La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2020 (nos 2272, 2301).
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 2427 portant article additionnel après l'article 16, examiné par priorité.
Par ailleurs, en application de l'article 95, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande que soit examiné, lundi 21 octobre à 21 heures 30, l'article 27 relatif aux ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public ainsi que les amendements portant article additionnel après cet article.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Permettez-moi simplement de vous rappeler où nous en sommes. Nous avons siégé dix heures et trente-cinq minutes et nous avons examiné 225 amendements. Ainsi présenté, nous pourrions avoir l'impression que nous avons abattu beaucoup de travail, à raison de trente-quatre amendements par heure, mais ce serait oublier qu'il en reste 2 112 ! Le nombre fait effet, n'est-ce pas ?
À ce rythme, nous aurions besoin d'une soixantaine d'heures pour achever l'examen du texte. Bien évidemment, les choses ne se passent jamais de cette manière, chacun le sait, et il n'y a pas péril en la demeure, d'autant plus que nos débats furent très intéressants. Mon propos n'est pas de faire obstacle au débat, bien au contraire, mais simplement, comme cela se pratique couramment, de vous inviter à une certaine discipline pour accélérer l'examen du texte, lorsque c'est possible sans altérer la qualité des débats.
M. Jean-René Cazeneuve applaudit.
La parole est à M. Joël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Je lance le même appel au peuple ! Si nous voulons achever l'examen du projet de loi dans des délais convenables, à savoir avant 8 ou 10 heures mardi matin prochain, sachant que nous voterons dans l'après-midi, nous devons tous nous imposer une certaine discipline. Ne vous offusquez pas de la concision de mes avis, favorables ou défavorables. Il est bien évident que vous pourrez toujours me demander des explications complémentaires.
Je rappelle également, sans vouloir empiéter sur les prérogatives du président, que les nouvelles dispositions du règlement devraient permettre d'accélérer l'examen des nombreux amendements identiques.
Bien évidemment, seule compte la décision du président de séance.
Pour ce qui me concerne, je serai, comme d'habitude, bref et peu prolixe.
M. Jean-René Cazeneuve et Mme Cécile Untermaier applaudissent.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2427 .
Il tend à transposer les dispositions d'une directive européenne qui intègre la municipalité italienne de Campione d'Italia et les eaux italiennes du lac de Lugano dans le territoire douanier de l'Union afin de les soumettre au régime des accises.
Ces lieux furent le théâtre d'affaires célèbres, liées au blanchiment d'argent, sur lesquelles j'ai eu l'occasion de me pencher lorsque j'étais membre d'une autre mission. L'inclusion de ce territoire permettra de mieux contrôler la situation.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, pour donner l'avis du Gouvernement.
Il est favorable – j'applique les instructions.
L'amendement no 2427 est adopté.
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, saisie pour avis de ce projet de loi de finances, a adopté cet amendement qui tend à mettre fin à l'exonération de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, pour le transport maritime de passagers par des compagnies privées, notamment sur les paquebots de croisière. Cette niche fiscale serait progressivement supprimée. Nous prévoyons d'instaurer dans un premier temps, à partir de janvier 2020, un tarif de TICPE réduit, qui augmenterait peu à peu, avant de soumettre ces compagnies au régime de droit commun en 2022.
L'amendement no 2275 , que je présenterai plus tard, vise à supprimer brutalement cette exonération. L'amendement no 2417 présente l'avantage de prévoir un accompagnement des professionnels concernés.
Rappelons que les paquebots de croisière émettent autant de particules fines qu'un million de voitures. De nombreuses villes de nos littoraux souffrent davantage de la pollution liée à cette activité que de celle causée par la circulation automobile.
Cet amendement s'inscrit dans une perspective de transition écologique et solidaire : il vise à appliquer le principe du pollueur-payeur au transport maritime de passagers, afin de rendre notre fiscalité énergétique et écologique plus juste.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 2238 .
Les dégâts provoqués par les paquebots de croisière, en France et en Europe, ne sont pas un sujet dont nous débattons fréquemment dans l'hémicycle. Sans doute le succès des croisières, dont les retombées économiques se chiffrent à 20 milliards d'euros, explique-t-il le musellement des critiques.
Cependant, de nombreuses études en dénoncent les ravages environnementaux et sanitaires. Selon un rapport, publié en juin dernier par la Fédération européenne pour le transport et l'environnement, qui regroupe une cinquantaine d'ONG, la centaine de paquebots du croisiériste de luxe Carnival corporation émettraient dix fois plus d'oxyde de soufre que les 260 millions de voitures européennes. Ceux de la compagnie Royal Caribbean, deuxième croisiériste le plus important dans le monde, en ont rejeté quatre fois plus.
L'émission d'oxyde de soufre est l'une des causes de l'asphyxie des ports où ces navires font escale mais aussi de l'acidification des environnements terrestre et aquatique.
Par cet amendement, nous ne prétendons pas résoudre le problème de la pollution causée par ces navires. Nous avions proposé, lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités, que notre pays investisse dans les technologies d'avenir de la propulsion des paquebots et cargos à voile. Hélas, l'amendement adopté par notre assemblée à une large majorité a disparu au cours de la navette, sans doute pour faire droit aux engagements minimalistes du Président de la République, dont l'unique ambition est de réduire de 30 % les émissions du transport maritime à moyen terme.
Plus prosaïquement, nous proposons ici de supprimer l'exonération de TICPE dont bénéficient les compagnies de croisière.
Nous avons trois raisons de refuser ces amendements. La première raison, qui pourrait être suffisante, est qu'ils sont contraires à l'article 14 de la directive européenne 200396CE. Par ailleurs, vous semblez oublier l'existence de nos liaisons maritimes, vers l'outre-mer et la Corse, ou au départ de notre façade maritime, qui pourraient souffrir de l'adoption de ces amendements. Enfin, la rédaction de l'amendement no 2417 présente des défauts puisqu'elle conduirait à supprimer les termes « de transport de personnes » alors que le membre de phrase concerné commence par « notamment » ; elle n'aurait donc aucun effet juridique.
Je suis donc triplement défavorable à ces amendements.
Il est également défavorable. Ma réponse vaudra pour tous les amendements relatifs à la TICPE. Bruno Le Maire s'est engagé, dans le cadre du pacte productif, à faire une revue globale des niches fiscales qui favorisent des mobilités non écologiques. L'approche doit être concertée avec les professionnels concernés. Nous ne pouvons pas prendre une mesure qui aurait certes des effets positifs pour le climat mais qui, en ne s'appliquant qu'à la France, pénaliserait l'économie de notre pays, sans réduire la pollution au-delà des frontières de notre pays.
Nous vous proposons d'instaurer un tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité – TICFE – pour développer l'approvisionnement électrique à quai. Je vous invite à préférer, à ces amendements, celui de M. Saïd Ahamada, le no 1934.
Ce débat est important pour la transition écologique. Les voitures polluent, bien évidemment, mais les avions et les paquebots également. Ces deux amendements ont le mérite de nous placer devant nos responsabilités.
Cependant, sans être un expert de la fiscalité, la TICPE me semble davantage conçue pour lutter contre l'émission de dioxyde de carbone plutôt que de particules fines. Nous avons tendance à les confondre alors que le dioxyde de carbone n'est pas un polluant. La nature ne nous a-t-elle pas donné à tous d'en produire ? Nous l'apprenons, très jeunes, en classe de sciences de la vie et de la terre.
En revanche, le sujet de l'émission de particules fines est très important et soulève de vraies questions d'ordre sanitaire. Devons-nous y répondre par l'impôt ou par la norme ? Ne pourrions-nous exclure de nos ports les navires qui émettent des particules fines ?
Cela étant, en tant qu'élu de la région sud, Provence-Alpes-Côte d'Azur, je me dois de vous rappeler que les villes côtières sont aujourd'hui lancées dans une course pour séduire les croisiéristes. Prenons garde de ne pas briser le trafic maritime.
Par ailleurs, comment cette taxe serait-elle appliquée ? Concernerait-elle uniquement les escales ? Frapperait-elle des compagnies françaises à l'exclusion des compagnies étrangères ? Nous devons y réfléchir mais, sur le fond, le sujet est intéressant et nous ne pouvons l'écarter en tirant prétexte d'une directive européenne.
Le triple avis défavorable nous donne le sentiment d'être impuissants face à un problème grave. Ces deux amendements ont du sens. Alors que les automobilistes sont très souvent traités de pollueurs, voire de criminels environnementaux, nous nous résignerions à ne pas taxer des paquebots dont les voyageurs ont choisi, pour la plupart d'entre eux, de s'offrir une croisière pour leur loisir.
En mettant progressivement fin à une exonération devenue incompréhensible pour tous, vous seriez cohérents avec vos appels à mener des politiques publiques respectueuses de l'environnement, qui est notre cause commune.
La fin de non-recevoir que vous venez d'opposer à ces amendements fera douter nos concitoyens de la sincérité de notre engagement en faveur d'un environnement sain.
Je donnerai la parole à deux orateurs supplémentaires avant de passer au vote.
La parole est à M. François Ruffin.
La rédaction des amendements laisse peut-être à désirer mais vous ne pouvez les rejeter en vous contentant de citer le numéro d'une directive dont nous ignorons le contenu. L'argument des liaisons vers l'outre-mer et la Corse ne tient pas davantage car nous pourrions les exclure du dispositif.
Au-delà, votre réponse nous laisse un sentiment de profonde injustice. L'exonération que nous souhaitons supprimer profite à l'un des modes de transport les plus anti-écologiques, utilisé par les touristes, mais on refuse de le taxer sous le prétexte que le problème ne peut être résolu qu'à l'échelle internationale. En revanche, on n'hésite pas à taxer des automobilistes qui se déplacent localement, pour des raisons professionnelles ! Nous ne pouvons accepter cette injustice criante.
Si nous voulons sortir de la nasse écologique, nous ne pouvons nous en tenir à l'idée que la France ne peut avancer qu'avec tous les autres pays, car beaucoup ne voudront jamais avancer. Nous sommes effectivement lancés dans une compétition internationale, mais nous devrons choisir entre ce que nous voulons et ce que nous ne voulons plus chez nous.
Un paquebot de croisière pèse beaucoup plus qu'une automobile, surtout lorsqu'elle est conduite par un habitant de l'Allier qui doit se rendre sur son lieu de travail ou par un modeste chef d'entreprise dans le BTP, qui peine à joindre les deux bouts.
J'aurais pu comprendre, à la rigueur, que vous m'invitiez à retirer cet amendement dont la rédaction est imparfaite, afin que nous puissions travailler ensemble sur la question, mais vous m'opposez une véritable fin de non-recevoir. Circulez, il n'y a rien à voir ! Cette forme de mépris commence à nous lasser.
L'amendement no 1185 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à supprimer l'exonération de TICPE dont bénéficie le transport aérien. Cette exonération était sans doute justifiée à sa mise en place, en 1928, mais elle a depuis largement perdu sa raison d'être. Le transport aérien est aujourd'hui le mode de déplacement le plus polluant et le plus émetteur de gaz à effet de serre. Prolongeant le débat que nous venons d'avoir, nous proposons de rétablir le vrai coût du transport aérien.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2169 .
Monsieur le ministre de l'économie et des finances nous a dit en séance, hier soir : « Je suis très attaché à la cohérence d'une politique. Or la cohérence de notre politique, c'est la transition énergétique. Conserver des niches fiscales pour la consommation d'énergies fossiles ne serait pas cohérent avec la politique de transition énergétique que nous menons. » Il s'agit donc d'un amendement de cohérence qui vise, dans la continuité des propos tenus par M. Le Maire, à mettre fin à la non-taxation du kérosène.
C'est une nécessité fiscale : il y a 3,6 milliards d'euros à récupérer – vous ne cracherez pas dessus, je pense. C'est aussi la réponse à une injustice sociale, puisque cette niche fiscale bénéficie aux plus aisés : le chercheur Yoann Demoli a montré que les disparités sociales qui prévalaient il y a quarante ans dans l'usage du trafic aérien n'ont pas été résorbées.
C'est enfin une nécessité écologique : le trafic aérien augmente de 5 % par an, malheureusement car il est le moyen de transport le plus polluant. Si nous voulons diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre, il est évident que nous devons peser sur le transport aérien. Il est grand temps d'atterrir et de ralentir ! Tel est l'objet de cet amendement ciblant le kérosène.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 2254 .
Actuellement, les émissions de dioxyde de carbone dues au secteur aérien ne représentent que 3 % du total des émissions dues aux transports dans notre pays. Mais ce secteur ne cesse de croître, en partie du fait du développement des compagnies low cost dont le prix des billets ne couvre ni le coût social ni le coût environnemental des trajets réalisés.
Dans ce contexte, le maintien du remboursement du kérosène aérien à usage commercial sur les lignes où il conviendrait de donner l'avantage au transport ferroviaire nous paraît une aberration, que nous ne cesserons de vous rappeler, budget après budget.
La priorité est de redonner au train toute sa place. Élaborer une offre intra-européenne de transport par TGV à des tarifs attractifs, développer les trains de nuit ou encore améliorer le réseau conventionnel, notamment au moyen de l'électrification des lignes, ce sont là des voies d'avenir. Le transport aérien propre n'est en revanche pas pour demain. L'avion est même, aujourd'hui, le moyen de transport le plus polluant.
Si le Gouvernement propose une taxe sur les billets d'avion, son rendement reste bien trop faible à nos yeux, notamment au regard des besoins de l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France. Les 180 millions d'euros attendus de cette taxe sont dérisoires. Nous maintenons donc notre proposition de supprimer l'exonération de TICPE pour les vols intérieurs, à l'exception des trajets effectués entre la métropole et l'outre-mer, bien sûr.
J'aimerais pouvoir vous dire oui, mes chers collègues, car les arguments que vous avancez et la proposition d'affecter le produit de cette taxe à l'AFITF me plaisent particulièrement.
Le seul problème réside, encore une fois, dans le fait que l'article 14 de la directive européenne que j'ai mentionnée précédemment interdit absolument cette taxation. C'est un débat que nous devons avoir au niveau européen ; il faut des négociations européennes. Voter un amendement comme celui-ci ne produirait aucun effet. J'émets donc un avis défavorable.
Au risque de me répéter – mais je n'ai peut-être pas été entendue – , M. Le Maire et moi-même avons proposé hier, dans un esprit d'ouverture, de revoir toutes les niches fiscales au service de mobilités dont le résultat écologique n'est pas favorable.
Je rappelle par ailleurs que le secteur aérien est déjà inclus dans le champ des quotas d'émissions de dioxyde de carbone, et que ce projet de loi de finances représente une avancée, puisqu'il prévoit, à l'article 20, la majoration de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et l'affectation du produit de cette hausse au financement de l'AFITF.
Vous avez déclaré, monsieur Ruffin, que ceux qui achetaient des billets d'avions se comptaient plutôt parmi les ménages les plus riches. Or la taxe que nous proposons fait la différence entre les billets de classe économique et ceux de classe affaires. Son produit, évalué à 200 millions d'euros, permettra de développer des modes de transport plus respectueux de l'environnement. Nous apportons donc des réponses concrètes à vos préoccupations. J'émets un avis défavorable.
Ce que l'on impose au BTP, on est incapable de le faire pour le transport aérien !
À l'instar du trafic maritime, que nous avons évoqué tout à l'heure, le trafic aérien est un sujet important. Les émissions dues au trafic aérien sont de 300 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre par passager ; celles du trafic routier sont de 40 à 60 grammes par kilomètre par passager. Vous pouvez me rétorquer que cela dépend du nombre de personnes qu'il y a dans la voiture ; il n'en reste pas moins que nous sommes confrontés à une vraie question.
J'entends bien les arguments juridiques. Deux choses me frappent néanmoins. Premièrement, vous dites, madame la secrétaire d'État, que votre taxe rapportera 200 millions d'euros. C'est bien mais, entre nous, le problème ne se situe pas au niveau du million : il se situerait plutôt au niveau du milliard.
Deuxièmement, monsieur le rapporteur général, vous nous avez répondu en substance : « Vous ne comprenez pas, c'est l'Europe. » C'est là une vraie question de souveraineté : on s'aperçoit que le Parlement français n'est finalement pas capable de décider la manière dont il veut mener sa transition écologique, et je le regrette.
Dès lors, une question se pose : que fait la France au niveau européen ?
J'entends votre argument. Mais va-t-on nous dire, chaque année, qu'il faudrait des négociations au niveau européen ? Que faites-vous, pratiquement et concrètement, pour entamer ce débat ? Nous sommes tout à fait capables de tordre le bras aux artisans et aux acteurs du BTP de ce pays mais, dès qu'il s'agit de secteurs plus émetteurs de carbone et surtout plus gros, nous sommes manifestement un peu plus pusillanimes…
Il faudrait, pourtant, traiter les Français sur un pied d'égalité. Qu'allez-vous faire pour nous éviter de rejouer chaque année ce même théâtre d'ombres où le Parlement constate qu'il ne peut rien voter sur ce sujet ?
Pour avoir été dix ans rapporteur spécial chargé du transport aérien, je me permets de dire une ou deux choses.
Premièrement, le vrai problème n'est même pas européen, il est international : la convention de Chicago continuera d'interdire cette taxation tant que nous ne l'aurons pas dénoncée sur ce point.
Il faudrait pour cela parvenir à un accord entre les parties à la convention, dont la signature remonte à l'immédiat après-guerre – cela ne date pas d'il y a dix ans. Conscients de ce problème, nos collègues disent qu'il ne suffit pas d'agir à l'échelle européenne.
Deuxièmement, monsieur Aubert, le problème n'est pas qu'il y ait ou non une directive européenne. Si nous voulons mener une action en la matière, nous devons nécessairement nous coordonner avec nos voisins, sans quoi nous risquerions des délocalisations au Luxembourg ou en Belgique. Ce n'est donc pas un problème d'Europe.
Je sais que vos sentiments pro-européens ne sont pas très développés ; les miens le sont beaucoup plus. Il est techniquement possible d'agir dans un cadre européen, ce qui empêcherait tout déroutement.
Troisièmement, madame la secrétaire d'État, vous n'avez pas évoqué l'oxygénation du kérosène. Les premières expérimentations en la matière ont commencé ; pour le moment, c'est epsilon, mais nous devons être prêts. Les problèmes techniques que l'on nous a longtemps opposés ont été résolus. Nous pourrions donc commencer à encourager l'oxygénation du kérosène – lentement, certes, et sous forme expérimentale, à un taux de 0,5 % par exemple – , afin de montrer que cela peut fonctionner.
M. Aubert est déjà intervenu pour le groupe Les Républicains, monsieur Le Fur.
La parole est à M. François Ruffin.
J'appelle de nouveau le Gouvernement à la cohérence, celle que réclamait Bruno Le Maire hier soir et qui correspond aussi à une forme de justice. Comment expliquer aux gens que l'avion, moyen de transport le plus polluant, suroccupé par les classes aisées, reste sous-taxé ou détaxé alors que la voiture est surtaxée ? Il y a là une injustice qui s'élargira comme un fossé et deviendra insupportable pour les gens.
Par ailleurs, vous ne répondez pas au fond de ma question. Vous répondez sur le plan technique, en citant telle directive dont je ne sais pas si elle prévaut ou non sur le droit français – je fais confiance à M. de Courson sur ce point. Cela ne constitue pas une réponse, car il nous faut ici une réponse politique. Comment résoudre le problème de l'injustice fiscale qui empêche la résorption des difficultés en matière écologique ?
En revanche, monsieur de Courson, il n'y a pas, et il n'y aura pas, d'aérien propre. Nous n'avançons pas du tout dans cette direction. Dire que le trafic aérien va connaître une augmentation de 5 % par an et finira par doubler, mais que ce sera la fête et qu'il n'y aura pas de problème, ce n'est pas vrai. L'avion est l'un des modes de transport qui porte préjudice à l'environnement, et ce préjudice ne fait que croître. Il s'agit de l'endiguer maintenant.
Je reviendrai sur deux points.
Premièrement, qu'interdit la convention de Chicago ? Elle interdit de taxer le fioul qui est dans l'avion, pas celui qui lui est livré, ce qui nous autorise des réflexions intéressantes.
Deuxièmement, je trouve tout à fait intéressant que le Gouvernement décide de traiter cette question à l'échelle européenne. C'est très important mais, là encore, n'attendons pas l'unanimité, qui sera difficile à obtenir. Commençons par une initiative dans le cadre d'une coopération renforcée : si neuf pays décident ensemble de taxer le kérosène, nous pourrons avancer. Donc, agissons effectivement à l'échelle européenne, mais n'attendons pas le consensus. Partons à neuf pays – ce chiffre est déjà presque atteint – pour instaurer rapidement une taxation concertée et progressive du kérosène.
Nous apportons bien une réponse politique, puisque nous proposons, à l'article 20, de taxer la pollution émise par les avions.
Je vous rappelle également que ce sujet est déjà pris en considération au niveau européen : la directive européenne 2008101CE, qui porte sur les émissions de dioxyde de carbone du secteur aérien.
Vous nous avez demandé ce que nous faisions de plus, monsieur Aubert. Comme vous le savez, nous soutenons l'initiative néerlandaise de taxation du kérosène au niveau européen. Notre objectif est de réunir un maximum de pays, comme nous y invite M. Orphelin, pour atteindre une masse suffisante afin que la mesure ait un sens environnemental. Je vis non pas dans le monde des idées, mais dans le monde de l'action.
Je suis saisi de neuf amendements, nos 2271 , 1921 , 2404 , 138 , 176 , 1248 , 2172 , 478 et 1201 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 1921 et 2404 sont identiques, de même que les amendements nos 138 et 176 et les amendements nos 1248 et 2172 .
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2271 .
Cet amendement, identique à celui que j'avais présenté l'année dernière lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, tend à appliquer un taux réduit de TVA aux transports publics de personnes. Le taux de TVA serait ramené à 5,5 %, comme c'était le cas jusqu'en 2011, date à laquelle il a été relevé à 7 %, avant d'être porté à 10 % en 2014.
Cette baisse de TVA vise, en premier lieu, à ériger les transports publics du quotidien, pour lesquels nous oeuvrons depuis plusieurs mois, au rang de service public de première nécessité. En second lieu, elle permettrait de dégager de nouvelles ressources financières pour les autorités organisatrices et pour les opérateurs sur l'ensemble de notre territoire, qui trouveraient là les moyens d'investir dans l'amélioration du réseau de transports en commun sans que leur tarification s'en ressente.
D'autres pays européens ont adopté des mesures analogues : le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, le Portugal et l'Allemagne, qui a annoncé la semaine dernière une baisse de la TVA à 7 % pour le ferroviaire.
Cet amendement était gagé sur l'amendement no 2417 qui tendait à supprimer la niche fiscale dont bénéficie le transport maritime privé de voyageurs, …
De toute manière, Mme la secrétaire d'État ne lèvera pas le gage. Donc, tout va bien.
… ce qui revenait à appliquer le principe du pollueur-payeur aux paquebots de croisière. Il convient de privilégier le réseau de transports en commun de tous les Français.
Cet amendement est également gagé sur le tabac ; il n'est donc pas tombé.
Il a du sens en matière de justice écologique et de transition écologique et solidaire.
Cet amendement, adopté par la commission du développement durable, avait déjà été présenté par notre groupe lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités. Il vise à appliquer le taux réduit de TVA à 5,5 % à l'ensemble des transports collectifs de personnes. Je pense notamment au transport scolaire et au transport spécialisé pour les personnes en situation de handicap. Il s'agit là de services publics de première nécessité.
Les transports publics de voyageurs du quotidien contribuent réellement à la transition énergétique et remplissent également un rôle social de premier plan.
Une telle réduction du taux de TVA permettrait non seulement d'accompagner les investissements nécessaires à l'organisation de ces transports publics, mais aussi de réduire le coût du transport pour les usagers et donc de favoriser le pouvoir d'achat de nos concitoyens qui utilisent ces transports publics. Elle les accompagnerait également dans leur changement de comportement en favorisant l'utilisation des transports publics, rendus financièrement plus abordables.
Il faut être cohérent : si notre objectif est de réduire la pollution et ses conséquences sur le réchauffement climatique et d'encourager le transport public des personnes, il convient logiquement d'y adapter notre fiscalité. Mme Rossi l'a parfaitement expliqué.
Ayant été privé de parole sur les amendements précédents en discussion commune relatifs au transport aérien, je tiens à souligner qu'il convient d'en finir avec les injonctions contradictoires. L'article 20 du projet de loi de finances augmentera la taxation sur le transport aérien ; pourquoi pas ? Toutefois, nous nous battons, au même moment, pour défendre des aéroports situés dans des secteurs excentrés de notre territoire et qui bénéficient de crédits nationaux et régionaux. Je pense à celui de Quimper, qui est à la limite de la survie. Le Premier ministre nous a déclaré que, comme il ne peut pas prolonger le TGV jusqu'à Quimper ou jusqu'à Brest – afin de réduire à trois heures le voyage entre Paris et Brest ou Quimper – , à défaut, il aiderait notamment l'aéroport de Quimper, qui est le plus fragile.
Or, en fait d'aide, vous prévoyez une augmentation de la fiscalité ! Le billet est déjà très cher et les horaires ne sont pas toujours respectés, ce qui crée des problèmes. Alors que tout est déjà fait pour pénaliser cet aéroport, vous ajoutez une disposition fiscale hostile. Je le répète : à un moment donné, il faut sortir des injonctions contradictoires. Oui ou non, privilégions-nous l'aménagement du territoire ? Oui ou non, privilégions-nous des villes excentrées par rapport aux pôles économiques du pays ? Nous devons répondre collectivement à ces questions.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités : la ministre chargée des transports nous avait alors renvoyés au projet de loi de finances. Nous y sommes.
La baisse de la TVA sur les transports publics de voyageurs du quotidien aurait plusieurs avantages. Tout le monde s'y retrouverait : les voyageurs en matière de pouvoir d'achat ; les entreprises, les collectivités et l'État en matière de charges par la baisse induite du remboursement des frais de déplacement ; les pouvoirs publics, dont la politique sera plus cohérente ; enfin, l'environnement, grâce au développement des transports en commun. J'espère, madame la secrétaire d'État, que vous nous suivrez sur ce dossier.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 1248 .
Il vise à appliquer aux transports de voyageurs, notamment aux transports publics urbains, le taux dévolu aux produits de première nécessité, en considération du rôle social essentiel qui est le leur et de leur contribution à la réalisation des objectifs de transition énergétique.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2172 .
Ce sera le leitmotiv de l'après-midi : cohérence et justice ; cohérence, puisque la priorité est apparemment la transition écologique, et justice, parce que la fiscalité doit être calée sur les émissions de gaz à effet de serre.
Au moment où est maintenue l'absence de taxation du kérosène pour le transport aérien et du fioul pour les croisières maritimes, le minimum serait d'appliquer le taux réduit de TVA aux transports publics de voyageurs du quotidien, qui sont moins polluants.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 478 .
Il vise à réduire le taux de TVA applicable aux services publics de transport terrestre régulier de personnes à 5,5 %.
Une telle baisse se traduirait par une augmentation du pouvoir d'achat des voyageurs, grâce à la baisse du prix des billets, et par une baisse des charges supportées par les employeurs dans le cadre du remboursement des frais d'abonnement. Elle réduirait également l'utilisation de la voiture individuelle, devenue moins attractive, ce qui irait dans le sens du développement durable.
La perte de recettes pour l'État serait compensée, d'une part, par l'augmentation du nombre des voyageurs et, d'autre part, par la hausse de la fiscalité sur le gazole.
L'amendement no 1201 de M. Michel Castellani est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
Très honnêtement, les baisses de TVA se sont-elles, jusqu'à présent, traduites par des baisses de prix à la consommation ? La TVA sur la restauration ramenée à 5,5 % ne s'est pas traduite par une baisse des prix – signalez-le moi si vous en avez observé, car tel n'est pas mon cas, et pourtant, je mange, et cela se voit…
Sourires.
L'adoption de ces amendements ne se traduirait donc pas nécessairement par un gain de pouvoir d'achat pour nos concitoyens.
L'argument est un peu court : que faites-vous des emplois préservés et de l'investissement ?
De plus, le coût de cette mesure s'élèverait à 500 millions d'euros uniquement pour les transports urbains, et à plusieurs milliards si l'ensemble des transports étaient concernés. Je suis donc défavorable à tous ces amendements.
J'y suis également défavorable, tout d'abord parce qu'il n'y a aucune translation automatique – le rapporteur général a eu raison de le rappeler – entre une baisse de TVA et une augmentation du pouvoir d'achat des Français. Cela ne s'est jamais vu de manière aussi nette.
L'autre aspect est non pas politique mais technique : en droit, il n'est pas possible de réduire la TVA applicable à un service dès lors qu'il est en concurrence avec un autre ; les services en concurrence doivent être traités de la même manière. Il faudrait donc réduire aussi la TVA applicable aux transports express régionaux et aux autocars interurbains, ce qui ne me paraît pas tout à fait correspondre à notre objectif ; de même, réduire la TVA applicable aux lignes à grande vitesse impliquerait également de la réduire pour les lignes aériennes. Je ne le recommande pas, compte tenu, de plus, du coût de la mesure.
Dans ce projet de loi de finances, en matière de dépenses comme de recettes, nous préférons des mesures vertes réelles à des dispositions qui, manifestement, n'auront pas les résultats attendus.
Parce que favoriser le développement des transports en commun, ce n'est pas promouvoir une mesure verte réelle !
Les mesures proposées vont, selon moi, dans le bon sens. Je voterai donc ces amendements.
Il faut tout d'abord savoir qu'un grand nombre de pays européens ont effectivement réduit le taux de la TVA sur les transports en commun, comme l'Allemagne, récemment. Mme Rossi a rappelé à juste titre qu'il s'agit de services de première nécessité.
Cette mesure simple et lisible serait, en outre, très bien comprise par les Français, en particulier par tous ceux qui travaillent sur ces sujets, notamment au sein d'associations. Le message serait aussi clair que cohérent.
Mme la secrétaire d'État a eu toutefois raison de souligner qu'il convient d'augmenter les investissements dans les transports en commun. Il faut aller plus loin que ne le prévoit le programme d'investissement de l'AFITF.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, je comprends vos arguments. J'ai toutefois précisé, en défendant mon amendement, que cette réduction du taux de TVA n'est pas destinée prioritairement à améliorer le pouvoir d'achat de l'usager par une baisse de la tarification, mais que les autorités organisatrices et les opérateurs pourront en tirer des ressources nouvelles pour améliorer le réseau des transports en France. Tout l'enjeu de la loi d'orientation des mobilités était précisément d'en finir avec les zones blanches en matière de transports collectifs, de couvrir l'ensemble du territoire. Or cela suppose des ressources.
La réduction de la TVA serait une manne. Je suggérais d'ailleurs de la financer de manière juste en mettant fin à la niche fiscale dont bénéficie le transport maritime privé de voyageurs. La disposition est cohérente et juste du point de vue de la fiscalité écologique.
Enfin, le coût de la mesure a été évalué par de nombreux acteurs entre 500 et 600 millions d'euros – il conviendra de préciser les chiffres. En tout cas, il n'atteint pas le milliard.
Un de ces amendements est présenté par la majorité, puisqu'il a été adopté par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, saisie pour avis. Son rejet par la commission des finances et par le Gouvernement est riche d'enseignement : l'ordre des priorités n'a pas changé. Les décisions sont toujours prises à Bercy. C'est toujours l'économie avant l'écologie, et la commission des finances avant celle du développement durable.
De plus, l'argument selon lequel le consommateur n'a pas profité de la baisse de la TVA dans la restauration ne vaut pas : les transports sont des outils publics, et il est possible de demander aux acteurs concernés de faire des choix, qui ne porteront pas nécessairement sur le prix du billet, mais pourront concerner l'investissement. Quid de cet outil que devrait être la SNCF dans une politique de retour des lignes du quotidien ? De quelles marges de manoeuvre en matière d'investissement dispose-t-elle ? Or la réduction du taux de TVA lui procurerait une ressource.
Enfin, la cohérence me semble préférable à la concurrence, au moment où nous voulons développer le train au détriment de l'avion. Pour notre part, nous plaidons même pour l'interdiction des vols intérieurs lorsque la différence de temps est inférieure à deux heures et demie. De même, nous voulons la suppression des cars Macron pour favoriser au maximum le rail, qui est, de loin, le transport le moins polluant.
Mme la secrétaire d'État souhaite un débat ; or il n'y a pas de débat sans échange. À l'occasion de l'examen de l'amendement précédent, j'ai posé une question sur les injonctions contradictoires. L'article 20 tend à augmenter la fiscalité pesant sur le kérosène ; pourquoi pas ? Or, au même moment, le Premier ministre nous assure qu'il veut sauver des aéroports. Il a même explicitement signé, le 8 février dernier, à Rennes, le pacte d'accessibilité pour la Bretagne, qui prévoit notamment un effort au bénéfice de l'aéroport de Quimper.
Je constate que l'aéroport de Quimper non seulement ne bénéficie pas de l'argent de l'État, en dépit des engagements du Premier ministre, mais supportera, de surcroît, une taxe nouvelle. Madame la secrétaire d'État, il conviendrait, à un moment donné, de sortir des injonctions contradictoires : oui ou non, la politique d'aménagement du territoire est-elle définitivement abandonnée en France ?
Je ne suis pas membre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mais je représente le groupe Socialistes et apparentés, qui soutiendra ces amendements. Sur plusieurs bancs, nous essayons de vous convaincre qu'il est à la fois nécessaire d'être cohérent et urgent d'apporter une réponse écologique au problème des transports.
Selon moi, la réduction du taux de TVA à 5,5 % pour les services publics de transport terrestre régulier de personnes serait un signal très intéressant. Peut-être pourrions-nous, dans un premier temps, soutenir cette proposition sur tous les bancs, puis profiter de la navette – elle existe et présente cette utilité – pour examiner la pertinence, in fine, du dispositif.
Vous ne pouvez pas jurer qu'il faut absolument lutter contre le réchauffement climatique et, dans le même temps, rejeter une proposition dans ce sens, qui est d'ailleurs appliquée dans d'autres États européens. C'est la preuve que l'on ne peut pas nous opposer un refus en prétextant une quelconque nécessité européenne – trouvez un autre moyen de faire obstacle à la proposition, ou alors vous êtes vraiment d'intraitables gardiens de but !
La navette peut précisément servir à mener un tel travail d'expérimentation, à plus forte raison sur une question majeure comme les transports publics, érigés en véritable service public du quotidien.
Je suis désolé, monsieur Saint-Martin, mais il y a déjà eu une intervention d'un député du groupe LaREM. Nous passons donc au vote.
L'amendement no 2271 n'est pas adopté.
Sur les amendements identiques nos 904 , 1237 , 1405 et 1625 , je suis saisi par le groupe Les Républicains d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2170 et 2275 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 2170 .
Dans la lignée des précédents amendements, il vise la cohérence et la justice. La cohérence, en l'espèce, réclame une taxation normale du gazole utilisé pour le transport maritime, qu'il s'agisse du transport de marchandises ou du transport de personnes. Comme je l'ai déjà dit, l'Europe, c'est le camion ; la mondialisation, c'est le porte-conteneurs.
Au-delà des enjeux social, fiscal et écologique, il existe un enjeu économique majeur : la relocalisation. Tant que le fioul maritime ne sera pas taxé, tant que le prix du transport maritime ne sera pas relevé, il sera toujours possible de faire décortiquer en Thaïlande des crevettes pêchées en mer du Nord, puis de les vendre sur les marchés européens. La clé de voûte, c'est de relever le coût du transport maritime, ce qui passe par une taxation normale du kérosène maritime.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 2275 .
L'amendement no 2417 , qui a été rejeté, avait ma préférence car il prévoyait une sortie progressive de la niche fiscale bénéficiant au transport maritime privé. Celui-ci a le même objectif, mais il s'agit là d'une extinction brutale de l'exonération.
Dans un souci de justice fiscale, écologique et sociale, il nous faudra appliquer le principe du pollueur-payeur à ces transports polluants. Par ailleurs, les réseaux de mobilité du quotidien ont besoin d'investissements ; il faut améliorer la qualité du service offert aux passagers qui les empruntent.
Je ne juge pas le fond des amendements – car, évidemment, je serais alors favorable aux différentes propositions que vous avez émises. Cependant, je le répète, l'article 14 de la directive européenne applicable en la matière interdit de telles mesures. Vos amendements ne peuvent donc pas prospérer.
S'agissant du débat précédent et des comparaisons avec les autres pays européens, n'oublions pas que le taux de TVA hyper-réduit en Allemagne reste supérieur au taux réduit en France ! Telle est la réalité.
Lorsque l'on fait des comparaisons avec les autres États, il faut être prudent. De même, le taux de TVA hyper-réduit en Italie correspond au taux normal en France.
Je suis défavorable à ces amendements, qui sont contraires à la directive européenne.
Il est défavorable également. Nous avons déjà entamé cette discussion lors de l'examen des amendements précédents.
Concernant la pollution maritime, il importe de souligner que nous ne restons pas les bras ballants. En effet, c'est à notre instigation qu'ont été fixées de nouvelles normes internationales sur les carburants maritimes, qui devraient permettre de diviser par sept leur teneur en soufre d'ici à 2020. Voilà de l'action !
L'Organisation maritime internationale, l'OMI, a également adopté, en avril 2018, une stratégie pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre des transports maritimes, qui prévoit une amélioration de l'efficacité énergétique des navires de 40 % d'ici à 2030 et une baisse de moitié des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Là encore, nous agissons.
Afin d'aller plus loin, la France a déposé à l'OMI un projet de réduction mondiale de la vitesse des bateaux dès 2023, mesure qui permettrait de diminuer les émissions de 17 % – l'objectif étant d'atteindre une réduction des émissions de 30 %.
Avant de passer au vote sur ces amendements, je donnerai la parole à deux orateurs, MM. François Pupponi et Marc Le Fur.
Je ne peux pas donner la parole à chaque groupe sur chaque sujet ! Celui qui nous occupe a déjà été abordé au travers de plusieurs amendements.
Lorsque l'on évoque le transport maritime, nous avons tous en tête l'image des paquebots empruntés par des personnes fortunées. Or, aujourd'hui, en France, le principal armateur en matière de transport maritime de passagers est Brittany Ferries. Cette compagnie réalise principalement des liaisons entre la Grande-Bretagne et la France, essentielles à l'activité de ports comme Roscoff, Saint-Malo ou Ouistreham. Le relèvement de la taxation porterait un préjudice considérable à toute cette activité, qui connaît déjà des difficultés en raison du Brexit et de la baisse de la livre sterling, qui a entraîné une diminution du nombre de passagers.
En outre, ce secteur fait des efforts pour se doter de nouveaux moteurs, plus économes et plus soucieux de l'environnement. Faisons donc attention aux propos simplistes et démagogiques, et rappelons-nous que, derrière tout cela, il y a des emplois, des activités, des entreprises, des villes et tout un secteur littoral, que l'on a tendance à oublier car la mode est aux citadins et aux métropoles.
Enfin, madame la secrétaire d'État, je réitère ma question au sujet des injonctions contradictoires. Derrière mes propos, il y a des gens ! Ils attendent des réponses et ne comprennent pas que des dispositions du projet de loi de finances tendent à pénaliser plusieurs aéroports essentiels à l'aménagement du territoire, alors même que le Premier ministre s'est engagé très solennellement le 8 février dernier, en signant le pacte d'accessibilité pour la Bretagne, en faveur de nos aéroports, notamment celui de Quimper.
Je peux tout à fait entendre qu'il existe des contraintes européennes – peut-être faudrait-il faire évoluer les textes européens. Cependant, madame la secrétaire d'État, vous pourriez nous faire d'autres propositions !
Je souscris aux propos de Marc Le Fur : ce sont les bateaux de croisière, ces immeubles flottants, qui posent de grandes difficultés et polluent fortement – la mer Méditerranée, mais pas seulement. Comme cela est fait à Venise, on pourrait interdire à certains bateaux, dont on considère qu'ils polluent trop, d'accoster dans nos ports. Certes, ce n'est pas une mesure fiscale, mais c'est tout de même une réglementation ! Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?
Vous nous dites que les émissions seront réduites d'ici à 2050...
Non, 2023 !
Non, 2023 !
Vous avez annoncé plusieurs dates : 2023, 2030 et 2050. Quoi qu'il en soit, quelle est votre proposition pour empêcher les bateaux qui polluent d'accoster dans nos ports ? Si nous ne pouvons rien changer à ce stade au niveau européen, faisons au moins quelque chose en France !
Rappel au règlement
En vertu de l'article 52 du règlement, monsieur le président, vous dirigez les délibérations de notre assemblée. Je répète que les députés du groupe La France insoumise n'ont pas du tout pris la parole hier, et que nous ne venons pas pour troller. Nous avons déposé un amendement, le minimum serait que nous puissions répondre à Mme la secrétaire d'État et au président de la commission des finances, afin de leur donner notre sentiment et leur expliquer pourquoi nous maintenons notre amendement. C'est un minimum ! Ce n'est pas comme si nous venions nous incruster dans la discussion des autres…
Si ce principe n'est pas appliqué, je demanderai une suspension de séance.
Je rappelle les principes. Le dépôt d'un amendement n'ouvre pas automatiquement le droit à une prise de parole. Par exemple, nous avions tout à l'heure neuf amendements en discussion commune, mais cela ne donnait pas droit à neuf prises de parole. L'article 100, alinéa 7, du règlement, prévoit que nous accordons deux prises de parole ; le cas échéant, nous pouvons en accorder plus.
Sur la thématique qui nous occupe, nous avons déjà eu des discussions assez larges, et j'ai estimé que deux prises de parole étaient suffisantes pour éclairer le débat – car il s'agit bien d'éclairer le débat, non de laisser à chaque personne qui le souhaite la possibilité de s'exprimer à tout moment. La question est donc : nos débats sont-ils éclairés ? Le sujet ayant été abordé sous de multiples aspects, j'ai autorisé deux prises de parole seulement.
Si vous demandez une suspension de séance…
Je demande à vous répondre ! Une chose n'a pas été évoquée dans la discussion des amendements précédents : la question du transport de marchandises…
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Après l'article 16 (amendements appelés par priorité)
Il vise à exonérer de TICPE les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Cela me choque que le carburant des véhicules qui nous portent secours soit taxé, d'autant qu'il n'existe pas de solution technique ou technologique de remplacement pour ces véhicules. De plus, les SDIS dépendant des communes et des départements, ce sont les collectivités territoriales qui, indirectement, supportent ce coût.
D'autres professions bénéficient d'une exonération de TICPE, et les pompiers souffrent d'un manque de reconnaissance – vous connaissez comme moi le contexte actuel. Cette mesure permettrait de dégager des marges de manoeuvre pour investir dans le matériel et la logistique de nos pompiers.
Il s'agirait d'un geste en faveur des sapeurs-pompiers, que nous connaissons bien et qui méritent toute notre attention.
Il vise à exonérer les SDIS, dont nous avons parlé hier soir, de la TICPE.
Les départements sont actuellement en difficulté, car ils supportent de lourdes charges compte tenu des compétences sociales qui leur sont conférées. Les communes sont également en difficulté en raison de budgets contraints. Il importe donc que nous soutenions les sapeurs-pompiers, qui exercent une mission de service public en assurant la sécurité des biens et des personnes.
Le nombre d'interventions des SDIS ne cesse de croître. Les sapeurs-pompiers ont du mal à faire face à tous leurs engagements, ce qui explique les mouvements observés ces derniers jours. Nous devons donc leur adresser un signal, un message de soutien. C'est tout l'objet de cet amendement.
À titre d'exemple, le SDIS de l'Orne coûte 17 millions d'euros par an au département et aux communes. D'où l'intérêt de chercher des pistes pour réduire les dépenses de ces services.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
… parce que personne ne peut en nier la légitimité. Le seul problème est que nous nous heurtons, là encore, à une directive européenne très claire : il n'est pas possible d'exonérer les secteurs non soumis au droit commercial tels que l'armée, les pompiers ou d'autres services de même nature. Je suis le premier à le regretter, mais c'est une réalité.
Il est défavorable également pour les raisons que le rapporteur général a bien expliquées. En outre, si nous voulions accorder cette exonération, il faudrait exonérer tous les services publics. À un moment, on aboutit à quelque chose d'autoréférencé : on supprime une taxe mais aussi une recette. Je ne suis pas sûre que la mesure changerait vraiment la vie des pompiers, qui demandent de la reconnaissance à titre personnel.
Une quinzaine d'orateurs ont demandé la parole. Je ne vais pas faire droit à toutes ces demandes, je vais donner la parole à un orateur par groupe.
Ces amendements sont sacrément importants dans un contexte où nos SDIS ruraux ont énormément de mal à boucler leur budget : il faut renouveler le matériel pour être en phase avec la mutation technologique et, surtout, il faudra embaucher des professionnels.
Dans un département comme celui de l'Orne, que vient de citer Véronique Louwagie, nous avons seulement une centaine de professionnels et nous devons malheureusement faire face à une baisse du nombre de volontaires, qui font pourtant un travail extraordinaire au quotidien. Cette baisse du volontariat va nous obliger à embaucher des professionnels. Or la hausse de la redevance que nous demandons aux intercommunalités et aux communes est limitée.
Cette exonération de TICPE permettrait de redonner du souffle, d'encourager le volontariat et d'embaucher les professionnels dont nous aurons besoin, dans les territoires ruraux, afin d'assurer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ces amendements sont pleins de bon sens. Le pacte de Cahors empêche les collectivités, notamment les départements, d'aider les SDIS à la hauteur de ce qui serait nécessaire.
Je ne suis pas du tout d'accord avec vous, madame la secrétaire d'État, lorsque vous dites que ce n'est pas l'exonération de TICPE qui changera la vie de nos sapeurs-pompiers. Si nous parvenons à leur trouver des moyens supplémentaires, que ce soit par des exonérations de taxes ou autres, cela leur permettra d'investir dans du matériel ou de la formation. Comme ce sont les collectivités qui vont payer de toute façon, on peut très bien se permettre une exonération de taxe.
Vous nous dites, madame la secrétaire d'État, que le droit européen interdit d'appliquer une telle exonération. Dans ce cas, pourquoi le Gouvernement ne s'engagerait-il pas à reverser aux SDIS la recette qu'il est obligé d'encaisser ? Il peut faire une dotation.
Sur le plan juridique, cela ne poserait aucun problème, monsieur le rapporteur général.
Les pompiers n'y seront pas sensibles, dites-vous, madame la secrétaire d'État. Qui salarie les pompiers ? Ce sont les SDIS. Si l'on prive les SDIS de recettes, ils ne pourront pas faire droit aux revendications salariales des pompiers.
Il suffirait que le Gouvernement, au banc, s'engage à augmenter, lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances, les dotations des conseils départementaux, afin de compenser l'augmentation de la TICPE.
La question de la sécurité civile et du financement de nos pompiers est essentielle. Je vous l'accorde, monsieur le rapporteur général, l'exercice ne peut pas se faire tel que proposé dans ces amendements. En revanche, nous pouvons procéder comme le suggère M. Pupponi : nous pouvons agir sur la dotation aux collectivités comme nous le faisons pour la récupération de la TVA. Nous savons le faire.
Réfléchissons au moyen qui permettra à nos pompiers d'avoir plus de ressources. Nous avons gagné certains combats, je pense à l'accès aux autoroutes et à la récupération des frais autoroutiers. Plus que jamais, nous devons nous unir pour soutenir nos pompiers et leur donner des moyens financiers.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et SOC.
M. Pupponi a été un peu la voix de la raison sur ce sujet. Une diminution de la TICPE se traduira par une baisse des dotations. C'est tout le problème.
Nous voyons que les pompiers rencontrent de plus en plus de difficultés sur tous les territoires. Ils nous alertent depuis des mois, et nous avons assisté hier à une forte mobilisation. Nous avons évidemment à coeur de régler leurs problèmes, notamment en renforçant leurs moyens.
La baisse de la taxe n'est pas une solution parce qu'elle s'accompagnerait d'une baisse des dotations. Il faut voir comment, à la fin de la deuxième partie du projet de loi de finances, nous pouvons faire en sorte que les SDIS et les autres services de sapeurs-pompiers supportent cette taxe. C'est à ce stade que nous verrons l'engagement du Gouvernement.
Il nous reste un peu plus de 2 000 amendements à examiner, et je me dis que nos discussions pourraient être beaucoup plus rapides, compte tenu du fait que, pour une bonne part, nos amendements sont contraires à certaines directives européennes.
Dans ces conditions, ne faudrait-il pas les déclarer irrecevables ? On irait plus vite et on éviterait des discussions qui se heurtent à des fins de non-recevoir sous ce prétexte, bien réel mais un peu facile, des directives européennes. Celles-ci exonèrent le Gouvernement de rechercher des solutions à ces situations bien réelles, qui ont été décrites sur tous les bancs.
Les SDIS sont dans des situations de tension incroyable. On ne peut pas dire qu'ils aient été très bien traités hier, dans la rue.
Je pense qu'il est urgent de leur adresser un message.
Leurs financeurs, à savoir les départements et les communes, sont pour certains au maximum de ce qu'ils peuvent faire en matière de contribution. Dans mon département, en Ardèche, ce poste représente une dépense énorme pour certaines petites communes rurales. Elles ne peuvent pas aller au-delà.
Par conséquent, si l'État n'envoie pas un signal – un autre que celui qui est proposé si celui-ci n'est pas recevable – , nous nous enfoncerons durablement dans une situation de conflit avec les SDIS, qui ont besoin d'air, de respiration. Certains d'entre eux sont dans des situations budgétaires extrêmement fragiles, pour ne pas dire précaires. Cette fin de non-recevoir que vous leur adressez est totalement inacceptable, inadmissible et contraire aux échanges que nous devrions avoir pour essayer de trouver des solutions à leurs difficultés.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et LR.
Cessons de nous réfugier derrière des directives européennes. Notre collègue François Pupponi nous a donné la solution pour répondre aux demandes exprimées par ces amendements, que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutiendra.
Dans un département comme le mien, l'Allier, la contribution au SDIS est de 17 millions d'euros, dans le cadre d'une convention sur trois ans, qui ne prévoit pas d'augmentation en raison de la situation des finances départementales.
Madame la secrétaire d'État, arrêtez de vous réfugier aussi derrière le terme « reconnaissance ». Les pompiers – comme les professionnels de santé – ont besoin de reconnaissance, dites-vous. À un moment donné, la reconnaissance passe aussi par des moyens adaptés aux besoins des territoires.
C'est un débat technique et politique. Il faut prendre la mesure de ce qui a eu lieu hier : une profession a manifesté, et elle a été fort maltraitée par les forces de l'ordre. Il faut le dire.
Beaucoup de gens ont vu ces images.
Madame la secrétaire d'État, dire qu'ils ont besoin de reconnaissance individuelle, c'est bien mal comprendre le message des sapeurs-pompiers : ils veulent que leur profession soit reconnue et que des moyens leur soient attribués. Nous en sommes là.
Notre collègue François Pupponi a fait une proposition qui a le mérite d'une certaine efficacité. Vous engagez-vous à reverser ces sommes aux SDIS ? Nous attendons une réponse.
L'argument des directives européennes est trop facile. Si de telles directives existent, qu'a prévu le Gouvernement pour agir contre ces directives ? On ne peut pas faire un tel aveu d'impuissance et se réfugier derrière les directives européennes.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais que le Gouvernement – et éventuellement le rapporteur général – réponde à la proposition de François Pupponi. À mon avis, ce serait un premier pas vers le plan d'urgence que certains groupes, dont le nôtre, se sont engagés hier à présenter au ministre de l'intérieur, pour faire écho aux revendications de la profession des sapeurs-pompiers. Ce sont des héros qui méritent une reconnaissance concrète et matérielle, pas seulement des paroles.
Pour que les choses soient bien claires, je précise à l'attention de M. Saulignac, qui a évoqué la recevabilité des amendements, que je ne contrôle pas leur conformité au droit européen ou à la Constitution dans son ensemble : je m'assure qu'ils respectent l'article 40 de la Constitution et les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.
Le ministre de l'intérieur a reçu hier les organisations représentatives des pompiers. Ils ont fait à cette occasion un balayage très large de tous leurs sujets de préoccupation, notamment les secours d'urgence aux personnes, la mise en place d'un numéro unique, la lutte contre les agressions envers les pompiers.
Une nouvelle réunion aura lieu le 14 novembre. La concertation se déroule. Les sapeurs-pompiers sont très bien placés pour faire valoir leurs demandes. Je suggère qu'on les écoute plutôt que de faire les questions et les réponses à leur place. Je ne répondrai pas favorablement à la proposition de M. Pupponi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 106
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 46
Contre 49
Murmures sur divers bancs.
La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour soutenir l'amendement no 1832 .
Nous avons longuement discuté, la nuit dernière, des niches fiscales défavorables à l'environnement, sur lesquelles il nous faut revenir.
Les carburants destinés aux moteurs d'avions sont exonérés de la TICPE lorsqu'ils sont utilisés dans le cadre de la construction, du développement, de la mise au point, des essais ou de l'entretien des aéronefs et de leurs moteurs.
Cette niche représente une partie des 27 millions d'euros de dépenses fiscales dont bénéficient les secteurs de l'aviation et de la construction et réparation navale. Elle fait partie de celles que nous aurions intérêt à remettre en cause.
Une fois encore, nous sommes bloqués par une directive européenne qui ne nous permet pas d'appliquer la mesure que vous proposez, ce qui ne veut pas dire que, sur le fond, je n'y suis pas favorable, connaissant le coût environnemental du dispositif. L'avis est défavorable.
Il est également défavorable.
… mais c'est un sujet sur lequel nous devrons avancer. Il faut que nous étudions chacune de ces niches, une par une.
L'amendement no 1832 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, pour soutenir l'amendement no 2420 .
La collecte et la valorisation des huiles alimentaires usagées permettent de répondre à un triple objectif : une meilleure gestion des déchets, la transition énergétique et l'amélioration de la qualité de l'eau. C'est la raison pour laquelle nous proposons, par cet amendement, de soutenir le développement de cette filière vertueuse et créatrice d'emplois locaux, en l'exonérant de TICPE.
Cette mesure serait décorrélée du coût écologique en cause ; l'exonération serait excessive. L'avis est défavorable.
Il est également défavorable. Le Gouvernement privilégie en effet une approche différente, à savoir le renforcement de la fiscalité incitative, notamment celui de la taxe incitative à l'incorporation de biocarburants. Rappelons que l'avantage fiscal est doublé pour les huiles alimentaires usagées. Nous sommes préoccupés par les analyses montrant que les huiles usagées ont un impact environnemental négatif lorsqu'elles brûlent. Dès lors, il n'apparaît pas justifié d'exonérer leur utilisation comme combustible.
Je voterai bien sûr en faveur de cet amendement, puisque j'avais présenté un amendement identique en commission.
Je reviens quelques instants sur l'argumentaire du rapporteur général au sujet de l'amendement précédent. Certes, la directive européenne empêche l'exonération de taxe. En revanche, elle n'interdit pas de supprimer une niche. Nous reprendrons donc cette discussion. Quoi qu'il en soit, j'ai retiré mon amendement trop précipitamment. J'aurais dû le maintenir, car la directive n'interdit pas ce que je proposais.
J'appuie cet amendement de la commission développement durable, qui nous permettrait d'avancer.
Mme la secrétaire d'État, vous nous expliquez que les huiles alimentaires usagées ont un impact environnemental négatif lorsqu'elles brûlent. Cela n'empêchait pas le Gouvernement de soutenir l'avantage fiscal dont bénéficiait l'huile de palme, alors que l'effet de celle-ci sur l'environnement est dévastateur ! Fort heureusement, l'Assemblée a mis fin à cet avantage.
L'amendement no 2420 n'est pas adopté.
Il concerne non pas les petites lignes ferroviaires – nous n'attendons plus le rapport Philizot… – , mais les chemins de fer touristiques. Il s'agit d'exonérer leurs exploitants de la taxe intérieure de consommation sur le charbon, la TICC. J'avais déjà défendu cet amendement l'an dernier.
Nous sommes tous ici attachés aux petits trains touristiques, qui évoquent les vacances : le train de la Rhune, le train d'Artouste, le petit train reliant Soulac-sur-Mer et Le Verdon-sur-Mer… Cette mesure, qui ne serait guère coûteuse pour nos finances publiques, permettrait d'envoyer un signal, de faire un geste en faveur du patrimoine ferroviaire.
Une comparaison internationale montre que ce ne serait pas une exception française : les Suisses l'ont fait.
Je ne pense pas que le calendrier politique soit favorable à une telle exonération. Mon avis sera défavorable, comme l'an dernier, même si j'ai moi-même conduit ce type d'équipement !
Il est également défavorable, même si je suis attachée, comme vous, à ces petites lignes touristiques. Il ne nous paraît guère opportun d'offrir un avantage fiscal à la consommation de charbon.
Vous avez raison, l'amendement n'est pas très tendance. Toutefois, l'exonération de TICC ne concernerait que quelques locomotives à charbon. Pour ma part, je suis fier de les voir circuler, une fois l'an, sur telle ou telle petite ligne. Ce serait un geste symbolique et peu coûteux, mais important pour notre patrimoine.
L'amendement no 2299 n'est pas adopté.
Il vise à étendre le tarif réduit de la taxe de contribution au service public de l'électricité, la CSPE. Ce tarif réduit s'applique aux trains, aux métros, aux tramways, aux câbles, aux trolleybus et, depuis 2017, aux bus électriques et hybrides rechargeables. Nous vous proposons donc de faire bénéficier toutes les entreprises de transport interurbain des conditions de fiscalité intéressantes sur l'électricité dont bénéficient déjà les exploitants urbains. Il s'agit de soutenir la transition énergétique. À l'heure où l'on parle tant de mobilité, cette mesure, qui permettrait de dégager des moyens en faveur des transports publics, constituerait un signal fort. Elle s'inscrirait dans le cadre de la décarbonation des transports routiers.
Il est identique à celui que ma collègue Véronique Louwagie a excellemment soutenu.
L'amendement no 2822 de Mme Valérie Lacroute est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?
Le dispositif que vous proposez me semble excessif, puisqu'il prévoit une division du taux actuel par quarante-trois !
En outre, le matériel utilisé pour les liaisons interurbaines n'est pas le même que celui des liaisons urbaines. Peut-être, dans un proche avenir, des véhicules adaptés et justifiant un tel tarif seront-ils mis en service sur des lignes interurbaines ? Mon avis est donc défavorable en raison du caractère prématuré de la mesure.
Il est également défavorable.
Je regrette que l'on ne prenne pas en considération l'équité territoriale. Tous les territoires devraient pouvoir bénéficier d'un dispositif de cette nature.
Il vise à appliquer aux navires faisant escale dans nos ports le taux réduit de TICFE, dont bénéficient de nombreux véhicules électriques ou rechargeables, notamment les tramways et les bus. Il s'agirait d'offrir à ces navires une solution de production d'électricité à bord qui soit moins onéreuse que l'utilisation de fioul, pratique polluante et néfaste pour la qualité de l'air.
L'amendement no 1934 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Il concerne le développement des filières à responsabilité élargie du producteur – REP. En effet, 50 % des déchets faisant l'objet d'un stockage ne bénéficient aujourd'hui d'aucune filière de recyclage et ne sont concernés par aucune filière REP. Les metteurs sur le marché de ces produits ne contribuent pas à la gestion des déchets. Ce sont donc les collectivités territoriales qui doivent en assurer tant la collecte que le traitement, grâce à leurs installations, et payer la taxe générale sur les activités polluantes – TGAP – sur ces opérations. Ce coût est inévitablement répercuté sur le contribuable local.
Cet amendement vise à instaurer une « TGAP amont », dont le taux envisagé serait très faible : 3 centimes d'euro par unité sur les produits non couverts par la REP. Cela permettrait de mettre fin à une situation inique : on cesserait de taxer aveuglément les gestionnaires de déchets, qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1368 .
Environ un tiers des déchets ménagers est composé de produits pour lesquels il n'existe pas de filière de recyclage. Il s'agit notamment de produits plastiques et de textiles.
La loi de transition énergétique prévoit la division par deux de la quantité de déchets stockée. Or il sera manifestement impossible d'atteindre cet objectif sans réaliser un travail important en amont.
La gestion de ces déchets est à la charge des collectivités, qui en assurent la collecte et le traitement, et payent donc la TGAP. Cet amendement vise à instaurer une « TGAP amont », dont le taux envisagé est de 3 centimes par produit. Ce dispositif permettrait d'arrêter de taxer des gestionnaires qui ne sont en rien responsables de la non-recyclabilité des produits. Il s'agit surtout de réduire le volume des produits non recyclables et de progresser vers l'économie circulaire.
La parole est à M. Olivier Gaillard, pour soutenir l'amendement no 2687 .
Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je regrette simplement qu'il n'existe pas de « TGAP amont » pour les producteurs pollueurs. C'est en quelque sorte une prime aux cancres ! J'en profite pour signaler que l'augmentation exponentielle de la TGAP est liée au monopole dont certains grands groupes disposent aujourd'hui sur les fours et les centres d'enfouissement. Or nous devons être vigilants, car plusieurs syndicats de traitement d'ordures ménagères seront bientôt obligés d'augmenter considérablement la redevance ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Il est indispensable que nous soyons plus performants dans ce domaine et plus attentifs aux demandes de ces syndicats.
Le sujet ayant déjà été évoqué à plusieurs reprises, je me contenterai de rappeler que la feuille de route pour l'économie circulaire a expressément exclu le mécanisme de la TGAP amont. L'avis est donc défavorable.
Il est défavorable également. Cela reviendrait à créer un nouvel impôt au tarif faible mais à l'assiette large. Cette mesure s'apparenterait à une hausse de la fiscalité sur la consommation des ménages et risquerait d'être dépourvue de tout effet incitatif. Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire constitue, selon moi, le véhicule législatif adapté pour traiter l'ensemble de ces sujets.
J'entends vos réponses, monsieur le rapporteur général, madame la secrétaire d'État. Vous refusez de créer un nouvel impôt dont la base serait trop large, même si son taux est faible. Toutefois, en réalité, c'est déjà le contribuable qui finance ces services, par l'intermédiaire de la fiscalité locale. Vous ne voulez pas voir le problème, et vous laissez ce coût entièrement à la charge des collectivités territoriales. Il me semble au contraire que ces questions devaient être abordées dans le cadre du projet de loi de finances, notamment lorsque nous évoquerons les transferts de compétences et leur compensation financière.
La parole est à M. Yannick Kerlogot, pour soutenir l'amendement no 1894 .
La première signataire en est ma collègue Anne-France Brunet, dont la circonscription abrite la centrale à charbon de Cordemais, qui, à l'instar de celles du Havre, de Gardanne et de Saint-Avold, fermera à la fin de l'année 2022, en application de l'article 3 du projet de loi relatif à l'énergie et au climat.
La centrale de Cordemais accueille actuellement une expérimentation intéressante menée par EDF, baptisée « écocombust », qui consiste à valoriser des déchets de bois vert et de bois de récupération – à ce stade, on ne sait rien faire d'autre que de les enfouir ou de les exporter en Allemagne, où ils sont valorisés. Il s'agit de transformer des déchets ligneux – on peut penser par exemple aux résidus de l'Office national des forêts ou aux déchets issus de la construction des palettes en bois – en combustible, par vapocraquage. Ce procédé permet d'élargir la production de biomasse-énergie sans prélever de ressources dans l'écosystème.
L'amendement vise à étendre à ces déchets du bois l'exonération de TGAP dont bénéficient déjà les combustibles solides de récupération, les CSR.
Je voudrais remercier les auteurs de l'amendement, qui m'ont appris un nouveau mot : « vapocraquage ». Je ne connaissais pas cette technique, mais en me renseignant, je me suis aperçu qu'il s'agissait d'un procédé pétrochimique, appelé steam explosion en anglais, « explosion à la vapeur ».
La valorisation des déchets de bois a bien évidemment sa place dans le paysage de la valorisation mais rien ne justifie qu'elle soit exonérée de TGAP. Avis défavorable.
C'est une demande de retrait même si la question est très pertinente. Nous serions tout à fait disposés à examiner la problématique afin d'y apporter une solution mais la rédaction que vous proposez pose de lourds problèmes sur le plan juridique. Comme vous le savez, la valorisation énergétique n'est jamais complètement exemptée, de manière à privilégier les solutions de recyclage. Une exonération totale est donc en soi un problème.
D'autre part – et nous abordons là des problématiques chères au rapporteur général ! – , la limitation à certains modes de production – le vapocraquage – et à certaines matières premières – les matières ligneuses – ne nous semble pas justifiée. La promotion des combustibles solides de récupération, un des éléments figurant dans le contrat stratégique de la filière déchets, nous paraît cependant tout à fait intéressante et nous vous proposons d'y travailler d'ici la prochaine lecture.
L'amendement no 1894 est retiré.
Je suis saisi de six amendements, nos 316 , 640 , 1008 , 79 , 638 et 1009 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 316 , 640 et 1008 ainsi que 79, 638 et 1009 sont identiques.
L'amendement no 316 de M. Guy Bricout est défendu.
Il en est de même de l'amendement no 640 de Mme Marie-Christine Dalloz.
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1008 .
Il est injuste de taxer les collectivités locales, qui ne sont en rien responsables de la mise en circulation des produits qui ne sont concernés par aucune filière de recyclage. L'amendement de notre collègue Pancher vise donc à accorder aux collectivités une franchise de TGAP correspondant à cette part de déchets résiduels inévitables.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement no 638 .
La parole est à M. Michel Castellani, pour soutenir l'amendement no 1009 .
Avis défavorable. Un tel dispositif favoriserait des solutions d'élimination moins écologiques.
Avis également défavorable pour les mêmes raisons.
Cet amendement vise à exonérer totalement de la taxe générale sur les activités polluantes les unités de valorisation énergétique, UVE, atteignant les critères d'efficacité énergétique européens leur donnant le statut de valorisation et non d'élimination.
L'un des objectifs de la feuille de route pour une économie circulaire est de développer une tarification incitative dans le but de réduire la production de déchets, de favoriser le recyclage et de rendre l'incinération à haute valeur énergétique moins coûteuse que le stockage. L'augmentation de TGAP, si elle s'appliquait à ces activités, ne répondrait donc pas à ces objectifs d'économie circulaire. En effet, elle pénaliserait la valorisation énergétique de déchets qui, pour une part importante, ne peuvent être recyclés.
C'est également un avis défavorable. La valorisation énergétique des déchets fait l'objet d'un traitement fiscal avantageux depuis la loi de finances pour 2019, afin précisément de rendre l'incinération à haute valeur énergétique moins coûteuse que le stockage, comme vous en exprimez le souhait dans l'exposé sommaire de votre amendement, mais aller au-delà rendrait cette valorisation énergétique moins onéreuse que le recyclage. Or L'objectif est que le recyclage soit la solution la moins onéreuse, avant l'incinération à haute valeur énergétique et enfin l'enfouissement : c'est cette hiérarchie que nous souhaitons préserver.
Alors qu'aujourd'hui, les UVE ne paient pas de TGAP, la trajectoire prévue va pénaliser les syndicats qui ont consenti les plus gros investissements en matière de traitement des ordures ménagères. Pour eux, c'est la double peine. Ainsi, sur mon territoire, nous avons mis en place un UVE à 100 millions d'euros pour atteindre les objectifs européens, mais chaque année, nous devrons payer plus de 1 million d'euros au titre de la TGAP, alors que les autres systèmes de traitement des ordures ménagères ne verront pas leur TGAP évoluer.
L'amendement no 624 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1194 .
La transformation de produits agricoles par déshydratation est mise en oeuvre sur une quarantaine de sites en France. Luzerne, pulpes de betterave, maïs et bien d'autres fourrages sont séchés en flamme directe, selon les meilleures techniques disponibles reconnues par l'Union européenne en application de la directive sur les émissions industrielles. Cette filière a fait des efforts très importants en la matière puisqu'elle a réduit ses émissions de 54 % depuis 2005. Cette dynamique se poursuit au travers de projets de recherche dédiés, tandis que les poussières restantes sont essentiellement issues des produits déshydratés, broyés puis pressés sous forme de balles ou de granulés.
Pourtant, sur la seule période allant de 2012 à 2017, la TGAP appliquée sur ses rejets atmosphériques s'est accrue, mes chers collègues, de plus de 200 %. Le triplement de certains taux et l'élargissement de l'assiette à de nouvelles substances ont effacé le résultat des efforts réalisés, bien qu'ils soient reconnus au plus haut niveau européen. L'application d'un référentiel unique pénalise lourdement les installations pour lesquelles le séchage est réalisé par contact entre l'air chaud et les produits agricoles, de sorte à favoriser une meilleure efficacité énergétique.
Aujourd'hui, la filière ne conteste pas l'application de la TGAP mais le niveau de taxation doit retrouver celui de 2012. Pour y contribuer, cet amendement propose d'exclure de la composante « émissions dans l'air » de la TGAP les émissions issues de produits agricoles déshydratés et de n'y considérer que les particules liées aux activités de combustion.
Je suis défavorable à votre proposition d'exonérer de TGAP ce procédé de déshydratation par combustion parce qu'il pollue par formation de goudrons à partir de charbon, de lignite et de bois, les émissions liées à la combustion dépendant des équipements utilisés.
L'avis est également défavorable. L'objet de la TGAP est de faire contribuer les opérateurs en proportion de leurs émissions polluantes. Or les poussières en suspension issues des activités de séchage des produits agricoles n'engendrent pas moins de pollution que les poussières émises à l'occasion d'autres activités. Vous savez par ailleurs que l'article 67 de la loi de finances initiale pour 2019 prévoit des mesures de soutien via le tarif de la taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité, la TICFE.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, vous faites l'hypothèse que les quarante unités concernées fonctionnent toutes au charbon, si j'ai bien compris l'argument de notre rapporteur général.
Or tout cela a énormément changé. Ils se sont adaptés, au point de réduire leurs émissions de moitié – et s'il existait des technologies de substitution leur permettant de faire mieux, ils les utiliseraient. En tout état de cause, ils utilisent les meilleures technologies qui existent en la matière – les services ont vérifié ce point. Il faut donc les encourager au lieu de les décourager comme c'est le cas actuellement puisqu'en cinq ans, l'augmentation de la TGAP a annulé l'essentiel des économies réalisées au travers de la réduction des émissions. En outre, il s'agit d'une filière fragile et qui présente un grand intérêt pour l'élevage français.
L'amendement no 1194 n'est pas adopté.
Restant dans la même logique, nous proposons par cet amendement une réfaction de TGAP pour les collectivités qui sont parvenues à atteindre l'objectif de réduction du stockage défini par le Gouvernement, soit la réduction de la moitié des déchets stockés par rapport à 2010. Il s'agit d'éviter de sanctionner les collectivités qui ont fait des efforts.
Nous avions déjà examiné ces amendements l'an dernier. Nous avions finalement abouti à un délicat équilibre entre la définition des taux de TGAP et la réduction de la TVA sur le recyclage. Je suis défavorable à toute remise en cause de cet équilibre.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1128 .
C'est une variante de mon amendement précédent relatif aux usines de déshydratation – d'ailleurs je ne comprends pas pourquoi ils n'ont pas été examinés ensemble. Il s'agit d'exclure de la composante « émissions dans l'air » de la TGAP les émissions issues de produits agricoles déshydratés de particules dont le diamètre est supérieur à 10 microns.
Je profite de l'occasion pour compléter la réponse que j'avais apportée à propos de l'amendement no 1194 . Je sais bien que ces usines ont globalement réduit leur consommation de charbon, mais si certaines d'entre elles sont vertueuses, d'autres ne le sont pas du tout. L'avis est donc défavorable pour les mêmes raisons.
L'amendement no 1128 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Afin de lutter contre l'émission de gaz à effet de serre et favoriser l'utilisation des énergies renouvelables dans les transports, la loi de finances pour 2005 a créé un prélèvement de la TGAP sur certains carburants d'origine fossile. Cette taxe est devenue la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants, TIRIB, à la suite de la loi de finances pour 2019. Elle est prévue à l'article 266 quindecies du code des douanes. Mais ce mécanisme fiscal, qui prévoit l'incorporation de biocarburants dans l'essence et le gazole, ne s'applique pas au kérosène utilisé dans le transport aérien. Pendant longtemps, on nous a expliqué que les techniques d'incorporation de biocarburants dans le kérosène n'étaient pas au point. Or ce n'est plus vrai.
Dans un contexte d'urgence environnementale et climatique, eu égard au CO2 émis par l'aviation et à la nécessité que ce secteur prenne toute sa part à la lutte contre le réchauffement, l'objectif du présent amendement est d'inclure les produits énergétiques destinés à la navigation aérienne dans le mécanisme de la TIRIB, afin d'encourager l'incorporation d'énergie renouvelable. Comme je suis un homme très raisonnable, je propose un taux faible mais progressif, comme nous l'avions fait il y a quinze ans en instaurant un supplément de TGAP destiné spécifiquement à favoriser l'oxygénation des carburants, devenu TIRIB depuis.
Il vise également à accompagner le « verdissement » du kérosène utilisé par le secteur aérien, participant d'une volonté globale de favoriser l'incorporation de biocarburants dans l'ensemble des usages de carburants. À cet égard, il sera important qu'ensemble, nous définissions une stratégie relative aux biocarburants.
L'idée qui sous-tend ce dispositif est intéressante, mais elle s'articule mal avec la TIRIB, qui n'est que le fruit de la transposition du droit européen. Peut-être ces amendements sont-ils quelque peu prématurés par rapport à l'évolution de la filière. Je demande donc leur retrait ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je partage l'avis du rapporteur général. Je suis néanmoins consciente que l'incorporation de biocarburants dans les carburants aéronautiques est un sujet émergent qui pourrait offrir des perspectives intéressantes. La ministre de la transition écologique et solidaire travaille d'ailleurs à l'élaboration d'une feuille de route précise consacrée aux biocarburants aéronautiques, dans le but de structurer une filière de carburants alternatifs et de tracer une trajectoire de déploiement. Un premier objectif pourrait être fixé à 2 % de biocarburants en 2025. L'ensemble des outils juridiques pouvant concourir à cet objectif seront étudiés, notamment une taxe incitant à l'incorporation de biocarburants.
En d'autres termes, vous avez raison un peu trop tôt. Votre préoccupation est parfaitement justifiée, et nous souhaitons y travailler.
Mieux vaut être précoce s'agissant d'un tel sujet. Nous avons d'ailleurs eu le même débat, hier soir, au sujet du superéthanol employé par les automobiles.
Le Brexit entrera en vigueur à la fin du mois, dans des conditions encore incertaines. Or, comme nous le confiaient hier les professionnels de la filière betteravière, 15 % de l'éthanol produit en France est exporté en Grande-Bretagne. Demain, en cas de Brexit dur, la filière n'aura peut-être plus la possibilité d'exporter cet éthanol.
L'amendement soumis par Lise Magnier et Charles de Courson offre non seulement des perspectives à la filière, mais favorise également une solution énergétique vertueuse pour l'aviation. Sachez que la filière betteravière est en profonde souffrance : des sucreries ferment en Picardie, en Normandie ou encore dans le Loiret, subissant de plein fouet la chute des cours du sucre et de la betterave. C'est le moment de lui donner des signes positifs.
Je salue votre ouverture, madame la secrétaire d'État et monsieur le rapporteur général, puisque vous jugez notre proposition intéressante. Ne croyez pas, madame la secrétaire d'État, qu'elle ne puisse pas être déployée rapidement, avant l'échéance de 2025 que vous vous fixez. Lise Magnier et moi-même préconisons l'incorporation de 0,5 % de biocaburants supplémentaires chaque année, ce qui est parfaitement raisonnable et techniquement faisable.
Comme vous l'avez laissé entendre, les transporteurs aériens sont parfaitement conscients qu'ils doivent faire des efforts. Plutôt que d'interdire le transport aérien, comme le suggèrent certains – ne rêvons pas, chers collègues, soyons réalistes et pragmatiques ! – , seriez-vous prête à retravailler avec nous ces amendements, afin de trouver une solution ? Ne tardons pas ! Nous avons eu un débat du même ordre concernant l'application de la taxe générale sur les activités polluantes aux véhicules terrestres, et les mêmes réticences nous ont été exposées en leur temps. Pourtant, la France est parvenue à fixer un objectif de 7 % d'incorporation d'éthanol dans l'essence, solution qui présente l'avantage d'être compatible avec les dispositions européennes.
Madame la secrétaire d'État, seriez-vous prête à retravailler ces amendements avec nous, afin de les rendre opérationnels ?
La filière est en phase de développement, mais supporte un surcoût important lié à l'incorporation de biocarburants. Si nous souhaitons accompagner sa croissance, nous devons lui apporter une aide fiscale venant limiter ce surcoût. En la matière, nous avons les moyens d'instaurer une fiscalité écologique qui ne soit pas punitive, mais véritablement incitative. Même si la filière n'en est qu'à ses prémices, envoyons-lui un signal positif.
Il vise à préciser les conditions de mise en oeuvre de la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants dans le carburant. Le mécanisme fiscal de cette taxe prévoit que son taux diminue à due proportion des quantités d'énergie renouvelable incorporées dans les carburants. Toutefois, la nature des biocarburants concernés n'est pas précisée. Notre amendement comble cette lacune, en signalant que les biocarburants éligibles doivent respecter les exigences de qualité prévues par la réglementation et faire l'objet de contrôles réguliers.
Cet amendement contribue à la stratégie nationale de lutte contre la déforestation, puisqu'il évite l'utilisation de biocarburants issus de produits forestiers ou agricoles non durables. Il exclut d'accorder une prime à l'incorporation de n'importe quel biocarburant, qui serait par exemple produit avec de l'huile de palme dans un pays éloigné.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1186 .
En 2005, avec quelques collègues qui ne sont plus parmi nous aujourd'hui, je fus à l'origine de l'ancêtre de la TIRIB. Or ce dispositif fait l'objet de détournements et est appliqué à des produits de piètre qualité.
Mon amendement vise à permettre aux services de douane de s'assurer que les biocarburants qui bénéficient de la TIRIB respectent les critères de qualité prévus par la réglementation et font l'objet de contrôles réguliers, systématiques, fiables et à l'épreuve de la fraude, en vue de garantir le respect des exigences de durabilité et de qualité. Tout manquement à ces conditions serait sanctionné d'une amende de 3 700 euros. L'amendement contribue ainsi à la stratégie nationale de lutte contre la déforestation, en évitant l'utilisation de biocarburants issus de produits forestiers ou agricoles non durables.
Ces amendements sont déjà satisfaits, puisque les exigences que vous citez figurent dans les directives européennes CASI et RED II, et ont été transposées dans le code des douanes français. Je demande donc leur retrait.
Aujourd'hui déjà, cet avantage fiscal n'est accordé que lorsqu'il est établi que sur l'ensemble de son cycle de production et de consommation, le biocarburant permet de diminuer les émissions de CO2 par rapport au produit fossile. Le seuil s'appliquant en la matière est régulièrement revu à la hausse – il est de - 50 % en 2018. Les critères de réduction de la TIRIB interdisent que le biocarburant soit produit à partir de matières premières issues de certaines terres : terres de grande valeur au regard de la biodiversité, terres présentant un important stock de carbone et terres ayant le caractère de tourbières. Ces critères sont de surcroît adossés à un dispositif de certification exigeant, imposé à l'ensemble des opérateurs à l'échelle européenne. À ces exigences s'ajoutent des dispositifs nationaux d'accréditation des unités de production, en particulier lorsque des possibilités de fraude se présentent – je pense notamment aux huiles de cuisson usagées – ou en cas d'avantages fiscaux majorés pour les matières premières dites avancées ou de deuxième génération. Il me semble donc que vos amendements sont satisfaits, et je vous propose de les retirer.
Madame la secrétaire d'État, la profession elle-même nous a signalé qu'en l'état actuel du droit, les services de douane, chargés de contrôler le respect des règles de qualité, étaient quelque peu démunis. Nous n'avons pas inventé ces difficultés. Mon amendement n'a d'autre objectif que de renforcer les pouvoirs de la douane. Vous estimez que les services de douane disposent déjà de ces pouvoirs, mais les sanctions qu'ils prononcent sont-elles à la hauteur des profits qu'en tirent les contrevenants ? D'après nos informations, les contrôles effectués par vos services ne sont pas assez fréquents. Si vous nous assurez que vous renforcerez les contrôles de la qualité des produits et que vous sanctionnerez effectivement les manquements, mon collègue et moi-même pourrions retirer nos amendements. Avez-vous eu des remontées de vos services en la matière ?
Nos amendements imposent aux biocarburants éligibles à la réduction de TIRIB de répondre à une exigence de durabilité. Aujourd'hui, cette exigence n'est pas clairement expliquée, ce qui explique que les services, de leur propre aveu, se trouvent démunis.
Monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, vous avez demandé la parole.
Je me permets en effet de m'exprimer, puisque madame la secrétaire d'État m'y autorise, s'agissant de la direction générale des douanes et droits indirects. Je note que MM. Molac et de Courson ne partagent pas exactement les mêmes arguments : l'un juge les contrôles insuffisamment fréquents, tandis que l'autre estime que les services de contrôle manquent de moyens. Quoi qu'il en soit, je vous invite tous deux à vous rendre dans le service de douane de votre choix pour considérer la situation sur place et sur pièces. La direction générale des douanes et droits indirects répondra favorablement à vos demandes. Nous aurons alors l'occasion de reparler de ces amendements d'ici à la deuxième lecture du projet de loi.
Par cet amendement, nous proposons une modification du code des douanes relative à l'importation de soja. La production mondiale du soja a décuplé en quelques décennies, avec des conséquences environnementales catastrophiques – sans même parler des conséquences sociales. Ainsi l'élevage de boeuf et la production de soja ont-ils conduit à détruire des dizaines de millions d'hectares de forêt, pour les convertir en pâturages et en terres cultivées. Tout comme l'huile de palme, le soja ne doit plus être considéré comme un biocarburant ni être subventionné à ce titre.
Je suis conscient que nous devons tous gérer des contradictions. En l'occurrence, il s'agit de mettre en balance notre besoin de carburant renouvelable et la destruction catastrophique d'écosystèmes et de la faune sauvage.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir l'amendement no 2484 .
Les politiques volontaristes d'intégration des agrocarburants dans les carburants destinés au transport sont aujourd'hui très discutées, notamment pour leur impact sur les paysans du Sud. Elles ont fortement incité les pays en développement à investir dans des plantations à partir desquelles sont produits des agrocarburants, avec d'autant plus de succès que le prix du baril augmente.
Il apparaît cependant de plus en plus clair que les agrocarburants de la première génération, comme l'huile de colza, l'huile de palme ou l'huile de soja, qui sont fortement consommateurs de terres arables, menacent la production alimentaire et présentent des risques écologiques évidents. Nous en avons eu l'illustration avec les incendies qui ont ravagé l'Amazonie il y a quelques mois, et qui ont en grande partie été causés par la déforestation en vue de la culture du soja.
Si notre dépendance au soja tient essentiellement à ses propriétés nutritives et à son utilisation comme nourriture pour les animaux d'élevage, son utilisation comme biodiesel est désormais autorisée par l'Union européenne. Ce dont je parle donc ici, c'est du soja qui sera demain importé des États-Unis. L'ouverture des frontières européennes au soja américain en vue de la production d'agrocarburants est un contresens tant écologique qu'économique. Cela portera un grave préjudice aux producteurs de colza.
En conséquence, nous proposons, à travers cet amendement, d'exclure explicitement l'huile de soja des incitations fiscales concernant les carburants, au même titre que ce qui a été fait pour l'huile de palme – dont le Gouvernement avait autorisé l'importation par Total de quelque 300 000 tonnes par an, et cela en dépit des conséquences économiques et écologiques d'une telle décision.
Une remarque pour commencer. Si la quasi-totalité du soja que nous consommons est bien d'origine étrangère, elle est importée, non pas des États-Unis, mais d'Argentine et de Bulgarie.
Si nous l'interdisions ou si nous l'évacuions de l'assiette de la TIRIB, nous nous exposerions de la part de l'Argentine soit à une procédure devant l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, ce qui, dans le contexte actuel, ferait problème, soit à des mesures de rétorsion douanière, ce qui ne serait guère mieux. Quant à la Bulgarie, elle engagerait certainement une procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne.
D'autre part, la part du soja importé est extrêmement marginale – moins de 5 % – dans l'élaboration du biogazole. De surcroît, elle sert de variable d'ajustement aux assujettis français à la TIRIB.
Même avis. Le mécanisme actuel permet déjà de garantir que seuls soient incorporés des biocarburants produits dans des conditions durables. Il a été instauré en tenant compte des dispositions de la directive du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables. De ce fait, il ne tient compte que de l'énergie contenue dans les biocarburants qui sont renouvelables, ce qui suppose que lesdits biocarburants remplissent les critères de durabilité que j'ai énumérés tout à l'heure. Votre demande est donc en quelque sorte déjà satisfaite.
Je souhaite réagir aux explications de Mme la secrétaire d'État et de M. le rapporteur général.
Notre collègue Dufrègne pose une question de fond : voulons-nous ou non que notre pays importe des ingrédients pour biocarburants issus de cultures dédiées et à l'aide de méthodes très discutables ? Ce qui se passe à l'intérieur de nos frontières pourrait susciter un débat similaire, du fait, par exemple, que certaines surfaces sont dédiées à « l'alimentation » des méthaniseurs. Ce débat de fond, si nous ne l'avons pas à l'occasion de l'examen de ces amendements, il faudra bien que nous l'ayons un jour, car cela risque d'avoir des conséquences très importantes sur l'aménagement du territoire et sur l'agriculture.
M. le rapporteur général estime qu'il s'agit d'une question marginale. Pourtant, il est dit dans l'exposé sommaire de l'amendement présenté par M. Castellani que cela concerne 24 millions d'hectares de forêts et de prairies : c'est presque la totalité de la surface agricole française !
Je considère pour ma part que ces deux amendements non seulement ne traitent pas de questions marginales, mais qu'ils sont au contraire très importants.
J'eusse aimé, madame la secrétaire d'État, que vous vous montriez plus sensible à ces enjeux dans votre réponse. Que le soja soit produit dans ces conditions, notamment lorsqu'il provient du Brésil, cela interpelle les citoyens et cela interpelle aussi les élus que nous sommes. Sachant qu'il nous remonte des ronds-points et du mouvement des gilets jaunes que le Président de la République, le Gouvernement et les parlementaires ne sont pas assez sensibles aux questions environnementales, je m'étonne de la nature des réponses apportées, voire des objections faites ! Je crois que nous serions bien inspirés, nous autres députés, d'adopter ces amendements.
Je le répète : il s'agit de 24 millions d'hectares de forêts et de prairies, soit la quasi-totalité de la surface agricole française, qui est la plus importante d'Europe.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.
M. Viala a raison : cela mériterait un débat de fond.
Les réponses qui m'ont été faites sont éloquentes – mais ce n'est pas la première fois cet après-midi. Quel aveu d'impuissance pour les chantres de l'écologie que vous voudriez nous faire croire que vous êtes !
« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1131 .
Il s'agit d'un petit amendement, qui a trait aux effluents d'huileries de palme et rafle.
Ces effluents, vous le savez, sont très nuisibles et ont, comme l'on dit chez les pédants, de fortes externalités négatives – qui sont même pires que celles du tallol et du brai de tallol, c'est-à-dire des acides gras. Or ces deux derniers sont soumis au seuil de 0,6 % pour la TIRIB. Je propose de faire de même pour les effluents d'huileries de palme et rafle.
Ce « petit amendement », vous l'aviez déjà déposé l'an dernier, monsieur de Courson…
Sourires.
J'en vois fort bien l'objectif, puisqu'il a un aspect très protectionniste, dans la mesure où le tallol provient presque exclusivement de Scandinavie.
Cela étant, je ne suis pas certain qu'il faille déséquilibrer davantage la filière française des biocarburants, dont certaines branches doivent déjà se restructurer par suite de la suppression dans la dernière loi de finances de l'avantage fiscal accordé à l'huile de palme.
Avis défavorable.
Ce dont il est ici question, c'est du recours aux effluents d'huileries de palme. C'est à distinguer de l'utilisation de l'huile de palme elle-même.
Or, pour l'heure, le recours aux effluents d'huileries de palme et rafle est préférable pour l'environnement que l'utilisation des biocarburants agricoles traditionnels. Il serait absurde de réduire cet avantage fiscal. Si nous sommes tous attachés à la transition écologique et énergétique, essayons d'adopter une fiscalité conforme à l'impact environnemental de chacune des matières dont nous parlons. Avis défavorable.
Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire.
L'année dernière, je crois, nous avions décidé de soumettre le tallol et le brai de tallol au seuil de 0,6 %. M. le rapporteur général souligne qu'ils sont importés – certes, mais cela aggrave leur cas !
D'autre part, pour mesurer les externalités de l'utilisation d'un produit, madame la secrétaire d'État, plusieurs facteurs sont à prendre en considération : il ne suffit pas de regarder les émissions. Votre argument consiste à dire que c'est moins pire – mais ce n'est pas très bon non plus. Pourquoi soumettre les uns au seuil de 0,6 %, et pas les autres ? Voilà la question.
L'amendement no 1131 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2181 .
Cet amendement a pour objet d'encourager la sortie d'un modèle agro-industriel dont on voit aujourd'hui les limites et l'impasse dans laquelle il conduit tout le monde, en raison de la mauvaise qualité des produits qui en sont issus et de l'absence de reconnaissance du travail des agriculteurs.
Dans cette optique, il est primordial de taxer les externalités négatives des engrais de synthèse, et c'est pourquoi cet amendement vise à instaurer une taxe différenciée applicable au 1er janvier 2021 à hauteur de 27 centimes par kilo d'engrais acquis.
On sait que l'utilisation intensive des engrais azotés a des effets écologiques dévastateurs. Alors que la première stratégie nationale bas carbone prévoyait une réduction de 30 kilogrammes par hectare de l'utilisation des engrais synthétiques sur les terres agricoles entre 2010 et 2035, la consommation totale n'a cessé d'augmenter. Entre 2007 et 2017, on constate un accroissement de leur usage, qui est passé de 81,6 kilogrammes à 83,9 kilogrammes d'azote par hectare.
L'utilisation d'engrais azotés engendre un recours aux énergies fossiles pour leur production, donc des émissions de protoxyde d'azote, dont le pouvoir réchauffant est 265 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone.
Il semble donc nécessaire d'inciter les agriculteurs à sortir des engrais azotés, d'autant qu'il est tout à fait possible de remplacer ceux-ci par des cultures intermédiaires de légumineuses, lesquelles fixent l'azote. Cela permettrait, de surcroît, de mettre fin au lien de dépendance des agriculteurs envers le marché des engrais azotés.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Si je comprends votre intention, monsieur Prud'homme, en réalité l'influence du prix de l'engrais azoté sur son utilisation est extrêmement faible. D'ailleurs, il n'y a eu aucun renversement de tendance dans les pays qui l'ont soumis à une taxe. Il serait plus efficace, je crois, d'accompagner la recherche sur des engrais plus respectueux de l'environnement. Avis défavorable.
Avis défavorable, d'autant plus que le Gouvernement a déjà étendu le principe du pollueur-payeur au travers du durcissement du régime de la redevance pour pollutions diffuses dans le cadre de la loi de finances pour 2019.
Si cela n'a pas d'effet, monsieur le rapporteur général, c'est bien que la redevance pour pollutions diffuses n'est pas assez élevée ! Ce serait aussi un signal plus fort que nous enverrions. La question est de savoir quel modèle nous voulons promouvoir.
Quant à nous répondre qu'il faut que la recherche trouve des solutions pour remplacer les engrais azotés… La recherche, ce qu'elle dit aujourd'hui, et de manière unanime, c'est que les légumineuses et les cultures intermédiaires qui fixent l'azote sont une réponse possible – et cette réponse serait non seulement agronomique, mais aussi économique : ce serait autant de moins que les agriculteurs prendraient sur leur marge d'exploitation, ce qui leur permettrait de bénéficier enfin d'une rémunération juste, à la hauteur de leur travail.
S'agissant d'une mesure qui a été prise l'année dernière dans le cadre du projet de loi de finances, il me semble difficile d'en connaître l'effet, alors que l'année budgétaire n'est même pas terminée !
L'amendement no 2181 n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 2180 .
Le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux, le CGAAER, le Conseil général de l'environnement et du développement durable, le CGEDD, et l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, ont mis en avant le danger sanitaire que pouvaient représenter certaines substances actives de pesticides.
D'autre part, le Gouvernement s'est engagé à interdire le glyphosate dans un délai de trois ans, sans que cela soit pour autant inscrit dans la loi.
Une sortie des pesticides jugés préoccupants est impérative. L'accompagnement vers l'arrêt de l'usage de ces substances passe nécessairement par un taux de redevance dissuasif. Le produit de cette redevance permettrait d'abonder les fonds d'accompagnement vers un modèle plus vertueux et vers la fin de la dépendance des agriculteurs envers l'industrie chimique, ainsi que des programmes de recherche publique. Il est en effet urgent de sortir des pesticides, tant pour les agriculteurs, qui en sont les premières victimes, que pour notre environnement et pour nous tous.
L'avis du Gouvernement est également défavorable, car votre amendement conduirait à moins taxer des produits polluants. Vous proposez de porter à 8 euros par kilogramme le taux de redevance pour pollutions diffuses applicable aux substances actives jugées préoccupantes ; il se trouve que depuis la loi de finances pour 2019, ce taux est situé entre 9 et 14 euros le kilo. Votre amendement est donc satisfait depuis un an.
L'amendement no 2180 n'est pas adopté.
Nous produisons 360 millions de tonnes de plastique chaque année ; et chaque minute, on estime que 80 à 120 tonnes de déchets finissent en mer, en raison du très faible taux de recyclage de cette matière. Plutôt que de taxer aveuglément les gestionnaires des déchets – qui ne sont finalement pas responsables de leur caractère non recyclable – ou, pire encore, les citoyens qui utilisent ces produits, nous proposons, en application du principe « pollueur-payeur » consacré par la Charte de l'environnement, d'inciter les industriels à la conversion et à la transition écologique en mettant en place une éco-contribution sur les produits plastiques manufacturés, qui sont extrêmement nocifs.
Je rappelle qu'aux termes de l'article L 541-10 du code de l'environnement, « il peut être fait obligation aux producteurs, importateurs et aux distributeurs de ces produits [… ] de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent. »
Pour mémoire, les produits plastiques à usage unique seront interdits à partir du 1er janvier 2020, ce qui est bien le plus important. Par ailleurs, le coût de la mesure que vous proposez serait répercuté sur le consommateur.
Je demande le retrait de l'amendement ; à défaut, l'avis de la commission serait défavorable.
J'ajoute que le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire contient toute une série de propositions sur ce sujet.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
S'investir dans ce texte, actuellement soumis au Parlement, constitue la meilleure réponse à votre préoccupation, d'ailleurs tout à fait légitime. Avis défavorable.
L'amendement no 2178 n'est pas adopté.
Cet amendement vise à instaurer un titre-carburant sur le modèle du titre-restaurant. Quand un salarié payé au SMIC fait 25 kilomètres à l'aller, et autant au retour, entre son domicile et son travail, il consomme chaque année en moyenne un mois de salaire en carburant. L'objectif de cet amendement d'appel est donc de prendre en considération la situation des territoires ruraux, où de nombreux salariés doivent couvrir une distance importante pour se rendre à leur travail. Le modèle du titre-restaurant a fait la preuve de son efficacité : nous pourrions l'étendre au carburant.
La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement no 69 .
Comme l'a fort bien dit mon collègue, il s'agit d'apporter une réponse concrète à ceux qui n'ont pas d'autre solution que d'utiliser leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail. Cette mesure vise à soutenir le pouvoir d'achat dans un contexte de retour à la hausse du prix des carburants.
Je suis évidemment sensible à cet amendement d'appel, mais je ne peux y donner un avis favorable. Tout d'abord, la tentative du gouvernement Villepin de mettre en place un « chèque transport » s'est soldée par un échec.
Ensuite, il existe des dispositifs permettant, dans certaines limites, la prise en charge des frais de carburant par l'employeur, le cas échéant au titre des frais professionnels.
En outre, la logique de cet amendement voudrait que les entreprises puissent déduire leurs contributions de leur versement transport : compte tenu du manque à gagner qui en résulterait pour les collectivités territoriales, l'avis est défavorable, même si la question mérite d'être posée dans un cadre différent.
La dernière loi de finances a mis en place une mesure visant à exonérer, dans la limite de 240 euros par an, les aides aux transports versées par les collectivités territoriales et Pôle emploi. C'est un élément de réponse concret à la préoccupation qui fonde ces amendements. Avis défavorable.
Je soutiendrai ces amendements : le chèque transport, dans les Hauts-de-France, ça marche.
C'est moi qui l'ai institué !
C'est vrai ! Une telle disposition suit la même logique que le chèque énergie : faire en sorte que les factures d'énergie n'absorbent pas tout le pouvoir d'achat. Or de telles mesures de soutien doivent tenir compte des caractéristiques des territoires. Ici, il s'agit des zones où l'absence de transports en commun oblige à prendre sa voiture pour se rendre au travail. Et lors de l'examen de la deuxième partie du projet de loi, je proposerai un amendement tendant à tenir compte du climat – dans le nord, on consomme beaucoup plus en chauffage que dans le sud. Les aides doivent en effet être différenciées pour que chaque Français dispose du même reste à vivre.
J'ai bien entendu la réponse de Mme la secrétaire d'État, mais le montant qu'elle avance est sans commune mesure avec ce que représente la facture de carburant pour une personne qui doit se rendre quatre ou cinq jours par semaine à son travail. Le problème reste entier : c'est un véritable sujet de mobilité.
Nous essayons de maintenir une certaine cohérence dans la fiscalité écologique. Monsieur Bricout, vous comparez le chèque transport au chèque énergie, mais on ne peut pas les mettre sur le même plan : l'un subventionne de la pollution, l'autre non. Rejoignez-nous plutôt sur l'adoption de dispositifs tels que la prime à la conversion.
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas d'aides à la mobilité ; mais cette discussion est un marronnier : nous l'avons déjà eue l'an dernier, et je ne crois toujours pas cette année que le titre carburant soit la bonne solution pour aider les Français.
Cet amendement propose d'étendre l'application du dispositif de suramortissement aux véhicules qui utilisent exclusivement du B100, et de reconnaître ce biocarburant comme énergie 100 % renouvelable. Il concourrait ainsi à une fiscalité lisible, cohérente, non discriminatoire, puisqu'il instaurerait une égalité de traitement entre toutes les filières dites « durables ». En effet, le carburant ED95, le gaz naturel, le biométhane carburant et l'hydrogène sont éligibles à ce dispositif : il serait donc important d'y inclure le B100.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1188 .
Notre collègue Lise Magnier a tout dit : nous demandons que toutes ces énergies renouvelables soient traitées de la même façon, c'est-à-dire qu'elles bénéficient toutes du suramortissement. L'an dernier, nous avons oublié d'inclure le B100 dans la liste ; c'est une erreur qu'il convient de réparer.
L'amendement no 2294 de Mme Véronique Louwagie est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Ces amendements ont été adoptés par la commission lorsque celle-ci s'est réunie au titre de l'article 88 du règlement. Le B100 est en effet, à mes yeux, le pendant de l'ED95, qui bénéficie déjà du suramortissement. Une telle mesure serait donc cohérente.
Avis défavorable pour ces amendements, car l'adjonction du biodiesel B100 est impossible à contrôler : il peut être très facilement remplacé par du diesel. Nous ne souhaitons pas modifier l'équilibre résultant des aménagements que nous avons décidés en 2018. Sur ce point, je ne vais donc pas vous suivre, monsieur le rapporteur général.
Excusez-moi, madame la secrétaire d'État, mais je ne comprends pas du tout votre argument. L'objection que vous soulevez pourrait tout aussi bien concerner la filière bio-éthanol, à laquelle nous avons pourtant décidé, l'an dernier, d'accorder le même avantage.
En revanche, je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le propos du rapporteur général. Il serait favorable aux amendements s'ils étaient présentés en deuxième partie ?
Ces amendements ont été adoptés en article 88 ; la commission des finances y est donc favorable.
Dans le prolongement de la proposition de mes collègues Damien Abad et Vincent Descoeur d'instituer un titre-carburant, et dans un contexte de renchérissement de l'essence et du gazole, cet amendement tend à améliorer le pouvoir d'achat de ceux – ils représentent 80 % des Français – pour qui la voiture est le seul moyen de se déplacer au quotidien, qu'il s'agisse d'aller travailler, étudier ou se soigner.
Dans ce but, nous proposons deux dispositifs fiscaux : un crédit d'impôt versé aux actifs vivant dans les zones peu denses – facilement identifiables par le code postal de la commune où ils résident ; et un crédit d'impôt sous condition de ressources pour ceux qui achètent un véhicule propre.
Même avis.
Pour répondre à M. Saint-Martin, le titre-carburant n'est pas une mesure écologique, mais d'une mesure d'acceptabilité sociale pour les habitants de zones rurales qui n'ont d'autre choix que de prendre leur voiture. Elle n'exclut pas des mesures d'accompagnement visant à favoriser l'usage de moyens de transport alternatifs.
En effet, ce n'est pas l'écologie qui est ici en cause, quoique mon collègue ait pris soin de prévoir un crédit d'impôt destiné aux acquéreurs de véhicules propre. La question est celle du travail et de la valeur travail. Aujourd'hui, les petites entreprises, artisanales ou industrielles, qui recrutent à des salaires proches du SMIC, voient beaucoup de chômeurs refuser leurs offres d'emploi parce que l'entreprise est trop loin de chez eux : au SMIC, ils n'y gagneraient pas.
Si vous voulez agrandir l'écart entre ce que rapporte un emploi et le revenu que l'on peut percevoir en restant chez soi, vous devez penser au cas des gens qui doivent obligatoirement, inévitablement, se rendre au travail en voiture. Cet aspect de la question ne peut être ignoré. Je ne me fais pas d'illusions quant à l'issue du vote sur cet amendement, mais je vous assure, madame la secrétaire d'État, monsieur le ministre, que vous devriez intégrer son contenu à votre réflexion, car la reprise de l'activité dans nos territoires est indissociable de cette problématique.
L'amendement no 48 n'est pas adopté.
L'amendement no 285 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'assujettissement à la TVA des taxes sur les carburants et l'électricité est souvent mal compris par nos concitoyens. Lorsque j'ai soulevé la question, on m'a expliqué que cela résultait d'une directive européenne. Cette réponse ne peut évidemment pas satisfaire les Français.
L'amendement no 106 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, pour soutenir l'amendement no 1747 .
Par cet amendement d'appel, je souhaite soulever la question de la refonte de la fiscalité verte. Nos débats le montrent, nous ne parvenons pas à trouver un système juste ; les dispositifs sont très compliqués, font l'objet de multiples exceptions et mesures de compensation. Il faudrait donc revoir tout cela. Nos concitoyens, tout comme les entreprises d'ailleurs, ont le sentiment de subir un système parfaitement injuste et extrêmement punitif.
Nous avons à financer un plan de réduction des émissions de carbone, qui soit à la fois détaillé, précis, de transition et progressif. Nous avons pris des engagements. Il faut que le prix du carbone soit réactualisé et valorisé. Nous savons donc combien il nous faudra investir pour remplir notre objectif en matière d'émission de carbone.
Sortons du débat impossible sur la fiscalité telle qu'elle existe aujourd'hui et intégrons une « part verte » dans les grands impôts français. Je pense en particulier à la TVA, ce qui permettrait de faire contribuer les importations, qui ont un contenu en carbone. Je pense aussi, éventuellement, à l'impôt sur le revenu.
Tous ces impôts comportent des mécanismes propres de justice sociale, contrairement à la fiscalité verte telle qu'elle est construite aujourd'hui, qui repose essentiellement sur la TICPE. C'est bien ce que lui ont reproché la plupart de nos concitoyens et ce qui la rend totalement inacceptable à leurs yeux.
Le taux d'effort énergétique est de 4,5 % pour les 20 % les plus riches ; il est de 16 % pour les 20 % les plus pauvres ! Et les mécanismes de compensation tels que le chèque énergie réduisent très peu cet écart.
Nous devons réfléchir autrement. Le Gouvernement doit présenter un plan, discuté largement avec la société civile, afin d'indiquer clairement ce que la France aura besoin d'investir dans les années qui viennent pour respecter ses engagements en matière d'émission de carbone. Il devra préciser également le coût de ce plan et la part qui pourra être prise en charge par les acteurs privés, notamment les entreprises. En ce qui concerne le coût public, il devra exposer la façon de le financer, à iso-fiscalité, car il ne s'agit pas d'augmenter la fiscalité. Nous devons considérer qu'il y a une « priorité verte » et l'asseoir sur l'ensemble des grands impôts français.
Monsieur le président de la commission des finances, votre amendement s'inscrit dans la réflexion sur le verdissement fiscal. Vous proposez un basculement des assiettes traditionnelles vers la fiscalité environnementale. L'idée est intéressante, même si le dispositif est limité aux seules émissions de dioxyde de carbone.
J'ai bien compris qu'il s'agissait d'un amendement d'appel pour nous inciter à revoir notre logique. Cependant, avant d'engager un tel bouleversement de l'architecture fiscale, il convient d'attendre, selon moi, que la convention citoyenne pour le climat se soit prononcée. Puisque cette instance a été créée par le Président de la République et le Gouvernement, laissons la parole aux citoyens. Vos propositions trouveront ensuite toute leur place dans le débat.
Je vous suggère de retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je demande également le retrait de l'amendement.
Personne ne peut être opposé à l'idée de donner de la visibilité à notre trajectoire en la matière, en présentant de manière compréhensible et complète les efforts que nous faisons en faveur de la transition écologique et énergétique, et en mettant en regard les dispositifs d'incitation et les mécanismes de taxation des activités polluantes.
Vous le savez mieux que moi, monsieur le président Woerth, le mécanisme que vous proposez vise à affecter une recette à une dépense, ce qui n'est pas possible en théorie. Mais je comprends bien qu'il s'agit d'un amendement d'appel.
Deux éléments sont susceptibles de répondre à votre préoccupation.
Tout d'abord, le Gouvernement fait des efforts pour présenter un « budget vert », indiquant l'impact, positif ou négatif, des mesures au regard de la transition écologique et énergétique. Nous avons certainement encore beaucoup de progrès à faire en la matière.
Ensuite, la convention citoyenne pour le climat répond à votre souhait d'associer les Français à la discussion sur la manière de financer la transition écologique. La contribution des ménages les plus modestes fait partie des thèmes abordés. L'écologie ne doit pas être punitive, mais accompagnée. Tel est bien l'enjeu de la démarche qui vient d'être lancée.
Le président de la commission des finances l'a souligné à juste titre : il s'agit d'un amendement d'appel. Nous vous proposons une réflexion, et une réflexion approfondie. Travailler sur la fiscalité écologique petits bouts par petits bouts, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, soulève d'énormes difficultés, chacun en convient.
La crise des gilets jaunes est née du signal prix. Il faut tenir compte des réalités économiques : certains territoires ont été particulièrement touchés par la progression de la TICPE.
Le rapporteur général l'a rappelé, la fiscalité verte repose aujourd'hui essentiellement sur la taxation carbone – n'oublions pas ce qui s'est passé ces dernières années. Or la taxation carbone est basée uniquement sur les émissions nationales ; on ne tient absolument pas compte des importations de dioxyde de carbone. Il faut prendre en considération cette réalité également.
Pour ces différentes raisons, le groupe Les Républicains, sous l'impulsion du président de la commission des finances, a formulé une proposition concrète. On nous reproche pourtant de ne jamais en faire !
Notre proposition est facile à mettre en oeuvre : il s'agit d'instituer une « part verte » dans chacun des grands impôts, ce qui sera neutre pour le contribuable, mais garantira un véritable fléchage. J'ai eu l'occasion d'en discuter à plusieurs reprises avec des membres de la majorité : en réalité, il n'existe pas de fléchage actuellement, puisque la fiscalité verte alimente le budget général. Or comment pouvons-nous donner de la crédibilité aux mesures environnementales si nous ne sommes pas capables de flécher la fiscalité verte sur ces mesures ?
Il s'agit d'un amendement de bon sens. Nous proposons une réflexion d'ensemble. Nous sommes force de proposition, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics !
Je souhaite non pas me prononcer sur le fond de l'amendement, mais réagir à la réponse du rapporteur, qui recommande d'attendre la convention citoyenne pour le climat. Je ne suis pas d'accord !
J'ai exprimé d'emblée ma sympathie pour cette initiative : on tire au sort 150 personnes, on les enferme ensemble, et on espère qu'à la fin, de la fumée verte sortira et que des mesures seront adoptées, par le Parlement, par référendum ou par la voie réglementaire.
J'ai aussi dit d'emblée qu'une telle initiative ne pouvait pas servir d'excuse pour repousser de six mois les mesures écologiques. Ce n'est pas possible ! Une fois cette convention terminée, on invoquera les municipales, et on attendra encore et encore.
Sur le terrain écologique, l'action ne doit pas éternellement être reportée. En l'occurrence, elle ne doit pas l'être à la fin de la convention citoyenne.
Il est en effet intéressant de mieux identifier, dans le budget de l'État, les sommes allouées à la transition écologique. C'est pour cette raison que nous avons proposé de créer un « budget vert », pour présenter de manière groupée toutes les actions en faveur de la transition écologique, notamment celles de l'État.
Je ne peux pas laisser dire que seule la TICPE finance la transition écologique. Les différents ministères et agences mènent de multiples actions en ce sens. Cette année, mon collègue Hervé Pellois et moi-même avons par exemple analysé le budget des agences de l'eau. Il existe un grand nombre de services et d'actions de l'État en faveur de la transition écologique déjà financés par le budget de l'État.
Mettre en réserve 2 % des recettes de TVA sans disposer réellement de programmes identifiés, alors que nous sommes précisément en train de mettre en place le budget vert, ce serait mettre la charrue avant les boeufs.
Je m'étonne qu'un scrutin public ait été demandé sur un amendement d'appel. La mesure proposée ne serait pas efficace et ne pourrait pas être mise en oeuvre dans le projet de loi de finances pour 2020.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Prenons le temps de faire les choses. Identifions d'abord les dépenses et construisons notre budget vert. On pourra ensuite, le cas échéant, flécher les recettes de cette manière.
Permettez-moi d'ajouter quelques mots, car il n'est pas facile d'exposer un tel amendement en deux minutes.
Je suis tout à fait favorable au budget vert, tout comme, je le pense, mes collègues du groupe Les Républicains. L'organisation d'une convention citoyenne est également une très bonne chose. Je n'ai de problème ni avec l'un ni avec l'autre, bien au contraire. Mais je suis aussi favorable à ce que la majorité, de temps en temps, discute avec l'opposition.
C'est, au fond, l'une des règles de base de la démocratie.
Nous sommes à bout de souffle dans le domaine de la fiscalité verte, nous le voyons bien, qu'il s'agisse de la manière de l'organiser ou de sa perception, tant physique que psychologique. Nous devons donc changer d'approche.
Tout le débat a porté jusqu'à présent sur la réduction d'un certain nombre de niches. Je ne suis pas opposé à ce que l'on réduise les niches, mais nous n'allons pas limiter la fiscalité verte à cette dimension ! La question n'est pas là du tout ; elle est beaucoup plus large. La question est de savoir comment nous faisons pour disposer de ressources suffisantes pour financer le coût de la transition énergétique sans conséquence sociale. Quand on met les gens dans des impasses technologiques et financières, tôt ou tard, cela explose, comme au mois de novembre dernier.
D'ailleurs, il n'y a plus de trajectoire carbone ! Qui peut dire aujourd'hui où en est cette trajectoire qui devait permettre de financer une partie de votre plan de transition écologique ? Elle n'existe plus !
Or on ne peut pas financer ce plan uniquement par des réductions de niches fiscales mises bout à bout. Il ne suffira pas de taxer le gazole non routier ou le carburant des avions !
Par ailleurs, la fiscalité ne peut pas tout régler. D'autres l'ont d'ailleurs dit avant moi. On doit utiliser aussi l'outil normatif pour interdire progressivement certains usages à partir du moment où des solutions technologiques de remplacement existent.
Enfin, si l'on considère que notre priorité est de financer la transition écologique – nous pouvons tous en convenir – , alors il faut réduire les autres dépenses. Dès lors, on pourra utiliser les impôts tels qu'ils sont construits aujourd'hui…
… pour financer cette transition, tout en respectant une forme de justice sociale.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 77
Majorité absolue 39
Pour l'adoption 28
Contre 49
L'amendement no 1747 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l'amendement no 2176 .
Une nouvelle mode, bien sinistre, s'est emparée des publicitaires : exposer les produits sur des écrans numériques. Ce phénomène montre l'absurdité de la société de consommation : elle ne détruit pas seulement la possibilité de notre existence par le gaspillage immense d'énergie ; elle détériore également nos vies.
S'agissant du gaspillage, pas besoin de démonstration. Alors que l'utilité de la publicité est elle-même sujette à caution, le fait de la numériser et de fournir de l'énergie pour la faire défiler devant les passants pressés est nécessairement une idée aussi bête que dangereuse pour quiconque s'intéresse à l'écologie.
Construire une société à partir des impératifs écologiques, c'est aussi, et même surtout, vivre mieux. Ces écrans qui sont partout présents à Paris et se répandent sur tout le territoire sont une agression massive – je pèse mes mots. Ils sollicitent l'attention permanente de nos concitoyens, alors qu'ils n'ont rien demandé.
Le capitalisme et la société de consommation ne détruisent pas seulement les sols, notre santé ou le vivant qui nous entoure. Les écrans numériques, comme d'autres mécanismes, nous crient d'acheter en permanence. Pour cette société hostile aux êtres humains, nous sommes des machines à acheter, prêtes à être stimulées par la publicité.
Je vais vous le dire en contenant la colère qui me saisit face à ce genre de délire de l'économie actuelle : être traités comme des cerveaux à vendre, ça suffit ! Nous sommes des êtres d'imagination, de contemplation, de rêve ; nous sommes des êtres de culture. Au lieu d'être interrompus dans notre réflexion par un panneau hideux et désagréable, mieux vaut regarder un passant, l'ami qui nous accompagne, le fleuve, les rares horizons que les grandes villes présentent parfois à notre vue, un bâtiment qui porte sur lui les années ou les traces du génie humain.
Bref, nous devons pouvoir poser sur le monde un regard contemplatif ; nous avons le droit de rêver, de vivre en harmonie avec ce qui nous entoure, de former nos projets au cours de promenades qui ne soient pas appesanties par le désagrément de publicités bien trop souvent dégradantes.
Il existe déjà des taxes sur les dépenses de publicité, dont l'une est spécifiquement dédiée aux enseignes et publicités extérieures, quel que soit leur support.
Certes, elle dépend de l'initiative des collectivités locales, ce qui est peut-être un défaut à vos yeux.
Je n'aime pas plus que vous ce genre de publicité agressive, et, comme maire, j'ai naturellement mis cette taxe en oeuvre, m'étant assuré que les supports publicitaires de type électronique étaient bien inclus dans son assiette.
Cela étant, je vous le dis très honnêtement : s'il fallait modifier cette assiette, ce qui concernerait plutôt la seconde partie du projet de loi de finances, je serais de ceux qui n'y seraient pas défavorables. Toutefois, à ce stade, sur cet amendement portant sur la première partie, mon avis est défavorable.
Il est défavorable également. Cela dit, je partage l'esprit d'ouverture du rapporteur général : voyons s'il est possible de faire quelque chose d'intelligent à ce sujet.
Soyons clairs : ici, nous demandons l'instauration d'une taxe ; mais l'objectif, c'est d'obtenir l'interdiction des écrans publicitaires.
Pourquoi ? À cause de la dépense d'énergie induite, évidemment : un écran publicitaire lumineux de deux mètres carrés consomme autant qu'un couple pendant un an ! Comment comprendre que l'on dise qu'il faut réduire la consommation d'énergie tout en continuant d'autoriser cette gabegie ?
Tout dépend, en outre, du modèle de société que l'on veut défendre. C'est d'une bataille de l'imaginaire qu'il s'agit. Il paraît que nous voyons chaque jour le logo d'environ cinq mille marques – à commencer par celle de mon stylo Bic ou de ma paire de chaussures… Cinq mille ! C'est évidemment une manière d'entraver notre imaginaire. Or le combat pour la société de demain, le combat écologique, est avant tout un combat de l'imaginaire.
Est-ce consommer toujours plus qui va faire notre bonheur ? Il s'agit de redéfinir le bonheur, la réussite. Est-ce que la réussite, c'est d'avoir une Rolex à 50 ans ? La publicité, par son hyperprésence, détermine la réponse à ces questions et dicte le modèle, selon ce que Thorstein Veblen, sociologue américain de la fin du XIXe siècle, appelle la rivalité ostentatoire, c'est-à-dire le désir de toujours s'élever – keep up with the Joneses, comme on dit en anglais, autrement dit « rester à la hauteur des Durand ».
C'est avec cela qu'il faut rompre : le bonheur ne doit plus être déterminé par l'achat de l'iPhone 7, 8, 9, 10, 11, mais par le principe « moins de biens, plus de liens ». Rompons avec l'idéal consumériste dont la publicité est porteuse en permanence.
Mme Mathilde Panot applaudit.
L'amendement no 2176 n'est pas adopté.
Il a pour but de rétablir la justice dans le secteur du commerce. Celui-ci représente 3,5 millions d'emplois, aujourd'hui menacés : le taux de vacance en centre-ville est de 12 % en moyenne et atteint 20 % dans certaines communes ; ces difficultés s'étendent désormais aux grandes surfaces, où l'on assiste à une multiplication des plans sociaux.
L'une des causes en est l'émergence de l'e-commerce sous l'égide des géants du numérique. Ces derniers ne contribuent pas comme ils le devraient au financement des services publics dont ils bénéficient par ailleurs, la fiscalité actuelle étant fondée sur des critères auxquels ils échappent : le foncier, qui ne concerne que les magasins physiques, et les bénéfices, qui sont délocalisables.
Par ailleurs, les livraisons à domicile produisent du suremballage et les déchets qui en résultent sont collectés grâce aux impôts payés par les commerçants physiques.
Voilà pourquoi je propose que soit instaurée une écoparticipation sur les colis livrés à domicile. Il semble logique, en effet, que l'e-commerce participe financièrement au confort de service que représente ce mode de livraison.
L'écoparticipation, juste du point de vue de la concurrence comme de l'environnement, ne concernerait que la livraison à domicile dans les communes de plus de 20 000 habitants. Ainsi, les consommateurs résidant en zone rurale ne seraient pas concernés, non plus que le consommateur urbain, qui pourrait se faire livrer dans un bureau de poste ou dans un point relais.
J'adosse à la mesure un abattement de 5 % sur la base d'imposition de la taxe foncière pour les commerces physiques. Les seuils et les taux ont été calculés de sorte que la disposition soit neutre du point de vue budgétaire.
Je vous invite à défendre également l'amendement no 2830 , monsieur Potterie.
Il est du même ordre que le précédent, à ceci près que l'abattement y est de 10 % pour les commerces dont la surface est inférieure à 400 mètres carrés. Il cible ainsi plus spécifiquement les commerces de centre-ville.
Il s'agit d'un débat de société que nous avons déjà abordé, notamment dans le cadre de la loi dite PACTE, relative à la croissance et à la transformation des entreprises : comment rétablir l'équité fiscale et territoriale entre tous les acteurs du commerce ? D'un côté, les commerçants physiques, ayant pignon sur rue et sur lesquels pèsent toutes les charges afférentes ; de l'autre, les géants du numérique, moins taxés – vaste débat, qui n'est pas clos – et plus émetteurs de dioxyde de carbone, du fait, bien sûr, de la multiplication des livraisons dans le cadre de l'e-commerce, mais également des fermes de serveurs.
Aux termes de cet amendement, les livraisons faisant suite à une commande sur internet seraient assujetties à une écocontribution. Deux cas d'exonération sont prévus : le retrait du colis dans un point physique, qui évite une livraison superflue ; les livraisons dans les communes de moins de 20 000 habitants, là où le maillage par les points relais est souvent le moins dense.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 862 .
On constate aujourd'hui une iniquité fiscale et commerciale entre les géants du numérique et les commerces physiques.
Au niveau national, vous nous avez proposé, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, de corriger cette iniquité par la taxe sur les services numériques, la TSN. Mais le phénomène existe également au niveau local, où seuls les commerces physiques et les habitants paient des taxes locales alors que les géants du numérique en sont dispensés et ne contribuent donc pas au financement des infrastructures du territoire.
Nous proposons par conséquent de taxer les livraisons et de permettre ainsi aux collectivités de réduire le niveau des impôts et taxes prélevés sur les commerces et les habitants. L'idée est de faire payer moins les commerces physiques et de faire participer les géants du numérique.
Les livraisons dans les communes de moins de 20 000 habitants seraient exonérées de taxe ; c'est une nouveauté par rapport à l'amendement similaire que j'avais défendu l'année dernière.
Surtout, il s'agit non pas d'un impôt supplémentaire, mais d'un impôt de substitution qui, je le répète, permettrait aux collectivités de baisser les impôts locaux. Le sujet mérite une vraie réflexion.
L'équité fiscale entre commerces physiques et commerces en ligne est un sujet important et complexe, que nous avons commencé d'évoquer voici quelque temps.
Les amendements en discussion posent plusieurs problèmes.
D'abord, la taxe est due par le consommateur. Par principe, je n'y suis guère favorable, même si l'objectif est que le commerce en ligne paie les mêmes impôts que le commerce physique.
Par ailleurs, si le seuil de 20 000 habitants est en effet une nouveauté par rapport à ce qui était proposé l'an dernier, vous constaterez en allant faire un tour dans certaines villes en déprise – notamment dans le centre de la France, que je connais bien – que nombre de commerces physiques en ont disparu. En outre, je ne suis pas certain que la distinction entre communes de plus et de moins de 20 000 habitants serait juridiquement validée sans difficulté.
Je rappelle que le texte actuel inclut déjà tout un « paquet » de mesures relatives au commerce en ligne et à la TVA, qui sont favorables à l'équité fiscale.
Enfin, en étudiant, notamment au moment où nous avons discuté de la TSN, cette question qui me tient à coeur autant qu'à vous, j'ai observé que de nombreux petits artisans et petites entreprises ne disposant pas de magasins physiques ni de distributeurs agréés, à cause du coût que cela représente, utilisent ces services en ligne ; ceux-ci ne sont donc pas réservés à Amazon et autres géants du numérique. Il convient d'examiner ce point de très près.
Je me tourne à présent vers Mme la secrétaire d'État. L'an dernier, lors de l'examen du projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques, nous avons voté un amendement de Gilles Carrez et moi-même demandant au Gouvernement de produire un rapport sur la fiscalité des différentes formes d'entreprises du commerce. Ce rapport nous aiderait à y voir plus clair et à nous garder des fausses bonnes idées, car si je partage entièrement les intentions qui ont présidé aux amendements en discussion, j'ai quelques doutes quant à leurs effets de bord.
Je demande donc le retrait des amendements, et je demande également avec insistance au Gouvernement de nous fournir les éléments requis.
Vous le savez, j'ai lancé vendredi dernier une stratégie nationale pour l'artisanat et le commerce de proximité ; la question du maintien du commerce physique en zone rurale, mais également dans des zones en déprise, est essentielle aux yeux du Gouvernement. C'est précisément au nom du principe d'équité fiscale que nous avons proposé et fait voter grâce à votre concours, dans un délai très réduit, la fameuse taxe sur les services numériques, laquelle vise bien les grosses plateformes.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, nous vous devons un rapport. Bonne nouvelle : il est maintenant en relecture.
Sourires.
Non, il est en cours de relecture par nos services et nous vous le remettrons dès qu'il sera finalisé. Il en ressort que 80 % des 150 000 sites d'e-commerce correspondent à de très petites entreprises ou à des petites et moyennes entreprises. Ne nous trompons donc pas de cible.
Si je comprends tout à fait votre questionnement, et si j'approuve la nécessité d'un rééquilibrage entre commerce physique et commerce numérique, il faut également accompagner la transformation numérique des TPE et PME, et leur permettre d'accéder à la commercialisation numérique pour qu'elles puissent mettre en avant leur offre sans dépendre de sites de marché ou de plateformes qui prélèvent des fractions significatives de leur chiffre d'affaires. Soyons donc prudents quant aux mécanismes que nous instaurons, et attendons le rapport pour voir ce qu'il est possible de faire – même si je suis d'accord pour considérer qu'une baisse de la taxation des enseignes physiques serait probablement utile.
Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
En réservant aux amendements une issue favorable, nous enverrions un message positif et ferions preuve de cohérence, compte tenu de notre politique d'aménagement des centres-villes – je songe aux mesures que nous avons prises dans le cadre du programme action coeur de ville et du plan ruralité. Si nous cherchons à promouvoir et revitaliser les centres-bourgs, il serait logique d'adopter une disposition fiscale favorable à leurs commerces. D'autant que, comme cela a été dit, les relais colis peuvent servir de points d'appui aux e-commerces qui souhaitent proposer une livraison au plus près des habitants.
En outre, je tiens à vous alerter, mes chers collègues, sur la question du suremballage, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y en a un quand on se fait livrer à domicile et que la gestion de ces déchets est financée par la fiscalité, payée par des personnes physiques qui existent bel et bien, elles, dans les territoires.
J'ai reçu huit demandes de prise de parole. Je donnerai suite aux trois premières, celles de M. Naegelen, de M. Bricout et de Mme Louwagie. Ensuite, nous passerons au vote.
La parole est à M. Christophe Naegelen.
Ces amendements soulèvent vraiment le problème de ce qu'on appelle le commerce « en dur », c'est-à-dire celui qui se pratique entre quatre murs, le commerce de proximité, par rapport au commerce numérique.
Pour répondre à Mme la secrétaire d'État, s'il y avait moins d'injustice fiscale entre ces deux types de commerce, on aurait tendance à rouvrir plus de commerces de proximité dans des territoires qui n'en ont plus aujourd'hui. C'est en ce sens qu'il faut voir le problème.
J'entends dire que, comme il n'y a plus de commerce dans les villages, il ne faudrait pas trop taxer ceux qui peuvent se permettre de commander des colis, alors que c'est l'inverse : taxons au contraire ces entreprises du commerce numérique qui ne supportent pas, elles, toutes les charges qui pèsent sur les commerçants physiques. Si nous le faisons, le commerce de proximité redeviendra plus attractif, on recréera les emplois perdus et de la proximité entre les commerçants et les habitants.
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à ces amendements, qui visent à réduire l'iniquité fiscale constatée entre les acteurs du numérique et le petit commerce. Il s'agit notamment de soutenir le petit commerce, qui anime les petites villes. Ses grandes difficultés sont liées souvent au pouvoir d'achat des chalands, bien sûr au développement de l'e-commerce, et parfois au siphonnage du marché par la grande distribution.
Elles apparaissent en particulier lorsqu'il n'y a pas de lien entre le chiffre d'affaires et les charges à payer, y compris fiscales : quand la taxe locale ou les loyers sont disproportionnés par rapport au chiffre d'affaires, cela crée un déséquilibre économique pour ces petits commerces. Dans le cadre des contrats de ruralité et des mesures du plan national action coeur de ville, le Gouvernement devrait soutenir ces petits commerces en remettant en question les taxes et autres charges dépourvues de lien avec leur chiffre d'affaires, car c'est cela qui pose vraiment des problèmes.
Je me réjouis de ce débat. L'année passée, nous avions été quelques-uns à soutenir un amendement similaire, mais la discussion ne s'était pas déroulée de la même manière. Je constate que chacun ici fait état des difficultés existantes et admet qu'il y a un problème. J'entends bien, monsieur le rapporteur général, qu'il est difficile de faire payer le consommateur et que le seuil retenu de 20 000 habitants est discutable, mais vous reconnaissez vous-même qu'il faut trouver des solutions.
Madame la secrétaire d'État, vous avez évoqué les PME et les artisans qui recourent à l'e-commerce, et il est vrai que le sujet est complexe. C'est pourquoi mes collègues et moi-même sommes impatients de recevoir le rapport demandé. Vous avez indiqué que 80 % des 150 000 sites d'e-commerce correspondaient à des entreprises de petite taille. Précisons toutefois qu'Amazon détient 20 % du marché de l'e-commerce.
Mme Cattelot a mentionné un autre élément, qui ne figure pas dans l'exposé sommaire de nos amendements : le suremballage.
Il entraîne en effet des dépenses supplémentaires, aujourd'hui à la charge des acteurs locaux.
Madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur général, nous sommes prêts à retirer nos amendements, sous réserve que nous soyons associés à tous les travaux qui suivront la remise du rapport. Il ne faudra pas se contenter de ce rapport ; nous devrons travailler pour être prêts à l'échéance du prochain projet de loi de finances.
Rappel au règlement
Peut-être est-ce dû au nouveau règlement, monsieur le président – vous me l'expliquerez sans doute bien volontiers – , mais la limitation à une prise de parole par groupe pose des difficultés lorsqu'il y a une pluralité d'opinions, ce qui arrive aussi au sein du groupe majoritaire.
Cela arrive régulièrement, et c'est très bien ainsi.
Je vous demande de bien vouloir en tenir compte, monsieur le président, et d'autoriser le cas échéant l'intervention de deux orateurs du même groupe, une fois que les amendements ont été présentés et que la commission et le Gouvernement ont donné leur avis. À défaut, nous n'aurons qu'une seule vision des amendements, ce qui est vraiment problématique lors de débats aussi importants que celui-ci, les arguments formulés par les uns et les autres étant tout à fait pertinents.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous rassure, monsieur Saint-Martin : cela n'a rien à voir avec le nouveau règlement, qui n'a fait que confirmer l'usage en précisant qu'étaient entendus, après l'un des auteurs de l'amendement, les commissions saisies et le Gouvernement, « deux orateurs, dont un au moins d'opinion contraire » – alors que la rédaction précédente ne prévoyait qu'« un orateur d'opinion contraire ».
Mouvements divers.
Je crois que l'Assemblée est suffisamment éclairée sur les amendements en discussion.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Après l'article 16 (amendements appelés par priorité)
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous dites, monsieur le rapporteur général, que ces amendements créeraient une taxe nouvelle pour le consommateur. En réalité, on lui laisse le choix : soit il se fait livrer à domicile, et il est alors assujetti à la taxe sur la livraison ; soit il va chercher son colis dans un point relais. C'est la même logique que lorsqu'il se rend en voiture en centre-ville : soit il choisit de se garer à proximité des commerces, et il paie alors le stationnement ; soit il se gare gratuitement un peu plus loin.
Il vise à instaurer une réfaction de la TGAP pour les collectivités qui atteindraient l'objectif, fixé par la loi, de division par deux de la quantité de déchets stockés. Il s'agit d'encourager les collectivités les plus vertueuses.
Il s'agit en effet, comme l'a dit mon collègue, de récompenser les collectivités vertueuses, tout en encourageant celles qui ne le sont pas encore.
Je tiens à rassurer l'ensemble des signataires de ces amendements : la vertu est bel et bien récompensée, puisque sont prévus, depuis l'an dernier, des taux extrêmement réduits de TGAP pour les collectivités territoriales vertueuses. La vertu étant respectée – et vos amendements ne prévoyant pas de châtiment dans le cas contraire – , l'avis est défavorable.
Défavorable.
Je voudrais tout de même rappeler que la TGAP s'inscrit dans une trajectoire à la hausse. Et n'oublions pas que, si ce sont bien évidemment les collectivités qui l'acquittent, elles sont forcées de la répercuter sur le montant global des taxes locales payées par nos concitoyens. Toute proposition visant à réduire le poids de la TGAP est donc aussi bénéfique pour ceux qui acquittent la redevance ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères.
S'inscrivant dans la philosophie de notre groupe, qui consiste à essayer de créer une fiscalité écologique incitative plutôt que punitive, ces amendements tendent à inverser la situation actuelle, à savoir que le plastique neuf coûte aujourd'hui moins cher que le plastique recyclé.
En 2016, le taux de recyclage des emballages plastiques était de 26,2 % en France contre 40,8 % en moyenne dans le reste de l'Union européenne, alors même que notre pays bénéficie d'une industrie du recyclage développée et attractive. Je rappelle que la France s'est engagée à atteindre un taux de 100 % de plastiques recyclés en 2025 et que l'industrie du recyclage n'utilise actuellement que 350 000 tonnes de déchets en plastique sur les 3,5 millions de tonnes que nous produisons chaque année.
Ces amendements, qui viennent en soutien à la future loi de lutte contre le gaspillage, visent à instaurer un mécanisme financier pour atteindre le taux fixé pour 2025. Hormis l'amendement no 509 , ils s'inspirent d'une taxe environnementale norvégienne et s'inscrivent dans la suite logique du système de bonus-malus voulu par le Gouvernement afin d'inciter les fabricants à intégrer davantage de matière recyclée dans les emballages plastiques. Cette taxe, imputée sur le prix de vente des produits ayant un emballage plastique, serait dégressive en fonction du pourcentage d'incorporation de matière plastique recyclée dans ledit emballage : le taux serait de 10 % lorsqu'il contient moins de 25 % de matière recyclée, et baisserait à due proportion de l'augmentation du pourcentage d'incorporation, à partir de 25 % de matière recyclée.
Cette taxe permettrait en outre de valoriser les produits et les industriels qui font l'effort de participer au recyclage du plastique – celui-ci est un véritable fléau pour notre environnement – et permettrait de créer les débouchés nécessaires à la filière de recyclage des différents plastiques utilisés dans notre pays.
On ne peut qu'être d'accord sur l'objectif qui est le vôtre, ma chère collègue : lutter contre ce fléau qu'est le plastique. Toutefois, au vu des différents barèmes que vous proposez, cette taxe serait tout de même, in fine, répercutée sur le consommateur, …
… notamment à travers le prix de vente d'un certain nombre de produits de première nécessité, ce qui m'inquiète le plus.
On a vu tout à l'heure que, pour des raisons extra-nationales, il nous est difficile de parvenir à taxer les grands pollueurs tels que les navires de croisière ou les avions, et nous créerions une taxe qui pèserait entièrement sur le consommateur, qui n'est en rien responsable de l'emballage de ce qu'il achète, surtout lorsqu'il s'agit de produits de première nécessité.
En matière de fiscalité environnementale, on ne peut évacuer la notion d'acceptabilité. À cet égard, même si vos amendements partent d'une très bonne intention, je pense que leur acceptabilité poserait problème. Mon avis est donc défavorable.
Cet article est important pour nous, au groupe MODEM, parce qu'il va permettre de concrétiser la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu au profit des ménages. Ainsi, notre majorité baissera vraiment les impôts.
En même temps, puisque c'est la tradition, nous présenterons un certain nombre d'amendements pour améliorer cette mesure tout en respectant évidemment l'enveloppe des 5 milliards. Nos amendements s'ancrent dans une nécessité de justice fiscale. Nous proposerons que les deux dernières tranches de revenus les plus élevés ne soient pas indexées, afin de permettre davantage de recettes, mais aussi, en parallèle, que le quotient familial soit augmenté, d'une demi-part.
Nous souhaitons aller plus loin encore, en accroissant la progressivité de l'impôt sur le revenu. Pour ce faire, nous proposons – grâce à l'outil LexImpact, qui nous fut extrêmement précieux – de passer de cinq à dix tranches d'imposition, afin de créer davantage de progressivité et d'alléger la fiscalité de la classe moyenne et des familles.
Voilà résumées en quelques mots les raisons pour lesquelles nous sommes à ce point heureux d'entamer l'examen de l'article 2, ainsi que nos propositions pour l'améliorer et le rendre plus juste.
Je me réjouis que nous attaquions enfin l'article 2, après les heures interminables consacrées à l'article 16 et aux amendements portant article additionnel après l'article 16.
L'examen de cet article me donne l'occasion d'évoquer, de façon plus générale, les prélèvements obligatoires. Si ces derniers sont certes plus élevés en France qu'ailleurs, cela ne signifie pas pour autant que l'on y paye trop d'impôts. En contrepartie de ce taux élevé de prélèvement, nous bénéficions en effet d'une protection sociale et de services publics parmi les plus développés au monde. Je prendrai un seul exemple : aux États-Unis, les ménages sont contraints d'épargner, voire d'emprunter, pour financer les études supérieures de leurs enfants, se soigner ou payer leurs retraites. Il s'agit donc de choisir la société nous voulons.
Les gilets jaunes ne nous ont d'ailleurs pas dit autre chose à l'automne dernier : plus qu'un ras-le-bol fiscal, c'est un rejet de l'injustice fiscale qu'ils ont exprimé, et c'est le manque criant de services publics qu'ils ont dénoncé.
Entre 2000 et 2009, la part de nos impôts progressifs a baissé, avant de repartir à la hausse de 2010 à 2016, puis de diminuer à nouveau à partir de 2017. Un impôt juste est un impôt compris par tous, qui suscite l'adhésion ; c'est, selon moi, un impôt progressif. La France en compte peu : l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune – qui a été supprimé – et les droits de succession. Ces quelques impôts sont relativement simples à comprendre : plus vous gagnez, plus vous contribuez ; moins vous gagnez, moins vous contribuez.
À l'évolution négative de l'impôt sur le revenu pendant ces dernières années se sont ajoutés des exonérations, des allégements et une multitude de niches fiscales, qui rendent ce système injuste, mais surtout opaque et illisible. Dans le même temps, les impôts non progressifs ont connu une perpétuelle hausse. Il ne faut pas, dès lors, s'étonner des événements que l'on a connus.
Je plaide donc – vous l'aurez compris – pour une mise à plat de notre fiscalité. Il convient de privilégier les impôts progressifs comme l'impôt sur le revenu, …
… lequel, malgré ses imperfections – qui tiennent notamment à sa complexité – , est un impôt juste. Je regrette d'ailleurs que le travail que nous avions entamé avec M. Mattei se soit arrêté en si bon chemin.
Lorsque l'on consulte l'excellente étude de l'Institut des politiques publiques, l'IPP, on constate qu'en réalité, la part des impôts redistributifs en France n'a cessé de décroître depuis 1987. Nous nous trouvions alors en plein coeur de la contre-révolution libérale menée par Margaret Thatcher et consorts ; partout dans le monde, la part des impôts redistributifs a baissé, et les inégalités ont augmenté. Rien de surprenant, me direz-vous : la diminution de la part redistributive de l'impôt mène naturellement à une augmentation des inégalités. Ce fut justement l'une des grandes leçons de cette contre-révolution libérale.
Vous proposez aujourd'hui de continuer dans cette direction, en diminuant l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros. Je rappelle que cette baisse se traduira par 5 milliards de dépenses publiques en moins – puisque, selon votre doxa, le déficit ne peut pas dépasser 3 % du PIB – , donc par moins d'aides et de contributions de l'État, et par moins de services publics aux populations, notamment à celles qui en ont le plus besoin.
En outre, vous touchez au seul impôt qui permet de redistribuer. Vous auriez pu agir sur la TVA ou les impôts les plus injustes, mais non ! Vous touchez l'impôt qui, par excellence, continue – tant bien que mal et de manière de plus en plus réduite – à redistribuer. En réalité, si on vous laisse faire, vous allez supprimer progressivement l'impôt sur le revenu, qui, aujourd'hui, pèse 2,5 fois moins que la TVA dans les recettes fiscales du pays.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposerons bien évidemment à l'article 2, et nous vous proposerons des amendements rectificatifs visant à redonner, au contraire, toute sa dimension redistributive à l'impôt sur le revenu, y compris en revenant aux quatorze tranches qui prévalaient jusqu'en 1987. En effet, le nombre de tranches a diminué corollairement à la baisse du poids de l'impôt sur le revenu.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Incontestablement, la mesure prévue à l'article 2 diminuera l'impôt d'une part non négligeable de foyers aux revenus modestes et moyens. Toutefois, il convient de ne pas s'en tenir à un simple exercice de communication et de soulever plusieurs interrogations.
La première porte sur le financement de cette mesure. Le Gouvernement se refuse à réaliser de véritables économies sur les niches fiscales et autres dispositifs pro-business – ISF, IS, etc. En réalité, ce qui est donné d'une main est repris de l'autre, par des économies sur les aides personnalisées au logement – APL – , sur l'assurance chômage ou sur les services publics, qui se dégradent. L'exécutif s'adonne au jeu de bonneteau que nous connaissons depuis 2017.
Ma deuxième observation concerne les bénéficiaires de la mesure. Dès lors que nous ne disposons pas de tableau de répartition par décile, nous risquons d'acheter un âne dans un sac – pour reprendre une expression auvergnate – , c'est-à-dire de nous prononcer sans savoir exactement qui bénéficiera de cette mesure. Le cadrage de l'article, par exemple, montre qu'un célibataire percevant 6 500 euros net par mois bénéficierait d'une baisse d'impôts ; on va là bien au-delà des classes moyennes.
Se pose enfin la question de l'avenir de l'impôt sur le revenu. L'exécutif se refuse à financer cette baisse d'impôt par la création de nouvelles tranches ou par l'augmentation – que nous proposerons – du taux de la tranche marginale, actuellement fixé à 45 %. Diminuer la première tranche sans renforcer les suivantes revient à affaiblir un outil qui, parce qu'il est progressif, fait partie des plus justes de notre système fiscal. Comme Christine Pires Beaune et Éric Coquerel l'ont indiqué, cela suscite indéniablement des questions quant au devenir de cet impôt.
Comme nous l'avons fait dans le cadre de notre niche en février dernier, nous ferons des propositions, par nos amendements.
Je suis moi aussi satisfait d'arriver enfin à l'article 2, mais je ne suis pas mécontent que nous ayons pu, par la volonté du Gouvernement, examiner d'autres articles auparavant : cela a permis de démontrer à quel point le besoin de pouvoir d'achat de nos concitoyens était prégnant – vous l'avez vous-mêmes répété, mes chers collègues.
Du pouvoir d'achat, nous allons pouvoir en parler, grâce à cette baisse massive – 5 milliards d'euros – de l'impôt sur le revenu, conséquence directe de l'annonce faite au mois d'avril par le Président de la République. Cette annonce était précise ; nous l'exécutons de façon tout aussi précise.
Cette mesure se traduira par une diminution du taux de la première tranche d'imposition, de 14 à 11 %. Elle aura également pour effet d'augmenter la progressivité – j'y reviendrai – , puisque le taux marginal effectif passera, sur la première tranche, de 20 à 16 %. Cette baisse de taux d'IR bénéficiera à 95 % de ceux qui payent aujourd'hui cet impôt, avec un gain moyen de 350 euros pour 12 millions de ménages et de 100 euros pour 5 millions de ménages.
Trois objectifs ont motivé ce choix politique : la baisse de la pression fiscale ; l'accroissement de la progressivité – vous êtes nombreux à l'avoir évoquée, et les travaux de l'IPP montrent clairement que cette mesure amplifiera la progressivité, qui avait effectivement été altérée, notamment au cours du quinquennat précédent ; une meilleure incitation à l'activité, grâce à une entrée plus douce dans l'impôt sur le revenu – la valeur travail est, je le rappelle, au coeur de notre politique.
J'anticipe par ailleurs une question qui ne manquera pas d'être soulevée : pourquoi, alors que nous baissons le taux de la première tranche et rendons ainsi de l'argent aux Français, les recettes d'impôt sur le revenu augmentent-elles ? Cette situation s'explique tout simplement par le fait que le rendement augmente avec les revenus – cela ne vous aura pas échappé. S'y ajoute un meilleur recouvrement lié au prélèvement à la source : grâce à cette réforme, 98,5 % de l'impôt sur le revenu est désormais recouvré.
À travers cet article, le Gouvernement reprend à son compte une idée que Les Républicains présentaient ici depuis 2017…
… et que vous avez rejetée jusqu'à présent dans chaque projet de loi de finances.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je veux donc redire ici que nous sommes bien évidemment favorables à la baisse de l'impôt sur le revenu.
Je tiens également à souligner que votre proposition consiste à augmenter la progressivité de l'impôt, alors même que notre impôt sur le revenu est déjà fortement progressif. L'article 2 conduit à diminuer l'impôt sur le revenu principalement pour les deux premières tranches, mais aussi à accélérer l'entrée dans les tranches à 30 % et 41 %, dont les seuils sont abaissés.
Je voudrais également réagir sur les masses : le Gouvernement annonce aux ménages un cadeau fiscal de 5 milliards d'euros d'impôt sur le revenu, mais les chiffres ne confirment pas cette affirmation.
Les recettes d'impôt sur le revenu ont atteint 73 milliards d'euros en 2018, puis devraient s'établir à 72,6 milliards en 2019. Une fois pris en compte l'impact d'un douzième du fait du prélèvement à la source – soit 5,2 milliards supplémentaires, monsieur le ministre – et la correction du prélèvement à la source sur les revenus exceptionnels – 1 milliard en moins – , le montant retraité des recettes d'IR pour 2019 s'élèverait à 76,8 milliards.
Vous annoncez, pour 2020, un impôt de 75,5 milliards, après retranchement du cadeau de 5 milliards. Sans ledit cadeau, l'impôt aurait donc été de 80,5 milliards. Cela signifie donc qu'avant le cadeau fiscal, vous augmentez l'impôt de 3,7 milliards entre 2019 et 2020. En réalité, vous reprenez plus de la moitié du cadeau fait aux ménages.
Il n'y a donc pas de cadeau fiscal d'un montant de 5 milliards d'euros.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Pour rebondir sur les propos de Véronique Louwagie, il est un sujet sur lequel nous ne parvenons pas à nous mettre d'accord : la masse fiscale d'impôt sur le revenu augmente, alors que vous indiquez baisser cet impôt.
J'entends bien que diverses raisons peuvent être invoquées : une meilleure collecte, la croissance économique, etc.
Je ne raisonne cependant pas au niveau des masses, mais du contribuable. Prenons l'exemple d'une personne dont le salaire a augmenté de 2 ou 2,5 %. Dans l'ancien système, son impôt aurait été calculé sur le revenu de l'année précédente. Elle aurait donc payé, cette année, moins d'impôt qu'elle n'en paie aujourd'hui. La réforme aboutit, pour elle, à une augmentation d'impôt.
Cette augmentation ne se remarque pas beaucoup, car l'impôt sur le revenu est désormais prélevé mensuellement sur douze mois – donc par douzièmes, et non plus par dixièmes. Mais, en réalité, l'impôt payé par l'individu ou le foyer dont le revenu s'est accru a lui-même augmenté, puisqu'il est contemporain du revenu. La contemporanéité conduit à un impôt plus élevé lorsque le revenu s'accroît. Ce raisonnement relève du cours préparatoire ; c'est le b. a. -ba.
C'est un moment important que l'examen de l'article 2. Tel était d'ailleurs déjà le cas les années précédentes, puisque nous avions adopté alors le prélèvement à la source. Cette année, nous baissons l'impôt sur le revenu.
Nous avons effectivement pris un peu de retard dans nos débats compte tenu du nombre d'amendements. En l'occurrence, tous les amendements à l'article 2 recevront un avis défavorable du Gouvernement, à l'exception d'un amendement rédactionnel de M. le rapporteur général. La mesure mérite donc quelques explications. J'aurai ainsi présenté une grande partie de mes arguments concernant cet article.
D'abord, nous pouvons tous nous réjouir de cette baisse de l'IR de 5 milliards d'euros – à quelques exceptions près. Je me réjouis d'apprendre, mesdames et messieurs les députés du groupe Les Républicains, que vous la voterez, sachant que vous aviez fait une erreur fiscale en 2017 en vous prononçant contre la suppression de la taxe d'habitation.
Je vous ai écoutée avec plaisir, madame la députée. J'espère que cela sera réciproque dans quelques instants.
Madame Louwagie, madame Dalloz, vous défendez l'idée selon laquelle la baisse de l'impôt n'atteindrait pas 5 milliards d'euros. D'abord, c'est faux – nous aurons l'occasion d'y revenir. Ensuite et surtout, que n'avez-vous déposé des amendements pour corriger cette situation et faire en sorte que la baisse soit bien de 5 milliards ? Vous avez en réalité prononcé, madame Louwagie, une allocution de tribune. Sinon, vous auriez évidemment corrigé la copie du Gouvernement pour l'inciter à baisser l'impôt sur le revenu de 3,7 milliards d'euros supplémentaires. Vous ne l'avez pas fait, car vous savez très bien que votre argument n'est pas sérieux.
Il est d'autant moins sérieux que la baisse prévue dans votre proposition de loi, monsieur le président de la commission des finances, mesdames et messieurs les parlementaires du groupe Les Républicains, était assez différente de la nôtre. Vous proposiez en effet de baisser les impôts pour toutes les tranches de revenus, tandis que nous avons accepté l'idée de concentrer cette baisse.
Monsieur Coquerel, l'étude que vous avez évoquée, et dont les résultats ont été rendus publics, provient de la même institution que celle qui, l'année dernière, affirmait que notre politique fiscale était plutôt conçue pour les plus riches de nos compatriotes. Aujourd'hui, elle souligne que M. Macron est le président des classes moyennes. Cela nous va plutôt bien.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et FI.
Il faut savoir prendre les mesures comme elles arrivent !
Les Républicains souhaitaient donc réduire l'impôt sur le revenu pour toutes les tranches du barème, y compris pour celles qui font l'objet d'une imposition à 45 % et à 41 %. Ce n'est pas ce que nous avons fait. Nous avons concentré la baisse sur la première tranche imposable en faisant passer son taux de 14 % à 11 %. Sont ainsi principalement concernés 12 millions des foyers fiscaux français, soit la quasi-totalité de ceux qui paient l'impôt sur le revenu et qui travaillent, percevant entre 1 500 et 1 600 euros par mois. Dès lors, quelqu'un qui gagne 1 600 euros par mois et paie actuellement 1 500 euros d'impôt sur le revenu s'il ne déclare pas de demi-part fiscale supplémentaire paiera désormais 1 000 euros, ce qui représente un gain de pouvoir d'achat de 500 euros.
La baisse d'impôt, bien qu'elle soit moindre, s'applique aussi aux autres tranches d'imposition, jusqu'à celle à laquelle s'applique le taux de 30 %. Nous n'augmentons l'impôt pour aucun de nos compatriotes, mais nous ne le baissons pas pour ceux qui sont soumis, par exemple, à un taux d'imposition de 45 %.
En deuxième lieu, et bien que cela ait été peu souligné, nous corrigeons les effets de décote, ce qui est très important. Ce faisant, nous encourageons les gens à reprendre le travail, et particulièrement les femmes, dont le retour à la vie professionnelle après une période sans activité se traduisait parfois par une perte financière pour le couple. L'article 2 corrige en effet ce mécanisme et adoucit une décote défavorable. Les gouvernements précédents ont tenté de le faire, en particulier celui de M. Valls, mais cela a conduit à rendre l'impôt sur le revenu de moins en moins lisible, ce qui peut encourager différents groupes à formuler d'autres propositions en la matière – mais nous ne suivrons pas le MODEM sur ce point.
Je tiens enfin à souligner que le prélèvement de l'impôt à la source permettra aux Français d'observer, dès le mois de janvier, une baisse de la fiscalité sur leur feuille de salaire ou de retraite. La majorité qui a soutenu le Gouvernement dans cette réforme pourra en être satisfaite. Si nous ne l'avions pas fait, la baisse de l'impôt sur le revenu n'aurait été sensible que dans un an, en octobre prochain.
Ainsi, dès le vote de cet article, je donnerai consigne à la Direction générale des finances publiques d'anticiper le vote de la loi de finances, qui interviendra en décembre, afin que, dès le mois de janvier, les Français voient automatiquement, sans avoir à faire de démarches, la baisse des taux et les résultats de la politique votée par le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
lors que le temps qui s'écoule entre les décisions prises par les représentants de la nation et l'observation de leurs effets par nos compatriotes peut parfois rendre difficile la relation des citoyens avec le politique, dans le cas présent, l'application sera immédiate.
Notons que cette mesure s'accompagne d'une défiscalisation générale des heures supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu, qui fait suite à la désocialisation que vous avez votée.
Je souhaite maintenant revenir rapidement sur deux questions déjà évoquées en commission. Tout d'abord, comment Mme Louwagie et Mme Dalloz peuvent-elles nous reprocher d'avoir augmenté l'impôt des Français, alors qu'il baisse ? Peut-être est-il difficile de reconnaître qu'il baisse à ce point ? Ensuite, que répondre à M. le président de la commission des finances, selon qui la contemporanéité se traduirait par plus d'impôts immédiatement, là où il y aurait eu plus d'impôts demain. Je ne souscris à aucun de ces deux arguments : il ne s'agit pas là d'opinions, mais de faits.
L'argument de Mme Louwagie porte certes sur un point qui n'est pas simple : en 2018, le montant de l'impôt sur le revenu était, de mémoire, de 73 milliards d'euros ; 2019 a été une année blanche mais, du fait du décalage qui existait depuis 1920, année de création de l'impôt sur le revenu, les recettes attendues étaient, si l'on ne tient pas compte des décimales, de l'ordre de 70 milliards d'euros.
Non, monsieur de Courson. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, les recettes prévues étaient de 70 milliards d'euros.
Vous êtes même intervenu, monsieur de Courson, pour expliquer que la retenue de l'impôt à la source aurait notamment l'inconvénient de faire perdre de l'argent à l'État.
Je pourrais citer exactement, sinon l'heure, du moins le jour – ou la nuit – où vous avez à nouveau voulu faire le Nostradamus.
Sourires.
Votre prédiction ne s'est pas vérifiée, mais ce n'est pas grave !
En termes d'exécution, le chiffre dépassait légèrement, en effet, 72 milliards d'euros.
Comme nous l'avons dit, nous avons reçu, au cours de l'année 2019, de bonnes et de mauvaises nouvelles. Parmi les bonnes, il se trouve notamment que les revenus exceptionnels sont plus importants que prévu. Nous avons en effet évité une certaine forme d'optimisation agressive, de la part notamment de personnes qui se versaient un dividende qu'elles ne se seraient pas versé en d'autres circonstances – dividende que nous avons taxé, car l'année blanche n'avait pas pour objet de permettre une telle optimisation. Comme je l'ai dit devant la commission des finances, les sommes en jeu sont de l'ordre de 1,1 milliard d'euros.
Le recouvrement a par ailleurs été meilleur que nous ne l'attendions. Certains opposants au prélèvement à la source nous annonçaient que nous allions casser la mécanique alors que notre pays connaît l'un des meilleurs taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu – lorsqu'il existe – de tous les pays occidentaux. Or nous avons au contraire amélioré le recouvrement, dont le taux a augmenté d'un point et demi. Il atteint désormais une valeur supérieure à ce qu'il était auparavant après contrôles et contentieux fiscaux. Et il sera sans doute encore amélioré à l'avenir. Comme on peut supposer, au vu des statistiques, que certaines personnes auront sous-déclaré une partie de leurs revenus, on peut s'attendre à ce que des contrôles donnent lieu à de nouveaux redressements. L'amélioration du recouvrement pourrait produire 600 millions d'euros de recettes nouvelles.
En outre, en 2019, le prélèvement de l'impôt à la source portait sur onze mois, au lieu de douze. Un mois d'impôts sur le revenu représentant environ 5 milliards d'euros, on peut considérer, pour comprendre la prévision formulée par le Gouvernement pour l'année 2020, que la baisse de 5 milliards d'impôts que nous réalisons et ce chiffre s'annulent.
Enfin, l'activité économique est meilleure, comme chacun peut le constater. Le chômage baisse et le salaire de nos concitoyens augmente, ce qui représente un peu plus de 2 milliards d'euros de recettes – j'y reviendrai.
Voilà comment on peut, avec une baisse d'impôts, obtenir une augmentation des recettes : nous avons amélioré le recouvrement, la politique fiscale est plus efficace et, surtout, nous avons amélioré l'activité économique. Voilà pour répondre à Mme Louwagie et à Mme Dalloz, qui font croire que nous avons augmenté les impôts, alors que nous les avons baissés. Molière ne concluait-il pas d'un « Et voilà pourquoi votre fille est muette ! » une démonstration qui ne démontrait rien du tout ?
Cette efficacité oratoire ne passera pas l'épreuve de la feuille d'impôts des Français car, en janvier, l'augmentation du revenu de nos compatriotes sera évidente.
Le président de la commission des finances, quant à lui, affirme – et ce n'est pas faux – que la « contemporanéité » consiste à payer ses impôts de façon contemporaine. Monsieur le président, M. de La Palice aurait sans doute été élu dans la circonscription de l'Oise que vous représentez.
Rires sur les bancs du groupe LaREM.
En effet, on pourrait dire que la contemporanéité consiste à payer immédiatement ses impôts. Peut-être était-ce de votre part une façon de critiquer l'impôt à la source, mais selon moi, cette méthode est juste.
Il est en effet normal et juste de payer plus d'impôts lorsque l'on gagne plus d'argent. C'est le principe de l'impôt sur le revenu. On peut combattre ce principe, mais c'est ainsi. De même, il est tout à fait normal de payer moins d'impôt quand ses revenus diminuent. Or pour la seule année 2019, le nombre de gens qui ont demandé une réduction de leur taux d'imposition grâce au prélèvement à la source est supérieur à celui des gens qui ont payé plus d'impôt. Si, en masse, les riches sont plus riches et, en proportion, les pauvres qui ont payé moins d'impôts sont plus nombreux, vous direz, si vous voyez le verre à moitié vide, que les plus riches ont payé plus d'impôts, parce qu'ils en étaient redevables de façon contemporaine à leur revenu, alors qu'ils les auraient payés avec un an de décalage dans l'ancien système, et je vous répondrai pour ma part – sans doute parce que je suis devenu plus progressiste que vous – que les gens, plus nombreux, qui ont vu leurs revenus diminuer ont sauté sur l'occasion que représentait le prélèvement à la source pour baisser leur taux et anticiper cette baisse. Il n'y a donc pas de loup dans la bergerie, encore moins de flou.
Ce qui est sûr c'est que, premièrement, la majorité parlementaire accomplit la promesse faite par le Président de la République de baisser de 5 milliards d'euros l'impôt sur le revenu, ce qui représente en moyenne 300 euros de pouvoir d'achat rendus à nos concitoyens. Deuxièmement, la vraie différence entre Les Républicains et nous est que nous avons fait bénéficier de cette baisse les classes moyennes et les classes populaires, sans l'appliquer aux tranches les plus élevées. Troisièmement – pardon de le dire – , nous considérons, contrairement aux députés siégeant à gauche de l'hémicycle que l'impôt sur les gens qui gagnent de 1 600 à 1 700 euros par mois ne représente pas la haute bourgeoisie mais plutôt une partie d'un prolétariat qui travaille, et qui travaille beaucoup.
Enfin, tout cela sera rendu visible dès le mois de janvier grâce au prélèvement de l'impôt à la source, que la majorité a bien fait de voter, malgré les remarques réitérées de certains qui annonçaient la fin du monde.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nostradamus !
Vous avez le choix des armes, monsieur de Courson. Aux Tuileries à sept heures !
Monsieur le ministre, vous pouvez retourner le problème dans tous les sens, mais les Français vont payer 72,6 milliards d'euros d'impôt sur le revenu en 2019.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur de Courson, vous allez avoir tout le temps de vous exprimer sur les amendements. Ce n'est pas le moment d'argumenter sur les chiffres.
Mais si ! Les Français paieront donc 72,6 milliards d'euros d'impôt sur le revenu en 2019. Mais combien paieront-ils après la réduction de 5 milliards d'euros ? 75 milliards d'euros. Ce n'est pas moi qui l'invente !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il y a donc une augmentation de 4,4 %. Ce sont vos chiffres. Même compte tenu de l'augmentation de 0,3 % de la population, ce que vous dites ne tient pas.
Nous avons demandé au rapporteur général, qui nous a dit qu'il allait se tourner vers vos services, de nous expliquer comment, avant abattements, on pouvait obtenir une augmentation de 7 milliards d'euros, soit de 14 % en brut et de 11 % en révisé.
Monsieur de Courson, votre intervention n'a rien à voir avec un fait personnel. En outre, vous aurez largement l'occasion de vous exprimer lors de l'examen des amendements.
Nous en venons aux amendements à l'article 2. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l'amendement no 474 , tendant à supprimer l'article.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier, car vous faites un cadeau à tous les députés et nous devrions vous saluer. En effet, vous annoncez une baisse de 5 milliards d'euros d'impôt sur le revenu destinée aux classes moyennes, mais on voit bien que cette notion de classe moyenne est un grand fourre-tout, qui concerne, grosso modo, 98 % des Français. Ceux qui bénéficieront le plus de cette mesure sont ceux qui appartiennent au huitième décile de revenus, c'est-à-dire ceux qui perçoivent un revenu de l'ordre de 4 000 euros par mois, les célibataires jusqu'à 6 700 euros par mois et les couples avec trois enfants jusqu'à 27 000 euros par mois. Les contribuables du huitième décile – je ne dois pas en être loin, et je vous remercie donc – gagneront 437 euros.
Personnellement, je voudrais payer plus d'impôts pour financer les hôpitaux, les écoles, la police, les pompiers, et ainsi de suite.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Faites un don !
Vous justifiez cette baisse d'impôts au nom des revendications des gilets jaunes, mais ce que j'ai entendu sur les ronds-points, c'est le souhait que les petits paient petit et que les gros paient gros. Or, il va y avoir une petite diminution pour les petits et une plus grosse diminution pour les plus gros !
Cela s'inscrit dans l'histoire de l'impôt sur le revenu. Du temps de Giscard, le taux marginal était de 60 %. Il est passé à 65 % sous Mitterrand. Aujourd'hui, il a été réduit à 45 % et son application est par ailleurs minée par les niches fiscales. Surtout, le passage de quatorze tranches à cinq a donné lieu à un lissage et l'on n'opère plus de réelle différenciation entre les niveaux de revenu. Cela s'accompagne de l'augmentation des impôts les plus injustes : le produit de la TVA et de la TICPE est largement assumé par les plus pauvres, qui y laissent 10 % de leurs revenus, tandis que les plus riches n'y consacrent que 6 %.
Vous justifiez cet article par les demandes des gilets jaunes, mais ces derniers réclamaient la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, pas une baisse de l'impôt sur le revenu !
Le contenu de votre amendement entre en contradiction avec le discours que vous tenez. Vous annulez la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros que nous soutenons, soit. Mais en procédant ainsi, vous empêchez aussi l'actualisation des taux, qui est destinée à éviter que les foyers ne soient pénalisés par l'augmentation des revenus liée à l'inflation. À cause de votre amendement, 1 ,1 milliard d'euros supplémentaires seraient prélevés, en particulier au détriment des ménages les plus modestes. Avis défavorable.
Il est défavorable – même si l'intervention de M. Ruffin n'avait pas pour but, en définitive, de soutenir un amendement.
Monsieur Ruffin, vous avez le droit d'être en désaccord avec notre politique – à l'image de M. Coquerel, pour qui il faut encourager les impôts progressifs comme l'impôt sur le revenu plutôt que des impôts tels que la TVA, qu'il estime injustes – , mais vous ne pouvez pas dire autant d'absolues contre-vérités.
Un parlementaire gagne, s'il n'a pas d'autres sources de revenu,
Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM
s'il est célibataire et sans demi-part, un peu plus de 5 000 euros net – il touche par ailleurs une enveloppe de frais non fiscalisée. Il continuera à payer sa taxe d'habitation puisqu'il gagne plus de 2 500 euros par mois. Il bénéficiera donc de la baisse d'impôt sur le revenu, décidée par le Gouvernement et les parlementaires qui la voteront, à hauteur de 125 euros par an – ne me remerciez donc pas trop.
Un ouvrier qui gagne 1 600 euros par mois verra, lui, ses impôts baisser de 500 euros – quatre fois plus que vous. Par ailleurs, il bénéficie de la baisse de la taxe d'habitation puisque c'est la dernière fois qu'il la paie. S'il vit à Amiens – une commune de votre circonscription, je crois – , où elle s'élève en moyenne à 900 euros, il paiera en tout 1 400 euros d'impôts en moins.
Donc vous, monsieur le député qui gagnez un peu plus de 5 000 euros par mois, votre baisse d'impôts s'élèvera à 120 ou 130 euros.
Si cela vous gêne, n'hésitez pas, vous pouvez bénéficier de cette réduction…
… et en transférer le montant à qui vous le souhaitez, tandis que l'ouvrier payé 1 600 euros profitera de sa baisse d'impôts de 1 400 euros par an.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Vous pouvez vous opposer au Gouvernement, mais vous ne pouvez pas proférer de bêtises !
Par ailleurs, monsieur Ruffin, puisqu'il était question d'un cas personnel, le ministre qui gagne 8 000 euros par mois ne bénéficiera ni de la suppression de la taxe d'habitation ni de la baisse d'impôt sur le revenu, et c'est bien normal. Donc oui, nous avons agi en faveur des classes populaires et moyennes qui travaillent, ce qui semble vous déplaire.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je suis désolé, mais le graphique publié hier par l'Institut des politiques publiques est très clair. Pour en rester à l'impôt sur le revenu, jusqu'au cinquième décile la baisse est de 144 euros par an, tandis qu'à partir du huitième décile, elle est de 437 euros. Dire que la baisse des impôts sur le revenu bénéficie d'abord aux foyers les plus modestes n'est donc pas vrai.
Selon l'étude de l'IPP, le gain de revenu disponible s'élève, depuis l'arrivée de la majorité au pouvoir, à 4 462 euros pour les 1 % les plus riches, à 1 287 euros pour le septième décile, à 822 euros pour le quatrième décile et à 284 euros pour le deuxième décile – ces chiffres sont vérifiables.
Concernant la mesure prise dans le cadre du budget pour 2020, il faut tout de même rappeler que 21 millions de Français ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu et donc pas concernés par ce cadeau fiscal. Nous nous réjouissons bien sûr du gain obtenu par certaines catégories socioprofessionnelles. Mais cette mesure s'applique en réalité surtout aux classes moyennes supérieures. Votre réponse au mouvement des gilets jaunes est celle d'un président des riches.
Ce qui était demandé par les gilets jaunes, c'était un impôt plus juste, plus progressif.
En fin de compte, ils ne voulaient pas qu'on touche à cet impôt, ils souhaitaient une fiscalité plus juste et plus redistributive, plus progressive. Si M. Macron n'était pas le président des riches, il serait revenu sur des mesures qui bénéficient aux plus riches, notamment la suppression de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, et la création de la flat tax. Vous avez fait un choix politique qui s'adresse aux classes moyennes – mais plutôt supérieures – et ne change rien au statut de président des riches de M. Macron, que vous le vouliez ou non.
Le point que je veux aborder est important si on veut éviter de se méprendre sur la réalité des faits. Monsieur Ruffin, vous parlez en déciles comme le fait Bercy. Il faut parler comme les hommes !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Moi je ne vous parle pas en déciles, je parle du salaire que perçoivent les gens.
Vous avez mal lu le graphique de l'IPP, qui exprime les données par part fiscale. Vous comparez un célibataire avec une personne en couple – soit un foyer de deux parts fiscales. Si l'on tient compte de ce paramètre, le gain s'élève bien, pour vous, à 130 euros par an, sans changement pour ce qui concerne la taxe d'habitation, tandis que l'ouvrier payé 1 600 euros par mois bénéficiera d'une réduction de 500 euros de l'impôt sur le revenu ainsi que d'une baisse de la taxe d'habitation. Quoi que vous en disiez, la baisse d'impôts est bien massive, et son effet est concentré sur les classes populaires et moyennes.
Monsieur Bricout, je crois savoir qu'un scrutin public est prévu sur l'article 2. Nous verrons bien qui votera en faveur d'une baisse d'impôts et qui votera contre. Je suis persuadé que finalement vous ne vous y opposerez pas !
La question n'est pas là, elle est politique ! C'est vos choix que nous critiquons, pas la baisse d'impôts.
L'amendement no 474 n'est pas adopté.
J'ai écouté les arguments du ministre, mais les plus riches sont favorisés depuis des années. Je vous rappelle que les 1 % les plus favorisés en France possèdent à eux seuls 16 % du patrimoine. La politique de ce gouvernement, mais aussi – j'en conviens – , celle des précédents, y compris ceux que vous avez soutenus dans le passé, ont engendré un accroissement des inégalités.
Vous ne pouvez donc pas seulement réfléchir en termes de pourcentage, il faut aussi réfléchir en volume. Gagner plus de 4 000 euros de plus par mois lorsqu'on fait partie des 1 % les plus riches, ce n'est effectivement pas la même chose que gagner entre 200 euros et un peu plus de 1 000 euros par mois lorsqu'on fait partie des autres catégories de la population. Il faut aussi faire ce constat.
Avec cet amendement, nous proposons de revenir – je l'ai dit tout à l'heure – à quatorze tranches, comme en 1987, et de répartir l'impôt sur le revenu entre tous les Français. Par conséquent, les 57 % de Français qui ne paient pas d'impôt sur le revenu actuellement en paieraient une part. Mais comme certaines de nos mesures prévoient une baisse de la TVA, par exemple sur les denrées de première nécessité, les classes les plus défavorisées y trouveraient leur compte.
Nous avons d'ailleurs calculé, grâce au LexImpact – ce nouveau logiciel très pratique – que nos propositions feraient économiser 723 euros d'impôts par an à un célibataire, avec un enfant, gagnant 2 500 euros par mois. À l'inverse, les impôts d'un célibataire gagnant 30 000 euros par mois augmenteraient drastiquement. Globalement, notre réforme rapporterait à l'État davantage de recettes fiscales que celle que vous proposez à l'article 2. Mais avec la nôtre, 91 % de la population y gagnerait.
Vous m'avez répondu tout à l'heure que mes propos reflétaient uniquement ma vision des choses. Non, l'impôt sur le revenu est un des seuls impôts redistributifs. À partir du moment où vous procédez à des baisses de cet impôt, tout en donnant plus de poids à des impôts comme la TVA, vous pénalisez évidemment en premier lieu – toutes les statistiques le montrent – les classes défavorisées, plutôt que les classes les plus riches.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 547 .
Je ne répéterai pas les propos que j'ai tenus lors de mon intervention sur l'article. Nous contestons, c'est vrai, le ciblage, car des foyers modestes profiteront certes de cette réforme, mais des ménages qu'on peut qualifier d'aisés en bénéficieront aussi. Nous contestons aussi le financement. Puisqu'on ne relève pas les tranches supérieures, puisqu'on ne revient pas sur la suppression de l'ISF, cette réforme coûtera 5 milliards d'euros. Où trouverez-vous cet argent ? En déshabillant des services publics, en supprimant des postes, comme dans votre ministère ou celui de la transition écologique et solidaire.
La proposition que nous défendons depuis longtemps – nous l'avons fait dans le cadre d'une niche parlementaire en février dernier – va dans le sens d'un impôt qui soit vraiment progressif. Elle consiste à établir un barème comprenant onze tranches – contre cinq aujourd'hui – avec un taux d'entrée de 10 % alors que votre proposition le fixe à 11 %, et un taux marginal à 48 % pour être en conformité avec le cadre constitutionnel.
La baisse des impôts serait finalement plus importante pour les ménages aux revenus modestes et moyens que celle prévue par votre réforme. Le barème aurait un rendement stable pour 2019, il ne serait donc pas question de trouver un financement de manière détournée. Nous pensons qu'un véritable impôt progressif est indispensable, ce qui nécessite davantage de tranches.
Je répéterai à M. Coquerel la remarque que j'ai faite en commission : le taux marginal de 90 % qu'il propose est largement au-dessus du taux que le Conseil constitutionnel juge confiscatoire. Ne serait-ce que pour cette raison, son amendement doit être rejeté.
L'amendement défendu par le président Chassaigne n'est pas, lui, contraire à la Constitution – je le reconnais volontiers – , mais il montre que nous n'arrivons pas à nous comprendre. Le problème numéro un de notre système fiscal n'est pas l'absence de redistribution mais le niveau d'imposition. Notre système est redistributif, à telle enseigne que The Economist avait classé la France dans le top dix des pays les plus redistributifs du monde. Le problème ne se situe donc vraiment pas là.
En outre, l'adoption de l'amendement n'aurait pas seulement pour effet d'annuler la baisse de 5 milliards d'euros que nous proposons ; elle entraînerait également la création de trois nouvelles tranches dont le taux marginal serait supérieur à celui qui est actuellement en vigueur. Or nous avons bien établi qu'il n'y aurait pas d'impôt supplémentaire pour les Français. L'avis est donc défavorable.
Il faut bien expliquer à ceux qui nous regardent quelles seraient les conséquences de l'amendement no 475 . Si, comme le prévoit celui-ci, le barème comprenait quatorze tranches, ceux qui sont aujourd'hui exonérés d'impôt sur le revenu en paieraient au minimum à hauteur de 1 % – nous sommes bien d'accord ? Vous acceptez donc l'idée que tout le monde paie l'impôt sur le revenu, quand bien même tout le monde paie déjà la TVA ou la CSG – contribution sociale généralisée – dans des proportions bien plus élevées. Vous devrez assumer un tel choix.
Vous assumerez aussi le fait qu'au-delà du taux marginal actuel supérieur de 45 %, trois tranches supérieures supplémentaires pourraient s'appliquer. Les contribuables soumis à ce taux sont donc pour vous tellement riches qu'ils pourraient tous supporter une imposition supplémentaire, nonobstant le caractère anticonstitutionnel évoqué par le rapporteur général. Il est important de l'expliquer aux Français : le modèle que vous souhaitez, c'est plus d'impôts pour tout le monde.
M. Alexandre Holroyd applaudit.
Vous adorez la polémique. J'espère que vous la pratiquerez un peu moins quand vous serez à notre place !
Vous n'avez pas écouté ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous souhaitons réformer la fiscalité de manière globale, ce qui passe aussi par une réduction du taux de TVA sur tous les produits de première nécessité. Tous les chiffres montrent, en effet, que les Français les plus défavorisés paient proportionnellement plus de TVA que les Français les plus riches – tout simplement parce que, quand on a atteint un certain niveau de richesse, on spécule, on thésaurise, mais on ne consomme pas tout ce qui est produit. À l'inverse, nous souhaitons relever le taux de TVA sur les produits les plus luxueux. Et je n'évoquerai pas ici toutes les mesures que nous proposons en ce qui concerne les niches fiscales.
Effectivement, la réforme que nous appelons de nos voeux prévoit que chaque Français paiera des impôts, de manière cependant modique pour la tranche la plus basse – à hauteur de 1 %. Mais il recevra une compensation à cette contribution en bénéficiant des services rendus par l'État, notamment s'il appartient aux classes les plus défavorisées. Car l'État apparaît souvent comme un instrument au service de ceux qui n'ont aucune fortune personnelle et qui comptent sur cette forme de redistribution. Avec notre réforme, les personnes issues des classes défavorisées seront donc finalement gagnantes.
Pour ce qui est du caractère confiscatoire de l'impôt, j'irai même plus loin : en réalité, comme nous l'avons démontré, seuls les 9 % les plus riches paieront plus. Avec le barème de l'impôt sur le revenu que nous proposons, les classes moyennes – qui, depuis quelques années, subissent en effet une pression fiscale importante – paieront elles aussi moins d'impôts. Vous pouvez contester nos arguments, mais n'allez pas dire aux Français qu'avec la proposition de la France insoumise, tout le monde paiera plus d'impôts : ce n'est pas le cas. En revanche, la part de l'impôt sur le revenu dans la fiscalité globale sera plus importante qu'aujourd'hui ; c'est ce qui rendra cette fiscalité plus juste.
Le rapporteur général a apporté une réponse très idéologique en disant – si j'ai bien compris – refuser toute augmentation d'impôt, y compris pour les tranches supérieures. Je citerai deux chiffres issus de nos analyses. Avec votre proposition, un célibataire qui perçoit 6 500 euros net par mois verra son impôt baisser. Je considère pour ma part que 6 500 euros net par mois, ce n'est ni un petit revenu ni même un revenu moyen. Avec notre proposition, un couple avec un enfant percevant 3 200 euros net par mois – là, on peut considérer qu'il s'agit d'un revenu modeste – se verra réclamer un impôt sur le revenu de 103 euros, soit deux fois moins qu'avec la réforme que vous proposez, qui mettra son impôt à 216 euros, et trois fois moins qu'actuellement. Ne nous faites donc pas dire ce que nous ne disons pas. Dans une discussion, il faut être honnête : nous vous soumettons une proposition qui rend l'impôt sur le revenu plus progressif, mais n'allez pas pousser des cris d'orfraie et prétendre que nous sommes pour l'augmentation ou contre la baisse des impôts. Je suis pour l'augmentation des impôts des plus aisés et pour la baisse des impôts des plus modestes. Enfin, je n'oublie pas qu'énormément de Français ne gagnent même pas suffisamment pour payer l'impôt sur le revenu.
Ce n'est pas sérieux de proposer des tranches marginales à 90 %. Ajoutez-y les 17,2 % de la CSG et autres prélèvements sociaux, et vous voilà à 107 %, ce qui fait de vous des expropriateurs.
Oui, lorsque pour payer ses impôts il faut vendre ses biens, cela s'appelle l'expropriation. Cette proposition est délirante !
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l'amendement no 555 .
Le présent amendement de notre collègue Nadia Ramassamy propose de modifier le montant de l'abattement sur le revenu global net par personne, actuellement de 5 888 euros. Le projet de loi tend à le porter à 5 947 ; nous proposons pour notre part de le fixer à 6 000 euros.
J'en profite pour revenir sur un argument que vous avez développé, monsieur le ministre, en parlant d'un cadeau fiscal de 5 milliards d'euros. Nous contestons ce chiffre car ce cadeau est précédé d'une augmentation de l'impôt. Vous justifiez une partie de cette augmentation par un meilleur recouvrement dû au prélèvement à la source. Tant mieux si l'impôt est mieux recouvré – nous ne pouvons que nous en réjouir ; mais vous ne pouvez pas en faire un argument car c'est le cas dès la mise en place du prélèvement à la source en janvier 2019. L'effet est donc identique en 2019 et en 2020. Résultant du prélèvement à la source qui s'applique depuis janvier 2019, le meilleur taux de recouvrement n'a aucun impact sur la variation de volume entre 2019 et 2020. Je veux bien accepter qu'il ait eu une influence entre 2018 et 2019, ou entre votre prévision initiale pour 2019 et le montant effectivement recouvré cette année-là ; mais cet argument ne peut en aucun cas expliquer une augmentation d'impôt entre 2019 et 2020.
L'amendement n'a pas été examiné en commission, mais il ressemble à beaucoup d'autres amendements que la commission a rejetés. Il s'agit de rehausser un avantage familial au-delà de l'inflation ; par conséquent, avis défavorable.
Je voudrais répondre à M. de Courson qui a utilisé le mot « délirant ». Nous proposons une tranche supérieure d'imposition à 90 % ; c'est ce que Roosevelt avait pratiqué, le temps d'un nécessaire effort de guerre, …
… et nous aussi avons un effort à faire en matière de transition écologique. Qu'est-ce qui est aujourd'hui délirant ? Les vingt-six personnes les plus riches au monde ont vu leur fortune augmenter de 2,5 milliards par jour. N'est-ce pas le niveau d'enrichissement qui est aujourd'hui délirant, et ne réclame-t-il pas un impôt à la hauteur de ce délire ? En France, la situation est comparable : le montant cumulé des 500 premières fortunes françaises a été multiplié par sept en vingt ans, passant d'un équivalent de 5 % à un équivalent de 30 % du PIB. Le niveau de délire des revenus de la classe supérieure réclame des impôts en conséquence.
M. Éric Coquerel applaudit.
L'amendement no 555 n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement no 500 .
Le présent amendement – que j'ai l'habitude de déposer depuis quelques années, Joël Giraud s'en souvient – tend à instaurer un impôt universel payé par tout un chacun. Année après année, on constate l'érosion de la base fiscale : le rapporteur général me corrigera si je me trompe, mais il me semble que cette année, seuls 37 % de nos compatriotes paieront l'impôt sur le revenu, alors qu'ils étaient 46 % il y a quelque dix ans. L'amendement vise à rappeler qu'à côté des impôts indirects, il existe des impôts directs, et que comme l'établit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, chacun doit participer au fonctionnement de l'État. Il faut comprendre que rien n'est gratuit, que l'État fait un effort et que nous sommes tous solidaires de cette contribution. Monsieur le ministre, c'est un amendement d'appel qui exprime la volonté de procéder à une refonte de la fiscalité directe – locale et nationale – , car on ne peut pas continuer à voir nos compatriotes qui paient les impôts devenir toujours moins nombreux.
Lors des débats en commission, je vous avais invité à retravailler votre amendement. D'abord, il tend à augmenter l'impôt, soit le contraire de ce que nous avons prévu. Ensuite, même si je comprends votre démarche pédagogique, votre amendement n'atteint pas le but que vous vous fixez. Il n'instaure pas l'impôt symbolique que vous appelez de vos voeux car à cause de la décote, la tranche que vous créez ne permet pas d'imposer les contribuables visés. Si vous voulez formuler un amendement conforme à votre souhait, il vous faut revoir le mode de calcul de la décote. Enfin, je sais que ce n'est pas votre intention, mais vous augmentez de 1 % également l'impôt de tous les autres contribuables. Au lieu de créer un impôt universel, vous augmentez donc l'imposition des classes moyennes. C'est pourquoi je vous demande à nouveau de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.
Défavorable également ; mais le président Vigier a lui-même dit qu'il s'agissait d'un amendement d'appel – sans doute un appel à la discussion. Pendant la crise dite des gilets jaunes et pendant le grand débat national, beaucoup de gens partageaient votre position, d'ailleurs ancienne, qui revient à dire que chacun doit payer l'impôt. D'abord, comme vous l'avez vous-même souligné, chacun en France paie l'impôt par le biais des impôts indirects – la TVA, que M. Coquerel qualifie d'impôt injuste – et des impôts sociaux tels que la CSG. D'ailleurs, les cotisations et la TVA rapportent bien plus que l'impôt sur le revenu : 160 milliards pour la TVA, contre 72 à 74 milliards seulement pour l'impôt sur le revenu.
Quand nous avons réfléchi, autour du Président de la République, à ce que nous allions proposer, nous nous sommes dit qu'imposer une contribution symbolique à tous – une démarche que je comprends et que j'essaie de ne pas caricaturer – revient à faire payer un impôt direct à ceux qui n'en paient pas aujourd'hui, c'est-à-dire à des gens qui gagnent, pour schématiser, moins de 11 000 euros par an.
Je ne suis pas sûr que conclure le grand débat en décidant de faire payer ces gens aurait été conforme à la demande populaire majoritaire. En revanche, monsieur Vigier, votre propos doit nous encourager à bien expliquer à nos compatriotes que rien n'est gratuit. Quelqu'un doit payer un jour, que l'on passe par le déficit, par d'autres contribuables ou par les impôts indirects. Il faut sans doute améliorer en ce sens l'information relative aux services publics et aux politiques publiques ; mais le Gouvernement est résolument défavorable à l'idée de faire payer aujourd'hui un impôt direct à ceux qui n'en paient pas. C'est pourquoi, même si la question que vous posez est respectable, je suis défavorable à votre amendement.
L'amendement no 500 est retiré.
Avant tout, je voudrais dire qu'on ne va pas bouder son plaisir à propos du prélèvement à la source : il fonctionne bien et représente un outil merveilleux permettant d'ajuster l'impôt aux revenus.
S'agissant du barème, l'article 2 va dans le bon sens. L'amendement que propose aujourd'hui le groupe MODEM – l'an dernier, on avait déjà déposé plusieurs amendements similaires – vise à plus de justice fiscale puisqu'il tend à geler l'indexation pour les deux dernières tranches de l'impôt sur le revenu. En effet, LexImpact – un magnifique outil de calcul – , permet de constater que ce sont les contribuables imposés à ces deux tranches qui captent environ la moitié des 1,1 milliard que coûte l'indexation. Avec la non-indexation des dernières tranches, on récupérerait quelque 150 millions d'euros ; concentrée sur ceux qui peuvent contribuer à la charge de l'impôt sur le revenu, la disposition irait dans le sens de plus de justice fiscale.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 546 .
Sauf un énorme blocage idéologique, le présent amendement devrait être retenu sans difficulté. À la suite du rejet de l'amendement précédent, nous proposons d'instaurer une seule nouvelle tranche marginale d'impôt sur le revenu à 48 % sur la fraction de revenus supérieure à 315 612 euros. Ce taux respecte le cadre constitutionnel ; selon les estimations fournies par le logiciel de simulation LexImpact, la création d'une telle tranche permettrait un rendement additionnel, certes modeste, de 300 millions d'euros, ce qui financerait une partie de la baisse d'impôt proposée à l'article 2 du projet de loi de finances. Le taux proposé suit l'avis de 2013 du Conseil d'État où celui-ci définit un taux susceptible, selon lui, de constituer la limite au-delà de laquelle un impôt court le risque d'être déclaré inconstitutionnel. Le Conseil d'État estime qu'un taux marginal maximal d'imposition, tenant compte non seulement de l'impôt sur le revenu mais de l'ensemble des éléments susceptibles de frapper en même temps un même contribuable, serait des deux tiers, d'où la création d'une tranche à 48 %. J'insiste sur cette proposition : l'adopter constituerait un geste important, montrant qu'on peut augmenter les impôts de ceux qui gagnent le plus.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l'amendement no 531 .
Je commencerai moi aussi par me réjouir du succès du prélèvement à la source. Lancé sous la précédente législature, il a atterri sous celle-ci, mais sa mise en oeuvre a exigé des heures et des heures aux équipes de Bercy qui ont commencé à travailler sur le dispositif dès 2015.
Monsieur le rapporteur général, vous avez dit en commission que vous aviez envoyé un questionnaire destiné à nous fournir le détail de l'augmentation des recettes de l'impôt sur le revenu ; avez-vous obtenu un retour ?
Monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur la proposition qui a été faite en commission à propos de la déclaration des revenus du capital. Actuellement, si on ne coche pas la fameuse case 2OP, on est par défaut imposé à la flat tax. J'ai ainsi rencontré des gens peu fortunés, dont les revenus du capital se situaient entre 2 000 et 3 000 euros, qui n'avaient pas coché cette case et qui avaient vu leur impôt augmenter car ils n'ont pas obtenu la réduction d'impôt dont ils avaient bénéficié l'année précédente. L'erreur a été rectifiée pour ces deux personnes, mais je suppose qu'il y en a d'autres qui malheureusement n'ont pas fait de réclamation. Pour l'année prochaine, il faudrait inverser la démarche : imposition au barème par défaut, imposition à la flat tax si on coche une case. Cela réglerait pas mal de problèmes.
J'en viens à mon amendement, que je veux bien retirer au profit de celui défendu à l'instant par notre collègue Mattei puisqu'il va plus loin que le mien. Nous souhaitons revaloriser le seuil d'entrée des deux dernières tranches du barème de l'impôt sur le revenu, celles de 41 % et de 45 %, de seulement 0,3 %, alors que l'article 2 prévoit une revalorisation de 1 %. Nous ne sortons pas ce chiffre de nulle part puisque certaines allocations figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont également revalorisées de 0,3 %.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l'amendement no 544 .
Nous proposons symboliquement de porter de 45 % à 45,5 % la tranche marginale de l'impôt sur le revenu.
Je distinguerai deux types bien différents d'amendements : ceux, d'une part, défendus par M. Mattei, d'un côté, et Mme Pires Beaune, de l'autre, et ceux, d'autre part, défendus par le président Chassaigne.
L'effet mécanique des premiers est l'augmentation du taux d'imposition des redevables des deux dernières tranches, …
… ce qui est contraire à notre position générale. Il y aurait en outre un effet collatéral important : des contribuables basculeraient de la tranche de 30 % à celle de 41 %. J'émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Vous pouvez, monsieur le président Chassaigne, considérer que le dispositif que nous proposons relève d'un dogme politique mais je rappelle ce que j'ai dit en matière de redistributivité de l'impôt et qui vaut pour vos amendements : vous souhaitez accentuer la redistributivité, pourtant déjà très forte, en augmentant l'impôt, ce qui, ici aussi, est contraire à la politique du Gouvernement.
En outre, selon les éléments que j'ai pu obtenir, madame Pires Beaune – et je réponds par la même occasion, à M. de Courson – , l'impôt sur le revenu rapportera 72,5 milliards d'euros en 2019 et 75,5 milliards d'euros en 2020 – soit 3 milliards de plus. La baisse prévue à l'article 2 est bien de 5 milliards d'euros. Le produit de l'impôt aurait donc augmenté de 8 milliards d'euros sans cette baisse de 5 milliards. Les 8 milliards d'euros se décomposent comme suit : 2,4 milliards résultent de l'évolution spontanée – démographie, hausse des revenus et baisse du chômage – , l'assiette s'élargit, ce dont nous devons nous réjouir parce que c'est le signe que le pays se porte plutôt mieux ; ensuite, grâce au prélèvement à la source, l'amélioration du recouvrement a été de 0,6 milliard d'euros – on pourrait atteindre 99 % de recouvrement en 2020, ce qui serait encore mieux qu'en 2019 – , or faire payer l'impôt à ceux qui le doivent, et qui ne le payaient pas jusqu'à présent, ne revient pas à l'augmenter, je crois que nous serons tous d'accord ; enfin, les 5 milliards d'euros restants résultent du fait que la perception de l'impôt sur le revenu au titre du mois de décembre 2019 sera effectuée en janvier 2020. En 2019, nous n'aurons encaissé que onze mois de prélèvements à la source, contre douze mois à partir de 2020. C'est l'explication principale de la vraie-fausse énigme fiscale qui a été présentée dans certains articles de presse.
Nous ne pouvons accepter votre amendement, monsieur Mattei, pas plus que les autres, d'ailleurs. En effet, le Gouvernement a décidé de baisser de 5 milliards d'euros l'impôt sur le revenu de la quasi-totalité de ceux de nos compatriotes qui le paient, à l'exception des revenus relevant des tranches de 41 % et 45 %. Or vous proposez, si j'ai bien compris votre amendement, de ne pas indexer les tranches de revenus du barème sur l'évolution de l'indice des prix. Donc vous proposez une baisse de pouvoir d'achat, un impôt caché supplémentaire.
Nous proposons de ne pas baisser l'impôt sur les revenus relevant des deux dernières tranches alors que vous, vous préconisez une baisse de pouvoir d'achat.
Pas par rapport à aujourd'hui, en effet, mais pour demain, forcément. Nous ne sommes donc pas favorables à votre amendement. Je sais que plusieurs d'entre vous, quels que soient les bancs où ils siègent, ont demandé que l'on augmente les impôts de certains – je sais que ce n'est pas ce que vous proposez ici – alors que nous avons décidé, j'y insiste, de baisser l'impôt sur les revenus relevant de la tranche de 30 % comprise.
Le rapporteur général a excellemment répondu concernant le prélèvement à la source et je n'y reviendrai donc pas, l'explication essentielle de l'écart constaté étant qu'en 2019, l'impôt a été prélevé sur onze mois et non douze.
Mme Pires Beaune nous a interrogés sur des difficultés liées à la déclaration des revenus de capitaux mobiliers. Le choix par défaut est le prélèvement forfaitaire unique – la flat tax – parce qu'il est en général plus favorable à nos concitoyens. Reste qu'il peut y avoir des exceptions, auquel cas, en effet, il faut faire une réclamation auprès du fisc si l'on s'est trompé ou si l'on n'a pas coché la case qui convenait.
Nous pourrions dès lors faire en sorte, non pour l'année prochaine mais pour la suivante, que les services des impôts proposent au contribuable ce qu'il y a de plus intéressant pour lui. C'est d'autant plus envisageable que l'administration gagne en réactivité, surtout si nous mettons en place la déclaration tacite pour une grande partie des Français. Une telle pratique s'inscrirait en outre dans la logique du droit à l'erreur. Il est donc normal, à défaut, que ce soit la flat tax qui s'applique parce que, en général, je le répète, c'est la solution la plus favorable pour le contribuable. Dans des cas contraires comme ceux que vous avez mentionnés, les services des impôts rectifieront, quand bien même peu de personnes sont concernées. Avis défavorable, donc, sur l'ensemble des amendements.
« Baisse de pouvoir d'achat »… Calmons-nous ! Reprenons les chiffres de l'IPP : les 1 % les plus riches vont tout de même avoir 4 462 euros de plus par an grâce à vos réformes fiscales. Modérons-nous donc quand nous avançons qu'il s'agirait d'une baisse de pouvoir d'achat. Je suis favorable aux amendements en discussion commune, y compris à celui du groupe MODEM et apparentés. Même dans la majorité – et je ne m'étonne pas que ce soit le cas de notre collègue Mattei – , on a tout de même l'impression que, depuis deux ans, beaucoup de cadeaux ont été faits – avec, entre autres, la suppression de l'ISF – …
… et qu'il faudrait peut-être un peu corriger le tir au moment où l'on s'apprête à baisser l'impôt sur le revenu de 5 milliards d'euros. Or comme j'ai envie d'encourager l'élan de nos collègues, je vais voter pour l'amendement de M. Mattei.
Monsieur le ministre, il ne s'agit pas de faire baisser le pouvoir d'achat mais de prendre une mesure de justice fiscale. Nous proposons que les tranches de 41 % et de 45 % ne soient pas indexées sur l'indice des prix. En effet, on sous-indexe, par exemple, les pensions inférieures à 2 000 euros par mois, alors que sont concernés, ici, les revenus de plus de 6 500 euros par mois. Or, puisque nous considérons que nous sommes des gens sérieux, nous entendons gager l'augmentation du plafond du quotient familial par des recettes sérieuses.
Je tiens à exprimer mon inquiétude. Nous nous connaissons depuis très longtemps – depuis 2002 – , monsieur le rapporteur général, et j'imagine que vous souffrez quelque peu.
Sans doute notre collègue Dufrègne serait-il parvenu à vous convaincre puisque vous sortez tous les deux de la terre bourbonnaise ; mais, vraiment, vous êtes pris d'une crampe mentale.
Mouvements divers.
Vous vous accrochez, vous vous obstinez à refuser toute augmentation de l'impôt sur le revenu, y compris pour ceux dont le revenu est supérieur à 315 612 euros ! Ce ne serait tout de même pas, pour eux, une catastrophe ! Peut-être Fabien Roussel aurait-il réussi à convaincre le ministre plus facilement que moi.
Reste que j'appelle votre attention sur ce point : ce serait un geste fort qui permettrait, en fin de compte, de dire du Gouvernement qu'il n'est pas le gouvernement des riches.
Nous avions déposé le même amendement l'année dernière, monsieur le ministre, et votre réponse m'avait laissé espérer que votre avis, cette année, serait favorable. En effet, vous m'aviez déclaré que notre proposition était intéressante… De même qu'aujourd'hui, nous souhaitions alors une revalorisation différenciée des deux dernières tranches. Je rejoins notre collègue Mattei : nous ne proposons pas une perte de pouvoir d'achat mais une moindre augmentation de pouvoir d'achat, ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
La loi de finances pour 2013 a abaissé le plafond de l'avantage en impôt résultant de l'application du quotient familial – un vrai coup dur pour la politique familiale. Cette mesure a concerné près de 800 000 foyers appartenant essentiellement à la classe moyenne. Or le quotient familial ne doit pas être considéré comme une variable d'ajustement, comme une aide sociale, mais bien comme un dispositif visant à encourager la natalité. Aussi n'était-il pas pertinent d'en diminuer le plafond.
Le Gouvernement propose de fixer de nouveaux montants afin de rehausser le plafond de cet avantage, mais ces montants ne sont pas à la hauteur de ceux en vigueur avant l'application de la loi de finances pour 2013. C'est pourquoi le présent amendement vise à revenir aux montants de plafonnement antérieurs, afin de renouer avec une politique familiale dynamique, à la hauteur des enjeux.
Nous sommes attachés au quotient familial qui, selon nous, constitue, par sa redistribution horizontale vers les familles, le fondement d'une politique familiale qui assure à un foyer avec enfant une juste compensation financière par rapport à un foyer qui n'en a pas. Or ce quotient familial a été plafonné par la loi de finances pour 2013. Cet abaissement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial a concerné près de 800 000 foyers appartenant essentiellement à la classe moyenne.
En 2019, les familles subiront encore une fois une lourde perte de pouvoir d'achat puisque les allocations familiales, contrairement aux pensions de retraite pour les foyers percevant moins de 2 000 euros par mois, ne bénéficieront d'aucune augmentation, pas même de celle résultant d'une indexation sur le montant de l'inflation qui aujourd'hui avoisine 2 %. C'est un véritable abandon de toute politique familiale…
… alors même que la natalité continue de reculer avec 50 000 naissances en moins en 2017.
De ce fait, il apparaît important que l'atteinte au pouvoir d'achat des classes moyennes organisée par le plafonnement des tranches les plus hautes du quotient familial par la loi de finances pour 2013 soit enfin réparée. C'est pourquoi le présent amendement vise à revenir aux montants de plafonnements antérieurs à la loi de finances pour 2013. J'ajoute que, depuis, les gouvernements successifs, qu'il s'agisse des gouvernements socialistes ou de l'actuel, ont complètement abandonné la politique familiale.
Le présent amendement va dans le même sens et vise à conforter la politique familiale et à revenir au taux du quotient familial d'avant le précédent gouvernement.
Je reviens sur notre discussion d'il y a une heure. Je suis d'accord avec le principe du prélèvement contemporain. Seulement, il faut en admettre la conséquence : en période de croissance, les revenus augmentant pour la plupart – et c'est tant mieux – , les recettes fiscales vont augmenter elles aussi, mais, dans ce contexte, à un moment donné, vous paierez plus d'impôts que dans le système antérieur. J'étais pour ma part contre le prélèvement à la source, mais c'est un peu différent, passons. Des Français pensaient qu'ils paieraient un peu moins d'impôts or, du fait de l'impôt contemporain, ils en paieront un peu plus parce que leurs revenus augmentent. Reste qu'à un moment donné, et vous avez raison, les choses s'inversent.
Il y a une bonne nouvelle : quand on prend sa retraite – ce qui arrivera probablement plus tard que ce que l'on avait prévu – , on paie l'impôt sur sa pension et non sur son revenu de l'année précédente. Il y a une mauvaise nouvelle : quand on entre dans la vie professionnelle, alors qu'on est jeune, on ne bénéficie plus d'une année de répit, on paie l'impôt sur le revenu dès son premier salaire.
Vous ne voulez pas reconnaître que ces situations sont les conséquences de l'impôt à la source. C'est pourtant du bon sens. Les effets en question sont mesurables, et ils peuvent être mesurés plus globalement s'agissant de la collecte générale de l'impôt sur le revenu.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1177 .
Il va dans le même sens que l'amendement qu'a très bien défendu notre collègue Gilles Lurton.
Le quotient familial n'est pas une aide sociale : il constitue, par la redistribution horizontale qu'il opère en faveur les familles, le fondement de notre politique familiale. Il assure à un foyer avec enfant une juste compensation financière par rapport à un foyer qui n'en a pas. L'amendement vise à revenir, à partir du 1er janvier 2020, à des montants de plafonnement plus proches de ceux en vigueur avant la loi de finances pour 2013.
La parole est à Mme Nathalie Elimas, pour soutenir l'amendement no 2634 .
Vous connaissez l'attachement du groupe du Mouvement démocrate et apparentés à la politique familiale. Nous sommes d'ailleurs à l'origine d'une mission d'information sur le sujet.
Comme l'ont souligné M. Gilles Lurton et Mme Emmanuelle Ménard, le quotient familial constitue un élément fort du volet fiscal de la politique familiale. Il a été fortement plafonné en 2012 puis en 2013, période pendant laquelle le plafond de réduction d'impôt liée au quotient familial pour chaque demi-part est passé de 2 336 à 1 500 euros. Or il s'agit d'un atout non négligeable pour les ménages de la classe moyenne.
L'amendement no 2634 vise à remonter de 100 euros le plafond de la réduction liée à la demi-part du quotient familial. Le coût qu'il représente est en quelque sorte gagé par l'amendement no 2633 , que vous appellerez dans la discussion commune suivante, monsieur le président, et qui vise à abaisser les seuils d'entrée dans les deux dernières tranches de l'impôt sur le revenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?
Il est défavorable. Ces amendements visent à revenir sur les baisses de plafond intervenues sous la législature précédente, mais je veux signaler que, de fait, ils profiteraient tous aux familles les plus aisées. Ce n'est pas la réforme équitable que nous voulons – c'est-à-dire une réforme qui profite aussi bien aux gens aisés qu'aux gens modestes.
Ces amendements sont donc non seulement contraires à cette politique, mais ils sont aussi extrêmement coûteux. Ils représentent plusieurs milliards d'euros. Très honnêtement, ils ne sont pas compatibles avec une baisse d'impôts de 5 milliards d'euros. Je crois pourtant que toutes les personnes qui se sont exprimées jusqu'à présent n'ont pas la volonté d'aggraver le déficit public – du moins ce n'est pas un souhait qu'elles affichent.
Sur le fond, je rappelle que, depuis le début des années 2000, la progressivité de l'impôt sur le revenu a été réduite – le barème est passé de quatorze à sept, puis cinq tranches. Il n'est donc pas illogique que les effets du plafonnement du quotient familial aient été revus.
Avis défavorable.
Monsieur le rapporteur général, je comprends que vous soyez défavorable aux amendements, puisque vous avez voté, avec la majorité à laquelle vous apparteniez alors, les plafonnements de 2012 et de 2013.
Néanmoins, il s'agit selon moins d'une négation totale des fondements d'une politique familiale. Vous dites que vous ne voulez pas que la mesure que nous proposons profite aux contribuables ayant les revenus les plus élevés, mais la politique familiale relève de la redistribution horizontale. Cela fait maintenant sept ans que je n'ai de cesse d'essayer de vous expliquer cela. La politique familiale n'est pas une politique sociale qui relève de la redistribution verticale. La politique familiale, c'est la compensation de l'arrivée d'un enfant dans un foyer.
Nous tenons à ce principe. C'est pour cela que nous vous demandons de revenir sur les mesures adoptées dans la loi de finances pour 2013.
Monsieur le rapporteur général, on ne peut tout de même pas dire qu'un couple qui a trois ou quatre enfants a le même pouvoir d'achat qu'un couple sans enfant !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LR.
Ce n'est pas pareil ! Il faut se rendre à la réalité : on n'a pas les mêmes moyens dans un cas et dans l'autre. Il est vrai que le barème est passé de douze ou quinze tranches à cinq, mais c'était lié au passage de l'abattement forfaitaire de 20 % à 10 %. Cela correspondait à toute une évolution fiscale.
Franchement, je ne comprends pas votre raisonnement. Comme le dit souvent Jean-Louis Bourlanges, un couple avec enfants n'a pas le même pouvoir d'achat qu'un couple qui n'en a pas.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Nathalie Elimas applaudit également.
Je suis saisi de deux amendements, nos 2647 rectifié et 2633 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Sarah El Haïry, pour soutenir l'amendement no 2647 rectifié .
Monsieur le ministre, nous vous faisons là une proposition tonitruante qui respecte la baisse d'impôt de 5 milliards d'euros. Nous ne varions pas d'un centime par rapport à cet objectif, mais, pour plus de progressivité, nous vous proposons la création de dix tranches d'imposition avec des taux applicables aux parts des revenus des contribuables imposables de 7 % à 49 %. Ce faisant, nous respectons l'enveloppe budgétaire, mais nous renforçons la progressivité en multipliant le nombre de tranches, répondant ainsi à un certain nombre de demandes. Cela permet aussi d'agir sur le quotient familial.
L'amendement no 2633 de Mme Nathalie Elimas a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je ne serai pas tonitruant, car ce n'est généralement pas mon genre.
Je ne reviens pas sur le fait que notre système est déjà l'un des plus redistributifs, mais je note simplement que ces amendements augmentent l'impôt pour certaines catégories de contribuables. Madame Elimas, si je loue la qualité de votre amendement, construit grâce à LexImpact, je constate que vous créez deux nouvelles tranches dont le taux serait supérieur au taux marginal en vigueur. Dès lors que nous avons pour règle de ne pas augmenter les impôts, mon avis est défavorable.
Les amendements nos 2647 rectifié et 2633 , repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 585 de M. Jean-Jacques Ferrara est défendu.
L'amendement no 585 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 2860 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il vise à multiplier par trois la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus. Je rappelle qu'elle ne concerne que ceux qui gagnent plus de 250 000 euros par an. Cela leur permettrait de davantage contribuer, d'autant, comme le disait mon collègue François Ruffin, que nous sommes bien dans une situation exceptionnelle dans laquelle l'État a besoin d'argent – ne serait-ce que pour financer la transition écologique. Ce dispositif rendrait aussi un peu plus justes les mesures fiscales que vous prenez par ailleurs.
L'amendement no 481 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 72
Nombre de suffrages exprimés 68
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 65
Contre 3
L'article 2, amendé, est adopté.
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Tout ça pour ça !
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 2861 , 221 , 1169 , 2049 , 1031 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 2861 , 221 , 1169 et 2049 sont identiques et font l'objet d'un sous-amendement no 2989 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement no 2861 .
Il vise à aligner la définition du domicile fiscal des agents territoriaux à l'étranger sur celle des agents de l'État, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. De nombreux agents territoriaux sont en poste à l'étranger – en particulier dans les représentations des régions à Bruxelles, puisque les programmes européens relèvent de ce niveau territorial. Ils ne bénéficient pas du régime applicable aux agents de l'État qui se trouvent dans la même situation, ce qui pose un problème.
J'indique, puisque la question a été posée en commission, que les agents de l'État comme les agents territoriaux en poste à Bruxelles ne sont pas soumis à l'impôt belge. C'est une grosse différence avec le secteur privé.
Les agents de l'État bénéficient de la domiciliation fiscale en France mais pas les agents territoriaux. Cela implique que les agents territoriaux ne bénéficient pas des réductions et crédits d'impôt français puisqu'il faut être domicilié fiscalement en France pour y avoir droit.
J'ai en conséquence proposé à la commission d'actualiser le code général des impôts afin de ne plus faire de différence dans la façon de traiter les agents de l'État et les agents territoriaux. Notons que la situation n'est pas la même pour les salariés du privé qui sont soumis à la fiscalité du pays dans lequel ils se trouvent.
La règle applicable me semble moralement juste. L'idée initiale était d'éviter que les agents de l'État bénéficient d'une exonération sur des revenus payés par le contribuable lorsqu'ils sont envoyés à l'étranger. Cela n'a pas été écrit comme une faveur par le législateur de 1979, mais, avec le développement des réductions et crédits d'impôt, on trouve maintenant un intérêt à avoir un domicile fiscal en France même lorsqu'on est à l'étranger. Il faut donc aligner les deux régimes.
Je remercie M. le rapporteur général d'avoir vérifié un certain nombre de points après nos débats en commission des finances. Il s'agit d'un amendement important car il touche à l'Europe des territoires et à la présence des régions au niveau de l'Union. Il va dans le bon sens.
La parole est à Mme Anne Genetet, pour soutenir le sous-amendement no 2989 .
Il vise à étendre la convergence proposée en matière de domiciliation fiscale à tous les agents de la fonction publique en poste à l'étranger. Cela concerne en particulier les agents des personnes morales de droit public, comme ceux de la fonction publique hospitalière.
Il faut souligner l'importance de la présence de la France hors de nos frontières. Elle est nécessaire. Il est important que notre fonction publique soit présente à l'étranger, en particulier dans le cadre de la coopération publique décentralisée.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, pour soutenir l'amendement no 1031 rectifié .
Je serai bref, moi aussi. Le rapporteur général a tout dit de cet alignement dont nous devons nous réjouir car les femmes et les hommes concernés participent à des milliers de projets européens ou les font naître à Bruxelles avant qu'ils ne concernent les territoires de chacun d'entre nous, en France. Cet alignement souhaitable répond à une vieille revendication et je me réjouis que nous ayons pu y apporter notre concours aujourd'hui.
La commission est favorable au sous-amendement de Mme Genetet car la fonction publique hospitalière est, elle aussi, concernée. Il y a en effet des hôpitaux transfrontaliers ; s'il fallait n'en citer qu'un, rappelons que celui de Puigcerda est à cheval sur la frontière franco-espagnole, mais il y en a bien d'autres.
Je suis également favorable, bien évidemment, à l'amendement de la commission des finances ainsi qu'à tous ceux qui y sont identiques. Je serai, en revanche, défavorable à l'amendement no 1031 rectifié dont la rédaction est différente.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le Gouvernement partage l'objectif des auteurs de l'ensemble de ces amendements. Nous préférons la rédaction de celui de M. le rapporteur général à celle de M. Anglade, même si elle continue à ne pas nous satisfaire pleinement en raison du problème que pose la notion d'agent public. Nous souhaitons donc améliorer cette rédaction au cours de la navette, en tenant compte de la préoccupation de Mme Genetet.
C'est pourquoi le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse de l'Assemblée sur les amendements identiques, et donne un avis défavorable sur l'amendement no 1031 rectifié et le sous-amendement.
Votre réponse m'étonne, monsieur le secrétaire d'État. Nous étions tous d'accord, en commission des finances, pour que le même régime soit appliqué aux trois fonctions publiques. Le sous-amendement à l'amendement du rapporteur général permet d'atteindre cet objectif en étendant les règles de la domiciliation fiscale des agents de l'État en poste à l'étranger à l'ensemble des agents d'une personne morale de droit public.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'État, n'aurait-il pas été plus simple, pour combler les lacunes des amendements adoptés en commission, de sous-amender l'amendement de la commission des finances ?
Rassurez-vous, monsieur de Courson, le Gouvernement partage votre objectif mais nous craignons que la définition de l'expression « agent public » ne soit pas suffisamment précise. C'est pourquoi nous nous en remettons à la sagesse de l'Assemblée pour ce qui concerne l'amendement de M. le rapporteur général. L'avis défavorable rendu au sous-amendement de Mme Genetet et à l'amendement de M. Anglade ne signifie pas que nous n'en partageons pas le sens mais nous souhaitons qu'ils ne soient pas adoptés ce soir car nous préférons nous fonder sur l'amendement de M. le rapporteur général tout en en améliorant la rédaction.
Permettez-moi simplement de vous signaler que le sous-amendement reprend exactement la terminologie des conventions internationales.
Le sous-amendement no 2989 n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 2861 , 221 , 1169 et 2049 sont adoptés et l'amendement no 1031 rectifié tombe.
La parole est à Mme Frédérique Tuffnell, pour soutenir l'amendement no 2362 .
Étalement urbain, constructions en zone inondable, artificialisation et imperméabilisation des sols d'un côté ; sécheresses, inondations, submersions, pluies torrentielles comme celles que nous avons subies cette semaine de l'autre… Je souhaite mettre en évidence les bienfaits exceptionnels des milieux humides. Les deux tiers des dunes, des marais, des fanes et des tourbières ont disparu depuis pratiquement un siècle alors qu'ils jouent un rôle exceptionnel dans l'atténuation des inondations.
C'est pourquoi la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire vous propose cet amendement destiné à freiner l'artificialisation des sols en rendant déductibles des revenus fonciers les dépenses résultant des travaux de restauration de gros entretien afférentes aux zones humides.
Mme Sandrine Mörch applaudit.
Nous l'avons dit en commission : placé dans la première partie du projet de loi de finances, cet amendement créerait un effet d'aubaine pour les dépenses déjà exposées en 2019. Je vous invite à le retirer pour le présenter à nouveau en seconde partie. Je l'examinerai alors d'un oeil assez bienveillant.
Sourires.
L'amendement no 2362 est retiré.
Grâce à la loi de transformation de la fonction publique, adoptée le 6 août 2019, des accords de rupture conventionnelle peuvent être conclus dans le secteur public au bénéfice des agents contractuels bénéficiant d'un CDI comme des agents titulaires. Nous souhaitons, par cet article, aligner les conditions de la rupture conventionnelle du secteur public sur celle du secteur privé, c'est-à-dire défiscaliser l'indemnité de rupture conventionnelle. Dans le même but, l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'exonérer cette indemnité de cotisations sociales.
Les débats entourant l'examen du projet de loi de transformation de la fonction publique ont mis en évidence l'importance d'aligner sur le secteur privé les conditions d'exonération de l'indemnité de rupture conventionnelle applicables dans le secteur public. Cet amendement tend au même objectif que celui du Gouvernement.
Nous avions accepté l'amendement no 2203 en commission mais le Gouvernement nous propose un amendement dont la rédaction est beaucoup plus stable. Je vous invite par conséquent à le retirer au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement no 2203 est retiré.
L'amendement no 2999 est adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1023 .
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous êtes engagé à plusieurs reprises à faire la chasse aux niches fiscales. Or cela fait trois ans que je vous propose de supprimer celle des journalistes. J'espère être entendue cette fois-ci car plus personne ne comprend pourquoi vous protégez tout particulièrement celle-ci.
L'article 81 du code général des impôts permet aux journalistes de déduire directement 7 650 euros de leur revenu imposable pour les frais inhérents à leurs fonctions. Concrètement, un journaliste qui gagne 3 000 euros par mois ne paiera que 2 125 euros d'impôts par an alors qu'un non-journaliste qui perçoit le même revenu s'acquittera d'un impôt de 4 153 euros, soit le double. Si vous ne m'écoutez pas, moi, écoutez au moins la Cour des comptes, qui préconisait déjà en 2013 de supprimer cette niche fiscale dont elle évaluait le coût à 60 millions d'euros environ.
Vous m'aviez répondu l'année dernière que cette niche ne représentait qu'une toute petite somme. Pour les Français, au contraire, 60 millions c'est beaucoup ! Je vous propose, par conséquent, de supprimer ce privilège qui est perçu comme une véritable injustice par les Français.
Madame la députée, nous avons déjà débattu de ce sujet l'an dernier. Il a été décidé, au Sénat, de plafonner cet avantage fiscal, et j'ai accepté de modifier en ce sens la rédaction du projet de loi de finances.
Je vous propose de laisser vivre le plafonnement avant de l'évaluer et de prendre éventuellement de nouvelles initiatives. Dans une version très laïque, je vous remercie de ne pas me soumettre à la tentation et je vous invite à retirer votre amendement.
Avis défavorable.
Je suis désolée, monsieur le rapporteur général, de persister à vous soumettre à la tentation. Rappelons au passage que, l'an dernier, on nous expliquait qu'un retraité dont la pension s'élevait à 1 200 euros – 2 000 aujourd'hui – , était un retraité aisé alors qu'un journaliste qui percevrait moins de 4 000 euros ne le serait pas. Je ne comprends pas très bien la distinction ainsi faite entre le journaliste pauvre et le retraité aisé. J'y vois au contraire une grosse contradiction, ce qui explique que je vous tente à nouveau, monsieur le rapporteur.
Mes chers collègues, j'ai déposé le même amendement il y a vingt-deux ans.
Rires et applaudissements sur divers bancs.
Vous êtes aussi le seul à être resté député !
En effet, l'un n'a pas empêché l'autre. On m'avait pourtant traité de fou, alors, et prévenu que je risquais de me mettre à dos tous les journalistes. Je suis donc allé à leur rencontre pour leur expliquer à quel point cet abattement les mettait dans une situation épouvantable : n'allait-on pas les soupçonner de complaisance envers les représentants de la nation en échange de ces quelques gâteries ? Ce à quoi le Syndicat national des journalistes m'a répondu que les patrons des entreprises de presse ou de télévision prenaient en compte cet avantage fiscal dans la fixation de leurs salaires.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous pouvez protester, je vous rapporte ce qu'il m'a été répondu. Bref, il s'avérait en tout cas qu'ils ne seraient pas opposés à la suppression de cet avantage, éthiquement indéfendable, et susceptible de mettre en doute l'indépendance des journalistes à l'égard de la représentation nationale, à condition de renégocier l'ensemble de leur situation et de leur rémunération – car l'abattement n'est qu'un des problèmes posés par leur statut. Au nom de quoi, en effet, faire perdurer un tel régime ?
Ah, il est dommage que M. Darmanin nous quitte...
Vous m'en reparlerez dans vingt-deux ans !
Sourires.
… car il y a un vrai problème. Le Gouvernement serait-il prêt à engager une négociation avec les patrons de presse, les syndicats de journalistes pour sortir de cette situation qui est une totale anomalie ?
Mme Emmanuelle Ménard applaudit.
L'amendement no 1023 n'est pas adopté.
Les élus locaux, en particulier les maires des petites communes, assurent un lien de proximité dont les Français ont besoin, spécialement dans les territoires les plus ruraux. Au contact direct de leurs populations et se rendant souvent disponibles à toute heure, ils doivent assumer leurs fonctions dans des conditions de plus en plus difficiles, provoquant une grande lassitude renforcée par la hausse considérable, en 2018, de l'imposition des élus locaux, jusqu'à 350 % pour certains d'entre eux, suite à l'application de l'article 10 de la loi de finances pour 2017, aménageant le régime d'imposition de leurs indemnités de fonction. Les élus locaux disposaient en effet, jusqu'à l'instauration en 2017 du prélèvement à la source, d'un système d'imposition de leur indemnité qui tenait compte du caractère particulier de la mission singulière qu'ils assurent au service de leurs concitoyens.
Lors de l'instauration de la retenue à la source, ce dispositif légitime a été réduit et limité aux seules communes de 500 habitants et moins, ce qui aboutit à soumettre l'ensemble de la cohorte des élus des collectivités comptant entre 500 et 2 000 habitants à une fiscalisation de leur indemnité au titre de la catégorie des traitements et salaires alors que celle-ci est destinée à compenser des sujétions et des frais engagés, sans remboursement de la part des collectivités qui ne disposent pas de moyens suffisants pour cela.
Au moment où le Président de la République entend renouer le lien rompu avec les élus locaux, nous proposons de mettre fin à cette iniquité afin de leur redonner un peu de confiance – d'en donner en particulier aux maires des petites communes. Cet amendement vise donc à affranchir de l'impôt les indemnités des maires des communes situées dans les strates inférieures à 3 500 habitants. Il va ainsi dans le sens du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, qui souhaite revaloriser l'engagement et la fonction des élus.
Nous avons déjà traité cette question l'année dernière en acceptant un amendement du Sénat, qui a rehaussé l'abattement des indemnités des élus des communes de moins de 3 500 habitants. De plus, en l'état du droit, le maire d'une commune de 1 000 habitants reste totalement exonéré. Il me semble que les seuils que vous proposez sont excessifs. Est-ce le bon moment pour soumettre ce genre d'amendement ? Ce signal risque d'être assez mal perçu. Avis défavorable.
Même avis. Tout d'abord, la déduction spécifique a été maintenue et se cumule avec l'abattement de 10 % pour frais professionnels instauré dans le cadre de la fiscalisation des indemnités des élus.
Ensuite, votre amendement est largement satisfait par l'article 4 de la loi de finances pour 2019, qui a majoré l'exonération des indemnités de fonction des élus locaux des communes de moins de 3 500 habitants afin de valoriser spécifiquement le mandat des élus des plus petites communes. À l'heure actuelle, il ne nous paraît pas justifié d'étendre cette exonération aux communes de plus de 3 500 habitants.
Enfin, l'article 28 du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, que vous avez cité, proposera la revalorisation des indemnités des élus des communes les plus modestes, ce qui répondra également à votre attente.
Il n'est sans doute pas dans l'air du temps d'accorder de nouveaux avantages fiscaux aux élus. Néanmoins, les élus locaux n'ont pas à s'excuser d'avoir été élus ni d'assumer chaque jour des missions au service de la République et de leurs concitoyens.
Lorsque j'étais maire, j'ai dû prendre un temps partiel – si vous continuez à travailler à temps complet alors que vous êtes maire d'une commune de 2 000 habitants, il y a une chose que vous ne faites pas bien : soit votre travail, soit votre mandat. Avec ce temps partiel de 40 % à 50 %, complété par l'indemnité de maire, j'ai dû payer plus d'impôts. Voilà la réalité.
Il me semble qu'il faudrait abattre au moins les premiers 1 000 euros d'indemnité perçus. Vous nous annoncez une augmentation des indemnités, monsieur le secrétaire d'État ; mais alors, les maires devront payer encore plus d'impôts.
Alors que le Sénat examine un projet de loi sur lequel nous nous pencherons dans quelques semaines, il me semble que nous devrions envoyer un signe, soit en augmentant l'abattement, soit en créant des tranches, pour permettre aux élus locaux de payer moins d'impôts. En tout cas, je souhaiterais que soit examinée la possibilité d'exonération d'une partie de l'indemnité.
Savez-vous ce que l'on disait dans la république romaine ? La femme de César doit être au-dessus de tout soupçon.
Vous ne savez pas, mon jeune collègue, qu'il y a trente ans, les indemnités parlementaires n'étaient que partiellement fiscalisées. Nous y avons mis fin il y a maintenant une trentaine d'années. Après quoi subsistait l'anomalie des revenus des élus locaux ; nous y avons mis fin aussi, sauf pour les maires des communes de moins de 500 habitants. Soyons exemplaires. Arrêtons de justifier ces exceptions par le fait que nous soyons élus. Nous avons beaucoup de contraintes, il est vrai, mais nous les assumons. Montrons l'exemple à nos concitoyens, plutôt que de leur donner l'impression que nous recherchons les privilèges. Voilà ma position, chers collègues ; je pense qu'elle traduit massivement celle de l'opinion publique française.
J'espère vraiment que le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique permettra de valoriser le travail des élus qui inclut, dans les petites communes, une part importante de bénévolat. J'entends ce qui a été dit ; j'aurais cependant souhaité que soit fait un geste, un effort, en attendant ce projet de loi. Car nous devons rester cohérents avec ce que nous voulons défendre.
L'amendement no 2460 n'est pas adopté.
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2020.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra