliser nos quartiers et de permettre aux travailleurs, notamment, d'accéder au logement. C'est la collectivité qui mettra les amendes et qui déploiera des moyens pour qu'elles soient payées, mais c'est l'État qui en récoltera le montant. Il faudrait réfléchir à des ajustements. Nous avions proposé des amendements, mais ils ont été jugés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Je le regrette, car cette appréciation ne nous semble pas tout à fait adéquate.
Le groupe La République en marche est entièrement favorable au blocage des loyers, puisque nous l'avons institué dans la loi ELAN. Madame El Aaraje, vous dites qu'il y a eu neuf sanctions ; je vous accorde que les sanctions ne sont sans doute pas assez nombreuses, mais combien de dossiers avez-vous déposés ? Ce que vous dites est paradoxal par rapport à ce que nous a dit l'adjoint à l'urbanisme de Paris que nous avons entendu, qui nous affirmait avoir de grandes difficultés à effectuer le contrôle.
Effectivement, pour l'ensemble de nos concitoyens, il est important d'être précis sur les chiffres. L'encadrement des loyers est fixé par un arrêté préfectoral. Si des sanctions doivent être prises, elles le sont par les préfets. Dans le cas de Paris, vous avez raison, madame El Aaraje, seules dix amendes administratives ont été prononcées depuis 2019, dont cinq en 2020, mais la préfecture n'a été saisie que de quatre-vingt-dix-huit dossiers. On peut se demander si la préfecture a mobilisé des moyens suffisants pour identifier les abus, et c'est tout le sujet de la délégation aux collectivités du pouvoir d'identification et de sanction prévue par ces amendements.
Vous pointez l'importance du non-respect de l'encadrement des loyers. Je voudrais apporter une précision : il faut distinguer le parc qui fait l'objet d'une intermédiation par des professionnels du parc loué sans cet intermédiaire. Deux tiers du parc locatif privé sont gérés de particulier à particulier ; un tiers est géré par des professionnels. L'amendement de Mme Taurine que nous examinerons tout à l'heure permettra d'imposer les mêmes règles aux agences et aux propriétaires bailleurs qui louent de particulier à particulier, qui gèrent la majorité des logements, notamment dans les annonces, par lesquelles se passe le premier contact avec le locataire, avant qu'il signe le bail.
J'ajoute enfin que parmi les quatre-vingt-dix-huit dossiers dont la préfecture a été saisie, la très grande majorité ont été classés du fait de la conciliation. Il est important, comme nous le faisons avec ces amendements, de sanctionner les abus et de donner la possibilité aux collectivités de sanctionner directement. Toutefois, n'oublions pas qu'il y a des procédures de conciliation. Nous devons tous nous réjouir que la grande majorité des cas se résolvent à l'amiable, par la discussion, et que le non-respect de l'encadrement soit corrigé grâce à ces procédures de conciliation.
Selon nos informations, 150 dossiers environ auraient été déposés. Nous n'allons pas discuter de 50 dossiers de plus ou de moins, cependant cela témoigne de la difficulté à accéder à l'information pour les collectivités territoriales, même pour la Ville de Paris.
Monsieur Lioger, je vous rappelle qu'actuellement la collectivité territoriale n'a pas la compétence pour saisir le préfet en cas de dépassement des loyers. Ce sont les Parisiennes et les Parisiens eux-mêmes qui sont censés faire la démarche de saisir le préfet pour demander des sanctions ou dénoncer une situation de non-application de l'encadrement des loyers. Or nous constatons qu'ils ne bénéficient d'aucun accompagnement : la préfecture n'a pas lancé de campagne d'information pour favoriser l'accès au droit.
Vous savez comme moi que quand bien même des dispositifs sont prévus par la loi, s'ils ne sont pas accompagnés, s'il n'y a pas de pédagogie ni de dispositif qui favorise cet accès à ce droit fondamental, ils ne sont pas appliqués. Monsieur Lioger, adressez votre question au pouvoir exécutif, afin qu'il se tourne vers la préfecture de région qui vous renseignera de façon correcte. Ce n'est pas aux élus locaux d'appliquer cette disposition.
Ma position n'est pas polémique. Comme je l'ai dit, nous apprécions ce transfert de compétences qui permettra aux collectivités territoriales de s'atteler à cette tâche et de faire appliquer la loi tout en mettant à disposition un certain nombre d'informations, comme nous le faisons déjà par ailleurs. Toutefois je regrette qu'il n'y ait pas de mécanisme de compensation financière. En l'occurrence, la Ville de Paris va obtenir une compétence sans obtenir de financements.
Ce débat est intéressant. En effet, il est important de garantir l'effectivité de l'encadrement et l'application des sanctions. Cela ouvre le débat sur l'accompagnement des collectivités qui vont les mettre en œuvre. Bien évidemment, il serait souhaitable qu'elles captent une part de la recette, au moins pour financer le coût de la gestion de ces sanctions.
Il faut également nous soucier de l'information et de l'association du secteur privé, des agences immobilières. J'ai vérifié sur les sites professionnels comment s'organisait l'encadrement des loyers. On peut féliciter toutes les agences qui ont mis en place des dispositifs en ligne qui permettent à toutes les personnes qui recherchent des logements de voir immédiatement si le prix proposé correspond bien à l'encadrement des loyers prévu.
Je me demandais d'ailleurs de quelle manière on pourrait les associer davantage, afin que ceux qui sont à la recherche de logements puissent eux-mêmes signaler en ligne les logements dont les loyers dépassent l'encadrement prévu. Cela relève de la responsabilité de tous. Il faut permettre une bonne application des lois en vigueur.
Mme la ministre déléguée m'a demandé de retirer l'amendement n° 2356 ; pour la première fois en quatre ans et demi, je vais obtempérer.
Sourires.
L'amendement n° 2356 est retiré.
Le sous-amendement n° 3527 est adopté.
Pour aller plus loin dans l'encadrement des loyers, il faut aller plus loin dans les sanctions. Mon amendement propose, d'une part, de rendre les sanctions systématiques et, d'autre part, de les rendre réellement dissuasives en augmentant les plafonds prévus pour non-respect.
La parole est à Mme Lamia El Aaraje, pour soutenir l'amendement n° 2622 .
Essayons de continuer sur notre lancée ! J'entends votre argument, monsieur le rapporteur pour avis, à savoir qu'il conviendrait déjà de faire appliquer le montant maximal des amendes, 5 000 euros, en lieu et place des 1 500 euros, par exemple, constatés en Île-de-France sur les neuf amendes prononcées jusqu'à présent, mais nous souhaitons aller plus loin. À notre sens, pour que ces amendes soient réellement dissuasives, il faut que les montants le soient.
Quand on voit l'ampleur de certains dépassements de loyer, les abus de certains propriétaires, qui sont souvent propriétaires de plusieurs logements, on souhaiterait des amendes réellement dissuasives, ce qui implique selon nous de doubler les montants, à savoir de passer de 5 000 à 10 000 euros pour les personnes physiques et de 15 000 à 30 000 euros pour les personnes morales. Cela répond à votre souci de distinguer les propriétaires privés et les personnes morales.
Cela nous semble très important. Nous sommes très contents de récupérer cette compétence et très attachés à l'idée de la rendre réellement dissuasive.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 38
Nombre de suffrages exprimés 35
Majorité absolue 18
Pour l'adoption 4
Contre 31
L'amendement n° 2622 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement n° 2357 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 23, amendé, est adopté.
L'article 128 de la loi ELAN a élargi les possibilités de recours à la colocation dans le parc social, permettant à tout ménage de faire une demande de colocation, là où cette faculté était auparavant réservée à certains publics, notamment aux jeunes. Cette mesure est censée diversifier les statuts d'occupation au sein du parc social pour mieux répondre à la diversité des besoins des ménages, et surtout cela permet d'élargir les capacités d'accueil à certaines catégories de ménages, parfois composés de personnes seules, dans un contexte de pénurie de petits logements.
Le recours à la colocation peut constituer une solution dans certains territoires et notamment permettre à des ménages actifs, dont certains peuvent appartenir à des catégories de travailleurs dits essentiels, d'accéder à un logement plus rapidement.
Mais l'application de cette mesure impose le statut de colocataire à certaines catégories de ménages. Le statut de cotitulaire dans le parc social est réservé à certaines situations : concubins, mariés, pacsés, fratrie, ascendants ou descendants… Les ménages non inclus dans cette liste sont contraints à la colocation. Les personnes doivent donc signer chacune leur propre bail et être quittancées de manière individuelle dans le cadre d'une colocation. En cas de départ de l'une d'elles du foyer, le bailleur peut imposer un nouvel occupant. Cette disposition est inadaptée à des ménages qui font le choix de la solidarité dans le cadre de l'occupation de leur logement. Le statut de colocataire doit rester un choix, exprimé par le ménage lors de sa demande, et ne doit pas être imposé. Imaginez deux ou trois cousins qui aménagent ensemble et se retrouvent piégés car ils n'entrent pas dans la catégorie de ceux qui ont le droit d'être cotitulaires !
Cet amendement vise donc à réserver la colocation aux demandeurs qui le souhaitent et en font la demande, et à laisser aux codemandeurs le choix d'opter pour le statut de colocataires ou de cotitulaires. Ce seront par exemple un oncle et son neveu, des amis, des cousins…
L'amendement n° 2361 de M. Stéphane Peu est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le code de la construction et de l'habitation instaure en effet un régime spécifique de colocation dans le parc social, caractérisé par le fait qu'un contrat de location est conclu avec chaque locataire d'un même logement. En regard, le statut de cotitulaire est réservé à certaines situations bien définies – mariés, pacsés, concubins, fratrie, ascendants ou descendants – parce que la cotitularité entraîne la solidarité, d'où la décision du législateur de limiter la possibilité de cotitularité aux personnes qui sont réellement solidaires, pour ne pas créer une solidarité par voie contractuelle entre des personnes dont les liens sont plus ténus.
Le régime de colocation est par ailleurs protecteur pour le locataire du parc social, qui, en cas de départ non anticipé de son colocataire historique, n'est pas redevable de l'intégralité du loyer mais seulement de la part qu'il a contractualisée.
Dès lors, il ne me paraît pas pertinent de revenir sur ce régime qui a déjà largement évolué et dont le caractère très récent ne permet pas encore de dire s'il est source de difficultés. Avis défavorable.
Madame la ministre, j'ai l'habitude que votre gouvernement soit plus ouvert sur les questions d'élargissement de la famille.
Sourires.
La question de la solidarité entre cousins, par exemple, est à regarder. La législation actuelle pourrait inciter des amis à déclarer concubins, alors qu'ils ne le sont pas, ou même à se pacser. Nous avons de plus en plus cette demande de jeunes actifs qui sont prêts à la colocation mais préféreraient, par simplicité, être cotitulaires du bail. Je ne comprends pas trop quel est le blocage de votre côté.
Je crains de recevoir encore un avis défavorable, mais je commence à être habitué, depuis dix jours…
Je n'ai reçu que des avis défavorables sauf un, c'est à se demander s'il ne va pas donner lieu à une seconde délibération !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pour faciliter le recours à la colocation, les modalités de gestion pour les locataires comme pour les bailleurs sociaux doivent à mon sens être plus simples et plus sécurisées. Cet amendement vise donc à prévoir la possibilité de réviser le montant du forfait charges que le bailleur peut décider d'appliquer en cas de colocation, dans les mêmes conditions que le loyer principal, comme c'est le cas dans le cadre de la colocation dans le parc privé.
Les amendements identiques n° 2009 de Mme Maina Sage, rappporteure, et 2362 de M. Stéphane Peu sont défendus.
Madame la présidente, je souhaite vous demander de lever la séance dès maintenant car – pour faire preuve de la plus grande transparence – je suis très favorable à l'amendement n° 2467 de Mme Taurine et aucun membre de La France insoumise n'est présent pour le défendre.
J'ai également des sous-amendements à ce sujet. Je propose donc de laisser une heure et demie à nos collègues de La France insoumise pour se mobiliser afin que nous adoptions leur amendement tout à l'heure.
Sourires.
Je précise à l'attention de nos collègues qu'il s'agit d'obliger l'ensemble des propriétaires bailleurs, qu'ils passent par des agences immobilières ou louent de particulier à particulier, à bien respecter l'affichage de l'encadrement des loyers. Je pense que cela va dans le sens de ce que tout le monde souhaite, au vu des discussions que nous avons eues.
Monsieur le rapporteur, vous avez le droit de demander une suspension de séance mais cette justification n'est pas acceptable, alors que nos amendements en tout début de séance sont tombés parce que nos collègues n'étaient pas encore arrivés. C'est deux poids, deux mesures. En outre, vous n'avez aucune garantie que nos collègues seront là dans une heure et demie. Nous pourrions réunir la commission pour qu'elle donne un avis sur cet amendement, ce qui permettrait de le repêcher. Je demande simplement que l'on soit juste envers tous les collègues. Vous donnez là le sentiment de faire de la tactique, et de façon un peu surprenante.
Je vois qu'il y a un consensus pour lever la séance.
La suite de la discussion est donc renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra