La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 146 à l'article 1er.
L'amendement no 146 de Mme Claire Pitollat est défendu.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19, pour donner l'avis de la commission.
La parole est à Mme la ministre du travail, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'amendement no 146 est adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 316 .
Comme l'a très justement dit Mme la ministre ce matin, cet article comporte de nombreux alinéas prévoyant des mesures bonnes pour nos entreprises, qui vont les aider dans la reprise. Limiter leur durée d'application à six mois après le terme de l'état d'urgence sanitaire me paraît un peu court : je propose de porter le délai à douze mois, afin de bien assurer la bascule dans l'année 2021.
Je comprends le sens de votre amendement, ma chère collègue, mais l'alinéa 14 étant un alinéa chapeau, cette prolongation concernerait de nombreuses dispositions, touchant non seulement à l'activité partielle mais aussi à bien d'autres dérogations, notamment en matière de CDD – contrat à durée déterminée. De ce fait, le délai que vous proposez me paraît trop long vis-à-vis des partenaires sociaux. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 316 est retiré.
Cet amendement propose de supprimer l'alinéa 15 car celui-ci permettrait d'adapter les dispositions relatives « à l'activité partielle, notamment en adaptant les règles aux caractéristiques des entreprises, à leur secteur d'activité ou aux catégories de salariés concernés ». Vous allez certainement avoir quelques arguments en faveur de son maintien, monsieur le rapporteur, madame la ministre, mais cet alinéa soulève tout de même deux interrogations.
Après trois ans de pratique, je me méfie, et c'est peu dire, de ce que fait le Gouvernement en matière de droit social. Il prétend aujourd'hui prendre des dispositions pour le bien des salariés, mais je me demande s'il n'y a pas derrière cela des volontés un tout petit peu autres, sachant que le parlement perdra le contrôle sur tout ce qui relèvera des ordonnances. Comment déléguer en confiance à ce gouvernement des mesures dans le domaine du droit social au vu de ce qui s'est passé ces dernières années ?
Ma seconde interrogation a une portée plus générale que ce seul alinéa : le Gouvernement compte-t-il, pour appliquer les dispositions dérogatoires, uniquement sur des accords d'entreprise ou aussi sur des accords de branche – comme il semble que vous vous y soyez engagée, madame la ministre, auprès de M. Berger, le secrétaire général de la CFDT – Confédération française démocratique du travail ? J'aimerais bien avoir une réponse précise.
Monsieur Lambert, j'ai bien peur qu'adopter votre amendement de suppression de l'alinéa 15 ne revienne à perdre tous les fruits de l'engagement massif et coûteux qui permet de préserver l'emploi et le capital humain des entreprises à travers l'activité partielle. Cela mettrait en effet fin à toutes les mesures d'adaptation de l'activité partielle, mesures appréciées des Français et des entreprises car elles permettent de faire tenir notre système social et notre économie. J'entends bien vos propos, mais la suppression de cet alinéa causerait une catastrophe que vous ne souhaitez sûrement pas. Je préconise un retrait. À défaut, l'avis serait défavorable.
Supprimer cet alinéa, monsieur le député, priverait en effet de soutien de nombreux salariés et de nombreuses entreprises. Depuis le début du confinement, le dispositif d'activité partielle, plus communément appelé « chômage partiel », a été profondément transformé afin de préserver les entreprises de la perte de compétences, voire de la défaillance, et les salariés de la perte de leur emploi.
Le chômage partiel, en France, permet au salarié de conserver son contrat de travail, qui n'est que suspendu, l'État – en l'occurrence le ministère du travail – et l'UNEDIC se substituant à l'employeur pour payer le salaire, à hauteur de 100 % du salaire net au niveau du SMIC ou en dessous, et de 84 % au-dessus. Il faut savoir que ce système, amplifié depuis la crise du Covid-19, est le plus protecteur d'Europe. Nous en sommes fiers et nous l'assumons complètement. Nous avons provisionné, fait sans précédent, 26 milliards d'euros pour ce dispositif qui concerne aujourd'hui plus de six salariés sur dix du secteur privé – il y a 12 400 000 personnes protégées par le chômage partiel – et un million d'entreprises. Je tiens à saluer à cette occasion tous les personnels du ministère du travail et de l'Agence de services et de paiement qui, jour et nuit, ont fait un boulot extraordinaire pour sauver ces emplois.
Dans ce contexte, le dispositif a été élargi à toutes les tailles et à tous les types d'entreprises. Le fait qu'aujourd'hui 60 % des salariés couverts appartiennent à des entreprises de moins de 50 salariés correspond à ce que je pense nous souhaitons tous : maintenir l'emploi, le tissu productif et le tissu social dans toutes les petites entreprises, c'est-à-dire aussi dans tous les territoires. Le dispositif a également été élargi à de nombreux métiers qui n'y avaient pas droit auparavant – les assistantes maternelles, les employés à domicile, les marins-pêcheurs, les personnels navigants, les personnels au forfait-jour, les VRP… – ainsi qu'aux apprentis, qui perçoivent leur rémunération intégrale, aux CDD, aux intérimaires et aux saisonniers.
Je crois que nous pouvons être fiers, collectivement, d'avoir dressé ce filet de protection massif et inédit, qui nous permet d'éviter des millions de suppressions d'emplois : aux États-Unis par exemple, en cinq semaines, 30 millions d'emplois ont été supprimés faute d'un système de chômage partiel.
Ce système va bien sûr devoir s'adapter à un contexte nouveau, celui de la reprise. Il va évoluer et nous aurons l'occasion d'en reparler. Mais je voudrais insister sur le fait que supprimer cet alinéa, ce serait supprimer la possibilité d'adapter le dispositif du chômage partiel pour qu'il continue à accompagner la reprise et à protéger l'emploi salarié dans notre pays, cette grande cause sociale et économique. C'est pourquoi, monsieur le député, je vous invite à le retirer.
Un mot qui va faire plaisir à Mme la ministre : au risque de m'attirer les foudres de mes collègues de la gauche, je note que l'alinéa 15 est relativement souple. Partons du principe que les chefs d'entreprise ont tout intérêt à voir leur activité redémarrer, les salariés à voir leur contrat pérennisé, et qu'il faut du coup que les dispositions du code du travail, peu flexibles, puissent être adaptées pour permettre à tous de retrouver du travail et de sauver l'économie du pays.
L'adaptation du code du travail dans une telle situation peut s'entendre, mais je n'ai pas eu même un semblant de réponse à la question que j'ai posée sur le rôle du dialogue social : le Gouvernement entend-il faire tout tout seul, décider que ce sera comme cela et pas autrement, ou au moins ouvrir le dialogue, ne serait-ce que quelques heures, avec les forces syndicales pour que ces adaptations, sans doute souhaitables, aient au moins la possibilité d'obtenir leur aval ?
Je me permets de revenir à la question soulevée par Sébastien Jumel ce matin car il s'agit ici de l'adaptation des dispositions relatives à l'activité partielle, « notamment en adaptant les règles aux caractéristiques des entreprises, à leur secteur d'activité ou aux catégories de salariés concernés ». Je ne conteste pas le recours à l'activité partielle : c'est une mesure nécessaire, bien qu'elle soulève des interrogations, notamment sur le niveau du maintien des salaires. Mais que va-t-il se passer dans la période qui s'ouvre ? Nous entrons dans le déconfinement et le dispositif va évoluer. Je suppose que c'est pour cette raison que vous souhaitez avoir une habilitation législative en ce domaine, madame la ministre, mais je souhaiterais en savoir un peu plus sur vos intentions. Je pense que personne ne disconvient que la reprise de l'activité qui s'ébauche nécessite des adaptations, mais dites-nous ce que vous avez en tête, puisque vous nous demandez une habilitation : dans quel état d'esprit abordez-vous ces adaptations ? Pour quoi faire ? Selon quels critères et à quel rythme ?
L'amendement no 223 n'est pas adopté.
Le présent amendement vise à préciser le champ d'habilitation de l'ordonnance en vue d'introduire un plafond de rémunération pour les bénéficiaires de l'activité partielle. Actuellement, le Gouvernement prend en charge 84 % du salaire net de toute personne mise en chômage partiel jusqu'à 4,5 SMIC, et 100 % au niveau du SMIC. On constate cependant une corrélation entre le niveau de rémunération et la capacité à recourir au télétravail, de sorte que l'activité partielle est de moins en moins justifiable à mesure que le niveau de salaire augmente. Dès lors, il n'apparaît pas soutenable que l'État prenne en charge les salaires des personnes qui peuvent exercer leur activité à distance. C'est pourquoi il est proposé de plafonner le bénéfice de l'activité partielle aux personnes dont la rémunération est inférieure à 2,5 SMIC. Ce plafond se justifie au regard des exonérations de cotisations consenties au titre des allégements généraux ainsi que dans le cadre du pacte de responsabilité première mouture.
Je comprends l'intention des auteurs de cet amendement, sans doute animés par un sentiment de justice sociale. Le dispositif d'activité partielle a vocation à être ciblé vers ceux qui en ont le plus besoin. Or l'amendement, outre ce critère, propose de restreindre le dispositif d'activité partielle à ceux qui perçoivent moins de 2,5 fois le SMIC.
Il y a une chose dans votre argumentaire qui m'interpelle : c'est l'opposition entre ceux qui peuvent ou non télétravailler – une sorte d'opposition entre cols bleus et cols blancs. En réalité, on peut très bien être en télétravail et gagner moins de 2,5 SMIC. Certains salariés qui travaillent dans des bureaux ou à la maison gagnent moins, et un ouvrier qualifié en fin de carrière gagne plus. Je suis gêné par cette opposition entre cols bleus et cols blancs, comme si le télétravail faisait disparaître la nécessité du chômage partiel. C'est pourquoi, à défaut d'un retrait, j'émettrais malheureusement un avis défavorable.
Je partage l'intention des auteurs de l'amendement : le chômage partiel doit aider en particulier les plus vulnérables. Mais j'ai le même avis que la commission, demande de retrait ou avis défavorable, car en pratique, beaucoup de salariés dont l'emploi ne peut être exercé à distance ont, fort heureusement, un revenu qui dépasse en fin de carrière 2,5 SMIC. Et puis je rappelle qu'on ne peut être en même temps au chômage partiel et en télétravail.
J'en profite pour répondre à la question que m'a posée ce matin M. Sébastien Jumel à propos du contrôle : oui, s'agissant d'un dispositif qui a pour but d'assurer un filet de protection à 12 millions de salariés, il est inévitable qu'une minorité d'entreprises ne respectent pas les règles. C'est pourquoi mon ministère a lancé il y a une semaine un plan de contrôle intensif qui vise les secteurs les plus à risque, en particulier les entreprises où une pression est exercée sur le salarié pour qu'il cumule télétravail et chômage partiel. On peut être au télétravail deux jours et au chômage partiel trois jours, mais pas les deux en même temps. Le télétravail est un travail qui, à ce titre, mérite une rémunération et pas une subvention de l'État. C'est un principe de base qu'il faut garder solidement à l'esprit.
Ce plan permettra donc d'exercer un contrôle intensif, ce qui est indispensable s'agissant d'un dispositif financé par l'argent public.
Pour en revenir à la question de la fixation d'un plafond, il est vrai, dans un contexte de reprise de l'activité, qu'il sera nécessaire de moduler l'activité partielle. D'autres amendements nous donneront l'occasion d'en parler. Il nous semble toutefois que le fait d'abaisser le plafond de rémunération des salariés éligibles, actuellement fixé à 4,5 SMIC, conduirait assez rapidement à toucher des salariés qui, ne pouvant pas exercer leur métier en télétravail, verraient leur emploi menacé si leur entreprise n'était plus remboursée au titre de l'activité partielle.
Merci pour votre réponse, madame la ministre. Nous serons évidemment intéressés, une fois les contrôles effectués, par le diagnostic que vous en tirerez.
Conformément à l'analyse de Pierre Dharréville, nous ne voterons pas en faveur de cet amendement. Il serait intéressant de porter à 100 % le niveau de prise en charge du chômage partiel des cols bleus, les « premiers de corvée » : n'oublions pas que le pouvoir d'achat des Français a tout de même été amputé de 11 milliards d'euros à la faveur de la crise ! Mais l'amendement vise à exclure ceux qui gagnent plus de 2,5 fois le SMIC de cette mesure de protection. Je suis favorable à ce qu'on porte à 100 % la prise en charge du chômage partiel, mais pas à ce qu'on en exclue ceux qui gagnent plus de 2,5 SMIC.
Cela me conduit à vous dire une chose, madame la ministre : d'après une étude, 95 % des ouvriers dont les entreprises ont continué à fonctionner sont allés au charbon, pour parler comme on le fait chez moi. À ceux-là, qui touchent des petits salaires, qui sont souvent précarisés, qui sont soumis à un lien de subordination encore aggravé par la récente réforme du code du travail, vous devrez donner des signes, aussi bien en matière d'augmentation du pouvoir d'achat que de protection offerte par le contrat de travail dans la durée.
Je suis inquiet des sirènes que j'entends : quand j'entends l'Institut Montaigne souffler à l'oreille du Gouvernement ; quand j'entends le MEDEF – mouvement des entreprises de France – vous suggérer des amendements permettant le renouvellement automatique, systématisé et pourquoi pas généralisé des CDD, je me dis que l'ancien monde n'est pas tout à fait derrière nous et que les vieilles recettes libérales nuiront toujours aux mêmes, y compris lorsque la crise sera terminée. Je voulais sonner l'alarme sur ce point. Nous y reviendrons plus tard au cours du débat.
Je précise qu'étant issu d'une famille à 95 % ouvrière, je ne souhaitais nullement opposer cols blancs et cols bleus. Il me semblait qu'il existait une forme de corrélation entre le niveau de rémunération et l'accès au télétravail. J'ai toutefois bien compris les explications apportées à plusieurs reprises par la ministre et le rapporteur. Mon collègue Sacha Houlié ne m'en voudra donc pas si je choisis de retirer cet amendement.
L'amendement no 398 est retiré.
Le dispositif d'activité partielle déployé par le Gouvernement est accessible aux artistes et aux techniciens du spectacle. Nous nous heurtons cependant à une difficulté d'application, pour une raison simple : dans certaines professions, notamment dans le monde de la culture, l'usage veut que les promesses d'embauche soient formalisées d'une façon particulière, par exemple par courriel ou par SMS, ce qui n'est pas suffisant pour déclencher l'activité partielle. Certaines entreprises du monde de la culture renoncent ainsi à utiliser ce dispositif. Un très grand nombre d'artistes et de techniciens du spectacle n'ont, de ce fait, pas accès à l'activité partielle, en raison du risque que l'État, par le biais des DIRECCTE – Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – n'accompagne pas le dispositif.
Cet amendement de précision vise donc à affirmer que tous les supports écrits sont recevables pour permettre l'activation du chômage partiel, ce qui constituerait une garantie pour les employeurs et les salariés, en particulier du monde de la culture, qui pourraient dès lors y avoir accès.
Madame Bergé, je connais votre engagement sur cette question. Je tiens à le saluer, ainsi que celui de vos collègues qui ont cosigné l'amendement. Vous soulevez une difficulté de mise en oeuvre pratique du dispositif d'activité partielle. Votre amendement vise à conforter le droit en rappelant que, dès lors que l'employeur a formalisé sa proposition d'embauche par écrit, quel que soit le support, courriel compris, les parties sont liées et l'activité partielle peut s'appliquer. Si une difficulté est constatée dans la pratique, ce que vous avez observé, nous devons la lever. C'est pourquoi j'émets un avis favorable sur votre amendement.
Vous avez raison de vouloir veiller à la bonne exécution des mesures que nous prenons : le droit, c'est bien, mais le droit qui s'applique, c'est mieux. Votre amendement vise à permettre au Gouvernement de préciser que tous les moyens écrits formalisant une promesse d'embauche sont valides, pour sécuriser les employeurs et leurs salariés dans le domaine du spectacle.
Comme vous l'avez rappelé, le recours à l'activité partielle est ouvert aux artistes et aux techniciens du spectacle. Il a été précisé que les salariés disposant de promesses d'embauche formalisées avant le 17 mars pourraient être couverts par le dispositif d'activité partielle. En réalité, au vu de la jurisprudence comme de la pratique, la nature du support écrit importe peu : le document peut être un courriel ou un SMS, à condition qu'il comporte les éléments constitutifs d'une promesse d'embauche, à savoir la date d'embauche et l'accord des deux parties. Ces éléments sont déjà suffisants. En ce sens, je pourrais vous répondre que votre demande est satisfaite. Cela étant, si vous estimez préférable de préciser la règle, rien ne s'y oppose, même si la jurisprudence et la pratique la consacrent déjà : si cela permet de faire mieux connaître le droit, j'émettrai un avis favorable.
Madame la ministre, les députés du groupe Les Républicains abondent dans le sens de cet amendement. Le monde de la culture, comme chacun sait, est probablement le plus touché par la crise. Les contrats des salariés de ce secteur sont parfois conclus au dernier moment, ce qui explique qu'ils ne soient pas formalisés de la même manière que des contrats plus traditionnels. Dans le monde du spectacle, s'agissant par exemple des cabarets parisiens, il n'est pas rare qu'un technicien ou un artiste sache seulement le jour même s'il travaillera ou non, en fonction du nombre de réservations. La promesse d'embauche prend alors, c'est vrai, une forme un peu différente que pour un contrat de travail traditionnel.
Je vous remercie en tout cas de votre réponse, madame la ministre. Il est important que nous sachions nous rejoindre sur certains sujets, et la culture devrait nous réunir plus souvent. Nous sommes heureux d'être à vos côtés pour voter en faveur de cet amendement.
Mme la présidente de la commission spéciale, M. le rapporteur et Mme Carole Bureau-Bonnard applaudissent.
Je comprends bien la spécificité de l'établissement de la relation salariée dans le monde du spectacle, et le fait d'ouvrir plus largement l'accès au chômage partiel est une bonne chose en soi – mais cela ne répond pas complètement au désarroi du monde de la culture, qu'il s'agisse des intermittents ou des artistes plasticiens. Ces derniers, auxquels mon collègue Michel Larive a récemment consacré une tribune dans la presse, demandent des aides. Des annonces ont été faites par l'exécutif, notamment par le Président de la République, qui a indiqué garantir une année blanche aux intermittents, mais on n'en sait pas plus : quand, comment, de quelle manière… On n'en sait pas davantage sur les contreparties que les artistes seraient censés offrir en intervenant dans diverses structures.
Tout cela reste assez flou et nébuleux. Je ne voudrais pas que l'adoption de cet amendement nous conduise à oublier tous ceux qui, en l'état actuel des annonces effectuées, n'auront droit à rien – sans compter ceux qui entrent dans le monde de la culture, qui avaient presque atteint le nombre d'heures de travail nécessaire pour obtenir le statut d'intermittent et qui, à deux ou trois mois près, parce qu'ils n'auront pas pu compléter leur quota avant le confinement, se verront refuser ce statut.
Nous sommes encore loin du compte pour rassurer les artistes, les auteurs, et tous ceux qui font l'âme de notre pays.
Cet amendement fait consensus. Même si la règle qu'il pose devrait effectivement déjà s'appliquer, il existe encore, dans la pratique, des situations dans lesquelles tel n'est pas le cas. Nous le soutiendrons donc avec beaucoup de force. Pour prendre un autre exemple que Paris, à Mulhouse, les théâtres et autres activités événementielles ont fermé quinze jours avant le reste de la France. Ils souffrent donc particulièrement.
Monsieur Bernalicis, l'amendement ne vise pas à conforter, à lui seul, le milieu de la culture : il représente une partie de la solution. Pour le reste, je vous renvoie au plan lancé par le Président de la République et par le ministre Franck Riester, ainsi qu'à l'ensemble des mouvements qui ont été lancés dans les départements. Celui du Haut-Rhin verse par exemple des aides aux associations. Tous les acteurs doivent soutenir l'univers de la culture et de l'événementiel. Cet amendement y contribue amplement.
L'amendement no 471 est adopté.
La parole est à M. Christophe Blanchet, pour soutenir l'amendement no 206 .
Il a été rédigé par ma collègue Frédérique Lardet et vise à soutenir les entreprises du secteur des CHRD – cafés, hôtels, restaurants et discothèques – , souvent désigné par le terme « hôtellerie-restauration ». Beaucoup de ces entreprises restent fermées, du fait des décisions administratives, et attendent de rouvrir. Dans quelles conditions pourront-elles le faire ?
Lorsque les entreprises rouvriront, ce que tous les salariés attendent impatiemment, elles seront soumises à des conditions d'exploitation particulières. Prenons l'exemple d'un restaurant dont le modèle économique était basé sur cinquante couverts, avec au minimum un cuisinier et un serveur. Du fait des restrictions qui seront imposées demain, il emploiera toujours un cuisinier et un serveur, c'est le minimum, mais pour n'assurer sans doute que vingt-cinq couverts.
Il faudra bien accompagner ces entreprises pour qu'elles continuent d'exister. C'est le sens de l'amendement de notre collègue, qui vise à accompagner ces entreprises après leur réouverture, en prenant en considération, parmi les critères conditionnant l'application des éventuelles mesures d'activité partielle, l'impact de la crise sur l'entreprise.
Je tiens en outre à évoquer un secteur d'activité dont on ne parle jamais, et qui fait pourtant partie des CHRD. Je fais référence au « D » du sigle, …
… qui englobe tous les débits de boissons de nuit : les discothèques, les bars et restaurants à ambiance musicale, les cabarets, les bowlings, les clubs…
Rires.
Ne riez pas, chers collègues, car il s'agit là d'un secteur d'activité à part entière, présent dans tous les territoires, et qui fait le dynamisme et l'attractivité de vos communes.
Ce secteur attend aujourd'hui de la reconnaissance et ses acteurs souhaitent avoir la certitude que le Gouvernement, lorsqu'il évoque l'hôtellerie-restauration, ne les oublie pas. Ils font officiellement partie de la branche des CHRD et contribuent à l'importance du tourisme dans notre pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Je prendrai un peu de temps pour répondre à cet amendement, auquel je suis favorable, je le précise dès maintenant.
« Ah ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et MODEM.
Il procède d'une vision globale et ne porte pas uniquement sur les établissements de nuit.
L'amendement vise à insérer, à l'alinéa 15, les mots « et en fonction de l'impact économique de la crise sanitaire sur elles » après le mot « entreprises ». Il s'agit de moduler l'activité partielle en fonction de l'impact économique, ce qui donne une flexibilité et permet de ne pas oublier certains secteurs qui ne seraient pas évoqués dans le cadre des débats qui nous animent. La formulation proposée par Mme Lardet par le biais de cet amendement est à mon sens réellement pertinente.
Je partage votre intention : soutenir sans relâche les activités qui ont connu un effondrement de leurs revenus et une menace très forte sur leurs emplois, à savoir l'hôtellerie, la restauration et, plus largement, les activités de tourisme. Les acteurs de ces secteurs constituent des cibles prioritaires du dispositif d'activité partielle. Ils devront pouvoir s'appuyer sur ce dispositif pour accompagner la reprise progressive de leur activité.
La rédaction proposée me semble la plus claire juridiquement et la plus utile dans nos territoires : elle couvrira non seulement les établissements ayant fait l'objet d'une fermeture administrative, mais aussi les activités qui en dépendent dans le cadre d'un circuit d'approvisionnement – nous avons évoqué en commission les fournisseurs, comme les bouchers, qui livrent les restaurants. Cette dimension très englobante permet de traiter toutes les situations.
D'autres amendements, déposés en grand nombre, ont généralement un objectif identique – souligner la souffrance d'un certain nombre de secteurs et de personnes dans le pays – mais me semblent moins clairs juridiquement. C'est pourquoi je me permettrai, lorsqu'ils seront présentés, d'en demander le retrait, même si je serai heureux d'entendre leurs rédacteurs les soutenir.
L'objectif est en effet d'adapter le dispositif d'activité partielle à la reprise de l'activité. Or, il faut avoir la lucidité d'accepter le fait que cette reprise ne sera pas identique dans tous les secteurs. Certains sont, en effet, plus particulièrement touchés : ceux qui, pour des raisons de lutte contre la pandémie que chacun comprend, sont frappés par une interdiction administrative, ou ceux qui en dépendent directement. De nombreux amendements ont d'ailleurs été déposés afin de préserver, au titre du dispositif d'activité partielle, les entreprises de ces secteurs.
Le Gouvernement souscrit pleinement à cet objectif et c'est même la raison principale pour laquelle nous avons introduit dans le projet de loi cette disposition qui permet la différenciation sectorielle. Les entreprises de ces secteurs se trouvent en effet dans une situation très particulière : si, dans les faits, elles ne peuvent pas fonctionner, il faut pouvoir les accompagner pleinement, et probablement plus longtemps que celles des autres secteurs. Cela est évidemment vrai du secteur de l'hôtellerie, des cafés et restaurants ainsi que des discothèques : c'est donc bien, comme je l'ai dit, l'ensemble du secteur du tourisme qui est concerné, mais pas uniquement.
L'ordonnance sera prise en ce sens, en application du texte qui vous est soumis. Nous avions adopté une formule volontairement large pour permettre d'adapter la liste des secteurs concernés en fonction de l'évolution de la situation sanitaire. Ainsi l'ouverture des cafés, restaurants et discothèques sera-t-elle plus ou moins rapide et plus ou moins générale selon la situation. Il faut donc pouvoir en tenir compte, sans évidemment chercher à tout prévoir dans la loi, car nous convenons tous de l'incertitude qui est liée à la pandémie.
Il est donc important de préserver ces entreprises dont l'activité est interdite ou très dépendante, et nous devrons, dans la pratique, nous adapter au cours des mois et des semaines qui viennent. C'est la raison pour laquelle nous voulons pouvoir accompagner ce processus avec la souplesse que permet le recours au réglementaire. En ce sens, la formulation de l'amendement no 206 , qui prévoit le principe d'une action définie « en fonction de l'impact économique de la crise sanitaire sur les entreprises », paraît être la plus adaptée, car elle est à la fois assez large et assez orientée pour permettre de distinguer, en toute justice, les secteurs qui devraient bénéficier plus longtemps d'un taux plus élevé de prise en charge de l'activité partielle.
Cette formulation plus large permet, comme vous l'indiquez d'ailleurs, d'inclure également les fournisseurs dont l'activité principale est liée à ces secteurs – je pense par exemple à ceux qui fournissent les cafés et restaurants. Il faudra évidemment déterminer qui est concerné, mais on voit bien que certains secteurs, sans être fermés, sont aujourd'hui complètement à l'arrêt parce que dépendants de secteurs fermés.
L'ajout de cet amendement au texte nous donnera les moyens de réagir avec souplesse pour accompagner ces secteurs, dans le cadre d'une approche plus globale. L'avis du Gouvernement est donc favorable.
Le groupe Les Républicains soutiendra évidemment cet amendement, qui permet de s'adapter de près aux réalités locales.
On pourrait s'y habituer !
Ça ne va pas durer, ne vous habituez pas à ce que nous soutenions vos amendements ! Et nous attendons la réciproque !
Ici, on a répondu à votre demande !
Nous expliquons ici depuis de très nombreuses semaines qu'il faut s'adapter au plus près aux besoins des entreprises et des territoires. Cet amendement va évidemment dans le bon sens, mais il faudra veiller particulièrement au tuilage, par exemple dans le cas particulier des salariés qui ont démissionné d'une entreprise parce qu'ils devaient être embauchés ailleurs, et qui ne peuvent donc pas toucher le chômage.
Je tiens enfin à remercier M. Blanchet d'avoir présenté cet amendement au nom de l'une de ses collègues, car il n'est, a priori, guère dans ses habitudes de citer les personnes dont il prend les idées – je pense en particulier à notre collègue Maxime Minot.
Le groupe UDI, Agir et indépendants soutiendra également cet amendement. Nous en avions déposé un autre, dont je proposerai par là-même le retrait, qui visait à sensibiliser aux problèmes d'approvisionnement des établissements.
En tant que coprésident du groupe d'études sur la filière brassicole, je pourrais vous parler des problèmes que rencontre le secteur de la bière dans le Nord, dans l'Est et sur tout le territoire. Il n'est pas vain de dire que toute la filière de l'approvisionnement est aujourd'hui touchée. Il n'y a certes plus de cafés ni de restaurants, mais il n'y a plus non plus de festivals ni d'activités de plein air. Un pan entier de l'économie est complètement à l'arrêt et j'apprécie que le champ de l'habilitation soit élargi aux approvisionnements. Nous soutenons donc cet amendement et annonçons dès maintenant le retrait de l'amendement no 196 de M. Ledoux.
Le groupe MODEM soutiendra cet amendement. J'ai personnellement auditionné les responsables d'une dizaine de cafés et restaurants et d'une discothèque. La situation pour chaque établissement est très différente. Comme l'a dit notre collègue, les petits établissements qui ne sont que des restaurants et ont pour seul personnel un cuistot et un serveur sont en grand danger. Ceux qui sont un peu diversifiés, avec quelques chambres d'hôtel, voire une activité de distributeur de journaux ou un bureau de tabac, ont un peu plus de chances de s'en sortir. En tout cas, la discothèque que j'ai auditionnée est en grand danger. Les établissements de ce type, même fermés pour longtemps, supportent encore des coûts fixes importants liés par exemple à leurs systèmes de surveillance vidéo. Il faut savoir nous adapter à toutes ces situations et nous soutenons donc cet amendement.
Cet amendement n'est pas mal. Le no 194 de Sébastien Jumel n'était pas mal non plus, mais nous avons des visées convergentes et mieux vaut nous féliciter de l'accueil réservé à celui dont nous parlons. Il s'agit de préciser que les adaptations se feront aussi en fonction de l'impact économique de la crise sanitaire sur les entreprises. Ça va mieux en le disant – et c'est même un peu l'objet du dispositif d'activité partielle.
J'ai donc envie de me réjouir avec vous, mais je garde les yeux bien ouverts car cette disposition est tout de même très imprécise. Nous allons la voter, mais du point de vue législatif, nous n'avons pas beaucoup de garanties quant aux dispositifs qui résulteront des ordonnances que vous allez prendre. Au bout du compte, je ne me priverai donc pas de critiquer un dispositif que nous aurions dû pouvoir discuter ensemble plus en détail pour savoir comment nous pourrions prendre réellement en compte les effets économiques de la crise sanitaire, jusqu'à quel point, par quels mécanismes, qui serait touché. Toutes ces questions mériteraient une discussion plus approfondie, même si cet amendement ne nous pose pas de problème sur le fond.
Nous aurions dû nous réjouir d'avoir enfin une unanimité sur le sujet, mais ce n'est malheureusement pas le cas.
Je voudrais préciser un dernier point. Je remercie Mme la ministre et M. le rapporteur d'avoir accepté cet amendement, car nous sommes plusieurs à avoir abordé le sujet. Toutefois, s'il est ici question des cafés, des restaurants et des discothèques, nous oublions un secteur important, qui représente près de 70 milliards d'euros de chiffre d'affaires et qui est très touché : l'événementiel, dont nous parlons très peu depuis quelque temps, alors qu'il est concerné au premier chef. Il faudra absolument faire un point complémentaire sur les métiers de l'événementiel qui, pour partie, ne reprendront pas avant septembre ou octobre et qu'il sera difficile d'accompagner pour limiter la casse sur le plan économique et en termes de chômage.
Rappel au règlement
Dans le cadre de l'article 58, premier alinéa du règlement, je dénonce un fait personnel. Monsieur Dumont, je ne veux pas entrer dans la polémique que vous créez, mais je me tiens à votre disposition pour que nous évoquions la différence manifeste qui, comme en attestent les écrits, sépare nos deux propositions. Il est inutile de chercher à polémiquer pour mettre en lumière une proposition que vous n'aviez pas réussi à promouvoir, alors que nous y sommes, quant à nous, parvenus tout simplement en changeant le dispositif.
Sourires.
Article 1er
L'amendement no 206 est adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 317 .
Nous pouvons nous féliciter de l'adoption de l'amendement précédent. Nous avons beaucoup parlé des entreprises qui ont été fermées administrativement. Certaines autres, qui ne l'ont pas été, ont essayé de continuer à travailler mais avec les difficultés que nous connaissons à l'heure actuelle et les nouvelles précautions qu'il faudra désormais appliquer, elles connaîtront une baisse d'activité et de chiffre d'affaires dans les mois qui viennent. Je pense notamment au secteur du bâtiment et des travaux publics : les entreprises ne pouvant cohabiter, elles ne pourront pas garder tout leur personnel en même temps sur les chantiers. Il faut donc que nous puissions, dans ce secteur, continuer à les accompagner avec du chômage partiel.
D'autres entreprises rouvriront différemment selon qu'elles se situent dans des zones classées rouges ou vertes. Nous devrons donc assurer un accompagnement différencié, qui ne tienne pas compte seulement des fermetures administratives. Je pense également à la culture, dont il a été question, et au sport, ainsi qu'à toutes ces entreprises qui redémarrent ou qui n'ont jamais arrêté mais qui ont moins de personnel.
J'avais donc proposé que nous nous fondions sur le critère objectif de la baisse du chiffre d'affaires par rapport à l'année dernière. Ce critère figure parmi les solutions actuelles, et il conviendrait que ce soit encore le cas pour les douze prochains mois. En effet, ce n'est pas aujourd'hui que je redoute de voir survenir les faillites, mais en décembre, janvier ou février, lorsque nous disposerons des bilans. C'est à ce moment-là qu'il faudra accompagner ces entreprises. C'est la raison pour laquelle je souhaite que le dispositif de chômage partiel prenne en compte le critère du chiffre d'affaires et soit prolongé d'un an.
Merci, madame Goulet, de soulever ce point. Comme je le disais, toutefois, la rédaction que nous venons d'adopter à l'unanimité englobe cette question. Votre question figura au compte rendu des débats mais, à ce stade, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, avis défavorable.
Madame la ministre, je souhaiterais quelques précisions. J'espère que ce que nous votons ne limitera pas trop la vie traditionnelle des affaires. Je prends l'exemple concret d'une personne qui, avant la crise sanitaire, avait reçu une promesse d'embauche de la part d'une entreprise, quel qu'en soit le secteur, et a démissionné de son emploi précédent, effectuant ainsi, en quelque sorte, son préavis pendant le confinement. Si, du fait de l'effondrement de l'activité, l'entreprise qui avait fait cette promesse d'embauche ne respecte pas sa promesse, la personne se retrouve sans rien : ni droit au chômage, puisqu'elle a démissionné, ni embauche par la nouvelle entreprise. Je souhaiterais m'assurer que si, comme il serait logique, l'entreprise respecte sa promesse d'embauche, le dispositif que vous allez instaurer par ordonnance lui permettra de mettre immédiatement le nouveau salarié en chômage partiel.
Nous avons tous voté tout à l'heure l'amendement La Palice. Nous étions tous d'accord pour aider ceux qui en ont besoin, en fonction de leurs besoins. C'est bien de le dire…
… mais, a priori, c'est à cela que sert une aide.
L'amendement no 317 est plus précis et mérite d'être voté. Je suis en effet assez inquiet des risques qui existent. D'abord, nous n'avons pas connaissance de l'enveloppe budgétaire dont le Gouvernement se dotera dans la durée pour que le chômage partiel puisse continuer d'être utile aux salariés et aux employeurs. La question n'est pas neutre, d'autant que j'entends dire aussi que l'accès à ce dispositif va être réduit, ce qui m'inquiète.
En outre, et même si je sors un peu du sujet, les conditions de reprise de l'école posent problème. Dans son collège, ma gamine va reprendre ses cours tous les matins. C'est très bien, mais si on travaille dans le privé et si ces horaires ne conviennent pas à l'employeur, certaines adaptations risquent d'être préjudiciables aux salariés. Je rappelle à ce propos que les premiers de corvée ont perdu 11 milliards d'euros de pouvoir d'achat pendant la crise.
J'espère que nous allons être associés d'une autre manière au plan de relance, d'une manière plus respectueuse du Parlement, de notre pluralité. Ce n'est en effet que dans la durée que nous pourrons mesurer si l'économie réelle est vraiment soutenue, si notre souveraineté industrielle est vraiment assurée, si la consommation, si elle repart, bénéficie aux acteurs locaux… Quand nos commerces ont été fermés, cela leur a coûté cher, cela a coûté cher à leurs salariés, tandis que d'autres ont continué de faire du fric – je pense notamment à Amazon, qui a gagné des parts de marché, ce qu'il va falloir regarder de près.
Mme Caroline Fiat applaudit.
Comme vous avez pu le constater, notre stratégie, depuis le début de la crise, a consisté à marcher sur deux jambes : soutien économique, et soutien social. D'une côté, le chômage partiel a un but très clair : sauver l'emploi des salariés. De l'autre, une série de mesures visent à favoriser l'activité économique de l'entreprise sans être directement corrélées au chômage partiel : il s'agit des prêts garantis par l'État, du report des charges sociales, du report des loyers… autant de dispositions censées donner de l'air à l'entreprise au moment où elle ne réalise pas de chiffre d'affaires, ou très peu.
Si l'on faisait du chiffre d'affaires un critère pour l'éligibilité au chômage partiel, il faudrait attendre la clôture de l'exercice fiscal pour évaluer ledit chiffre. Nous ne pourrions donc pas répondre à l'urgence sociale consistant à sauver les emplois. C'est pourquoi nous avons distingué les mesures économiques, prises par le ministère de l'économie et des finances – avec lequel, bien sûr, mon ministère travaille de façon très étroite – et les mesures de chômage partiel qui, encore une fois, n'ont qu'un but : l'emploi. Ces deux types de mesures sont complémentaires.
M. Huyghe a évoqué les démissionnaires. En effet, ces personnes qui auraient démissionné de leur entreprise en ayant une promesse d'embauche pour les jours suivants, et cela pile au moment du déconfinement, ont d'un côté perdu leur emploi sans accéder à celui prévu et n'ont pas droit à l'assurance chômage. Nous avons donc pris un décret dès le 15 avril pour créer un nouveau critère rétroactif, puisque valant à partir du 17 mars, de droit à l'assurance chômage pour les démissionnaires qui avaient une promesse d'embauche.
Est-ce que l'entreprise qui embauche le 11 mai est concernée par le chômage partiel ?
La question est réglée concernant l'assurance chômage mais pas le chômage partiel, l'essentiel étant que les personnes concernées ne soient pas privées de revenus.
Je partage totalement les propos de Mme Goulet. Le pire va arriver après l'été, avec les déclarations de cessation des paiements et de liquidation des entreprises. C'est en effet au début de l'été que l'activité va reprendre. La plupart des entreprises cotisent à la caisse des congés payés, lesquels congés vont être soldés.
Je suis aussi tout à fait d'accord avec M. Jumel : cet amendement présente l'intérêt de préciser les choses et le voter nous permettrait de prendre un engagement pour l'avenir. Alors que nous sommes en pleine tempête, nous sommes tous solidaires, mais n'oublions pas que, dans trois, quatre, cinq ou six mois, il nous faudra continuer de nous serrer les coudes.
Je partage aussi votre point de vue, madame la ministre – je suis vraiment d'accord avec tout le monde ! L'important, c'est de sauver l'emploi. Et pour sauver l'emploi, il faut sauver les entreprises. Pour sauver les entreprises, il faut voter cet amendement qui gravera dans le marbre que la situation de chacun, les difficultés qu'il aura rencontrées, seront bien prises en considération par le Gouvernement.
Merci, madame la ministre, pour votre réponse. Nous avons déjà été capables de bâtir un dispositif fondé sur le chiffre d'affaires glissant des douze mois écoulés. J'entends bien continuer à en tenir compte pour accompagner les entreprises tout au long de la période à venir. Entendons-nous bien, je ne dis pas qu'il faut attendre le mois de décembre : ce qu'il faut, c'est pérenniser les mesures que nous avons prises, comme l'aide de 1 500 euros, basée sur le chiffre d'affaires de l'année n-1. Il est important, j'y insiste, que nous englobions bien toutes les entreprises, même celles qui n'ont pas été fermées administrativement.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
Comme l'a souligné M. Savignat, des entreprises connaîtront de grandes difficultés malgré toutes les aides disponibles. J'avais proposé un amendement, non retenu car non conforme à l'article 45 de la Constitution, qui visait à porter le délai de remboursement des créanciers, dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, de dix à quinze ans, comme pour les agriculteurs. En effet, il faudra du temps aux entreprises qui parviendront malgré tout à survivre. J'ignore si, par le biais des ordonnances, le Gouvernement peut prendre une telle mesure, mais il faut créer un arsenal juridique afin que les entreprises y arrivent.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
L'amendement no 317 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 3 .
Le présent amendement, de Mme Lorho, vise à adapter les règles de l'activité partielle à la situation familiale des salariés concernés.
Le régime de l'activité partielle a déjà été aménagé et ce n'est en outre pas l'objet de l'habilitation. Avis défavorable.
L'alinéa 15 permet déjà de prendre la situation familiale des salariés concernés en considération. Ainsi, des parents qui ne peuvent pas ou ne veulent pas mettre leur enfant à l'école sont couverts par le chômage partiel. La disposition prévue, qui permet d'adapter les règles de l'activité partielle aux différentes catégories de salariés, satisfait déjà largement votre demande. C'est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement.
L'amendement no 3 est retiré.
L'amendement no 177 de Mme Pascale Fontenel-Personne est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
L'amendement concerne le secteur du tourisme et les emplois qui lui sont liés. Je suis d'ailleurs revenu en commission sur la question des travailleurs saisonniers. L'activité de nombreuses personnes dépend des saisons. Nous avons longuement évoqué le secteur agricole mais il n'est pas le seul puisque l'activité touristique est également concernée. Nous savons très bien que sa capacité à créer des emplois sera bien moindre l'été prochain et que, donc, des hommes et des femmes ne pourront pas travailler et ainsi renouveler leurs droits à l'assurance chômage ou à la formation.
Je profite de votre présence, madame la ministre, pour vous interroger sur les dispositions spécifiques que vous entendez prendre : près de 1,5 million de salariés du secteur sont concernés et je ne voudrais pas qu'ils soient les oubliés de l'été 2020.
M. Antoine Savignat applaudit.
L'amendement de Pascale Fontenel-Personne est très important et s'inscrit dans la continuité de nos interventions, cet après-midi, concernant les domaines du tourisme et de la culture. Nous avons pu constater que, pour tous les bancs, ces deux secteurs d'activité sont essentiels sur le plan économique, à travers les chefs d'entreprise mais aussi les salariés. Mme Fontenel-Personne est très engagée en faveur de ces secteurs et tient beaucoup à son amendement : il s'agit d'habiliter le Gouvernement à étendre l'activité partielle pour une durée de six mois à compter de la date de la promulgation de la loi. Vous avez rappelé tout à l'heure, madame la ministre, que ces secteurs n'ont pu reprendre leur activité le 11 mai dernier.
Je ne reviendrai pas sur le poids économique de ces deux secteurs, mais, qu'il s'agisse de l'événementiel ou du tourisme, ils ont besoin de ce délai de six mois pour préparer l'avenir en embauchant. Cette prolongation renforcerait notre filet de protection, dont nous devons resserrer les mailles afin qu'il bénéficie au plus grand nombre.
Une série d'amendements visent à préciser l'habilitation et à obtenir de la part du Gouvernement des engagements plus détaillés sur la manière dont la suite est envisagée. Je reste très critique sur le recours aux ordonnances, et ces précisions doivent nous être données. L'adaptation du dispositif d'activité partielle, cela peut être sa réduction. C'est peut-être cela qui est sous-entendu, et cela inquiète, je le vois bien, les gérants des bars, cafés et restaurants de ma circonscription. La saison touristique ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
Si vous avez du mal à nous donner des précisions, c'est soit parce que, face à la difficulté de la situation, vous n'êtes pas prêts, ce qui rend la présente habilitation prématurée ; soit parce que vous avez des idées en tête. Dès lors je me permets d'insister pour que vous nous répondiez dans le détail afin que nous sachions si telle et telle de vos précisions méritent d'être introduites dans le champ de l'habilitation.
Je vais tâcher de vous montrer pourquoi je demande le retrait de l'amendement. Aux termes des textes en vigueur, une entreprise peut demander le bénéfice du chômage partiel pour ses salariés pour douze mois. Certaines entreprises ont déjà demandé à en bénéficier pour un mois, deux, trois, six mois ou, donc, un an. Cela ne signifie pas qu'elles utiliseront pleinement cette disposition mais elles pourront l'utiliser pour tout ou partie.
Ma crainte, et j'aurais sans doute dû le préciser immédiatement, est qu'en voulant préciser que l'activité partielle serait prolongée de six mois à compter de la publication de la loi pour les secteurs fermés administrativement le 11 mai, les douze mois ne soient plus acquis.
L'amendement no 177 n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 349 , 196 , 202 , 348 , 478 , 168 , 13 , 24 , 25 , 38 , 43 , 56 , 70 , 74 , 77 , 87 , 194 , 210 , 212 , 269 , 314 , 336 , 391 , 489 , 162 et 170 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 196 , 202 , 348 et 478 , sont identiques, de même que les amendements nos 13 , 24 , 25 , 38 , 43 , 56 , 70 , 74 , 77 , 87 , 194 , 210 , 212 , 269 , 314 , 336 , 391 et 489 .
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 349 .
Cet amendement de Jeanine Dubié, proche de celui que nous examinerons ultérieurement de Frédérique Dumas, en diffère toutefois quant à son champ d'application. En effet, si le constat est le même, cet amendement propose d'accorder une attention particulière aux secteurs d'activité fermés administrativement ainsi qu'aux entreprises qui les approvisionnent et qui sont, vis-à-vis de ces secteurs, en état de dépendance économique. Il s'agit d'avoir une approche spécifique pour les entreprises fermées administrativement et pour le commerce de gros, qui dépend économiquement de ces différents secteurs, car, pour lui aussi, l'impact économique et financier de la crise est considérable.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 196 .
L'amendement no 196 est retiré.
Cet amendement de Frédérique Dumas est relatif à l'habilitation qui confie au Gouvernement le soin de prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l'ajustement de l'activité partielle, notamment en adaptant les règles applicables en la matière aux caractéristiques de l'entreprise, à leur secteur d'activité ou aux catégories de salariés concernés.
Le 11 mai a marqué la réouverture de l'activité pour de nombreux secteurs. À l'instar de l'hôtellerie et de la restauration, certains demeurent fermés administrativement. Cet amendement propose de spécifier que le Gouvernement sera tenu, d'une part, d'accorder une attention particulière à ces secteurs demeurant fermés, et d'autre part de faire de même concernant ceux qui les approvisionnent.
Sur ce dernier volet, la situation du commerce de gros approvisionnant l'hôtellerie, la restauration et le tourisme est en passe de devenir désespérée. Les pertes de chiffre d'affaires oscillent entre 80 % et 100 % selon les cas, qu'il s'agisse d'alimentaire, de boissons ou de fournitures diverses. En l'absence de visibilité sur la date de la reprise, c'est l'ensemble de ces filières qui risquent de s'effondrer.
Il est indispensable que le Gouvernement tienne compte de leur très grande détresse dans la rédaction de l'ordonnance prévue à l'article 1er et qu'il le fasse dans une logique de filière.
Cet alinéa confie, en effet, au Gouvernement le soin de prendre par ordonnances les mesures nécessaires à l'ajustement de l'activité partielle, notamment en adaptant les règles applicables en la matière aux caractéristiques des entreprises, à leur secteur d'activité ou aux catégories de salariés concernés.
Le 11 mai a marqué la réouverture de l'activité pour de nombreux secteurs. À l'instar de l'hôtellerie et de la restauration, certains demeurent cependant fermés administrativement. Le présent amendement propose donc de spécifier que le Gouvernement sera tenu d'une part d'accorder une attention particulière à ces secteurs demeurant fermés, et d'autre part de faire de même concernant ceux qui les approvisionnent.
Sur ce dernier volet, la situation du commerce de gros approvisionnant l'hôtellerie, la restauration et le tourisme est en passe de devenir désespérée. Les pertes de chiffre d'affaires oscillent entre 80 % et 100 % selon les cas, qu'il s'agisse d'alimentaire, de boissons ou de fournitures diverses. En l'absence de visibilité sur la date de la reprise, c'est l'ensemble de ces filières qui risquent de s'effondrer.
Le Gouvernement a élaboré un plan spécifique pour l'hôtellerie et de la restauration. Il doit faire de même pour ceux qui les approvisionnent sinon, le moment venu, il n'y aura plus d'approvisionnement car ces entreprises auront cessé d'exister.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 168 .
Nous restons dans la même veine, mais notre amendement va au-delà du secteur de l'hôtellerie et de la restauration puisqu'il permet d'englober aussi les entreprises de l'événementiel. Nous proposons de compléter l'alinéa par les mots : « en tenant compte, le cas échéant, de la situation particulière des activités fermées administrativement et de celle des entreprises qui les approvisionnent. »
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 13 .
Il s'agit ici de préciser l'alinéa 15 afin de prendre en compte la situation particulière des activités fermées administrativement et celle des entreprises, du commerce de gros notamment, qui les approvisionnent et qui sont très lourdement affectées par ces fermetures.
Chez nous, à Béziers, nous avons un marché de gros et des distributeurs de boissons dont la plus grande partie approvisionnent les bars, les cafés, les restaurants et les hôtels. Pour ces entreprises, il faut maintenir un accompagnement spécifique en matière de chômage partiel, compte tenu des incertitudes qui entourent la reprise effective de leur activité.
Je propose ici de préciser la rédaction pour que, s'agissant de l'approvisionnement, les entreprises de grossistes ne soient pas oubliées. Trois critères cumulatifs pourraient être retenus : l'identification par le biais de leur code NAF des secteurs de commerce de gros qui approvisionnent l'hôtellerie, la restauration et l'événementiel ; le fait que l'entreprise ait réalisé plus de 50 % de son chiffre d'affaires global 2019 en restauration, hôtellerie ou événementiel ; et l'existence d'une perte de chiffre d'affaires au cours du trimestre 2020 supérieure à 50 % de celui qui avait été réalisé pendant la même période de 2019.
Le cumul de ces trois critères pourrait ouvrir droit au maintien du chômage partiel dans les conditions actuelles.
La parole est à M. Stéphane Travert, pour soutenir l'amendement no 24 .
Je n'ai pas de doute sur le sort qui pourrait être réservé à ces amendements qui vont dans le même sens, mais je voudrais alerter sur la situation de ces entreprises qui fournissent le secteur de l'hôtellerie, de la restauration, du monde de la nuit et autres.
Ce sont bien souvent des entreprises issues du monde agricole : de grandes coopératives françaises, notamment laitières, sont des plateformes très importantes pour le secteur de l'hôtellerie-restauration, la RHD. Nous devons continuer à accompagner ces entreprises agricoles qui assurent une rémunération aux agriculteurs et des débouchés commerciaux à leurs productions.
C'est pourquoi j'aimerais avoir des précisions sur la manière dont nous allons continuer à accompagner ces entreprises dont une grosse part du chiffre d'affaires, réalisé avec le secteur de la RHD, s'est effondrée après la fermeture administrative de certains établissements.
Sourires.
J'aimerais renchérir sur les propos de l'ancien ministre à l'agriculture pour appeler, moi aussi, l'attention Gouvernement sur ce secteur dont on parle peu en ce moment. Je voudrais m'assurer que les agriculteurs seront pris en compte, notamment ceux qui ont des activités de ferme-auberge ou de camping à la ferme.
Certains agriculteurs se sont organisés en circuit court, ce qui leur a valu des éloges au cours des dernières semaines. N'oublions pas, cependant, que certains d'entre eux sont privés de leur outil de commercialisation car ils subissent les conséquences de fermetures administratives. Je voudrais avoir l'assurance que le Gouvernement a bien pris en considération leur situation.
Nous allons retirer cet amendement puisque l'alinéa 15 a été utilement précisé par l'amendement no 206 de Mme Lardet, que nous avons adopté.
Pour compléter l'intervention de Stéphane Travert sur le commerce de gros, qui est en seconde ligne derrière l'hôtellerie et la restauration, je dirai que ces amendements veulent aussi appeler le Gouvernement à être attentif, dans le pilotage des plans sectoriels, à anticiper certains effets de bord.
Quand on s'occupe de l'hôtellerie et de la restauration, on peut oublier le commerce de gros qui est derrière. Quand on traite un secteur, on peut oublier la logistique et les transports qui sont derrière. Il me semble que c'est un peu ce que nous essayons d'exprimer avec ces amendements.
L'amendement no 56 est retiré.
Cet amendement étant identique aux précédents, je ne vais pas reprendre tout l'argumentaire développé notamment par Stéphane Travert. Le rapporteur et la ministre donneront un avis favorable, je n'en doute pas.
J'ai trouvé excellente l'intervention de M. Travert parce que, loin d'ânonner la lecture de l'exposé des motifs de l'amendement, il a bien exprimé les choses. Les cafés, hôtels, restaurants, discothèques et autres sont fermés par décision administrative. Or ce qui affecte cette partie visible du secteur a des conséquences en amont, comme l'a expliqué Stéphane Travert.
Prenons mon producteur de cidre, à Vieux-Viel, sur la rive bretonne de la baie du Mont-Saint-Michel. Depuis soixante jours, plus rien ne part de l'entreprise. Et nous savons tous que, lorsque les cafés, hôtels et restaurants vont avoir l'autorisation de fonctionner, les choses ne vont pas se remettre en place aussi simplement que cela.
Madame la ministre, les mesures économiques que le Gouvernement a prises depuis soixante jours sont bonnes, qu'il s'agisse du chômage partiel, du fonds de solidarité, des prêts garantis par l'État, des avances remboursables, de la complicité avec les régions et les territoires. Tout cela est parfait.
Disons que c'était du prêt-à-porter, des mesures d'ordre général.
À présent, il nous faut prendre des dispositions à la carte. Au fur et à mesure de la reprise et du déconfinement progressif, chaque député découvre les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs économiques de son territoire. Voilà pourquoi Pierre Morel-À-L'Huissier, Agnès Firmin Le Bodo, Paul Christophe et d'autres députés du groupe UDI, Agir et indépendants – et d'ailleurs de tous les bancs – ont déposé des amendements pour vous alerter sur l'urgence à prendre en compte ces situations spécifiques.
« Excellent ! » et sourires sur plusieurs bancs.
Nous pouvons vous donner l'impression d'insister grossièrement, madame la ministre, à force de répéter que nous aimerions avoir des précisions. Non pas que nous n'ayons une confiance absolue et aveugle dans tout ce que vous nous dites. Enfin, vous connaissez notre point de vue là-dessus…
Dans Le Parisien, vous avez déclaré : il n'y a pas de raison que l'État continue à payer l'intégralité du chômage partiel. Qu'est-ce que cela signifie alors que nous discutons depuis un moment sur les conséquences des fermetures administratives de certaines entreprises ? Prenons les boîtes de nuit : chez nous, on y boit du lait, c'est pour cela que Stéphane Travert évoque les conséquences de ces fermetures sur les producteurs de lait…
Sourires.
Plus sérieusement, nous savons à quel point le tourisme aura un impact sur la filière agricole et sur l'économie réelle de nos territoires. D'où nos interrogations quand nous entendons la ministre dire que le Gouvernement va commencer à serrer les boulons, à réduire la voilure de la prise en charge du chômage partiel.
Bruno Le Maire avait évalué le coût du chômage partiel à quelque 24 milliards d'euros. Alors, de quelle enveloppe disposez-vous, pour quelle durée ? Avez-vous les budgets qui permettent d'aller au-delà des effets d'annonce et des lapalissades – demain il fera beau s'il ne pleut pas, on va aider ceux qui en ont besoin ?
Concrètement, aurez-vous les moyens d'être au chevet de ceux qui vont subir et souffrir dans la durée, notamment les acteurs excellemment évoqués par Stéphane Travert ?
À ces propos absolument essentiels venant de tous les bancs, je voudrais ajouter deux précisions sur le commerce de gros, souvent mal connu de nos administrations.
Premièrement, le chômage partiel ne leur a pas permis de couvrir ce qu'ils ont perdu en chiffre d'affaires. Les deux montants ne sont pas superposables. Rappelons que ce sont eux qui ont fourni les hôpitaux et les prisons pendant deux mois. Ces entreprises ont maintenu des équipes en place pour continuer à fournir la restauration dans les hôpitaux et les prisons mais en travaillant à perte à un moment où ils ne pouvaient plus vendre aux bars, restaurants et entreprises.
Deuxièmement, ces commerces dépendent de la restauration d'entreprise qui ne redécolle pas non plus, notamment en raison du maintien du télétravail.
Je voudrais donc insister sur ce qui a été excellemment dit sur tous les bancs : le plan d'aide spécifique au secteur de l'hôtellerie-restauration est absolument indispensable et a été demandé à raison par le Premier ministre, mais il ne faut surtout pas oublier ceux qui dépendent du secteur.
Je retire bien évidemment cet amendement, mais je voudrais profiter de mon temps de parole pour aborder la question de l'accompagnement des dirigeants, que le texte n'aborde pas. Un fonds de solidarité a été créé pour les entreprises, mais il reste malheureusement des trous dans la raquette. Qu'il s'agisse de leur statut, du chiffre d'affaires ou du nombre de salariés, les dirigeants de certaines entreprises n'ont pas fait l'objet de l'accompagnement dont ils avaient besoin.
Mon ami Adi, dirigeant d'un restaurant, en est le parfait exemple : les 1 500 euros qu'il a reçus lui ont permis de payer une partie de son loyer, sa connexion internet, son assurance et quelques factures de fournisseurs restées en souffrance. Avec ce qui restait, il a pu se verser une toute petite part de son salaire.
Madame la ministre, ne pourrait-on pas utiliser la taxe sur les transactions financières pour accompagner un peu mieux nos dirigeants d'entreprise ? Sans entrepreneurs, il n'y a pas d'économie. Sans économie, c'est tout le système qui s'effondre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cet amendement de notre collègue Gilles Lurton propose de préciser l'alinéa 15 en subordonnant le maintien du droit au chômage partiel dans certaines entreprises à trois critères techniques. Cette question est au coeur des autres amendements en discussion commune, sur lesquels vous allez vous prononcer dans un instant, madame la ministre.
Je vous remercie, chers collègues, de vos interventions : elles ont permis de mettre en lumière différents acteurs économiques qui ont souffert pendant la crise et qui malheureusement continueront sans doute de souffrir. Il était important que la représentation nationale évoque leur situation dans cet hémicycle, devant le Gouvernement.
Comme je l'ai déjà indiqué, la rédaction de l'amendement n° 206 de Mme Lardet, que nous avons adopté tout à l'heure à l'unanimité, est suffisamment large pour inclure un grand nombre des situations particulières qui ont été évoquées.
Je demande donc le retrait des amendements ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Ce débat est intéressant, car il montre à quel point certaines entreprises sont dépendantes d'autres pour développer leur activité. Des secteurs sont touchés en cascade, profondément et durablement. Ce ne sont d'ailleurs pas les premiers auxquels on pense.
Nous devons cependant veiller à ne pas introduire dans le texte une restriction qui, sous couvert de remédier à un problème, en créerait un autre, en fermant le champ d'application de la mesure.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le maintien du chômage partiel ne doit pas concerner uniquement les secteurs d'activité fermés administrativement. Vous demandez que les fournisseurs qui les approvisionnent et pour lesquels ces secteurs constituent le débouché principal en bénéficient également. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure au sujet de l'amendement n° 206 , nous approuvons cette intention.
Néanmoins, il existe des secteurs qui ne sont ni fermés administrativement ni fournisseurs – au sens où leur activité ne consiste pas à approvisionner d'autres entreprises – , mais qui sont également touchés par la crise. Je pense en particulier au secteur de l'événementiel.
Tâchons, en cherchant à régler un problème réel, de ne pas exclure de fait, par une formulation trop restrictive, des secteurs qui sont, ou seront, en difficulté. La rédaction prévue par l'amendement n° 206 de Mme Lardet me paraît plus satisfaisante de ce point de vue : elle permettra de prendre en considération les entreprises qui font l'objet de mesures de fermeture administrative, les fournisseurs qui les approvisionnent – vous avez donné des exemples frappants – et d'autres secteurs touchés par la crise sanitaire, parce que, désormais, nous ne vivrons plus de la même façon, en tout cas dans les mois à venir.
Je vous invite donc à retirer les amendements : à défaut, mon avis sera défavorable. Ne nous limitons pas au moment où nous cherchons à apporter plus de sécurité aux acteurs économiques.
J'entends votre réponse, madame la ministre, mais il est une autre difficulté, que l'un de nos collègues a signalée tout à l'heure et sur laquelle vous n'avez pas répondu. Dans le secteur touristique, les entreprises qui verront leur activité repartir et qui pourront embaucher se tourneront vers les saisonniers, mais les volontaires risquent de manquer puisque les contrats de ces travailleurs, d'une durée de deux ou trois mois, ne leur donnent pas droit au chômage.
Telle est la difficulté. Il faut maintenir le chômage partiel pour les entreprises qui n'auront pas suffisamment d'activité. Quant à celles qui en auront suffisamment, elles seront confrontées au problème du recrutement de saisonniers, dont la durée des contrats devra être suffisante pour ouvrir droit au chômage. Sur ce sujet, il paraît là aussi nécessaire de modifier les règles dans le cadre des ordonnances.
J'ai également pris note de vos explications, madame la ministre, et je ne vous fais pas de procès d'intention sur votre volonté d'agir efficacement, au plus près des besoins des entreprises.
Je réitère cependant mes questions. Vous avez annoncé dans Le Parisien votre intention de réduire la voilure sur le chômage partiel. Quelles seront les entreprises concernées ? Dans quelle proportion la voilure sera-t-elle réduite au niveau budgétaire ? Dans quels secteurs les entreprises ne seront-elles plus accompagnées ? Et comment celles dont nous venons de parler le seront-elles ?
Notre suspicion n'a évidemment pas de caractère personnel : elle est liée aux ordonnances, qui sont un chèque en blanc. Parce que les critères qui permettront d'accompagner ceux qui en ont besoin ne sont pas clairement précisés dans le texte, nous devons obtenir aujourd'hui des réponses.
Permettez-moi de revenir aux dirigeants : nous parlons des salariés et des entreprises, mais nous ne devons pas oublier les dirigeants. Leur situation n'a pas été évoquée dans le débat, alors que nous avons besoin d'eux pour maintenir les entreprises à flot et garantir un travail aux salariés.
Madame la ministre, pourrons-nous, à un moment ou à un autre de l'examen du texte, aborder la situation des dirigeants et la manière dont ils peuvent être accompagnés d'un point de vue financier ?
Chez moi, en Moselle, les dirigeants regardent vers l'Allemagne, qui a prévu pour ses entrepreneurs un accompagnement mensuel de 5 000 à 9 000 euros pendant la période de crise sanitaire. En France, cet accompagnement oscillerait entre 1 500 et peut-être 10 000 euros pour les entreprises les plus en difficulté. Mais au bout de trois mois, lorsque la trésorerie vient à manquer, 1 500 euros ne sont pas suffisants pour constituer une véritable aide.
La taxe sur les transactions financières permettrait de créer un fonds de solidarité à leur profit, sans impact sur le budget de l'État et sans aggravation de la dette. Nous devons protéger les commerces de proximité : ils sont vitaux pour nos territoires.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
Je n'avais pas, en effet, répondu à votre question sur les dirigeants, monsieur le député. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous avons voulu, avec M. le ministre de l'économie et des finances, faire en sorte que personne, parmi les acteurs en difficulté, ne soit oublié dans nos dispositifs. Deux cas de figure existent pour un dirigeant : ou bien il est salarié, ou bien il est indépendant. Il n'existe pas de troisième catégorie ; le dirigeant fait toujours l'objet d'un statut juridique particulier. Les dirigeants salariés ont droit au chômage partiel ; les dirigeants indépendants, à la tête de petites entreprises, micro-entrepreneurs ou professionnels libéraux, peuvent quant à eux bénéficier du fonds de solidarité. C'est ainsi que nous avons organisé le soutien aux dirigeants.
Madame la ministre, vient un moment où il faut que coïncident les déclarations politiques et le projet de loi que l'on défend. Je rejoins sur ce point Sébastien Jumel, qui a rappelé que, ce matin, dans la presse, vous envisagiez de réduire la voilure sur le chômage partiel alors que, dans cet hémicycle, vous préconisez la rédaction plus large pour prendre en compte le plus grand nombre de situations. Ce sont là des positions antinomiques, et nous ne pouvons que vous demander davantage de précisions.
Quand vous dites vouloir prendre en compte le plus grand nombre de situations, s'agit-il de mettre à disposition davantage de moyens pour répondre à davantage de demandes ? Vous avez affiché une intention contraire au niveau politique et médiatique. Au moment où nous sommes appelés à nous prononcer sur le texte, pourriez-vous nous éclairer sur votre position réelle ?
L'amendement no 349 n'est pas adopté.
L'amendement no 168 n'est pas adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 347 .
À la suite de la suspension du trafic aérien international, des milliers de nos compatriotes de passage à l'étranger se sont retrouvés bloqués sur place et ne seront pas en mesure de reprendre leur activité dans les jours à venir. Combien sont-ils ? On ne le sait pas. Ils sont certainement plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers.
Beaucoup d'entre eux occupent des emplois manuels, qui ne peuvent faire l'objet d'un aménagement en télétravail. Or leurs entreprises ne sont généralement pas éligibles aux mesures de chômage partiel en raison de leur secteur d'activité.
Pour ces Français, la situation est de plus en plus précaire : aucune aide de l'État ne leur parvient à l'heure où ils doivent assumer le doublement de leurs frais de vie, puisqu'ils doivent financer à la fois leur logement sur place et leur logement en France. Il apparaît donc absolument nécessaire de prendre en compte leur situation dans l'aménagement des futures dispositions relatives à l'activité partielle.
Tel est le sens de l'amendement, qui propose de compléter l'alinéa 15 de manière à tenir compte de la situation des Français bloqués à l'étranger dans les futures ordonnances concernant le chômage partiel.
Je voudrais, pour finir, lever une nouvelle fois un malentendu. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, je ne critique pas le travail de nos consulats, bien au contraire. Je me suis rendu à maintes reprises avec les consuls dans des aéroports pour assister à des embarquements. Je peux témoigner qu'ils font un travail de haute couture. Reste que des milliers de Français sont bloqués à l'étranger. Je viens de recevoir des jeunes en grève de la faim parce qu'ils sont éloignés de leur famille depuis deux mois et demi et qu'ils n'ont plus un kopeck. Leur situation est misérable et leur état psychologique déplorable. Le blocage de la situation est terrible.
S'il était adopté, l'amendement permettrait de combler l'un des trous de la raquette au bénéfice de nos compatriotes bloqués à l'étranger. Ils ne sont peut-être que quelques milliers, mais ils attendent un geste de considération. Nous devons leur montrer que nous ne les oublions pas.
Vous l'avez dit, monsieur El Guerrab, nous avons déjà eu cette discussion en commission. Comme Marc Fesneau tout à l'heure, je veux rendre un hommage appuyé à l'ensemble de nos services établis à l'étranger, notamment les ambassades et les consulats qui ont accompagné au quotidien nos compatriotes malheureusement bloqués à l'étranger et éloignés de leurs proches.
Je suis sensible à votre intention, car je pense comme vous que l'on ne doit pas ajouter de lourdeurs administratives ou de difficultés financières à des situations d'ores et déjà fragiles, compliquées et sensibles sur le terrain personnel. Mais je ne pense pas que l'activité partielle, fondée sur la suspension du contrat de travail et ouverte à tout salarié, doive faire l'objet d'un régime dérogatoire pour les Français restés à l'étranger. Les moyens mis en place par nos représentants à l'étranger doivent, en revanche, être maintenus et prolongés afin d'accompagner dans la durée nos ressortissants et faciliter leur retour. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.
Je comprends votre intention, monsieur le député, mais votre amendement ne me semble pas nécessaire, tout d'abord parce que la majeure partie des salariés concernés par les situations que vous décrivez ont déjà été rapatriés – je salue à mon tour l'action du ministère des affaires étrangères, des ambassades et des consulats. Ensuite, pour ceux qui n'ont pas été rapatriés, le cadre juridique actuel permet déjà de les placer en activité partielle : leur entreprise peut les déclarer en activité partielle même s'ils sont à l'étranger. La page du site du ministère du travail consacrée à des questions-réponses par thème le précise depuis plusieurs semaines. Il est sans doute nécessaire de mieux communiquer sur cette possibilité, mais elle existe déjà.
Demande de retrait ou avis défavorable.
Notre collègue y insiste parce que sa circonscription est concernée, mais, en réalité, nous sommes tous interpellés par des dizaines de milliers de nos compatriotes bloqués depuis plus de deux mois à l'étranger, notamment au Maghreb, par la fermeture de l'espace aérien. Interrogé à ce sujet mardi, lors des questions au Gouvernement, le ministre des affaires étrangères a accordé à ce dernier un satisfecit bien difficile à entendre pour les familles ainsi bloquées.
Il ne s'agit pas d'un épiphénomène ni de situations théoriques, mais de cas concrets dont les conséquences sont non seulement humaines et sanitaires, mais aussi et surtout professionnelles : certains employeurs n'acceptant pas d'être placés devant le fait accompli, des ruptures de contrat et des pertes d'emploi sont à prévoir parce que la France n'est pas capable de faire revenir ces hommes et ces femmes sur son sol !
L'amendement est peut-être discutable, mais il soulève un véritable problème. Il est de l'honneur de notre pays d'agir résolument dans cette affaire.
Applaudissements.
Cette question dont nous parlons depuis ce matin me préoccupe moi aussi : comme d'autres parmi vous, je suis interpellé – je l'étais ce matin encore – par des concitoyens bloqués à l'étranger et à qui leur situation pourrait en effet porter préjudice professionnellement. Je ne nie pas que des choses ont été faites ; j'en ai été le témoin ; mais il en reste à faire. Dans le cadre assez lâche des habilitations que nous donnons au Gouvernement, l'amendement de notre collègue signale simplement un aspect supplémentaire auquel il convient d'être attentif et qui mériterait d'être pris en considération par l'exécutif.
D'une manière ou d'une autre – par l'amendement en discussion ou différemment – , nous devons prendre en considération et en charge ces situations qui deviennent de plus en plus complexes avec le temps. Si, comme l'a dit Marc Fesneau ce matin, 180 000 personnes ont déjà été rapatriées, ce pour quoi il faut louer la détermination gouvernementale et l'action des services consulaires, d'autres situations restent en suspens. Dans ma circonscription ont été répertoriés une dizaine de cas, que je suis quotidiennement. Certaines des personnes concernées subissent une double peine : non seulement elles ne peuvent pas rentrer, mais elles ont de grosses difficultés financières. Ainsi, l'un, que j'ai eu au téléphone il y a deux jours, est menacé de perdre son emploi ; un autre, chef d'entreprise, ne peut diriger sa société depuis le Maroc où il est bloqué.
Excusez-moi d'insister, mais le sujet me tient en effet à coeur : voilà deux mois et demi que mon équipe et moi-même dormons peu pour essayer de traiter toutes les situations dont on nous informe. Et ce n'est pas par politique politicienne, puisque la plupart des intéressés ne sont pas des électeurs de ma circonscription, mais viennent des vôtres ! Ainsi, la plupart des élus qui me saisissent, qui me demandent de solliciter le consul, etc. – ce que nous faisons – , sont des députés qui interviennent en faveur de personnes résidant dans leur circonscription.
Madame la ministre, le problème est réel et très concret. Vous me dites que la possibilité que je demande existe déjà et qu'il n'est pas nécessaire d'en ajouter la mention dans la loi, mais, en pratique, cela ne semble pas être le cas. Parler dans le texte des Français bloqués à l'étranger pendant la période actuelle serait un geste fort de reconnaissance de leur situation ; à défaut de les rassurer, cela les soulagerait et desserrerait peut-être un peu l'étau pour mes collègues députés et surtout pour mon équipe.
L'amendement no 347 n'est pas adopté.
Le secteur de la culture, l'un des plus durement et durablement touchés par la crise, l'est d'autant plus que ses acteurs, ses statuts, ses régimes sont divers. Je pense notamment à certains artistes et techniciens qui n'entrent pas dans les cases existantes, n'étant ni indépendants, ce qui les exclut du bénéfice du fonds de solidarité, ni intermittents du spectacle.
C'est par exemple le cas, dans l'art lyrique, des solistes, qui ont des employeurs multiples. Cette dernière spécificité, également répandue dans le monde de l'événementiel, est difficilement compatible avec les modalités d'organisation de l'activité partielle, qui devrait pourtant permettre de protéger ces personnes.
L'amendement vise donc à préciser ces modalités afin d'accompagner les artistes à employeurs multiples, comme nous le souhaitons tous.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, rapporteur, pour donner l'avis de la commission et soutenir le sous-amendement no 563 .
Je vous remercie, ma chère collègue, de donner l'alerte à ce sujet. Le dispositif d'activité partielle a été significativement assoupli, et son formalisme allégé, par décret, depuis la loi du 25 mars dernier et l'ordonnance du 27 mars. En revanche, les difficultés des salariés à employeurs multiples, intermittents du spectacle ou non, peuvent persister.
Voilà pourquoi, dans l'attente des précisions que le Gouvernement nous apportera à ce sujet, je suis personnellement favorable à votre amendement, sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement rédactionnel, qui tend à en supprimer les mots « qu'ils relèvent ou non du régime d'intermittence ».
Les salariés qui relèvent du secteur culturel, qu'ils soient en CDI, en CDD ou en CDD d'usage, peuvent être couverts par le dispositif d'activité partielle. Quant aux salariés à employeurs multiples, ils se voient appliquer une disposition de droit commun, non spécifique au secteur de la culture puisqu'elle peut aussi valoir pour les employés à domicile ou certaines assistantes maternelles. Il est donc déjà prévu qu'ils puissent être concernés par l'activité partielle.
Cela dit, parce qu'il est important de le clarifier pour les salariés du secteur, j'émets un avis de sagesse à propos de l'amendement comme du sous-amendement.
Je me permets d'insister. Nombre d'acteurs du monde culturel – artistes, créateurs, travailleurs – connaissent difficultés et incertitude. Il y a quelques jours, des annonces assez vagues ont été faites lors d'une conférence quelque peu singulière, mais on attend encore des précisions sur les modalités de leur mise en oeuvre et surtout sur l'ampleur de l'intervention. Des annonces un peu plus précises, qui mériteraient cependant de l'être encore davantage, ont concerné les intermittents, mais eux seuls.
Or il est essentiel de tenir compte des particularités du secteur. En effet, nous avons besoin des artistes et des créateurs pour redémarrer et pour imaginer le monde de demain : c'est vital. Puisque cette préoccupation semble largement partagée, passons à l'acte. Si je regrette que l'on ne nous apporte pas davantage de précisions dans le cadre de ce vaste débat, en tout cas, des décisions sont nécessaires en la matière et nous devons y prendre toute notre part.
Le sous-amendement no 563 est adopté.
L'amendement no 504 , sous-amendé, est adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante-cinq.
Avec les mesures concernant l'activité partielle et les contrats courts, nous restons dans une section dont le but est de protéger l'emploi. Il s'agit là d'éviter les ruptures brutales, au moment même de la reprise, de contrats courts existants ou couverts par le chômage partiel, pour protéger les salariés les plus précaires et, en même temps, permettre la reprise de l'activité sans avoir perdu de compétences.
Certaines entreprises devraient mettre fin à des CDD et à des contrats d'intérim en fonction de leurs échéances, au moment où l'activité repart, pénalisant les salariés qui deviendraient demandeurs d'emploi et se pénalisant elles-mêmes, puisqu'elles ne disposeraient plus de ces compétences, le temps de recruter à nouveau.
C'est pourquoi nous proposons de remplacer l'habilitation par un texte définitif. Cela devrait plaire à certains, qui ne manqueront pas de saluer la décision.
Le texte qui remplace cette habilitation prévoit qu'un accord d'entreprise, majoritaire, signé avec les représentants des salariés, fixera le nombre de renouvellement de CDD et de CTT – contrats temporaires de travail – à un niveau différent de celui prévu par la loi ou l'accord de branche. Il s'agit de favoriser le maintien des compétences et d'éviter la mise au chômage de nombreux intérimaires et salariés en CDD.
Les contrats concernés devront faire l'objet d'un avenant pour modifier les dates d'échéance. La référence reste évidemment le CDI et cette mesure comporte des garde-fous : la limite de dix-huit mois de cumul total des contrats demeure ; cette mesure sera en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020 uniquement, afin d'accompagner la reprise. Un CDD ou un contrat d'intérim ne peuvent avoir pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale ou permanente de l'entreprise, ce qui est régulièrement contrôlé ; cela ne change pas.
Cette mesure est soumise à une condition qui est pour moi très importante : l'accord majoritaire, reflet du dialogue social. Je l'ai dit aux partenaires sociaux : sans accord majoritaire au sein de l'entreprise, cette disposition ne peut être utilisée.
La primauté donnée au dialogue social permet d'avoir plus de souplesse, d'adapter les règles pour sauvegarder des contrats de travail et d'ajuster les délais de carence s'il le faut. Cette mesure va dans le bon sens : elle permettra d'accompagner provisoirement la reprise en évitant la mise au chômage de nombreux salariés en contrat court et en autorisant les entreprises à reprendre leur activité immédiatement.
Dans le même esprit, je donnerai tout à l'heure un avis favorable à l'amendement défendu par le rapporteur concernant les parcours emploi compétences, les contrats aidés et les contrats d'insertion par l'activité économique. Cet amendement suit la même logique, à savoir permettre à ceux qui se retrouveraient au chômage de voir leur contrat prolongé de quelques semaines ou de quelques mois, le temps de la reprise de l'activité économique.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 173 .
Il est effectivement assez rare que nous déposions un amendement identique à celui du Gouvernement, …
… mais ce qui nous rassemble est très éphémère.
Comme je l'ai dit dans la discussion générale, nous sommes opposés à l'insertion de nouvelles dérogations aux dispositions régissant les CDD et l'intérim dans le code du travail. La mesure que vous nous proposez vient après de nombreux élargissements de la possibilité de recourir à des contrats temporaires et précaires. Il est déjà facile de recourir à ce type d'emplois ! Vous profitez de la situation pour élargir davantage cette faculté.
Les différentes réformes qui se sont succédé ont assoupli les règles relatives aux CDD et à l'intérim. Elles se sont toutes soldées par une précarisation des conditions d'emploi sans effet significatif de relance économique. Les règles, déjà flexibles, permettent aux employeurs d'avoir largement recours à ce type de contrats et de déroger au principe de l'emploi en CDI, qui devrait être la norme.
Nous allons étudier attentivement votre proposition, madame la ministre, qui consiste à habiliter le Gouvernement jusqu'au 31 décembre prochain, soit plus de six mois, à adapter les dispositions relatives aux CDD. Cette durée d'habilitation est longue !
Comme vous l'avez dit, il est préférable que ces mesures donnent lieu à des échanges avec les organisations syndicales et soient soumises à des accords d'entreprise, mais cela n'empêchera pas, y compris dans la période actuelle, que des chantages puissent s'exercer. La loi est bien plus protectrice en la matière, voilà pourquoi nous souhaitons conserver un code du travail efficace et refusons que l'on utilise la crise sanitaire pour précariser davantage les salariés, alors que la relance, si elle doit être économique, doit également être sociale et écologique. Ces dimensions entrent dans nos préoccupations.
Je retire l'amendement, parce que le Gouvernement vient de nous annoncer qu'il allait supprimer les dispositions de l'alinéa 16. Cependant, il les réinsérera à travers l'amendement no 445 . Nous déposerons un sous-amendement, no 568 , à cet amendement du Gouvernement.
Notre désaccord porte sur un point important, que j'ai déjà évoqué à deux reprises, celui de l'intervention du dialogue social. Vous parlez de dialogue social dans l'entreprise, alors que je souhaite qu'il se tienne à l'échelle de la branche, comme le demandent les organisations syndicales.
L'amendement no 224 est retiré.
La commission spéciale est favorable à l'amendement du Gouvernement, visant à inscrire les dispositions de l'alinéa 16 directement dans le projet de loi après l'article 1er.
Nous nous prononçons sur le dispositif de l'amendement, non sur son exposé des motifs.
Il repose sur le même argument que le précédent. Je ne vois pas écrit dans le texte que le dialogue social se déploie à l'échelle de la branche. L'amendement vise à supprimer l'alinéa 17 tel qu'il est rédigé, même si on peut lui reconnaître quelque utilité.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 397 .
Il vise également à supprimer l'alinéa 17, mais pas pour les mêmes raisons. La suppression de l'habilitation à légiférer pour adapter les dispositions relatives aux contrats de travail aidés relevant des dispositifs d'insertion, d'accès et de retour à l'emploi est destinée à inscrire directement ces mesures dans la loi. Je vous propose d'en débattre lors de l'examen de l'amendement déposé après l'article 1er.
L'alinéa 19 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour déroger au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de prolonger le versement de l'allocation pour demandeur d'asile – ADA. Cette disposition fait l'objet d'un amendement visant à l'inscrire directement dans le texte du projet de loi et peut donc être supprimée.
Il s'agit de la même démarche que celle des amendements précédents, à savoir graver dans la loi des dispositions qui devaient être prises par ordonnances.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1 .
L'alinéa 19 vise à verser l'ADA, qui s'élève à quelque 440 euros par mois, aux demandeurs d'asile déboutés.
L'étude d'impact, qui n'est pas très précise sur le nombre d'allocataires et le montant exact de cette aide, considère que « le nombre de ménages allocataires concernés par la mesure, selon les premiers chiffres de l'Office français de l'immigration et de l'intégration – OFII – , devrait être inférieur à 8 000 ». Cela pourrait tout de même représenter plus de 3 millions d'euros par mois, montant qui semble sous-évalué. Il me semble nécessaire d'obtenir plus d'informations.
En outre, les déboutés du droit d'asile ne devraient plus bénéficier de l'ADA. Étant donné la situation sanitaire et économique, une aide matérielle serait plus appropriée qu'une aide financière.
Il vise, comme celui du Gouvernement, à supprimer l'alinéa 19, mais je n'ai pas déposé un autre amendement pour graver son contenu dans la loi. Je défends l'amendement, mais je ne suis pas certain de soutenir votre proposition d'insérer l'alinéa 19 dans la loi. Nous en discuterons tout à l'heure.
La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs, pour soutenir l'amendement no 280 .
Nous préférons graver les dispositions de l'alinéa 19 dans la loi plutôt que d'habiliter le Gouvernement à les prendre par ordonnance.
La parole est à Mme Nathalie Sarles, pour soutenir l'amendement no 501 .
Je remercie le Gouvernement d'avoir déposé un amendement gravant ces dispositions dans le marbre de la loi, d'autant que le Conseil d'État en avait souligné l'opportunité. Je soutiens la suppression de l'alinéa 19, mais pour des raisons différentes de celles avancées par mes collègues.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, rapporteur, pour soutenir l'amendement no 511 .
Il s'agit d'une nouvelle suppression d'alinéas, en vue d'insérer leur contenu directement dans la loi, ce dont nous débattrons tout à l'heure.
La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis favorable.
Notre opposition porte sur l'absence totale de négociation sociale dans les dispositions proposées par le Gouvernement. Nous refusons que des modifications importantes du code du travail, même éphémères, interviennent sans que les partenaires sociaux aient pu donner leur accord. Voilà la raison pour laquelle l'amendement propose de supprimer l'alinéa 23.
Après quelques avis convergents, nous sommes malheureusement en désaccord sur votre amendement. Une reprise inégale de l'activité lors du déconfinement rend utile l'habilitation à adapter, jusqu'au 31 décembre 2020, les conditions et les modalités du prêt de main-d'oeuvre, afin qu'une entreprise en sureffectif puisse absorber le surcroît d'activité d'une entreprise qui manque de personnel. Cette situation se vérifiera particulièrement dans les secteurs de la santé, de la logistique, de l'agriculture et des transports.
À l'inverse, le ralentissement durable et substantiel de l'activité dans d'autres secteurs a conduit à l'envolée de l'activité partielle, qui couvre plus de 12 millions de salariés, dont le contrat de travail a été, en partie ou totalement, suspendu.
La disposition que vous proposez de supprimer serait précieuse pour faire face à ces situations, sans alourdir inutilement les démarches des entreprises. Voilà pourquoi j'émets un avis défavorable.
Vous proposez de supprimer l'habilitation à prendre une ordonnance pour adapter les conditions et les modalités de prêt de main-d'oeuvre. Certaines entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement, qui peuvent mettre à mal la continuité de leur activité, alors que d'autres sont contraintes de mettre leurs salariés en activité partielle.
Dans ce contexte, la mise à disposition de salariés entre entreprises apparaît comme un dispositif pertinent pour permettre une réallocation temporaire de main-d'oeuvre. Toutefois, compte tenu de l'urgence et des besoins actuels, les conditions et les modalités prévues pour déployer ce dispositif semblent inadaptées et trop lourdes. Il est donc indispensable d'adapter l'encadrement du prêt de main-d'oeuvre pendant cette période pour permettre à tout type d'entreprises d'y avoir recours rapidement, en assouplissant les formalités et, dans certains cas très limités, le principe de refacturation totale, sans modifier évidemment les garanties du salarié. L'avis est donc défavorable.
Je présente par avance des excuses si mes propos semblent hors sujet, mais je suis certain que M. le président sera sensible au thème que j'aborderai. Après tout, nous avons là un texte fourre-tout, un texte gloubi-boulga, dirait Casimir, avec entrée, plat et dessert ! Puisque le Gouvernement se permet d'agir ainsi, je m'autoriserai quelques digressions.
La semaine dernière, M. le Premier ministre a déclaré que les bateaux de plaisance pourront reprendre la mer. Il s'agit d'une bonne mesure, qui était attendue. Chez moi, le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord a indiqué par un tweet, le 9 mai, qu'il sera possible de reprendre la mer le 11. Et patatras ! Le décret publié le 11 mai – il y va aussi du respect du Parlement – prévoit que la plaisance est interdite, sauf dérogation accordée par les préfets de département. Tout cela traîne en longueur, et s'apparente à une usine à gaz !
Pendant ce temps, ceux qui ont le goût salé aux lèvres, comme dirait M. le Premier ministre, attendent avec impatience de pouvoir reprendre le chemin de la mer. Ce n'est pas rien : il y va de l'activité nautique, des industries liées à la navigation de plaisance et de l'activité réelle de nos ports – en particulier les beaux ports de Dieppe et du Tréport – , ainsi que celle de nos littoraux.
Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement – je m'adresse aussi à Mme la ministre des sports, qui vient d'entrer dans l'hémicycle et que je salue, car la plaisance est aussi, le cas échéant, une activité sportive – , je souhaite que vous transmettiez à Matignon le message selon lequel il faut s'assurer que la parole de M. le Premier ministre soit entendue par tous les préfets, et ouvrir sans tarder les ports de plaisance ainsi que les plages, comme le demandent les maires concernés. Cela commence à bien faire !
Cher collègue, la parole, dans cette enceinte, est libre. De surcroît, il s'agit d'un sujet sensible.
L'amendement no 230 n'est pas adopté.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 352 .
L'alinéa 23 permet la modification des conditions de prêt de main-d'oeuvre. Si la période que nous vivons nécessite un recours accru à ce dispositif, il ne doit pas pour autant se faire au détriment des salariés.
Dans les conditions en vigueur, le prêt de main-d'oeuvre est soumis à l'acceptation du salarié. Par ailleurs, les droits sociaux acquis dans l'entreprise prêteuse sont conservés. Les ordonnances ne doivent pas permettre la remise en cause de cette protection. L'amendement que je propose vise à restreindre les habilitations afférentes aux dispositions n'affectant pas les droits sociaux des salariés.
Le Gouvernement a clairement indiqué le sens de la réforme prévue à l'alinéa 23. Il s'agit d'alléger le formalisme des démarches relatives au prêt de main-d'oeuvre, notamment en matière de consultation du comité social et économique – CSE. Il va de soi que l'accord du salarié demeurera nécessaire. Le méconnaître sera totalement contraire au régime du prêt de main-d'oeuvre. Le juge exerce un contrôle rigoureux sur ce point. Demande de retrait ou avis défavorable.
Mesdames et messieurs les ministres…
Rires et applaudissements.
Chacun peut être appelé en réciprocité, si je puis dire ! Il s'agit de notre lot à tous !
Il y a plein de ministres potentiels sur ces bancs ! Certains y pensent tous les matins en se rasant !
Je constate que j'ai suscité des joies diverses et vous prie de m'excuser de jeter le trouble dans cette assemblée.
Sourires.
Monsieur El Guerrab, je compléterai les propos de M. le rapporteur afin de vous rassurer, compte tenu des objectifs que vous visez avec cet amendement. Nul n'envisage de remettre en cause l'obligation de conclure un avenant au contrat de travail matérialisant l'accord formel du salarié, ni d'adapter les garanties du salarié pendant sa mise à disposition à l'issue de cette dernière. Il ne semble donc pas nécessaire de le préciser. Demande de retrait ou avis défavorable.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie de vos réponses respectives. Je retire l'amendement.
L'amendement no 352 est retiré.
Notre collègue Amadou en est la première signataire. Ne pouvant être présente aujourd'hui, elle m'a demandé de le défendre. Je vais donc lire le discours qu'elle aurait tenu si elle avait été là.
Nous reconnaissons la difficulté d'agir dans l'urgence, ainsi que les avancées obtenues par le dispositif salutaire mis en place au cours des dernières semaines. Toutefois, dans de tels moments, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
Certes, l'article 38 de la Constitution dispose : « Le Gouvernement peut [… ] demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances [… ] des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ». Toutefois, il ne faut pas oublier la jurisprudence, qui lui impose, d'après la décision no 76-72 du 12 janvier 1977 du Conseil constitutionnel, d'indiquer avec précision « la finalité des mesures qu'il se propose de prendre ainsi que leurs domaines d'intervention ».
Or l'alinéa 24 ne précise pas la finalité des mesures de modification relatives aux compétitions et aux saisons sportives, aux compétences et aux pouvoirs des fédérations et des ligues professionnelles, ainsi qu'au régime applicable aux contrats des sportifs et des entraîneurs professionnels. En raison de ces lacunes, l'alinéa 24 ne respecte pas l'exigence de précision rappelée à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel.
D'après le projet d'ordonnance qui nous a été transmis, les précisions grâce auxquelles il serait conforme à la jurisprudence afférente à l'article 38 de la Constitution sont les suivantes : « C'est pourquoi, afin d'autoriser les fédérations délégataires à assurer la continuité de l'exercice de leurs missions de service public dans des conditions de sécurité juridique suffisante, malgré les conséquences des mesures prises pour limiter la propagation de l'épidémie de Covid-19, et compte tenu des contentieux qui se multiplient, une intervention du législateur est justifiée au regard des articles L. 221-4, L. 221-5 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, issus de l'ordonnance no 2015-1341 du 23 octobre 2015, et motivée par le double objectif suivant : autoriser le principe d'une rétroactivité, sur la saison 2019-2020 dans son ensemble, des décisions des fédérations, ainsi que de leurs organes déconcentrés etou des ligues professionnelles, relatives aux conséquences de la situation exceptionnelle sur l'organisation et le déroulement des compétitions sportives ; autoriser l'entrée en vigueur immédiate de telles décisions sans l'assortir de dispositions transitoires ».
Par le biais de l'alinéa 24, le Gouvernement fait le choix de créer un texte de loi pour réguler les désaccords internes survenus dans les fédérations sportives à la suite de ses propres annonces, relatives au maintien ou non des compétitions sportives et à l'encadrement des modalités de reprise des entraînements. Par ailleurs, nous avons obtenu confirmation que ce texte, qui vise à protéger les fédérations contre leurs propres clubs, n'a pas fait l'objet d'échanges de vue avec de nombreuses fédérations et acteurs majeurs du sport, qui en découvrent la teneur aujourd'hui.
C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'habilitation à légiférer par ordonnances prévue à l'alinéa 24.
Il est identique au précédent. Je ne saurais mieux le défendre que notre collègue.
Nous avons de nombreuses raisons de préconiser la suppression de l'alinéa 24, dont j'estime qu'il pourrait s'avérer inconstitutionnel. Nous entrons là dans un champ d'application échappant au domaine de la loi, donc à celui d'une ordonnance, par le biais de laquelle le Gouvernement pourrait légiférer à ce sujet sans prendre préalablement certaines précautions, qui n'ont pas été prises jusqu'à présent.
Chers collègues, vous soulevez des questions techniques et constitutionnelles. Je vous adresserai donc une réponse technique, dont j'espère qu'elle vous convaincra du bien-fondé de mon avis défavorable.
Les amendements visent à supprimer l'habilitation à légiférer demandée par le Gouvernement afin de modifier la durée et l'organisation des saisons sportives 2019-2020 et 2020-2021, d'une part, et, d'autre part, d'adapter en conséquence les compétences et les pouvoirs des fédérations sportives et des ligues professionnelles, ainsi que le régime applicable aux contrats des sportifs salariés professionnels et des entraîneurs salariés professionnels.
Nos collègues estiment que les dispositions de l'alinéa 24 ne satisfont pas aux exigences de l'article 38 de la Constitution, au motif qu'elles n'établissent pas la finalité de la demande d'habilitation. En réalité, l'alinéa 10 de l'article 1er du présent projet de loi dispose bien que la demande d'habilitation vise à « faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ».
Cette finalité ressort également de la lecture de l'exposé des motifs du projet de loi et de l'étude d'impact annexée, qui analysent précisément les problèmes auxquels il convient de répondre en conséquence de l'arrêt prématuré de la saison sportive 2019-2020, démontrent la nécessité d'organiser une phase transitoire et confortent les décisions prises par les instances sportives.
En dernier lieu, le Conseil d'État, dans son avis sur le texte, ne formule aucune réserve au sujet du recours aux ordonnances dans le domaine du droit du sport, et livre une analyse assez similaire des problèmes créés par la crise sanitaire. Les amendements n'ont pas été examinés en commission spéciale. À titre personnel, j'émets un avis défavorable.
La parole est à Mme la ministre des sports, pour donner l'avis du Gouvernement.
Madame Goulet, monsieur Jérôme Lambert, je vous remercie d'avoir défendu ces deux amendements identiques, qui m'offrent l'occasion de rappeler l'enjeu de l'habilitation afférente, s'agissant de mesures très attendues par les fédérations sportives en cette période.
Compte tenu de la situation exceptionnelle que nous vivons, nos fédérations et nos ligues sportives ont été contraintes de mettre un terme définitif à leurs compétitions sportives pour la saison 2019-2020. Cela correspond à un tiers environ des rencontres prévues. Tant au niveau amateur qu'au niveau professionnel, elles ont dû prendre des décisions sur la fin des championnats, s'agissant notamment des dates et des conditions d'accession ou de relégation entre divisions, avec des conséquences sportives et financières pour les clubs, dont le financement est attribué en fonction de leur classement et du niveau des compétitions disputées, chaque sport ayant bien entendu ses singularités.
Ces décisions ne sont pas faciles à prendre. Elles font nécessairement des heureux, mais aussi des déçus et des mécontents – nous en avons entendu s'exprimer çà et là, certains plus que d'autres. Elles concernent tant les clubs de district que les clubs professionnels de tout premier plan. Les fédérations sportives ont dû statuer sur une situation totalement imprévue, sans cadre juridique adapté ni règles définies à l'avance pour régler de telles questions.
L'objectif de l'ordonnance pour laquelle le Gouvernement demande une habilitation est de sécuriser, pour les fédérations et les ligues sportives, le principe selon lequel elles ont fixé les règles présidant à l'arrêt des championnats dû à la crise sanitaire et affronté ses conséquences. Elles doivent pouvoir modifier leurs règlements respectifs, sans que l'on puisse considérer qu'elles ont excédé les limites de leur pouvoir ou contrevenu au principe de légalité. Elles doivent le faire en respectant leurs règles démocratiques internes, prévues dans leurs statuts. Je considère qu'il y a là une exigence indispensable.
Pour autant, il ne s'agit pas d'interdire tout recours. Au demeurant, plusieurs clubs ont d'ores et déjà saisi la Conciliation du Comité national olympique et sportif français – CNOSF – ou le juge administratif, pour contester les décisions de certaines fédérations, s'agissant notamment du football, du basket-ball et du rugby. Il ne s'agit pas non plus d'intervenir sur le fond des décisions prises. Il n'appartient pas au ministère des sports de déterminer comment et dans quelles conditions l'arrêt des compétitions et de l'évolution des classements doit être réalisé. Voilà pour le premier volet de l'habilitation.
Le second porte sur les contrats des joueurs et des entraîneurs salariés. Je rappelle que l'arrêt des championnats a des conséquences sur leurs contrats, notamment sur leur durée, qui sera potentiellement raccourcie ou allongée. L'idée est de les sécuriser et d'en adapter la durée. Le sujet est toujours débattu parmi les partenaires sociaux du sport professionnel – joueurs, entraîneurs et clubs – pour affiner les choses, notamment la rédaction des textes. C'est bien pour achever ces discussions et ces concertations que nous demandons une habilitation, avant de faire adopter un texte.
La constitutionnalité de l'alinéa 24 fait débat ; le Conseil constitutionnel tranchera. J'espère qu'on lui laissera un peu plus de temps, pour ce faire, qu'il n'en a eu pour trancher sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire !
Sur le fond, on peut considérer avec vous, madame la ministre, que, dans cette période exceptionnelle, la plupart des fédérations sportives – sans entrer dans le détail – ont agi en responsabilité, avec sérieux, en prenant la mesure de l'importance de la crise, notamment en renonçant aux entraînements et aux compétitions. Elles l'ont fait comme de nombreux acteurs l'ont fait, ainsi que nos concitoyens en général : en responsabilité.
Or – il y a là une conséquence d'une malformation congénitale des ordonnances – , en vous confiant la possibilité de réguler tout cela en lieu et place des fédérations sportives et du mouvement sportif dans son ensemble, sans concertation suffisante, le risque est grand – j'imagine que notre collègue Amadou, qui connaît bien le monde sportif, a pris soin de le consulter avant de rédiger l'amendement – que leur autonomie et leur capacité de discernement, ainsi que le principe fondamental de la liberté d'association, ne soient bousculés.
Je ne vous fais pas de procès d'intention sur votre volonté de sécuriser a posteriori les décisions qu'elles ont été contraintes de prendre. Toutefois, je crains que, ce faisant, vous n'enfonciez un coin dans le principe fondamental exigeant que l'on respecte les acteurs lorsqu'on aborde un sujet qui les concerne.
J'ajoute que nous sommes soumis à une autre urgence dans le domaine sportif : la mise en oeuvre d'un plan de soutien massif, notamment en matière financière, au mouvement sportif, versant amateur compris. Les conséquences de la crise sur la capacité des clubs à être des outils de cohésion sociale dans les territoires où nous vivons seront très lourdes.
Je rejoins les propos de M. Jumel. Évidemment, le monde sportif souffre. Évidemment, comme tout le monde, il pâtit des conséquences de la crise.
Les amendements ont un sens. Ils sont justifiés d'abord au regard de l'article 38 de la Constitution – j'ai déjà eu l'occasion de le dire ce matin – , dont l'unique objet est de permettre au Gouvernement d'appliquer son programme, et non d'imposer des dispositions en situation de crise.
Mais, surtout, l'alinéa 24 du projet de loi constitue une atteinte fondamentale à la liberté d'association et au fonctionnement des fédérations. Celles-ci possèdent toutes des instances dirigeantes autonomes qui prennent les décisions ; elles ont toutes le pouvoir de fixer leur calendrier. En revanche, celui-ci n'en est pas au même stade pour les différents sports : certains n'ont pas encore débuté leur saison ; pour d'autres, c'est le milieu de la saison ; pour d'autres encore, la saison est sur le point de s'achever.
Le fait de légiférer sur le calendrier, sur la fin de la saison et la prochaine saison, porte une atteinte gravissime à l'autonomie de fonctionnement des fédérations, et, au-delà, au fonctionnement des clubs qui en dépendent. Les instances fédérales sont partenaires, elles exercent une mission d'intérêt public. Faisons-leur confiance ! Laissons-les gérer la situation sans leur imposer quoi que ce soit. Elles connaissent chacune mieux leur sport que vous ne le connaîtrez jamais.
Vous vous méprenez sur le sens de l'alinéa. Celui-ci répond à une demande des fédérations, lesquelles réclament de la sécurité juridique face aux plaintes des mécontents.
Le principe d'autonomie des instances est plus que respecté de ma part. En effet, il s'agit non pas d'intervenir dans le calendrier ni dans la régulation des instances, mais de garantir la sécurité de décisions qui ont déjà été prises.
La base légale que donnera l'ordonnance doit permettre, d'une part, de modifier les contrats des joueurs et d'autre part, de valider les décisions qui ont été prises de manière démocratique. Le Gouvernement ne fait pas plus que cela, et s'en tiendra là.
Je ne suis pas un spécialiste du sujet, mais l'arrêt de la Ligue 1 et d'autres championnats a donné lieu au dépôt de plusieurs recours. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique lyonnais, a ainsi promis d'aller au bout de la procédure qu'il a engagée.
Grâce à l'ordonnance, les responsables de la ligue et de la fédération de football seront protégés car les décisions qu'ils ont prises jusqu'à présent seront validées.
L'ordonnance est nécessaire pour sécuriser les championnats en cours et permettre aux prochains de reprendre facilement.
Madame la ministre, lisez l'alinéa 24. Il est écrit : « permettant la modification de la réglementation, de la durée et de l'organisation des compétitions et des saisons sportives 20192020 et 20202021 ». L'objectif de l'ordonnance est bien d'interférer dans les calendriers fixés.
C'est ce qui est écrit ! Ne me dites pas non !
Voilà l'habilitation que vous demandez. Si ce n'est pas ce que vous voulez faire, je vous renvoie à la qualité de votre travail. Nous le constatons depuis le début, le Gouvernement ne cesse d'amender le texte et de prétendre que ce qui est écrit ne correspond pas à ses intentions.
Dites-nous ce que vous voulez faire et nous vous suivrons. Le secteur du sport a toute notre attention, de même que le monde associatif dans nos territoires. Nous sommes très vigilants à leur égard.
Si ce n'est pas ce que voulez faire, il fallait l'écrire autrement.
Si vous n'avez pas compris l'alinéa, il faut lire l'étude d'impact et l'exposé des motifs.
Aujourd'hui, les fédérations n'ont pas la possibilité de modifier leur règlement en cours d'année. Vous en convenez ?
À moins de réunir une assemblée générale extraordinaire ! Elles sont tenues par leurs statuts, pas par la loi !
Elles ne peuvent pas décider d'arrêter les compétitions en cours d'année. Or c'est ce qu'elles ont fait. Donc nous leur venons en aide en inscrivant dans le code du sport la possibilité de changer les règlements en cours d'année.
Je ne me prononcerai ni sur les calendriers ni sur les classements.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 475 .
Madame la ministre, si l'intervention du Gouvernement est aussi limitée que vous le dites, nous devrions pouvoir inscrire les dispositions nécessaires directement dans la loi et les appliquer plus rapidement.
En revanche, la modification du régime des contrats des sportifs nécessite de prendre une ordonnance. L'amendement prévoit donc de limiter l'objet de l'ordonnance à ce dernier point. Je propose, dans un autre amendement, de graver dans la loi les dispositions qui permettent de sécuriser les fédérations.
J'entends votre argument sur la sécurité que nous devons assurer aux fédérations et aux ligues mais n'oublions pas les clubs, y compris certains clubs professionnels, qui sont en grande difficulté. Tout ce petit monde doit discuter.
L'amendement vise à restreindre le champ de l'habilitation à légiférer demandée par le Gouvernement.
Or le régime applicable aux contrats des sportifs salariés professionnels et des entraîneurs salariés professionnels procède largement de dispositions d'ordre public, fixées par le législateur et contenues en partie dans les codes du sport et du travail. La compétence des fédérations et des ligues n'est pas fondée en cette matière. Le dispositif proposé présente moins de garanties de sécurité juridique pour les sportifs et les entraîneurs professionnels.
En outre, il présente l'inconvénient de priver le Gouvernement des moyens de résoudre les problèmes créés par l'achèvement prématuré de la saison sportive 2019-2020 et le lancement éventuel, plus tardif, de la saison 2020-2021. Or les perturbations provoquées par l'épidémie et les nécessités de l'état d'urgence sanitaire affectent également la situation sportive des clubs et rendent indispensable l'organisation d'une phase transitoire.
L'amendement n'a pas été examiné par la commission spéciale. À titre personnel, je demande son retrait ; à défaut, j'y serai défavorable.
Je vous remercie d'avoir essayé de proposer une disposition qui se substituerait à l'habilitation dans le texte du projet de loi. Néanmoins, nous travaillons encore à une rédaction de notre côté. C'est pourquoi je souhaite que l'habilitation soit maintenue en l'état, avec la référence aux deux points. Nous continuerons à travailler sur la base de l'amendement que vous soumettrez tout à l'heure pour parvenir à rédiger une disposition législative.
C'est dommage car cela aurait permis d'apporter une aide aux fédérations en clarifiant leurs compétences en matière de contrats de travail.
N'oubliez pas que la loi qui régit les fédérations, ce sont leurs statuts, lesquels sont tous conformes à la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives puisque toutes les fédérations sont reconnues d'utilité publique. Mais la loi qui les gouverne, ce sont leurs statuts. Le fait de venir vous immiscer dans ce qu'implique l'adhésion de chacun des membres des fédérations est selon moi une ingérence. L'amendement permettrait de rassurer les fédérations quant à leur fonctionnement pour l'avenir face aux difficultés qu'elles vont rencontrer.
J'entends vos arguments, madame la ministre, mais j'ai du mal à comprendre : si c'est si urgent, pourquoi ne parvenons-nous pas à inscrire la mesure dans la loi et ainsi nous assurer de sa constitutionnalité ?
Nous nous immisçons en effet, dans certains règlements. Votre solution est bancale.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je vous ai proposé de conserver l'ordonnance pour les contrats, car la rédaction demande de la précision. Pour le reste, nous devrions pouvoir aboutir rapidement. Si c'est si urgent, nous ne pouvons pas attendre une ordonnance qui sera publiée dans trois ou six mois.
Il faut être cohérent : soit c'est urgent, et, dès lors, il faut inscrire la disposition directement dans la loi ; soit cela ne l'est pas, et, dans ce cas, le recours à une ordonnance n'est pas utile.
Il reste quelques heures pour amender, madame la ministre, et inscrire la disposition dans le dur comme le propose l'amendement que j'ai déposé après l'article 1er. S'il est urgent de sécuriser les fédérations et les ligues, faisons-le maintenant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 232 est retiré.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 27 dont l'objet sera inscrit directement dans la loi par le biais d'un amendement ultérieur.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement identique no 5 , pour des raisons différentes. On connaît l'argumentation.
Vous êtes perspicace, monsieur le président.
La loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie devait prétendument permettre une gestion plus efficace et plus diligente des flux migratoires. Or plus de 154 000 demandes d'asile ont été enregistrées en 2019, comme le révélait récemment la Cour des comptes, plaçant la France dans la fourchette haute des pays de l'Union européenne et son système d'asile sous forte tension.
Compte tenu de la tension dans les officines de traitement de l'immigration, le taux de refus de renouvellement des titres de séjour est de 1 % à peine.
Étant donné cette gestion politique contestable des flux migratoires, il ne semble pas raisonnable d'allonger le délai pour les demandes d'asile, d'autant que cette mesure signifierait le retour à un fonctionnement normal au début de l'année 2021, ce qui paraît trop tardif.
Le groupe MODEM soutient la suppression de l'alinéa, ainsi que l'inscription dans le dur de la loi de la prolongation des titres de séjour que la crise sanitaire justifie.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 151 .
Je dois exprimer notre plein et entier soutien à l'amendement du Gouvernement visant à supprimer l'alinéa. Une nouvelle fois, nous ne serons pas forcément d'accord avec la solution que vous préconisez. C'est la raison pour laquelle plusieurs d'entre nous proposent de sous-amender l'amendement déposé par le Gouvernement hier soir.
Pour la première partie, à savoir la suppression de l'alinéa, vous avez notre plein et entier soutien, ainsi qu'en témoigne l'amendement déposé par Éric Ciotti. Je suis très heureux que la majorité vote un amendement d'Éric Ciotti.
Sourires. – M. Antoine Savignat applaudit.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement no 233 .
Le groupe Socialistes et apparentés a également déposé un amendement de suppression de l'alinéa 27, car, dans la lignée de ce que nous dit le Conseil d'État, nous pensons qu'un certain nombre de dispositions doivent être formellement inscrites dans la loi. Si nous proposons cet amendement et si nous allons voter en faveur de celui du Gouvernement, ce n'est pas parce que nous souhaitons revenir sur l'allongement de la durée de validité des titres de séjour – il s'agit d'une bonne mesure – , mais parce que nous procéderions de la bonne manière en inscrivant noir sur blanc cette disposition dans le texte. Nous voterons donc ensuite en faveur de l'amendement visant à autoriser l'allongement de la validité des titres de séjour en raison de la crise sanitaire.
Il s'agit de ma première prise de parole dans l'hémicycle sur ce texte et je souhaiterais vous dire, monsieur le ministre, que notre travail parlementaire est rendu difficile et complexe par les délais qui s'imposent à nous ; …
… cela a été évoqué à de nombreuses reprises.
Nous parvenons malgré tout à avancer sur des points très concrets, étant donné que ces amendements identiques vont supprimer, au profit d'une inscription dans la loi, une ordonnance dont l'objet est l'allongement de la validité des visas de long séjour, des titres de séjour, des autorisations provisoires de séjour, des récépissés de demande de titre de séjour, ainsi que des attestations de demande d'asile. C'est donc l'ensemble des dispositifs relatifs aux étrangers présents dans notre pays qui seront revus et prorogés pour tenir compte des difficultés de mobilité en période de crise sanitaire.
Jean-Noël Barrot, corapporteur avec moi des questions d'immigration, d'asile et d'intégration au sein de la commission des finances, propose un amendement identique et je vous invite à les voter en choeur !
« Très bien ! », sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. M'jid El Guerrab applaudit.
Il est favorable sur l'ensemble de ces amendements de suppression, même si je ne partage pas les motifs de certains. Vous l'avez bien compris, il s'agit d'une suppression de l'habilitation à prolonger la validité des titres de séjour, car nous allons plutôt faire figurer cette mesure dans le texte de loi. Nous en discuterons juste après la discussion de l'article 1er.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Favorable.
Je comprends que l'amendement no 153 déposé par André Chassaigne va tomber en raison de l'adoption de ceux-ci. Je profite donc de ce moment pour mettre sur la table le sujet qu'il soulevait. Nous avions eu le débat en commission, mais nous n'avions pas été complètement convaincus par les réponses qui nous avaient été apportées sur le fait que les demandes en cours d'instruction avant le 16 mai 2020 seraient bien incluses dans le dispositif de prolongation de la durée de validité et de renouvellement des titres de séjour. Je me permets donc d'insister, car il est nécessaire que ces demandes soient comprises dans ce que vous écrivez directement dans la loi.
Ces dispositions sont bonnes et nous les soutiendrons, mais il y aura un moment où il nous faudra prendre à bras-le-corps la question de la régularisation des migrants présents dans notre pays. Ils ne sont pas expulsables, mais ne peuvent travailler et vivent des situations terribles.
François-Michel Lambert et moi-même avons lancé, il y a quelques semaines, un appel à témoignages de migrants. J'en ai reçu entre 400 et 500 sur Facebook, lesquels sont tous différents. J'y ai consacré entre trente et quarante heures, car il me semblait humainement impossible de laisser ces gens sans réponse. C'est inimaginable, mais, chers collègues, ces gens n'ont rien ! Si certains ont des doutes, je leur envoie leurs témoignages. Comme moi, essayez de les lire : il n'est pas possible que votre coeur ne vibre pas. Il est impossible de laisser ces gens, qui sont battus et ne peuvent porter plainte, qui n'ont rien à manger, qui n'ont pas le droit de travailler, dans cette situation.
Charles Amédée de Courson me disait il y a quelques jours que l'on recherche 120 000 saisonniers pour faire les vendanges en Champagne cet été, mais qu'on en aura seulement la moitié, car on ne peut plus faire venir les travailleurs d'Europe de l'Est. Or des personnes sont présentes chez nous et veulent travailler, mais on ne les y autorise pas. Sur le plan humain, je suis scandalisé par cette situation ! Et à ceux qui ne seraient pas d'accord avec moi, je leur transmets la liste de ces 500 témoignages : lisez-les et dites-moi de ce que vous en pensez !
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cet amendement porte sur la possibilité d'affecter une partie des réserves financières des régimes autonomes de retraite des indépendants au financement d'une aide exceptionnelle qui leur serait destinée. Il nous a été dit en commission que cette proposition a été faite par les caisses concernées. Nous nous interrogeons néanmoins, car ces réserves devraient rester la propriété des caisses des travailleurs indépendants puisqu'elles visent à financer leurs retraites. Prendre une telle disposition reviendrait donc à puiser dans ces provisions afin de financer des mesures immédiates de pouvoir d'achat.
Nous comprenons que certains indépendants éprouvent des besoins, mais il nous semble qu'y subvenir relève plutôt de politiques publiques et de décisions de l'État. Celles qui ont été prises jusqu'ici ne sont visiblement pas à la hauteur, étant donné que les indépendants formulent cette proposition. Mais ce n'est pas en prenant dans les réserves des retraites qu'il convient de faire face à cet enjeu ; nous estimons qu'il nous faut choisir d'autres moyens.
Avant que ne survienne ce virus, nous avons beaucoup parlé des retraites – cela ne vous aura pas échappé – , y compris des réserves de certaines caisses. Nous demandions des garanties pour qu'elles puissent être conservées. Les discussions que nous avons aujourd'hui viennent percuter les débats que nous avons eus hier et j'estime que nous ne pouvons pas prendre cette décision ainsi, à la va-vite et à la faveur d'une ordonnance. Cette question mériterait bien d'autres discussions pour que les choses soient clairement établies.
Par cet alinéa, le Gouvernement se défausse sur les caisses de retraite des indépendants pour, d'une certaine manière, leur venir en aide. Est-ce bien raisonnable ? Cela reviendrait à leur dire : « À votre bon coeur, si vous êtes d'accord, faites-le. » Plutôt que d'inciter les professions à composer, en leur sein, avec leurs propres moyens, ne devrions-nous pas mener une politique de solidarité nationale ? Vous nous expliquez que l'initiative émane des indépendants et qu'ils sont d'accord, mais je présume qu'ils ne le sont que si on ne leur propose rien de mieux. Aussi, malgré vos explications, je serais favorable à ce que la solidarité nationale s'applique aux indépendants comme elle s'applique à d'autres catégories de travailleurs.
Ce n'est pas tant que les indépendants sont d'accord, monsieur Lambert, c'est qu'ils ont eux-mêmes émis cette proposition. L'habilitation que vous souhaitez supprimer avec ces amendements donne un fondement légal à la décision prise par les organisations représentatives des travailleurs indépendants d'affecter une part de leurs réserves à l'accompagnement des artisans et des commerçants. L'objectif est de leur garantir un revenu suffisant en puisant dans les réserves qu'ils ont eux-mêmes accumulées grâce à leurs cotisations. Cette faculté ouverte aux indépendants et aux professions libérales est encadrée et limitée, afin de garantir le versement des pensions et de ne pas altérer le droit de propriété. Il s'agit d'une disposition forte, qui est attendue par les artisans et les commerçants, et à laquelle nous ne souhaitons évidemment pas renoncer. C'est pourquoi nous sommes défavorables à vos amendements de suppression de l'alinéa 29.
Je vous répondrai, monsieur Dharréville, en vous relisant l'alinéa 29, qui est ainsi rédigé : « Permettant, dans le respect des conditions nécessaires au versement des pensions et au regard de la liquidité des actifs correspondants, aux instances de gouvernance des régimes mentionnés [… ] d'affecter une partie [de leurs] réserves ». L'usage du participe « permettant » indique qu'il ne s'agit pas d'une obligation : ces instances participent sur la base du volontariat ; personne ne les force. Nous répondons simplement à une demande de leur part et à une démarche qu'elles ont déjà engagée.
Vous dites, monsieur Lambert, qu'il y a la solidarité nationale. Mais les réserves, qui se constituent dans les caisses – pour preuve, elles se sont elles-mêmes mobilisées – , servent aussi, du moins en partie, à permettre de faire face à des coups durs. Il convient, me semble-t-il, de le respecter : on ne peut à la fois demander que ces caisses puissent avoir une relative autonomie et les priver de la capacité qu'elles auraient à mobiliser leurs réserves lorsqu'il leur semble nécessaire de le faire.
J'ajoute que cette disposition vient compléter les dispositifs qui ont été instaurés par l'État ; elle ne vient pas s'y substituer.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Vous ne pouvez pas dire, monsieur le ministre, que l'argent mis de côté pour les retraites doit être utilisé en cas de coup dur ; …
Je n'ai pas dit cela !
Ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, me choque donc profondément, même si je ne suis pas contre le fait d'avoir accès à ces fonds, même si j'estime qu'il convient de faire confiance aux acteurs sociaux et même si je suis favorable au principe de liberté. Mais il faut que cette liberté soit réelle et, pour ce faire, il ne faut pas qu'il y ait de trous dans la raquette. Les indépendants ne doivent pas avoir à aller puiser dans leurs bas de laine parce que le Gouvernement ne sait pas les aider.
J'en conviens, semaine après semaine, les ministres compétents se montrent véritablement à l'écoute s'agissant de la mobilisation du fonds de solidarité. Celui-ci était au départ très insuffisant, ne s'élevant qu'à 1 milliard d'euros ; il atteint désormais 7 milliards d'euros. Des annonces ont été faites cet après-midi en ce qui concerne le secteur du tourisme. Mais elles ne suffisent pas. Je pense aux commerçants des centres-villes, dont les charges ont explosé et qui seront dans l'incapacité de les payer. Je pense plus particulièrement à ces commerçants qui n'emploient pas de salariés et qui n'avaient donc pas accès au deuxième étage du fonds de solidarité.
Or ce dernier n'a été que faussement déverrouillé, car, en réalité, les commerçants n'auront accès à ce deuxième étage que s'ils ne sont pas éligibles aux PGE – prêts garantis par l'État. Aussi la porte n'est-elle pas même entrouverte, mais fermée, et quantité d'indépendants, de commerçants, d'artisans et parfois de professions libérales ne s'en sortiront pas. Et s'ils sont contraints de puiser dans l'argent qu'ils avaient mis de côté pour leur retraite, parce que le Gouvernement n'a pas su les aider alors qu'il a su en aider d'autres, cela me paraîtrait totalement injuste. Je profite donc de cette occasion pour appeler votre attention sur ces manques, qui sont plus nombreux qu'on ne le croit.
Par exemple, le plan dédié au tourisme ne concerne que les restaurateurs. Vous savez que j'ai été maire du Touquet pendant très longtemps et que je suis élu d'une circonscription très touristique : les commerces qui s'y trouvent dépendent autant de l'activité touristique que les restaurants. Or le plan annoncé aujourd'hui oublie complètement ces commerçants.
Comblez ces manques et j'approuverai alors totalement la liberté que vous souhaitez donner aux indépendants de pouvoir mobiliser les fonds qu'ils ont mis de côté pour leur retraite.
C'est un débat qui mériterait d'être un peu approfondi, parce que, monsieur le ministre, vous nous dites – et Daniel Fasquelle a commencé son intervention en mentionnant cet élément – que, puisque cet argent existe, autant l'utiliser. Mais il avait une destination : les retraites. Il était prévu pour cela et changer la destination de ce fonds, ce n'est pas rien. Garantir le droit à la retraite est, en effet, tout à fait essentiel et si l'on poursuit cette logique, on pourrait remettre en cause beaucoup de choses, et ce bien au-delà de ce qui est stipulé dans l'habilitation. Celle-ci est claire et je ne dis pas que sa rédaction sous-entend autre chose, mais vous voyez bien que nous mettons le doigt dans un engrenage qui pourrait nous conduire à dire que, compte tenu des conditions, nous allons nous asseoir sur un certain nombre de droits acquis. Je m'interroge donc sur la logique qui sous-tend cette disposition.
La loi doit également protéger. Il est question de fonds qui ont été constitués dans un dessein très précis : nous pouvons imaginer que notre rôle est aussi de protéger cela en prévision de l'avenir. Il nous faut donc répondre au besoin tel qu'il peut être exprimé par les indépendants, mais je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit de cette façon que nous le fassions le mieux.
Cette question mérite donc véritablement une discussion, d'autant plus que l'habilitation, telle qu'elle est rédigée, ne procure pas de réelles garanties, en ce qui concerne notamment l'ampleur des fonds qui pourront être mobilisés. Vous écrivez les mots : « une partie des réserves », mais qu'est-ce que cela signifie ? Tout cela me paraît donc très imprécis.
Je présume, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, que vous êtes en discussion avec les organisations en question. Pouvez-vous donc nous dire quels sont les flux financiers attendus en provenance des réserves des régimes des indépendants ?
Monsieur Fasquelle, monsieur Dharréville, n'essayez pas de travestir mes propos :
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR
j'ai dit non pas que les réserves financières servaient à faire face aux coups durs, mais qu'elles pouvaient y servir, ce qui n'est pas la même chose.
C'est d'ailleurs à cette fin que les caisses concernées ont décidé de les utiliser.
Nous sommes au moins d'accord sur un point, monsieur Fasquelle : on ne peut pas à la fois dire à ces caisses qu'elles sont autonomes et remettre en cause les principes qui guident cette autonomie.
Vous avez soulevé la question du montant, monsieur Dharréville. Il appartient aux caisses d'en décider. J'imagine que leurs responsables les gèrent en ayant leurs obligations à l'esprit, …
Oui, y compris en matière de financement des retraites.
Il est un peu facile, monsieur Fasquelle – je le dis sans acrimonie – , d'être assis sur le bord de la route et de faire des commentaires sur ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. Vous mesurez bien l'ampleur de la crise qui est devant nous ; vous voyez bien qu'il est nécessaire de faire des ajustements. Vous ne pouvez tout de même pas dire que le Gouvernement n'a pas su faire ! Je pourrais vous dresser la liste de tout ce que la Gouvernement a voulu et su faire, en faisant preuve d'une capacité d'adaptation et d'une agilité que vous nous reprochez désormais.
Il peut y avoir des trous dans la raquette. Chaque fois que nous en avons détecté, vous l'avez relevé, nous avons essayé d'y remédier avec vous. Nous faisons des ajustements, et nous ajusterons aussi le plan en faveur du tourisme. Regardez ce qui a été fait !
Je déplore que nous n'assumions pas les bonnes mesures que nous avons prises collectivement – car votre groupe a assez massivement voté en faveur de plusieurs d'entre elles dans le cadre du PLFR.
Ne dites pas que l'on demande aux caisses de se substituer au Gouvernement parce que celui-ci n'a pas su faire ! Tel n'est pas l'objet du présent alinéa, qui vise à donner aux caisses la capacité d'agir, dans le champ de leurs compétences.
La rédaction initiale de l'alinéa suscitait légitimement l'inquiétude de tous quant à ce qu'il pourrait advenir des réserves des caisses de retraite, puisqu'il habilitait le Gouvernement à prendre lui-même des mesures permettant d'en réaffecter une partie. Grâce à l'adoption par la commission spéciale d'un amendement que j'avais déposé, nous avons précisé que cette possibilité reviendrait aux instances de gouvernance des caisses. Dès lors, ces instances prendront une telle décision si elles estiment disposer des fonds nécessaires et si elles le jugent opportun.
Pour ma part, je souhaitais même aller plus loin : j'avais déposé, pour cette séance, un amendement visant à étendre cette possibilité au-delà des régimes complémentaires et invalidité-décès, conformément à la demande des caisses de retraite des professions libérales, mais celui-ci a été déclaré irrecevable – j'ignore pourquoi.
En tout cas, c'est l'une des rares dispositions du texte qui va simplement autoriser des organismes – en l'espèce les caisses – à disposer de leurs fonds comme ils l'entendent et dans la mesure où ils le jugent raisonnable. On peut donc être rassuré quant à la finalité de l'alinéa.
Admettez que vous avez dit une bêtise, monsieur le ministre, cela nous arrive à tous. Pour le reste, trois points appellent notre vigilance.
Premièrement, il est nécessaire de couvrir le besoin de financement des retraites des artisans et indépendants. Quelles sont les prévisions en la matière, par exemple celles du Comité d'orientation des retraites ? De cela dépendra le montant du prélèvement que vous autoriserez.
Deuxièmement, vous ne pouvez pas dire que ce sont les caisses qui décideront ; vous avez nécessairement une vision précise de l'impact de la crise sur les acteurs concernés.
Troisièmement, nous commençons à entendre une petite musique qui me préoccupe : on ferait payer par les intéressés eux-mêmes les mesures de soutien dont ils ont vocation à bénéficier. Si nous vous permettons de vous engager dans cette logique, il est à craindre que l'on ne fasse payer aux Français le lourd tribut de la crise qu'ils subissent – certes, personne ne vous soupçonne de l'avoir fabriquée.
En matière de financement, nous avons d'ailleurs de nombreuses mesures, notamment fiscales, à vous proposer. La justice fiscale voudrait que l'on aille chercher le pognon là où il est pour le mettre là où il y en a besoin. Nous pourrions ressortir quelques propositions en ce sens, qui sont d'une profonde actualité. Je vous mets d'ailleurs en garde : si vous n'y réfléchissez pas, le risque est grand que ceux qui ont vécu un confinement et un déconfinement différents en raison de l'endroit où ils habitent ou de leur origine sociale ne vous le rappellent avec force.
Ne me faites pas de faux procès, monsieur le ministre ! Lorsque quelque chose ne va pas, notre rôle consiste aussi à le constater et à le dire, et ne soyez pas aussi chatouilleux lorsque c'est le cas ! Tout à l'heure, j'ai commencé par dire que le Gouvernement avait été attentif et qu'il avait procédé à des ajustements, semaine après semaine. Dans ma bouche, un tel compliment à l'égard du Gouvernement est plutôt rare ; vous auriez dû l'accepter plutôt que de me faire le procès de vous critiquer.
Conformément à notre rôle, nous avons créé au sein de la commission des affaires économiques, en accord avec son président, Roland Lescure, des groupes de travail auxquels participent des députés de toute sensibilité, notamment Thierry Benoit.
Dans un esprit très positif et constructif, nous y avons fait remonter ce que nous entendons sur le terrain, pour aider le Gouvernement à adapter ses dispositifs. Vous avez cheminé et fait d'énormes progrès, mais il reste des trous dans la raquette, y compris dans le plan en faveur du tourisme annoncé ce matin – je profitais de mon intervention pour vous le signaler.
Laissons cette liberté aux organismes, mais, pour qu'elle soit réelle, il ne faut pas que ce soit un choix par défaut. Autrement dit, il ne faut pas que l'on soit obligé de puiser dans les caisses de retraite pour soutenir les intéressés, notamment pour qu'ils puissent payer leur loyer, sachant que certains auront été aidés et d'autres non. Travaillons ensemble pour combler les lacunes, et tout ira bien.
Sourires.
Nous voilà au clair, monsieur Fasquelle. Il est bon que chacun puisse dire les choses telles qu'elles sont.
Veuillez m'excuser, monsieur El Guerrab, je n'ai pas réagi à votre intervention. La réponse à votre question figure dans l'étude d'impact : « Au 20 mars 2020, les réserves du régime complémentaire des indépendants s'élèvent à 16,9 milliards d'euros et, selon les projections du régime, permettent de couvrir le financement des prestations de retraite jusqu'en 2064. Une réduction des réserves du régime de 1 milliard d'euros » – par hypothèse – « conduirait à rapprocher l'horizon d'extinction des réserves du RCI à 2061. Les règles de pilotage du régime, qui prévoient que chaque année l'horizon d'extinction des réserves soit au moins égal à trente ans, demeureraient respectées [… ]. » Nous serions donc dans l'épure, nous respecterions la logique qui prévaut dans la gestion de ces fonds.
Cela nous donne raison ! Nous vous disions de ne pas toucher à ces réserves !
Par un amendement portant article additionnel après l'article 1er, le Gouvernement proposera, comme je m'y étais engagé devant la commission spéciale, d'inscrire directement dans le projet de loi les dispositions octroyant aux salariés relevant du régime général et aux salariés agricoles des droits à la retraite au titre de l'activité partielle indemnisée. Par coordination, il convient de supprimer l'alinéa 33, qui prévoyait une habilitation à légiférer par ordonnance en la matière.
L'amendement no 235 est retiré.
L'amendement no 437 , accepté par la commission, est adopté.
L'amendement no 236 est retiré.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 405 .
L'alinéa 34 vise à permettre le maintien des garanties de protection sociale complémentaire pour les salariés en activité partielle. Si nous convenons que ce maintien est nécessaire, la période exceptionnelle que nous vivons ne doit pas être l'occasion pour l'État d'imposer sa volonté aux régimes complémentaires. Je propose donc, par cet amendement, de poser une condition : l'accord des organismes gestionnaires devra être obtenu. Cet accord me semble nécessaire pour assurer la bonne continuité de la protection sociale complémentaire.
Lors de son examen pour avis, le Conseil d'État n'a pas soulevé de difficulté constitutionnelle concernant cette mesure. Je rappelle que celle-ci s'appliquera aux contrats courts et qu'elle est indispensable pour assurer la continuité de la couverture des salariés. Elle permettra de sécuriser à la fois les salariés, les employeurs, les assurances, les mutuelles et les institutions de prévoyance. Je demande le retrait de l'amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement no 405 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 157 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 237 est retiré.
Il s'agit d'un amendement de repli par rapport au no 480, lequel vise à supprimer l'alinéa 36, qui prévoit, conformément au souhait du Gouvernement, la création d'un fonds de soutien dont nous ne connaissons pas les fondements. Nous ne connaissons pas non plus les modalités de distribution des fonds, et il ne sera pas possible, in fine, de retracer les montants et les bénéficiaires.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 179 .
L'alinéa 36 vise à permettre au Gouvernement de modifier les règles d'affectation de la contre-valeur des titres restaurant émis pour l'année 2020 et périmés, afin de contribuer au financement d'un fonds de soutien aux restaurateurs.
Il est effectivement nécessaire, je l'ai dit, de soutenir le monde de la restauration. Cela étant, nous contestons le procédé utilisé : à nos yeux, les salariés n'ont pas à financer, par l'intermédiaire de leurs tickets restaurant, une politique de soutien économique. Cette responsabilité incombe plutôt à l'État.
Si nous voulons être utiles aux salariés comme aux restaurateurs, il conviendrait de prolonger la validité des titres restaurant périmés. Ainsi, leurs bénéficiaires pourraient continuer à les utiliser dans les restaurants.
En commission spéciale, il a été précisé qu'en cas de non-utilisation des titres restaurant, les sommes correspondantes étaient rétrocédées aux comités sociaux et économiques des entreprises. Ces sommes font donc partie des ressources annuelles que peuvent utiliser ces comités pour développer leurs activités sociales, y compris, le cas échéant, en faveur du monde de la restauration. Ce point mériterait des investigations beaucoup plus poussées.
D'après ce que vous nous avez indiqué – je préviens une éventuelle objection sur ce fondement – , le fonds que vous entendez constituer permettra d'apporter un soutien à ceux qui en ont besoin, non aux grandes chaînes de restauration ou à la grande distribution. J'indique qu'il serait tout à fait possible de prévoir des dispositions prévoyant l'utilisation des titres périmés dans les petits restaurants. Cela aurait une vertu, monsieur le ministre : cela aiderait nos concitoyennes et nos concitoyens à reprendre l'habitude, à mesure que les contraintes sanitaires se détendent, de fréquenter ces restaurants. Ce serait une meilleure manière de relancer leur activité.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement no 238 .
Il vise également à supprimer l'alinéa 36. On comprend la motivation : apporter un soutien aux restaurateurs. Toutefois, le Conseil d'État a soulevé une objection très substantielle : lorsque les titres ne sont pas utilisés, les sommes sont reversées au budget des activités sociales et culturelles de l'entreprise. Par conséquent, cela reviendrait en quelque sorte à prendre de l'argent aux comités sociaux et économiques. Il faut trouver un autre moyen de tenir compte de la période au cours de laquelle les salariés n'ont pas pu utiliser leurs titres restaurant.
Les amendements nos 364 de M. M'jid El Guerrab et 480 de Mme Agnès Thill sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?
Nous avons débattu de cette question en commission spéciale. Certains ont proposé alors de prolonger la validité des tickets restaurant. J'ai objecté qu'une prolongation sans condition de tous les tickets restaurant favoriserait mécaniquement la grande distribution, rien ne garantissant leur utilisation dans les restaurants. Quant aux autres mécanismes, j'ai beau tourner les choses dans tous les sens, ils ne sont pas satisfaisants.
En toute honnêteté, je pense que le fonds proposé est le meilleur dispositif pour les restaurateurs. Il permettra d'éviter non seulement le transfert au profit des grandes surfaces que j'ai évoqué, mais aussi un traitement inégal entre restaurateurs. Certains restaurants appartiennent à une chaîne ; d'autres sont indépendants. Tous n'ont pas les mêmes difficultés. Un fonds rétributif ciblé sur les restaurants permettra d'agir avec égalité et équité, d'équilibrer les choses.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements.
Il est défavorable. Il est vrai que le sujet mérite qu'on s'y attarde. Rappelons d'abord qu'il s'agit des titres périmés, c'est-à-dire qui n'ont pas été utilisés. Je trouve pertinente l'objection du rapporteur concernant le biais que cela induit. M. Dharréville propose de prolonger la durée de validité. Or la durée de fermeture des établissements nous conduit à envisager une période de deux à trois mois. Les journées ne faisant que vingt-quatre heures, et les tickets n'étant habituellement utilisés que pour un repas, vous voyez bien que le stock ne sera jamais apuré. Nous partageons l'ambition que ces sommes retournent aux restaurateurs. Le dispositif proposé est simple : dès lors que les tickets n'ont pas été utilisés, leur valeur est versée à un fonds commun, destiné à aider les restaurateurs les plus en difficulté. En effet, la gravité de la situation varie selon la nature de l'activité des établissements.
M. Dharréville a également mentionné un argument pertinent : certains fonds sont fléchés vers les CSE. Cependant, le surplus considéré s'inscrit dans la routine des années normales ; dans le cas qui nous occupe, les fonds ne feront pas défaut aux CSE, puisqu'il s'agit de sommes incommensurablement plus importantes. Je crois que nous partageons l'idée que nous pouvons les flécher vers les restaurants.
C'est un truc de fou ! Nous ne partageons rien du tout : vous piquez dans la poche des comités d'entreprise et dans celle des salariés !
C'est le débat que nous avons eu en commission, ne vous énervez pas !
Certes ; je pourrais vous répondre en développant l'argument du fonctionnement en mode rabougri des commissions spéciales, d'après le nombre d'élus qui y siègent, mais ce n'est pas le sujet.
Les tickets sont généralement cofinancés par le comité d'entreprise et par l'employeur : ils constituent donc un avantage comparable à un salaire complémentaire et entrent dans le cadre des négociations salariales. Vous alimentez bien l'inquiétude que j'exprimais plus tôt : vous allez faire payer le coût de la crise par les gens eux-mêmes. Ce n'est évidemment pas acceptable. Une mesure de prolongation aurait atteint l'objectif de soutien aux restaurateurs. Vous affirmez que tous les tickets restaurant ne seront pas consommés. Il ne vous a pas échappé que la crise a privé nos concitoyens de 11 milliards d'euros de pouvoir d'achat : je ne parle pas de ceux qui roulent en Porsche et nagent dans le luxe, le calme et la volupté, mais des salariés les plus modestes, des premiers de corvée, de ceux qui vont au charbon, qui ont besoin de tickets restaurant pour, le cas échéant, compléter le paiement du déjeuner qu'ils prennent à l'extérieur parce qu'ils ne peuvent faire autrement. Nous ne sommes donc d'accord sur rien : nous refusons que vous piquiez le pognon des salariés, pour qui les tickets restaurant constituent un droit acquis, et que vous ponctionniez les sommes aux comités d'entreprise, qui ont financé les titres avec cet objectif unique. Si, comme nous le pensons, les restaurateurs ont besoin de soutien, il faut le leur apporter à travers un fonds différent.
Sébastien Jumel a raison : cette façon de faire est inacceptable. On ne prend certes que trois repas par jour, mais il existe des marges de manoeuvre pour permettre d'utiliser ces tickets restaurant de manière plus souple, notamment en déplafonnant le montant des paiements qu'ils peuvent effectuer. Ce serait une vraie mesure de soutien aux restaurateurs. Les salariés savent à quel point les règles d'utilisation sont contraignantes, qu'il s'agisse des montants, de la durée de validité ou de l'itération au cours d'une même journée. En effet, si des salariés détiennent des titres stockés, comme vous dites, ils iront chercher leur gamelle du midi. Et le petit restaurateur, qui tient la petite cantine du coin, où nous aussi allons manger à la sortie de notre permanence et où nous croisons les ouvriers et les salariés du quartier, pourra peut-être leur vendre une gamelle à rapporter à leur famille pour le repas du soir, afin d'essayer de boucler les fins de mois, ce qui est particulièrement difficile en ce moment. Il existe donc d'autres mesures pour aider les restaurateurs sans piquer dans la poche des salariés, pour reprendre les termes de Sébastien Jumel.
M. Ugo Bernalicis applaudit.
J'espère vous rassurer, messieurs : nous ne piquerons rien dans la poche des salariés, pas un centime.
Il est vrai que, lorsqu'un ticket restaurant est périmé, les salariés peuvent le donner à un fonds qui retourne à leur CSE. Hélas, trop peu de gens sont au courant. En revanche, je vous propose d'adopter tout à l'heure mon amendement no 322 , visant à autoriser les CSE à prélever dans leur budget de fonctionnement non utilisé pour abonder les oeuvres sociales et agir vraiment dans l'intérêt des salariés. D'autres solutions existent ; celle-ci constitue à mon sens une mesure de compensation que nous offririons aux salariés…
… et aux élus des CSE, en élargissant leurs marges de manoeuvre. Rien ne garantira mieux que les sommes reviendront aux petites cantines et aux petits restaurants que vous évoquez et qu'elles n'iront pas dans la poche de la grande distribution que vous détestez tant.
Enfin, je souligne que le plafond d'utilisation des tickets restaurant que vous avez mentionné est doublé dans le projet de loi, qui vise à le faire passer de 19 à 38 euros.
L'amendement no 481 n'est pas adopté.
La parole est à M. Paul Christophe, pour soutenir l'amendement no 120 .
Il a été déposé par Mme De Temmerman et vise à intégrer les bars, brasseries et cafés dans le fonds de soutien aux restaurateurs. Il s'agit évidemment d'assurer un avenir à ces établissements durement touchés, mais aussi plus largement aux filières qui subissent les conséquences sévères de la crise – je pense plus particulièrement aux filières viticole et brassicole. Pour illustrer mon propos, je voudrais donner un chiffre en lien avec cette dernière, susceptible de rendre visible l'ampleur de la crise qui menace ces fournisseurs : outre les commandes annulées en même temps que les différentes manifestations, près de 50 % des factures émises auprès des cafés et des restaurants avant le confinement demeurent en attente de paiement.
Il s'agit d'élargir aux débits de boisson le bénéfice du fonds de soutien aux restaurateurs financé par l'affectation de la contre-valeur des titres restaurant. Or il ne leur a jamais été permis d'accepter ces tickets restaurant. Comme vous, je souhaite que ces acteurs soient soutenus, mais on peut le faire avec d'autres outils, comme le fonds de solidarité, l'activité partielle, le report et l'annulation de charges. Avis défavorable.
Même avis.
Cet amendement est sensé : le fonds de soutien est justifié et indispensable, mais la véritable question est celle de son périmètre. Où se situe la brasserie par rapport au restaurant ? Quid des traiteurs, notamment ceux qui travaillent dans le secteur de l'événementiel et dont l'activité est réduite à néant ? Voilà les véritables questions. J'aurais aimé que l'amendement, qui va dans la bonne direction, et évoque un sujet important, suscite un débat pour en délibérer. Quoi qu'il en soit, j'invite le Gouvernement à veiller à ce qu'il ne subsiste pas de trous dans la raquette : j'insiste sur la situation des traiteurs et j'ajoute, en amont de la filière, toutes celles et tous ceux qui distribuent. Je ne parle pas des grossistes ou des commerçants locaux qui fournissent les restaurants, mais de ceux qui distribuent les boissons. Vous savez qu'il existe des commerçants spécialisés dans ce domaine, qui se trouvent en grande difficulté. Ne devraient-ils pas faire partie des destinataires du fonds de soutien ? Selon la maxime du Président, aucune entreprise ne sera livrée au risque de faillite : il faut veiller à la pertinence de la définition du fonds.
Une fois n'est pas coutume, je vais me livrer à un peu de communautarisme. Je suis du Cantal. Or les brasseurs que nous évoquons sont souvent auvergnats, « cantalous », comme on dit. Ils souffrent en effet, et cette disposition pourrait être intéressante pour eux. Je suis donc quelque peu déçu par votre réponse, monsieur le rapporteur : vous expliquez qu'il ne faut pas sortir du cadre existant, alors même que vous nous demandez de le faire en votant trente-trois habilitations à prendre des ordonnances. Je suis certain que nous sommes unanimes pour reconnaître que les brasseurs – pas seulement ceux de Paris, mais ceux de toute la France – ont souffert. Si ce fonds de soutien exceptionnel peut leur bénéficier, je soutiens cet amendement.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous avez compris que nous étions favorables à votre dispositif de soutien. Nous sommes ici pour élaborer la loi, mais aussi pour vous interpeller dans le cadre de la rédaction des futures ordonnances, et tel est bien l'objet de cet amendement. Il est tout à fait sensé de vouloir soutenir les restaurateurs, et nous sommes très heureux que vous vous en préoccupiez. Néanmoins, ce fonds ne peut se limiter à cette corporation. Toute la filière, des distributeurs de boisson à l'événementiel a besoin de cet élan de soutien, bien au-delà de ce que le dispositif prévoit.
M. M'jid El Guerrab applaudit.
Je voudrais mettre le rapporteur face à ses contradictions. Tout à l'heure, pour justifier qu'on pique dans la poche des salariés ou des comités d'entreprise, il a expliqué qu'un fonds spécifique était nécessaire pour soutenir les restaurateurs ; maintenant, pour refuser un amendement tendant à inclure les brasseurs parmi les bénéficiaires de ce fonds, il avance que les dispositifs de droit commun suffiront à les aider.
Pour prolonger le débat entamé par Mme Motin, imaginons que je suis salarié, avec un bon syndicat, qui gère bien le CSE. Il a négocié la participation de l'employeur au financement des chèques restaurant. La crise et le confinement me tombent sur la carafe ; les restaurants et les bars ferment. J'ai mes tickets dans la poche ; pour moi, ils possèdent une valeur marchande. Arrive le déconfinement – pas encore pour les restaurateurs – et on m'annonce que mes tickets ne valent plus rien. Je ne sais pas comment ça s'appelle, à part piquer dans la poche des salariés et des CSE qui les ont financés.
Cela revient à expliquer à des gens qui possèdent vingt tickets d'une valeur de 20 euros chacun
Protestations sur les bancs du groupe LaREM
ou 10 euros, peu importe, qui pouvaient aller vingt fois au restaurant, que leurs titres n'ont plus aucune valeur marchande.
Je ne veux laisser sans réponse ni les gens des Hauts-de-France ni ceux du Cantal – aucun de ceux qui, à juste titre, se préoccupent de ce sujet. Les tickets restaurant ne peuvent être utilisés auprès d'entreprises comme celles que vous citez – et que nous avons l'espoir de fréquenter à nouveau un jour. Il ne peut être question de revenir sur le fonctionnement du titre restaurant.
Au demeurant, j'entends, puisque c'est la troisième fois que nous évoquons la possibilité qu'il reste des trous dans la raquette, votre appel à porter une attention particulière à ces secteurs d'activité qui souffrent beaucoup. C'est l'objet des mesures prévues par le plan portant sur la restauration et par celui dédié au tourisme, que le Premier ministre a commencé à dévoiler aujourd'hui.
C'est dans ce cadre que nous vous répondrons, non dans celui que vous proposez, même si tous, quelle que soit la région d'où nous venons, nous partageons votre objectif d'aider une profession lourdement touchée.
Je suis heureux de ce que vient de dire M. le ministre, mais je ne doutais pas que le Gouvernement était conscient de la situation. Je l'ai dit il y a une heure : chaque jour, nous découvrons des problèmes nouveaux. Aujourd'hui, le Premier ministre a été présenté un excellent plan de soutien aux acteurs du tourisme, dont M. Fasquelle dirait qu'il va dans la bonne direction.
Jusqu'à présent, nous ne nous sommes pas encore penchés sur la situation des discothèques. Pour citer un autre exemple, il existe dans ma circonscription un gars qui installe et loue des chapiteaux pour l'événementiel, notamment pour le SPACE – Salon des productions animales - Carrefour européen – , le festival des Vieilles charrues ou encore pour des mariages ou des cérémonies. Son activité, qui s'est arrêtée le 16 mars, ne reprendra pas avant longtemps.
J'imagine que le Gouvernement ne montera pas un plan de soutien spécifique pour les professionnels qui louent des chapiteaux. Pourtant, si l'on veut que le pays redémarre, il faudra bien répondre, dans quelques heures ou dans quelques jours, aux attentes de tous les acteurs économiques qui peuplent nos territoires et qui créent de la richesse.
J'entends votre souhait que les tickets restaurant soient utilisés chez les petits restaurateurs, mais ceux-ci ont beaucoup de mal à gérer ces titres de paiement, qui appartiennent à un réseau de comptabilité spécifique et qui les obligent à effectuer une avance de trésorerie. Enfin, une fois qu'ils ont adressé leur demande, les restaurateurs ne récupèrent pas la totalité du montant de ces titres de paiement, puisqu'ils doivent acquitter une cotisation.
Je vous mets donc en garde contre un fléchage, même si je partage votre souci d'aider les commerçants indépendants. Certains d'entre eux considèrent le système des chèques restaurant comme un cadeau empoisonné !
L'amendement no 120 n'est pas adopté.
Nous examinons un projet de loi portant diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Et voilà que surgissent soudain ces alinéas 37 à 39, sans aucun lien ni avec le projet de loi ni avec les mesures que nous venons de voter, et visant à étendre à certaines dispositions du droit national les pouvoirs d'exécution des autorités prévus par le règlement européen relatif à la protection des consommateurs. Quel rapport avec le projet de loi ? Je n'ai rien contre ces dispositions, mais elles sont hors sujet puisqu'elles ne concernent ni les ordonnances ni la situation d'urgence liée à la crise sanitaire.
La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement no 365 .
Les mesures énoncées à cet alinéa sont sans lien avec l'épidémie de Covid-19 : des dispositions relatives à la protection des consommateurs n'ont pas lieu d'être au sein de ce texte. Comme diraient les jeunes d'aujourd'hui, c'est « hors-suj » !
Je pense au contraire que ces dispositions ont leur place dans le texte. Elles permettront d'abord à la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – de demander de bloquer un site internet qui se livrerait à des pratiques frauduleuses contraires au code de la consommation, quand aucune autre solution efficace n'a pu être trouvée.
De nombreux cas ont été évoqués dans le contexte actuel. Nous en avons parlé en commission spéciale.
Le deuxième volet de l'ordonnance vise à introduire dans notre droit interne un mécanisme de transaction administrative pour certaines infractions au droit de consommation. Là encore, la mesure me semble pertinente dans la situation de crise que nous connaissons. Avis défavorable.
Avis défavorable.
Je ne préjuge pas de l'avis du Conseil constitutionnel, mais pourquoi, sur un tel sujet, le Gouvernement recourt-il aux ordonnances dans le contexte démocratique rétréci que nous connaissons ? Voilà qui reflète ce que j'ai appelé le côté cafoutche du texte.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 40. S'il est compréhensible que le Gouvernement veuille agir avec célérité à l'aide des ordonnances, cela pose néanmoins un problème démocratique. Nous sommes nombreux à l'avoir souligné lors de la discussion générale.
Aux termes de l'alinéa 40, les projets d'ordonnance pris sur le fondement du présent article seront dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire. Cela me semble aller trop loin. Il n'y a en effet aucune raison que le Gouvernement se dispense d'une telle consultation.
La parole est à M. Antoine Savignat, pour soutenir l'amendement no 76 .
J'aurais tendance à dire que cet amendement tend à vous rappeler à l'humilité : comme le montrent nos débats depuis ce matin, on ne peut pas tout savoir sur tout. Dès lors que le Parlement habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances, il faut au moins que celui-ci respecte les dispositions votées par les législateurs précédents, et procède aux consultations prévues par la loi et le règlement pour l'habilitation de la loi.
Je rappelle que ces avis ne sont pas impératifs. La procédure permet seulement d'éclairer le Gouvernement, elle l'aide à maîtriser les dossiers et à savoir ce dont il parle. Notre propos n'est pas de le critiquer, mais nul ne peut maîtriser tous les sujets. Mieux vaut donc qu'il s'assure que les décisions sont bien fondées en consultant les représentants des territoires.
Soit le Gouvernement considère qu'il sait tout et peut tout faire tout seul ; soit il fait preuve d'un tant soit peu d'humilité et il respectera la procédure établie par nos prédécesseurs en procédant aux consultations prévues.
La parole est à Mme Claire Pitollat, pour soutenir l'amendement no 129 .
Si, au début de la crise, une dispense des consultations obligatoires a pu paraître nécessaire, le Gouvernement doit faire un effort pour mener des consultations à présent que nous invitons tous les Français à reprendre leur activité et que nous mettons en oeuvre un plan de déconfinement.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 180 .
Nous sommes effectivement entrés dans une phase où nombre d'activités reprennent. On ne comprend donc pas que le Gouvernement veuille s'affranchir de consultations d'autant plus nécessaires que le déconfinement doit être notre affaire à tous, comme aurait d'ailleurs dû l'être le confinement. En s'y soumettant, il se donnerait toutes les chances d'agir de la bonne façon, en prenant en compte la diversité des problèmes.
Il me semble d'ailleurs, pour être un peu taquin, que ce n'est pas la première fois qu'il se dispense de certaines consultations. Quand il a rédigé le projet de loi sur les retraites, de nombreux organismes se sont plaints de ne pas avoir été consultés dans les règles, ce qui aurait été nécessaire. Vous dites préférer la concertation, c'est-à-dire que vous assaisonnez les plats à votre sauce : vous parlez, chacun donne son avis, après quoi vous prétendez que la discussion a eu lieu. En l'espèce, des règles sont établies. Il faut consulter des organismes aptes à émettre des avis autorisés et qui, eux-mêmes, admettent d'ailleurs en leur sein des dispositifs de discussion. C'est essentiel.
Le Gouvernement s'affranchit déjà de la délibération parlementaire en instaurant une démocratie expéditive. Et voilà qu'il veut aussi s'affranchir de la démocratie sociale. Dans ces conditions, nous ne pouvons nous contenter de ce qu'il prétende faire preuve de bonne volonté en consentant à certaines discussions. Il existe des procédures : respectons-les.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Cet alinéa 40 est le comble du comble ! Pour élaborer la loi, le Gouvernement se dispense de l'avis des parlementaires puisque les ordonnances lui permettent de faire ce qu'il veut. Il se passe donc de l'avis des experts ou du moins des représentants du peuple français. Et quand, dans certains domaines, des modalités de consultation sont prévues depuis longtemps par la loi, il les balaie.
On atteint le paroxysme : le Gouvernement veut tout faire tout seul, sans le Parlement et sans les acteurs du dialogue social.
D'un point de vue strictement juridique, le Conseil d'État n'a rien trouvé à redire à cette dispense. Selon lui, il s'agit en effet d'un choix d'opportunité qui reste justifié par les circonstances présentes. Vous usez de superlatifs, vous parlez d'un procédé inédit ou scandaleux. J'entends bien : nous sommes dans l'hémicycle. Mais enfin les dispositions prévues restent de circonstance.
D'autre part, je veux vous rassurer : la dispense de consultation obligatoire ne supprime pas toute discussion. Elle n'implique pas que les interlocuteurs habituels et privilégiés dans chaque matière ne seront pas entendus.
Je vais citer un exemple que j'ai déjà mentionné au cours de nos longs débats en commission. L'absence de consultation formelle de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle ne privera pas les partenaires sociaux d'une information et de la tenue d'échanges en continu, notamment via des réunions organisées chaque semaine à distance entre la ministre du travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs nationales et interprofessionnelles aux EGEL – États généraux de l'emploi local.
Vous voyez bien que la dispense n'implique pas la cessation de toute discussion avec nos interlocuteurs habituels. Elle est proportionnée. Le Conseil d'État la trouve justifiée par les circonstances et le Gouvernement nous rassure sur la poursuite des échanges auxquels il procède habituellement.
Faisons attention à ne pas utiliser des qualificatifs ou des superlatifs qui font peur simplement parce que l'on est dans l'hémicycle. Certains éléments de réassurance ont été apportés, y compris en commission spéciale, et sont de nature à ramener le calme et à nous permettre d'avancer. Avis défavorable.
Certains d'entre vous faisaient grand cas, il y a quelques semaines ou quelques mois, des avis du Conseil d'État. Il est donc intéressant d'y faire référence à nouveau aujourd'hui, ses avis ayant la même nécessité qu'alors. Le Conseil d'État estime que la dispense de consultation, pour faire face à l'épidémie, est « un choix d'opportunité qui reste justifié par les circonstances présentes ».
Pour compléter le propos du rapporteur, le Conseil d'État souligne aussi que « cette dispense générale de consultations ne vaut évidemment pas interdiction et que, en opportunité, certaines consultations ou concertations devront néanmoins être faites pour assurer la pertinence et l'acceptabilité des dispositions incluses dans les ordonnances ». Voici, dans sa mention intégrale, la position équilibrée de cette institution sur le point dont nous parlons.
Monsieur Savignat, vous avez raison, il faut faire preuve d'humilité car on ne peut savoir tout sur tout. Cela étant, – et je prolonge ici mon dialogue avec M. Fasquelle – , reconnaissons que la plupart des bénéficiaires des dispositifs élaborés par le Gouvernement ont salué son travail de concertation, de dialogue et de coopération. Aujourd'hui encore, j'entends la satisfaction de nombreux opérateurs du tourisme, qui considèrent que notre façon de procéder va dans le bon sens. Vous-mêmes, sur ces bancs, soulignez qu'il est nécessaire d'aller vite.
Ce qui pose problème n'est pas la concertation elle-même, qui a bien lieu sur de multiples sujets avec les collectivités et les opérateurs divers, comme elle a lieu avec les représentants syndicaux sur le chômage partiel. Nous voulons poursuivre les concertations de manière simple et directe. En la matière, j'ai plutôt le sentiment, même s'il faut rester humble, que notre méthode n'a pas été contreproductive.
Dans la tension de l'urgence, ce qui pose problème n'est donc pas tant les concertations que les délais imposés par les règles en la matière. En effet, nous risquons de ne pouvoir agir parce que les concertations et consultations n'auront pas pu avoir lieu dans le cadre habituel et formalisé que nous connaissons. L'agilité que nous donnera ce projet de loi, et qui ne nous exonère pas du besoin de concertation, est nécessaire, alors que nous sommes encore dans un moment d'urgence, comme vous l'avez tous souligné, en rappelant les souffrances de certains.
Il faut donc maintenir les alinéas visés : avis défavorable.
Ce matin, j'ai souligné qu'il ne fallait pas s'habituer à une démocratie sous cloche, abîmée, dégradée, parce que les textes ne le permettent pas, outre que ce n'est pas souhaitable, surtout en période de crise.
Alors que la crise, que personne ne minimise, est grave, sérieuse, durable, la confiance de nos concitoyens envers le Gouvernement se dégrade. Dans ce contexte de défiance croissante, nous considérons que la solution est de réfléchir à plusieurs plutôt que seul.
Il ne s'agit pas non plus de « discuter », monsieur le rapporteur. On discute beaucoup en commission ; en visioconférence, les heures passent même sans qu'on s'en rende compte ; mais ce n'est pas la même chose que de décider ou de délibérer ! Une discussion, ce n'est pas consultation ou une concertation prévue par la loi !
Je vous invite à abandonner le monde d'avant. La crise et l'urgence imposent de réfléchir sur le monde à venir ; il faut le faire dans la plus grande concertation possible. J'avais nourri l'espoir, en écoutant un soir le Président de la République, qu'il avait compris cela. Je mesure que les dérives précédentes, les réflexes passés – prétendre décider de tout tout seul, pour au final décider de pas grand chose ou de rien – vous rattrapent, ce qui est très préoccupant.
Je suis moi aussi choqué de constater jusqu'où vous allez avec ce projet de loi. C'est paradoxal : votre majorité donne en permanence des leçons de démocratie à l'Europe entière, pointant du doigt untel ou untel ; or, non seulement vous légiférez à tour de bras par ordonnances, mais, en plus, vous vous dispensez de toutes les consultations obligatoires.
Si elles le sont, c'est parce que le législateur a décidé qu'elles étaient nécessaires pour éclairer le Gouvernement. Vous les organiserez quand même, dites-vous. Dans ce cas, pourquoi ne pas les rendre obligatoires ? En somme, c'est à la carte : quand vous le vous voulez, éventuellement en catimini.
D'ailleurs, ceux que vous devez consulter sont tout à fait capables de se réunir dans des délais très brefs pour vous renseigner dans ce contexte d'état d'urgence. Pourquoi partir du principe qu'ils ne le pourront pas ? Je ne comprends pas l'argument, si ce n'est qu'il vous permet de n'en faire qu'à votre tête. Au motif de l'état d'urgence, je trouve que vous foulez au pied les principes démocratiques.
Il est tout de même paradoxal que vous vous réfugiiez derrière l'avis des experts lorsque ça vous arrange, laissant l'impression qu'ils décident à votre place sur les sujets médicaux, et que vous balayiez ces mêmes avis d'un revers de main quand ça ne vous arrange pas.
MM. Pierre Dharréville et Loïc Prud'homme applaudissent.
Le Conseil d'État a validé les paragraphes visés parce qu'il considérait que les ordonnances seraient conformes à des dispositions déjà été présentées au Parlement. Or, monsieur le ministre, vous choisissez une formulation très générale pour la demande d'habilitation, sans préciser que l'ordonnance suivra le cadre tracé précédemment. C'est cela qui est contestable !
Pour rendre cette demande d'habilitation recevable, vous devriez préciser que l'ordonnance sera conforme à des dispositions précédemment soumises au Parlement.
Notre groupe soutiendra ces amendements de suppression. On ne peut accepter une dispense des consultations obligatoires : si elles le sont, ce n'est pas pour rien, comme cela a été souligné sur d'autres bancs.
À propos des discussions qu'évoque Sébastien Jumel, depuis ce matin, alors que nous discutons beaucoup, j'ai été sage et me suis gardée de demander toutes les cinq minutes pourquoi les amendements sur l'IVG – interruption volontaire de grossesse – et les masques gratuits étaient irrecevables. Monsieur le ministre, vous pouvez déposer de tels amendements durant l'examen du texte et, s'ils sont de nouveau jugés irrecevables, m'en donner les motifs. Quelque dix heures après ma demande, ce n'est pas fait, alors que nous arrivons à la fin de l'article 1er.
Supprimez les consultations obligatoires, dispensez-vous en ! Qu'elles aient lieu ou non, de toute manière, à La République en marche, vous n'écoutez pas, dès que l'on ne pense pas comme vous.
M. Loïc Prud'homme applaudit.
Je vous écoute, mes chers collègues, en essayant d'éviter de tomber dans la caricature.
Le Conseil d'État indique que cette dispense de consultation est conforme avec l'état d'urgence.
Par ailleurs, en commission spéciale comme en séance, le Gouvernement, la majorité et les oppositions ont montré que, au cours de la discussion, on pouvait être amené à inscrire dans le dur du texte des dispositions qui faisaient initialement l'objet d'une demande d'habilitation à légiférer par ordonnances, en ajoutant des articles après le 1er.
Ne soyons pas caricaturaux sur cette question de la consultation. Dès que nous le pouvons, …
… nous apportons toutes les réponses nécessaires, précisant à l'ensemble des acteurs quelles dispositions seront prises dans le cadre de l'urgence.
Rappel au règlement
Il concerne la tenue de nos débats. Nous l'avons dit et redit depuis le début de l'examen de ce texte : le travail parlementaire n'a pas lieu dans des conditions favorables. Nous débattons tous dans l'urgence, ce que nous déplorons ; ce n'est pas acceptable, et cela ne correspond pas au minimum de respect dû à l'Assemblée nationale.
Alors que nous ne sommes plus qu'à trois amendements de l'examen de l'article 1er bis, le Gouvernement vient de déposer quatre sous-amendements, dont deux ont déjà été retirés : l'un, sur un amendement à l'article 1er bis ; l'autre, sur un amendement à l'article 1er ter. Ce n'est pas raisonnable ! On se moque de nous ! On ne peut pas travailler comme cela.
Une collègue disait tout à l'heure qu'elle avait eu le temps d'examiner le texte et de préparer les amendements seule. Certes, mais les sous-amendements dont je parle ont été déposés alors que nous avons déjà commencé à débattre dans l'hémicycle.
Monsieur le ministre, dites-nous donc combien d'amendements et de sous-amendements supplémentaires seront encore déposés par le Gouvernement d'ici à la fin de ce débat ? Éclairez-nous, afin que nous puissions être vigilants !
Faites preuve d'un minimum de transparence et de respect pour le débat contradictoire !
Je demande donc une suspension de séance. Puisque le Gouvernement dépose des sous-amendements exactement vingt-quatre heures après la date limite de dépôt des amendements, je serais bien tenté de demander le même délai pour la suspension, monsieur le président, mais je ne pense pas que vous feriez droit à ma demande…
Sourires.
Nous avons cependant besoin d'un délai raisonnable pour examiner ces sous-amendements et pour laisser le temps à M. le ministre de nous dire combien le Gouvernement compte encore en déposer.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC et FI.
La parole est à M. le ministre, avant de suspendre, disons, pour un certain temps.
Sourires.
Vous m'avez fait peur, monsieur le président.
Sourires.
Monsieur Savignat, il ne s'agit pas d'amendements mais de sous-amendements ; ce n'est quand même pas la même chose.
Par ailleurs, j'ai essayé de faire preuve d'une vigilance particulière, compte tenu de mes fonctions. Outre que le débat sur ce texte a bien lieu, je crois, j'ai fait en sorte qu'il n'y ait pas d'amendements gouvernementaux, à part ceux de ce matin.
J'en profite pour répondre à Mme Fiat : dura lex sed lex – c'est l'équité devant la loi – , il arrive aussi au Gouvernement de voir ses amendements refusés au titre des dispositions de la Constitution.
Déclarer un amendement irrecevable est la prérogative des assemblées, au titre des articles 40 et 45 de la Constitution : le Sénat les fait appliquer depuis longtemps, et l'Assemblée nationale en fait de même.
Il faut changer cela ! Il n'est vraiment pas normal que le Gouvernement soit obligé de respecter la Constitution…
Vous changerez ce que vous voudrez, monsieur Jumel ; mais vous me pardonnerez d'avoir simplement rappelé l'épure de la Constitution.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
On m'interpelle sur mon flanc gauche et mon flanc droit ; je vais essayer de ne pas me laisser distraire !
Monsieur Savignat, il peut arriver que, sur ses propres amendements ou sur d'autres, d'origine parlementaire, le Gouvernement juge opportun de déposer des sous-amendements. Cela fait partie du dialogue parlementaire, et marque la volonté d'affiner des dispositions.
Pour qu'il y ait dialogue, encore faut-il que nous puissions vous répondre !
C'est bien ce que je vous dis. Nous disposons des mêmes éléments. Il ne s'agit, je le répète, que de sous-amendements, qui ont été déposés suivant une pratique courante. Certains d'entre vous ont également sous-amendé des amendements gouvernementaux déposés hier, dans le délai, avant dix-neuf heures…
Ils n'ont pas tous été déposés dans les délais !
Je ne parle évidemment pas de ceux déposés et examinés ce matin. C'est une pratique fort logique, qui fait partie du débat parlementaire.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.
Article 1er
La parole est à Mme Claire Pitollat, pour soutenir l'amendement no 133 .
Cet amendement est de repli par rapport à mon amendement de suppression de l'alinéa 40. Il s'agit seulement ici de suivre l'avis du Conseil d'État – que j'invite chacun à relire : « Certaines consultations ou concertations devront néanmoins être faites pour assurer la pertinence et l'acceptabilité des dispositions incluses dans les ordonnances. » Il vous est donc proposé, mes chers collègues, de rétablir toutes les procédures de consultation dès lors qu'elles sont obligatoires en vertu d'une disposition législative.
L'amendement no 133 , repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
La parole est à Mme Claire Pitollat, pour soutenir l'amendement no 136 .
Encore un amendement inspiré de l'avis rendu par le Conseil d'État : il s'agit de maintenir l'obligation de la consultation dans les champs visés par ledit avis.
L'amendement no 136 , repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 130 .
Si l'on peut comprendre aujourd'hui l'urgence de prendre certaines mesures, les habilitations ici demandées sont extrêmement larges et le Parlement doit donc pouvoir, dans un délai raisonnable, exercer son droit de regard sur les mesures qui seront prises afin de juger au cas par cas s'il est utile de les prolonger ou pas. En conséquence, cet amendement vise à limiter dans le temps les mesures législatives qui seront prises par le Gouvernement par voie d'ordonnance en insérant l'alinéa suivant : « La prorogation au-delà du 1er avril 2021 des mesures législatives prises en application du présent article doit faire l'objet d'une loi nouvelle. »
M. M'jid El Guerrab applaudit.
La plupart des dispositions prises en application de l'article 1er le seront pour une durée qui n'excédera pas les six mois suivant la fin de l'état d'urgence sanitaire. Ces mesures étant associées à la crise sans précédent que notre pays traverse, elles méritent donc de s'appliquer durant cette période. D'autres mesures, elles, sont destinées à s'appliquer dans la durée : je pense notamment à l'acquisition de droits de retraite au titre de l'activité partielle ; étant indispensables et bénéfiques à la couverture sociale des salariés, il ne me paraît pas souhaitable de conditionner leur prolongation à une clause de revoyure législative. Demande de retrait.
L'amendement no 130 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er, amendé, est adopté.
L'amendement est ainsi rédigé : « Les septième et huitième alinéas de l'article 11 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 sont supprimés. »
Il s'agit en effet de supprimer la possibilité offerte aux entreprises d'imposer unilatéralement des congés aux personnes qu'elles emploient ou de réduire leur temps de travail en imposant des RTT. Plusieurs entreprises ont fait usage de cette possibilité, tout en se gardant la possibilité de verser des dividendes à leurs actionnaires ! La période du confinement, très respectée par la population, ne peut être assimilée à des congés ou à d'autres temps de repos : impossibilité de sortir de chez soi, contiguïté des lieux de vie ou hausse des violences intrafamiliales. Tout cela ne ressemble en rien à des congés. Ainsi, si l'État a apporté une aide bienvenue aux entreprises, il n'est pas possible de faire reposer sur les personnes qu'elles emploient une partie de ce soutien.
L'amendement no 295 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité donnée aux entreprises de pouvoir déroger aux dispositions d'ordre public en matière de temps de travail. Rappelons que le ministère du travail devait établir une liste de « secteurs d'activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la nation et à la continuité de la vie économique et sociale », non pas pour mettre à l'arrêt toutes les autres activités afin de protéger le maximum de salariés de la Covid-19 et d'endiguer la pandémie comme certains de nos voisins l'ont fait – l'Italie et plus récemment l'Espagne – , mais pour faire travailler davantage les salariés de ces secteurs considérés par le Gouvernement comme particulièrement nécessaires.
Ainsi, la durée du temps de travail pourra être poussée à 12 heures par jour au lieu de 10 heures, et la durée quotidienne maximale pour les travailleuses et travailleurs de nuit va passer de 8 heures à 12 heures. Les salariés de ces secteurs n'auront plus qu'un minimum de neuf heures de repos au lieu de onze heures entre chaque journée de travail. La durée légale maximale du temps de travail dans ces secteurs va monter jusqu'à 60 heures par semaine ! Pour les personnes qui travaillent de nuit, elle est repoussée jusqu'à 44 heures par semaine !
Les travailleuses et travailleurs sont réquisitionnés pour faire face à la crise. Certains voient leur droit de retrait bafoué. Ils et elles seront contraints de travailler la boule au ventre, souvent sans les protections nécessaires, et jusqu'à l'épuisement.
Pour toutes ces raisons, l'amendement vise à supprimer les dispositions prévues dans la loi du 23 mars 2020.
L'amendement no 296 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 294 .
Il est le premier d'une série d'amendements qui devaient être défendus par mon collègue Ugo Bernalicis, que j'essaierai de remplacer aussi bien que possible.
Par cet amendement, nous souhaitons abroger l'ordonnance adaptant les règles de procédure pénale prise par Mme Belloubet. Cette ordonnance introduit la possibilité de prolonger les gardes à vue sans l'intervention d'un magistrat, ce qui est un coin majeur dans l'État de droit, et prévoit d'autoriser que les gardés à vue soient assistés par leur avocat uniquement par téléphone. Si la majorité a fait semblant, la semaine dernière, de se soucier des droits des détenus lors du vote de la loi prolongeant l'état d'urgence sanitaire, rappelons comment les détentions provisoires ont été automatiquement prolongées : la publication de l'ordonnance du 25 mars au Journal officiel a été suivie d'une circulaire et d'un courriel de la directrice des affaires criminelles et des grâces indiquant que les durées de détention provisoire devaient être automatiquement prolongées, sans que le détenu ni même son avocat ne puissent avancer d'arguments ! Le président de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, Louis Boré, a justement souligné à ce sujet que « c'est la première fois depuis la loi des suspects de 1793 que l'on ordonne que des gens restent en prison sans l'intervention d'un juge ».
C'est donc tristement, par une circulaire et un courriel, que les droits de la défense et le maintien en détention de milliers d'individus ont été décidés sur le fondement d'une simple décision administrative ! Ces prolongations de détentions provisoires étaient en outre totalement incohérentes avec les mesures de réductions de peine et de sorties anticipées prises par le Gouvernement. Si ce dernier est fier d'annoncer que le taux global d'occupation des prisons est passé sous la barre symbolique des 100 %, ce pourcentage ne constitue qu'une moyenne. Je rappelle que le taux d'occupation des maisons d'arrêt reste supérieur à 110 %, certaines d'entre elles étant occupées à plus de 150 %. La baisse n'est d'ailleurs pas uniquement due aux mesures prises pour accorder des remises en liberté : elle est aussi le résultat du ralentissement de la justice.
Cet amendement est essentiel pour le respect de l'État de droit, auquel nous devons être très attentifs.
L'amendement no 294 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 310 .
Avec la même volonté d'assurer le respect de l'État de droit, nous entendons mettre fin, par cet amendement, aux dispositions relatives à la garde à vue prévues par l'ordonnance scélérate du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de procédure pénale, que je viens d'évoquer.
Alors que la majorité a fait mine de se soucier des dispositions relatives aux prolongations des détentions provisoires la semaine dernière, qui se soucie des autres mesures qui perdurent ? Est-il normal, dans un État de droit, de prévoir que les prolongations des gardes à vue au-delà de vingt-quatre heures puissent intervenir sans présentation de la personne concernée devant un magistrat, y compris pour les mineurs âgés de 16 à 18 ans, bafouant ainsi le principe constitutionnel selon lequel l'autorité judiciaire est « gardienne de la liberté individuelle » ? C'est tout bonnement inconcevable !
Comment pouvons-nous, par ailleurs, continuer à accepter que des personnes placées en garde à vue s'entretiennent avec leur avocat – et soient assistées par lui – par téléphone ? Cette intervention à distance de l'avocat devrait être l'exception et s'appuyer sur le consentement de l'avocat et du gardé à vue ! Ces adaptations scandaleuses pour les droits de la défense ne trouvent aucune justification, même en période de crise sanitaire.
J'espère que vous entendrez, monsieur le ministre, l'alerte que nous lançons par le biais de cet amendement, et que vous lui donnerez un avis favorable. Cela me paraît le minimum.
L'amendement no 310 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 309 .
Avant de le défendre, je tiens à dire que je trouve assez hallucinant que le rapporteur et le ministre n'aient pas le moindre mot pour justifier leur avis défavorable sur ces amendements d'une importance majeure. Cela me semble révélateur du peu de cas qu'ils font du droit.
L'amendement no 309 concerne les dispositions qui permettent de prolonger les gardes à vue des mineurs sans que ceux-ci soient présentés devant un magistrat. Nous pourrons tous nous entendre, je le crois, sur cette question.
Interrogé hier lors d'une audition en commission des lois, Remy Heitz, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris, avait l'air plutôt gêné pour répondre à la question qui lui était posée, n'y apportant aucune réponse claire. La mise de côté, par cette mesure, du principe constitutionnel selon lequel l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle est d'autant plus choquante qu'elle concerne des mineurs : il s'agit de nos enfants.
Quand mettrez-vous un terme à la mesure indigne sur laquelle je vous alerte ?
L'amendement no 309 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 311 .
Je prends acte du fait que vous n'aurez pas un mot pour expliquer votre position. Nous parlons ici de l'État de droit et des droits de la défense, notamment des mineurs, et vous n'avez rien à dire sur cet amendement : voilà qui est assez triste pour notre démocratie !
Par l'amendement no 311 , nous souhaitons rappeler que les mesures proposées par le Gouvernement concernant la justice des mineurs ne sont que le révélateur des difficultés existantes et portent des atteintes disproportionnées aux droits de la défense, à celui du respect de la vie familiale et au droit de l'enfant à être entendu.
Le prolongement de plein droit des mesures d'assistance éducative, sans audience, ne répond pas à l'objectif de l'intérêt supérieur de l'enfant. Il fait fi de l'autorité parentale et ignore le principe du contradictoire et des droits de la défense. Mais, là encore, j'imagine que le ministre s'en contrefout et qu'il ne prononcera pas un mot pour expliquer sa position !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il suffit de le demander gentiment, monsieur Prud'homme !
Sourires.
« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je répondrai, si vous me le permettez, sur l'amendement no 309 . L'ordonnance complétant l'ordonnance du 25 mars 2020, adoptée hier en Conseil des ministres, permet de mettre fin par décret, de façon anticipée et sans attendre la fin de l'état d'urgence fixé au 10 juillet, à certaines des dispositions qu'elle prévoit. Le Gouvernement a ainsi l'intention de prendre – je crois que cet élément d'information vous satisfera – , avant la fin du mois de mai, un décret mettant fin à la prolongation de la garde à vue sans présentation pour les mineurs de 16 à 18 ans et à l'intervention de l'avocat par téléphone s'il s'agit d'un mineur pour lequel le recours à l'avocat est obligatoire. Pour ces raisons, nous étions défavorables à l'amendement. Je voulais vous apporter ces informations : nous nous préoccupons évidemment de ces questions, et nous faisons le nécessaire dans les circonstances que vous connaissez.
S'agissant de l'amendement no 311 , nous sommes conscients des difficultés que vous évoquez. C'est pourquoi le Gouvernement prévoit, dans le cadre de l'adaptation de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars, de ne reconduire que les dispositions relatives aux mesures de suivi éducatif en milieu ouvert, en excluant celles relatives aux placements, qui ne pourront être ainsi renouvelées qu'au terme d'une audience. En outre, le prolongement de la crise sanitaire commande de limiter le nombre de renouvellement des autres mesures sans audience à un seul par affaire. Avis défavorable.
La commission des lois s'est émue de la possibilité donnée au Gouvernement de prolonger les gardes à vue sans explications particulières. Je comprends donc l'émoi de mon collègue, même si je ne l'aurais pas exprimé dans les termes qu'il a employés. Il a raison sur le fond. Nous avons d'ailleurs convenu que ces mesures dérogatoires seraient modifiées prochainement. Il est important que ces modifications interviennent rapidement, car ces dispositions sont tout de même très dérogatoires au droit commun.
Je constate que mon énervement vous fait réagir, monsieur le ministre. J'en suis désolé, mais je crois qu'il était légitime : j'avais présenté quatre amendements sans recevoir aucune réponse.
Vous expliquez que la présentation des mineurs s'effectuera par téléphone. Alors que nous sommes capables de traverser le pays d'un bout à l'autre en train, vous prétendez qu'un mineur ne pourrait pas être présenté en présence de son avocat pour permettre la tenue de débats contradictoires ? Cela ne me paraît pas cohérent. Vous invoquez la situation sanitaire pour justifier la prolongation des dispositions dérogatoires et des présentations par téléphone, et vous indiquez que vous aviserez quand la situation sanitaire sera meilleure. Revenons dès maintenant sur cette question : je le répète, la situation sanitaire permet de se déplacer librement dans le pays, moyennant le respect des gestes barrières. Il n'y a pas de raison de prolonger les mesures dérogatoires permises par l'ordonnance du 25 mars.
L'amendement no 311 n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement no 195 .
Il vise à abroger l'ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos. Nous entrons, avec le déconfinement, dans une nouvelle phase. Cette mesure, que nous avions déjà contestée auparavant, nous semble encore moins d'actualité aujourd'hui. Nous suggérons donc d'utiliser ce véhicule hybride pour revenir sur cette mauvaise décision et mieux nous adapter à la situation actuelle.
Cette question a été abordée en commission spéciale. Je répète donc, pour M. Dharréville comme pour l'ensemble de nos collègues, que les dispositions de l'ordonnance que vous proposez de supprimer sont strictement encadrées. D'une part, les jours de congé sont limités à six jours ouvrables et ne peuvent être imposés que si un accord d'entreprise ou de branche le prévoit. Un peu plus d'un millier d'accords d'entreprise, ainsi que huit accords de branche, ont été signés depuis fin mars.
D'autre part, les dates des jours de repos accordés en contrepartie d'un forfait-jour ou d'un accord de RTT ne peuvent être imposées que dans la limite de dix jours. Les travaux de la mission confiée à Stéphane Viry et Fadila Khattabi au nom de la commission des affaires sociales ont montré qu'il n'y avait pas eu d'opposition majeure des syndicats, des représentants du personnel ou des salariés eux-mêmes quant à l'application de ces mesures. Tous sont conscients du fait qu'un tel effort, limité et encadré, peut être demandé à chacun, compte tenu du contexte sanitaire. Avis défavorable, donc.
Au-delà de ce qu'a dit le rapporteur, je ne suis pas sûr que nous sortions des difficultés économiques et sociales. Nous sortons certes de la période de confinement, mais vous avez bien conscience de toutes les incertitudes qui pèsent sur la reprise. Ces outils et ces dispositifs nous paraissent utiles. C'est pourquoi j'émets également un avis défavorable.
Nous sommes quelque peu inquiets, non par nature, mais par lucidité. La note de l'Institut Montaigne présente, pour le jour d'après, un plan de bataille qui donne le tournis : augmentation du temps de travail par des dérogations au temps de repos minimum quotidien, imposition de rachat de jours de RTT pour les salariés, augmentation des formations suivies en dehors du temps de travail, suppression d'un jour férié, suppression même d'une semaine de vacances – j'en passe, et des meilleurs ! Il y a aussi le MEDEF, qui tape tous les matins à la porte du Gouvernement et du Président de la République…
Plusieurs fois par jour, dites-vous ? Je vous crois sur parole ! Il y a aussi le MEDEF, donc, qui saute comme un cabri pour construire le jour d'après.
Prenez donc la parole si vous la voulez, mon cher collègue.
Nous sommes inquiets, disais-je, de voir combien le risque est grand que le jour d'après ressemble au jour d'avant, en pire, et que vous profitiez de cette crise pour réduire encore un peu plus les protections nécessaires à nos concitoyens et aux salariés qui font vivre nos entreprises.
Voilà le sens de l'amendement que nous proposons – à moins que vous confirmiez que toutes ces questions ne sont pas à l'ordre du jour, ce dont nous prendrions acte.
L'amendement no 195 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour soutenir l'amendement no 82 .
Il vise à démontrer la nécessité, pour le Parlement, de tenir son rôle en amendant et en validant les ordonnances prises en application de la loi d'urgence du 23 mars, avant d'habiliter le Gouvernement à en prendre de nouvelles. Si la plupart des ordonnances prises sur ce fondement n'ont pas soulevé de difficultés, certaines ont dû être rectifiées, comme celle relative à la détention provisoire, qui a fait l'objet de modifications au titre de la loi de prorogation de l'état d'urgence.
Avec le recul dont ils disposent, les parlementaires doivent ratifier et, le cas échéant, modifier les ordonnances. À titre d'exemple, notre groupe l'avait demandé lors du deuxième budget rectificatif. Il serait ainsi utile que les collectivités qui le souhaitent puissent exonérer les entreprises de fiscalité locale, par exemple de CFE – contribution foncière des entreprises – , et non pas seulement de TLPE – taxe locale sur la publicité extérieure – , comme le prévoit l'ordonnance no 2020-460.
Cet amendement, qui vise notamment à permettre aux collectivités territoriales d'octroyer des exonérations fiscales sur les impositions relatives à la fiscalité directe locale perçue à leur profit pour l'année 2020, relève plutôt de la loi de finances. Je vous suggère donc de le retirer. À défaut, avis défavorable.
L'amendement no 82 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Guillaume Kasbarian, pour soutenir l'amendement no 389 .
Il s'agit d'un amendement de clarification du dispositif des habilitations que nous avons supprimées tout à l'heure.
Nous en examinerons d'autres qui arrivent, monsieur Jumel…
Il convient en effet d'inscrire en clair dans la loi l'allongement de la durée des contrats d'insertion dans l'emploi. Dans la période de crise actuelle, le maintien des salariés en parcours d'insertion revêt un intérêt particulier pour éviter une exclusion durable du monde du travail en maintenant un lien avec l'employeur, qui peut poursuivre son action d'accompagnement et de formation dans l'attente de la reprise d'activité. Nous soutiendrons donc sur trente-six mois, et non plus seulement vingt-quatre, les personnes engagées notamment dans des entreprises adaptées et dans les CDD tremplins des travailleurs handicapés. Je propose donc un avis favorable à cet amendement déposé par mes soins.
L'amendement no 389 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Perrine Goulet, pour soutenir l'amendement no 402 .
Il s'agit ici de traduire en clair les interrogations que j'exprimais tout à l'heure, en permettant aux instances dirigeantes des fédérations, dans le respect de leurs dispositions statutaires, d'adapter leurs règles, pour la saison actuelle, à la situation que nous avons vécue avec le coronavirus et de procéder aux divers ajustements nécessaires.
Cet amendement me permet de rappeler que c'est le mouvement sportif qui nous a fait la demande d'une telle modification de la loi. Étant donné que le texte, que vous proposez ici, madame la députée, d'introduire dans le dur de la loi à travers un article additionnel correspond mot pour mot à celui que nous avons transmis au mouvement sportif…
… – lequel n'a pas encore eu pleinement la possibilité de l'amender, de le modifier ou de le compléter – , je me vois dans l'obligation d'émettre un avis favorable sur votre amendement. Je tenais néanmoins à appeler l'attention de cette assemblée et de l'autre sur le fait qu'il sera peut-être modifié en fonction de la position qu'exprimera le mouvement sportif sur cette proposition.
Il convenait d'expliquer le fondement de cette demande d'habilitation et de cet article en dur, en soulignant qu'il n'est aucunement question d'empiéter sur l'autonomie du mouvement sportif mais, bien au contraire, de sécuriser les décisions déjà prises par ses instances sur des critères qui ne figuraient pas dans leurs règlements, et encore moins dans leurs statuts. Ces décisions ont besoin d'être sécurisées par la modification de loi que nous vous proposons de voter à la suite de l'avis favorable que j'émets sur cet amendement.
Je comprends tout à fait les propos de la ministre. Il est vrai qu'une habilitation aurait peut-être permis de prendre un peu plus de temps de concertation et d'obtenir les retours des uns et des autres. Il est peut-être dommage de le faire aussi vite, mais puisque cela a été décidé par l'Assemblée nationale, inscrivons ces dispositions dans le dur. Je suivrai donc l'avis de la ministre en émettant moi aussi un avis favorable.
Pour reprendre une métaphore sportive, c'est à l'insu de votre plein gré !
Pour boucler ce chapitre et le volet consacré au sport en lien avec la situation exceptionnelle que nous connaissons, j'en viens à regretter, madame la ministre, que vous n'ayez pas participé à nos travaux en commission spéciale. En effet, deux amendements proposés par notre collègue viennent d'être approuvés, mais j'en avais moi-même proposé un troisième qui, portant sur la place de l'Agence nationale du sport dans toutes les mesures à prendre, n'a pas été déclaré valable par M. le rapporteur et que les collègues ont repoussé à sa suite.
Mardi, lors de la séance de questions au Gouvernement, je vous ai entendue rappeler avec force et, me semble-t-il, avec beaucoup de légitimité que vous souhaitiez que cette agence prenne toute sa place dans cette période, parce qu'il fallait soutenir le sport et qu'elle était, selon vous, le bon organe, le réceptacle de la concertation nécessaire. Je souhaiterais connaître votre avis sur ce point, car cette agence est un peu votre bébé, et j'ai l'impression qu'il y va de sa raison d'être, de sa légitimité. On parle d'économie du sport, de moyens pour les clubs, de compétitivité de nos sports et de situations humaines, de contrats et de liens avec les collectivités territoriales et les acteurs économiques qui soutiennent le sport. C'est vraiment là que se situe la place de l'agence. Or, dans aucun des dispositifs, je ne vois transcrites la place et la fonction de l'Agence nationale du sport parmi les décisions à prendre immédiatement dans les situations exceptionnelles et d'urgence auxquelles nous sommes confrontés. Je souhaiterais donc avoir votre éclairage sur la manière dont vous entendez associer et mobiliser concrètement cette agence au titre des décisions juridiques à prendre dans la situation gravissime que nous connaissons.
Je parlais de l'examen en commission spéciale, monsieur le rapporteur !
Nous avons un peu l'impression de regarder passer la balle dans un match de tennis, et je ne sais pas si nous disposions tous de tous les éléments permettant de comprendre ce dont il est ici question. La situation est un peu singulière, mais puisque nous parlons de questions d'importance pour le monde du sport, j'en tire la leçon que nous aurions sans doute pu, en nous y prenant autrement – et sans doute était-ce la volonté de certains membres de la majorité – , nous donner les moyens d'écrire la loi ensemble pour de vrai, après avoir peut-être consulté un peu plus le monde du sport et les organismes qui auraient mérité de l'être. Si nous avions attendu quelques jours de plus, peut-être aurions-nous pu avoir une vraie loi sur cette question comme sur l'ensemble de celles qui figurent dans le texte que nous examinons. Vous auriez permis au Parlement de faire son travail, au lieu de procéder par ordonnances.
Merci de me donner l'occasion d'évoquer le rôle de l'Agence nationale du sport, qui n'est pas, en effet, d'aider à modifier des règlements ou, encore moins, de statuer sur des modifications ou des propositions de loi, mais bien d'être au coeur de la concertation dans le monde sportif. C'est ainsi que nous l'avons entendu, depuis le début de cette crise, pour aborder l'impact de la crise au niveau tant des collectivités que des associations, du monde sportif, de l'État, de l'événementiel et des acteurs économiques, qui sont les membres fondateurs de l'Agence. Cela nous a permis une grande concertation sur tous ces problèmes, en particulier sur le problème financier qui nous attend dans l'écosystème sportif. L'Agence nationale du sport pourra en effet être un véritable réceptacle d'un fonds de soutien créé par tous les acteurs du sport pour soutenir la reprise la relance de celui-ci.
Nous avons bien pour habitude de travailler de manière concertée et collaborative. Néanmoins, le sport s'inscrivant dans un écosystème plus large, il y avait des mesures plus urgentes à prendre que la sécurisation des décisions fédérales. Nous avons inséré notre démarche dans ces demandes d'habilitation mais, comme l'a dit tout à l'heure Mme Goulet, plus vite nous pourrons aller, mieux ce sera. Si donc nous avons déjà un texte en dur qui permet d'avoir l'accord du mouvement sportif aussi rapidement que possible, nous allons évidemment suivre cette voie.
Il est finalement un peu dommage que nous ayons ce débat, qui limite la question du sport à des arguments juridiques et ne parle pas du travail de fond accompli sur l'ensemble de ces bancs pas les membres de la commission des affaires culturelles, notamment au sein du groupe de travail coprésidé par Fabienne Colboc et Régis Juanico, du travail du groupe d'étude sur l'économie du sport présidé par mon collègue Cédric Roussel ni de celui que je mène en tant que président du groupe d'étude sur le sport.
Se pose en effet une vraie question. Le sport est une grande galaxie, qui rassemble plusieurs dizaines de fédérations olympiques, non olympiques, affinitaires, multisports, scolaires et universitaires. Ce sont plus de 300 000 clubs, plus de 16 millions de licenciés et plus de 3,5 millions de bénévoles. Ce secteur a été exemplaire pendant la crise, car il a sanctuarisé la santé des Français et l'a fait passer avant toute chose, respectant les décisions du Gouvernement. Il a fait des sacrifices et se trouve aujourd'hui en difficulté. J'en veux pour preuve une étude du COSMOS, le Conseil social du mouvement sportif, qui indique que 90 % des structures ont été fermées, avec une perte atteignant jusqu'à 30 % du chiffre, soit, jusqu'à ce jour seulement, 200 millions d'euros.
Beaucoup d'inquiétudes subsistent quant aux recettes des associations sportives. Pour ne parler que du sport amateur, qu'en sera-t-il des adhésions à la rentrée prochaine, sachant que les licences représentent 42 % des recettes de clubs ? Qu'en sera-t-il des partenariats avec les entreprises privées, dont 60 % pourraient ne plus être en mesure de soutenir nos associations sportives à la rentrée ?
Pour toutes ces raisons, j'aurais souhaité que, ce soir – mais il n'est pas trop tard – , nous élevions un peu le débat et nous nous demandions ce que nous pouvons faire au profit du sport après cette crise. Je voudrais au moins livrer rapidement trois idées. Un plan de relance pourrait, tout d'abord, prévoir un chèque sport permettant de soutenir la reprise des inscriptions en septembre. Il pourrait prévoir aussi un fonds spécifique de soutien aux clubs, géré par les fédérations, par le truchement de l'Agence nationale du sport. Un tel plan pourrait, enfin, prévoir un volet de soutien aux emplois dans les clubs, pour permettre à ceux-ci de diversifier leur offre au-delà des 5 000 emplois soutenus par l'Agence nationale du sport.
Comme je l'ai dit, rien, pendant la crise sanitaire, n'était plus prioritaire que la santé des Français. À la sortie de la crise, le sport doit prendre toute sa place, sa belle et grande place, dans le redressement du pays. Oui, à l'horizon 2024, la France peut et doit être une grande nation sportive.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
L'amendement no 402 est adopté.
Certains considéreront que les dispositions dont je demande la suppression ont un caractère éminemment social et positif pour les étudiants étrangers, et pourront trouver étonnant que j'en demande l'abrogation. De fait, si vous ne le saviez pas, vous apprendrez que la loi, le droit positif, autorise les étudiants étrangers – qui, souvent, n'ont pas beaucoup de ressources – à travailler jusqu'à 60 % du temps de travail annuel afin de satisfaire certains de leurs besoins. Les dispositions que le Gouvernement nous demande d'approuver, et que je souhaiterais que nous n'approuvions pas, prévoient que cette durée puisse être portée à 80 % du temps de travail annuel.
La question n'est pas de savoir si ces étudiants sont étrangers ou non, mais de savoir le temps qui reste, pour suivre des études, à un étudiant qui passe 80 % de son temps à travailler. En outre, Français ou étrangers confondus, il y a dans notre pays des millions de personnes au chômage, et on nous dit qu'on a besoin de main-d'oeuvre. Demander que ce soient des étudiants, d'ailleurs souvent mal payés ou sous-payés, qui pallient un manque de main-d'oeuvre supposé, alors que tant de travailleurs, quelle que soit leur nationalité, sont au chômage en France, est une disposition qui ne me semble pas adéquate. Elle n'a pas lieu d'être et n'a rien à voir avec la crise. J'y vois plutôt une façon de surexploiter un peu plus les étudiants étrangers qui se trouvent dans notre pays.
M. Loïc Prud'homme applaudit.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 272 .
Tout d'abord, je voudrais saluer l'arrivée de M. le ministre de l'intérieur parmi nous.
Comme celui de mon collègue Lambert, cet amendement vise à supprimer l'article – même si les exposés des motifs diffèrent – et il reflète l'avis du Gouvernement, l'article 1er bis ayant été introduit en commission spéciale contre son avis. Puisque nous voulons nous montrer constructifs et agréables envers le Gouvernement, nous proposons donc de rétablir la version originale du texte. Mes collègues de la République en marche pourront ainsi réparer leur erreur et éviter de se faire exclure de leur mouvement.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Blague à part, il y a là un vrai sujet : quand un étranger vient en France avec un visa étudiant, c'est pour étudier. Or, quand on travaille 80 % de son temps, on n'étudie pas.
En période de crise, il est parfois nécessaire de passer de 60 % à 80 % de temps travaillé, ce qui est déjà possible en demandant une dérogation bien souvent acceptée. En généralisant ce dispositif, vous allez précariser des étudiants tout en empêchant d'autres personnes d'accéder à ces travaux dans les champs ou les usines.
En outre, vous allez envoyer un mauvais signal : on peut dévoyer le statut d'étudiant en France. Or vous savez pertinemment que l'immigration légale est la principale porte d'entrée de l'immigration illégale en France : des personnes viennent avec un statut particulier, notamment celui d'étudiant, et elles se maintiennent de manière illégale sur le territoire. Ce constat a été fait par Gérard Collomb quand il était ministre de l'intérieur, …
En effet ! Étant dans de bonnes dispositions, je cite les membres du Gouvernement.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer cette disposition et de revenir à l'état original du droit, à savoir un taux de 60 %.
Chers collègues, je vais rafraîchir la mémoire de ceux qui, soit étaient en commission spéciale mais ne se souviennent plus de ce qui s'y est passé, soit n'y étaient pas et interprètent les choses à leur manière.
Monsieur Lambert, ce sont les parlementaires – et non pas le Gouvernement – qui ont décidé d'introduire cette mesure.
Je sais bien que vous voulez supprimer tout ce que fait le Gouvernement depuis le début de la législature, mais cette mesure vient de notre côté.
Sourires.
… cette disposition a été adoptée à la suite d'amendements de Mme Dupont et de M. Barrot, auxquels j'étais favorable, le Gouvernement ayant donné un avis de sagesse. Elle donne la possibilité à un étudiant étranger de travailler pendant 80 % d'une durée de référence, contre 60 % en l'état actuel du droit, ce qui peut se comprendre dans un contexte de crise.
Elle s'applique aux étudiants qui étaient en France le 16 mars dernier. Nous ne sommes donc pas en train de créer un appel d'air ou de faire une révolution. Nous voulons permettre à des étudiants de travailler un peu plus, alors que l'année universitaire est terminée, afin de faire face aux difficultés et à une éventuelle précarité liées à la crise.
Pourquoi revenir sur cette mesure de bon sens qui avait suscité une assez large approbation en commission spéciale ? Étant favorable à l'article, je suis défavorable à ces amendements qui tendent à le supprimer.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
En commission spéciale, le Gouvernement avait émis un avis de sagesse sur cette disposition. Quelles que soient les divergences de part et d'autre de l'hémicycle, il faut prendre en compte le fait qu'il s'agit d'une mesure provisoire, introduisant une possibilité qui serait donnée jusqu'au 31 août 2020, c'est-à-dire pendant une période où l'année universitaire est terminée.
Il s'agit de permettre à des étudiants de prendre un job d'été ou de poursuivre un travail à temps partiel. Compte tenu de leur nature même, nombre de ces emplois ont pu être suspendus en raison de la fermeture des cafés, commerces et autres. En portant le taux 60 % à 80 % de la durée de travail annuelle, nous permettons à ces étudiants d'avoir un petit financement, de façon encadrée et limitée dans le temps.
Après s'en être remis à la sagesse de l'Assemblée, le Gouvernement soutient désormais la démarche et donne un avis défavorable aux amendements tendant à la suppression de l'article.
Autant la position de nos amis du groupe Les Républicains me paraît cohérente, autant je ne comprends pas celle de mes anciens camarades socialistes.
Nous avons eu cet échange en commission spéciale, monsieur Lambert. Le pays est en crise ; plus de 300 000 étudiants étrangers sont sur notre territoire et ils ont souvent besoin de petits boulots ; la législation actuelle ne leur permet pas d'avoir ces petits jobs d'appoint – donner des cours ou occuper des emplois saisonniers, par exemple. Les aider revient à nous aider car la France a besoin d'eux. Merci au Gouvernement et au rapporteur de tenir le cap pour ces étudiants qui en ont besoin.
Cette mesure est de bon sens car de nombreux étudiants étrangers financent eux-mêmes leurs études et sont obligés d'avoir un travail d'appoint. Celui-ci ne peut représenter plus de 60 % de la durée de travail annuelle, ce qui est compréhensible car les intéressés sont en France pour étudier.
Il n'empêche que, dans le contexte de crise et compte tenu de la fin anticipée de l'année universitaire, certains d'entre eux ont répondu aux besoins du monde économique et ont souhaité travailler. Ils ont ainsi joint l'utile à l'agréable : ils ont gagné une souplesse budgétaire tandis que leurs employeurs trouvaient la main-d'oeuvre dont ils ont besoin.
L'article prévoit donc de porter le taux de 60 % à 80 % de la durée de travail annuelle, jusqu'au 31 août prochain. Le Gouvernement a sous-amendé l'amendement no 53 de M. Barrot et mon amendement no 517 qui, cosigné par de nombreux députés de La République en marche, lui est identique. Je me félicite d'un tel sous-amendement, car il ne faut pas tomber dans l'excès. L'échéance du 31 août s'inscrit tout à fait dans l'esprit de ce que Jean-Noël Barrot et moi-même avons souhaité faire.
Au départ, nous étions préoccupés par un constat : le fort taux d'échec des étudiants étrangers tient déjà au fait qu'ils doivent travailler pour payer leurs études. Si on leur donne la possibilité de travailler jusqu'à 80 % de la durée de travail annuelle, on risque d'augmenter encore le taux d'échec.
S'il s'agissait d'un travail d'une durée très brève – deux mois de vendanges, par exemple – , le raisonnement pourrait se concevoir. Or le texte fait référence à la durée de travail annuelle, ce qui prête à confusion : on peut penser qu'ils peuvent travailler 80 % toute l'année. Cela nous semble un peu dangereux.
Une autre ambiguïté ressort de vos propos et de vos propositions. M. le ministre parle de la date du 31 août alors que l'exposé des motifs fait référence au 31 septembre. Ce n'est pas clair.
Nous serions prêts à retirer notre amendement no 241 , mais vous devriez clarifier vos propositions, qui sont floues même au niveau des dates.
Soyez rassurée, madame Pau-Langevin, le dispositif s'arrête le 31 août 2020, c'est-à-dire à la fin de l'été. Comme vous l'avez justement relevé, il y a une coquille dans l'exposé des motifs qui fait référence au 31 septembre. Le texte, lui, mentionne bien le 31 août.
D'aucuns signalent que la rentrée n'a pas lieu le 1er septembre pour les étudiants et qu'il serait préférable de se caler sur la date de la rentrée universitaire. Le problème est que les dates de rentrée varient d'une université et d'une formation à l'autre. Or, pour créer un dispositif temporaire, il faut se référer à une date précise.
Compte tenu de l'échange que nous venons d'avoir, nous retirons l'amendement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LT.
L'amendement no 241 est retiré.
Nous allons devoir nous interrompre ici car des sous-amendements nous parviennent.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra