Jeudi 31 mai 2018
La séance est ouverte à vingt-et-une heures quinze.
(Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la Commission)
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La commission poursuit l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (n° 904) (Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre et M. Aurélien Taché, rapporteurs).
Article 29 (suite) Possibilité de faire varier le taux de la contribution patronale d'assurance chômage en fonction du nombre de fin de contrats
La commission examine l'amendement AS932 de M. Francis Vercamer.
En matière de lutte contre la permittence, les critères d'âge du salarié, la nature du contrat de travail, sa durée et la taille de l'entreprise instaurés en 2013 à la suite de l'ANI du 11 janvier 2013, n'ont pas permis de ralentir la hausse continue du recours aux CDD selon l'UNÉDIC, notamment des contrats de très courte durée – ceux de moins d'une semaine.
Il est donc nécessaire de redéfinir les critères de modulation du taux de contribution des employeurs afin de responsabiliser ces derniers quant aux conséquences de leur décision sur le coût financier et social de l'assurance chômage.
Le présent article introduit un critère portant sur le nombre de fins de contrats, à l'exclusion des démissions. Il apparaît cependant indispensable de compléter cette disposition afin de l'adapter au type de secteur dans lequel exerce l'entreprise. En effet, dans certains secteurs d'activité, il est d'usage constant de recourir à des CDD en raison de l'activité de l'entreprise et du caractère par nature temporaire de l'emploi concerné – hôtellerie-restauration, centres de loisirs, de vacances, agriculture. De même, il nous semble opportun de supprimer le critère d'âge établi, car il instaure de la complexité et n'a pas fait la preuve de son efficacité.
Je l'ai dit dans mon propos liminaire sur l'article 29, il ne paraît pas pertinent d'exclure un type de contrat plutôt qu'un autre. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements AS781 de M. Adrien Quatennens, AS846 de Mme Gisèle Biémouret et AS1106 de Mme Nathalie Elimas.
L'article 29 ajoute un critère nouveau parmi ceux pouvant être utilisés par les accords d'assurance chômage pour majorer ou minorer les contributions patronales : le nombre de fins de contrats de travail, notamment les contrats courts, assortis d'une inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, afin de responsabiliser les entreprises et de faire ainsi progresser l'emploi stable. Nous proposons d'ajouter un nouveau critère : le nombre des licenciements pour cause d'inaptitude, qui frappent près de 100 000 personnes chaque année. Il est essentiel d'encourager une responsabilisation des employeurs concernés en instaurant une mesure dissuasive.
Vous proposez d'ajouter un nouveau critère, le nombre de licenciements pour inaptitude, permettant de moduler à la hausse ou à la baisse cette contribution patronale. Je comprends que votre objectif est de lutter contre la précarité contractuelle des salariés atteints de handicap.
Sans méconnaître l'importance du sujet qui me paraît vraiment essentiel, j'avoue que je n'en mesure pas l'impact sur les comptes de l'assurance chômage. L'article 29 poursuit une finalité directement liée à l'assurance chômage en limitant le recours aux contrats courts qui pèse lourdement sur ces régimes. Je l'ai dit, le montant des dépenses générées par les contrats en question est trois fois supérieur à celui des recettes qu'ils dégagent, mais il ne me paraît pas opportun de rajouter un critère de modulation supplémentaire, de surcroît sans avoir une visibilité en termes d'équilibre sur l'assurance chômage.
Je précise enfin que les licenciements pour inaptitude seront de toute façon, comme l'ensemble des licenciements, constitutifs d'une fin de contrat et qu'ils entreront dans le champ d'application du bonus-malus. Je suis donc défavorable à ces amendements.
La commission rejette successivement ces amendements.
Elle en vient à l'amendement AS626 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à supprimer le critère d'âge pour majorer ou minorer les taux des contributions patronales d'assurance chômage en cas de recours à des CDD.
La possibilité de moduler la contribution patronale en fonction de l'âge avait été introduite dans le droit par la loi de 2013 relative à la sécurisation de l'emploi. À l'époque, il s'agissait de permettre une exonération temporaire au profit des employeurs embauchant en CDI des jeunes de moins de vingt-six ans. Ce critère n'est pas modifié par l'article 29, mais la dernière convention d'assurance chômage a supprimé cette exonération. Pour autant, il n'apparaît pas pertinent de priver les partenaires sociaux de ce critère de modulation, si d'aventure ils souhaitaient y recourir à l'avenir. Peut-être la ministre pourra-t-elle nous en dire plus, mais je ne crois pas qu'il soit dans les intentions du Gouvernement de moduler en fonction de l'âge.
Je suis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle étudie l'amendement AS625 de M. Francis Vercamer.
Il vise à prendre en compte le secteur d'activité de l'entreprise pour majorer ou minorer les taux des contributions patronales d'assurance chômage.
La modulation par secteur économique qui serait réalisable grâce au code NAF (nomenclature des activités françaises) des employeurs permettrait en effet de tenir compte, dans la mise en oeuvre du bonus-malus, des spécificités de chaque type de secteur en appréciant le nombre de fins de contrats par secteur et non au seul niveau national. Les activités dans lesquelles les fins de contrats sont proportionnellement plus nombreuses seraient donc moins pénalisées. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
La commission examine l'amendement AS1010 de M. Denis Sommer.
En cas d'application du bonus-malus à une entreprise, il est bon que le chef d'entreprise soit systématiquement informé des modalités de calcul du taux qui lui a été appliqué.
Vous souhaitez qu'en cas d'application du bonus-malus à l'employeur, les données et les sources soient transmises. J'imagine que vous prévoyez que cette transmission soit faite à l'employeur, même si ce n'est pas précisé dans votre amendement.
La mesure que vous proposez pose une vraie question en matière de protection des données, car il faudrait s'assurer finalement qu'aucune information nominative ne soit transmise à l'employeur. Je suis malheureusement contraint de donner un avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 29 modifié.
Après l'article 29
La commission est saisie de l'amendement AS782 de M. Adrien Quatennens.
Le recours aux contrats dérogatoires au CDI fragilise l'ensemble du tissu social. L'explosion des embauches en CDD à temps partiel ou en intérim est concomitante avec le maintien d'un taux le chômage élevé. Cela montre que le desserrement du cadre réglementaire et législatif en la matière n'a pas d'influence positive sur l'emploi. Par ailleurs, un contrat à durée déterminée ou à temps partiel ne permet aucunement aux salariés de se projeter sur le long terme. Il est par exemple souvent difficile d'apporter les garanties demandées pour la location d'un logement ou l'obtention d'un prêt pour l'achat d'une voiture. Les contrats atypiques précarisent davantage encore les populations déjà fragiles. 30 % des femmes sont salariées à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes, un temps partiel sur trois est subi. Les salariés souhaiteraient travailler davantage.
L'instabilité de l'emploi a aussi des effets directs à moyen terme sur la santé des personnes, la qualité de l'éducation des enfants, la vie familiale. Le CDD et tous les types de contrats atypiques doivent donc rester l'exception.
D'un point de vue économique, la précarité conduit aussi à l'atrophie de la demande intérieure. En résumé, l'économie pâtit directement de la dérégulation qui prétendait justement lutter contre le chômage, d'autant que l'indemnisation après des contrats de moins d'un mois représente 40 % des dépenses de l'assurance chômage.
Nous souhaitons donc instaurer un plafond visant à limiter le recours aux contrats précaires par les entreprises. Ce plafond serait modulable en fonction de la taille de l'entreprise : 10 % pour les PME, 7 % pour les entreprises de taille intermédiaire et 5 % pour les grandes entreprises. Voilà un dispositif ô combien plus efficace que le fameux bonus-malus que vous défendez. Qu'en dites-vous, monsieur le rapporteur ?
Cet amendement vise à plafonner la part des CDD qu'une entreprise pourrait conclure, cette part étant d'autant plus faible que l'entreprise est grande. Je ne suis vraiment pas certain de l'effet positif qu'aurait sur l'emploi une mesure aussi coercitive, qui s'appliquerait a priori alors que nous proposons, avec un bonus-malus a posteriori, un dispositif qui permettra de lutter efficacement contre la précarité dans l'emploi sans nuire à l'emploi lui-même.
Je suis donc défavorable à votre amendement.
La limitation du volume des contrats conclus risque de décourager les entreprises qui auraient vraiment besoin de recruter du personnel pour une courte durée. Cela aurait donc un effet nuisible sur l'emploi.
Avec le système de bonus-malus, l'entreprise a intérêt à conclure des contrats plus longs, mais il n'y a pas d'interdiction a priori. Cela me semble donc de nature à atteindre le même objectif sans pénaliser l'emploi de manière générale.
Monsieur Quatennens, vous visez l'ensemble des CDD. Or, il y a différents motifs pour les contrats à durée déterminée. Ils sont parfaitement légaux et normaux. L'adoption de votre amendement poserait des problèmes pour remplacer les personnes en congés maladie et maternité, etc. Votre amendement n'est pas adapté au monde dans lequel nous vivons.
Le CDI doit rester la règle. Nous ne sommes pas opposés à l'usage de contrats courts, y compris les CDD, qui permettent de faire face à une charge exceptionnelle, soit parce qu'une activité temporaire le nécessite, soit en raison des contraintes que vous avez citées. Le CDD doit bien rester l'exception et, vous l'avez dit vous-même lors de l'examen des ordonnances travail, le CDI restera la règle. Pourtant, vous voyez bien que plus de 80 % des contrats signés sont des contrats courts. Que faites-vous concrètement pour que le CDI redevienne bien la règle ? Je ne pense pas que le bonus-malus aille suffisamment loin pour cela.
La commission rejette l'amendement.
Elle étudie, en discussion commune, l'amendement AS1027 du rapporteur et les amendements AS169 et AS168 de M. Paul Christophe.
L'amendement AS1027 vise à permettre l'embauche d'une seule personne en CDD pour remplacer plusieurs salariés.
La Cour de cassation fait actuellement une interprétation très littérale de l'emploi du singulier dans la loi. En conséquence, un employeur ne peut pas conclure un CDD avec une seule personne pour remplacer plusieurs salariés absents, qu'il s'agisse de l'absence simultanée de deux salariés à mi-temps ou d'absences successives.
Cet état du droit a donc pour effet mécanique d'augmenter le nombre de CDD, notamment de courte durée, dont la fin est beaucoup plus coûteuse pour l'assurance chômage, à laquelle ils coûtent trois fois plus cher qu'ils ne rapportent.
Cet amendement permet donc de remplacer plusieurs salariés par un salarié en CDD, dans le respect des autres règles encadrant le recours à ces contrats, qui ne sont pas modifiées.
Plusieurs collègues ont déposé des amendements proches – je tiens notamment à saluer le travail d'Annie Vidal – qui poursuivent exactement la même finalité, mais divergent simplement dans la rédaction. Je leur propose de se rallier à l'amendement AS1027.
Les amendements AS169 et AS168 visent à faire évoluer la législation qui contraint aujourd'hui les établissements à conclure un CDD par salarié remplacé et par motif d'absence.
Nous proposons de créer un contrat qui permettrait de remplacer plusieurs salariés absents successivement, ce qui réduirait le nombre de contrats courts et renforcerait la stabilité de l'emploi, dans l'intérêt tant des employeurs, confrontés à la pénurie de professionnels pour certains emplois, que du salarié.
Le groupe la République en Marche soutient l'amendement AS1027. Toutefois, il convient d'être vigilant pour éviter que cette possibilité de remplacement ne devienne courante dans certaines structures – je pense notamment aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – qui ne chercheraient pas à savoir quel est le motif des absences, alors que c'est nécessaire, en cas d'absences répétées, pour améliorer les conditions de travail.
Les amendements AS169 et AS168 sont retirés.
La commission adopte l'amendement AS1027.
L'amendement AS1009 de M. Denis Sommer est retiré.
Chapitre II – Un nouveau cadre d'organisation de l'indemnisation du chômage
Section 1 : Financement du régime d'assurance chômage
Article 30 : Règles de financement du régime d'assurance chômage
La commission est saisie des amendements identiques AS850 de M. Boris Vallaud et AS923 de M. Pierre Dharréville.
Nous proposons la suppression de l'article 30.
Le financement contributif de l'assurance chômage par le biais de cotisations salariales et patronales assises sur les salaires est un élément fondamental de notre système d'assurance chômage. En faisant basculer ce financement vers la CSG, on organise un glissement progressif de notre système de protection sociale vers un modèle beveridgien qui se traduira nécessairement par une diminution progressive du niveau de protection assuré par notre système d'assurance chômage.
L'article 30 s'inscrit dans la continuité de la réforme de la CSG inscrite dans la loi de financement de la Sécurité sociale, qui, on le voit bien aujourd'hui, vient préempter un peu le débat sur l'assurance chômage. En passant d'une logique de cotisation à une logique d'impôt, on remet en cause le caractère assurantiel, solidaire et contributif de ce régime.
L'assurance chômage a toujours eu vocation à couvrir un risque pour lequel le travailleur cotisait, celui de perdre son emploi. Cette philosophie est renversée au profit d'un système financé par l'impôt. On aurait pu espérer au moins que cette fiscalisation entraîne l'universalisation des droits, mais ce n'est pas le cas tant l'ouverture de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux indépendants s'adresse à une minorité d'entre eux.
Par ailleurs, 2,5 millions seulement de chômeurs sont indemnisés, soit 45 % des chômeurs tenus d'être en recherche active d'emploi : on est très loin de l'universalité. Les perspectives qu'ouvre cette réforme nous semblent extrêmement dangereuses. Allons-nous vers un système d'assistance aux plus démunis, avec une allocation forfaitaire déconnectée du salaire gagné par la personne avant le chômage – une sorte de filet de sécurité ? Tout semble désormais possible avec un pilotage gouvernemental de l'assurance chômage, et on peut craindre que l'obsession pour la réduction des dépenses sociales l'emporte sur l'impérieuse nécessité de garantir un haut niveau de revenu de remplacement pour les travailleurs privés d'emploi ou sur l'élargissement du nombre des bénéficiaires.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
Ces amendements de suppression de l'article 30, tout en regrettant une universalité insuffisante aux yeux de leurs auteurs, sont plutôt des pétitions de principe en faveur du financement assurantiel du risque chômage. C'est un débat de fond qui est ouvert depuis l'examen de ce titre II.
La majorité assume pleinement de financer à l'avenir une partie de cette assurance chômage par l'impôt, pour plusieurs raisons. D'abord pour universaliser, c'est-à-dire protéger tous les actifs, en leur offrant une liberté plus grande dans les transitions professionnelles, par exemple pour passer du statut d'indépendant à celui de salarié.
Ensuite, ce financement grève moins l'emploi et le pouvoir d'achat que ne le font les cotisations. Nous tirons ici les conséquences de mesures favorables pour notre économie qui avaient été prises dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2018, d'une part en supprimant la cotisation maladie des salariés, ce qui fait gagner 263 euros par an à un salarié au SMIC, d'autre part en incluant la contribution patronale d'assurance chômage dans le champ de l'allégement général, afin d'accroître la compétitivité-coût de nos entreprises.
Enfin, c'est aussi une véritable avancée démocratique puisqu'il reviendra au Parlement de voter chaque année l'impôt affecté à l'assurance chômage.
Les mesures de la LFSS 2018 ont pour effet de réduire de 16 milliards les recettes de l'assurance chômage. La protection devenant plus universelle, il faut maintenant que nous avancions vers un financement plus universel.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à ces amendements.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1340 du rapporteur.
Elle en vient à l'amendement AS339 de M. Gérard Cherpion.
Dans la logique des exonérations votées en loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, le présent projet remplace la contribution salariale d'assurance chômage par une fraction de CSG affectée à l'UNÉdIc en loi de finances. Ce faisant, il remet en cause de manière assumée la nature contributive du régime, lequel sera donc désormais financé pour près de moitié par l'impôt. On passe d'un système assurantiel à un système de solidarité nationale, ce qui pose un certain nombre de problèmes dont nous reparlerons, je pense, dans l'hémicycle.
Au moment où la croissance repart, on prive l'assurance-chômage du caractère dynamique des cotisations salariales. C'est particulièrement regrettable, alors que l'UNÉDIC enregistre une dette de près de 35 milliards. Ce n'est pas ce système qui va permettre de rembourser la dette !
Le présent amendement vise donc à garantir la pérennité de l'assurance-chômage en s'assurant que la part d'impôt respecte le même dynamisme que la contribution des salariés.
Votre amendement vise à s'assurer que les ressources fiscales affectées au financement de l'allocation d'assurance représentent au moins 60 % du montant des contributions patronales.
Le texte prévoit que les ressources fiscales soient principalement destinées au financement de l'allocation d'assurance. Il y a une logique à cela. J'ai moi-même déposé un amendement pour indiquer qu'effectivement les ressources fiscales devaient en priorité financer cette nouvelle allocation dans une logique d'universalité, et que la cotisation patronale devait plutôt être fléchée vers l'assurance chômage de droit commun.
Votre intention est de conserver un lien entre les nouvelles ressources fiscales et l'actuelle assiette des cotisations, à savoir la masse salariale. J'avoue ne pas comprendre comment le taux de 60 % est construit. En tout état de cause, s'il s'agit de vous rassurer sur le lien entre la future ressource fiscale et la masse salariale, je peux le faire : la recette fiscale affectée à l'UNÉDIC sera en effet une fraction de CSG, impôt dont l'assiette est la même que celle des cotisations chômage.
Avis défavorable.
Je comprends bien l'explication de notre rapporteur. Aujourd'hui, nous avons, et c'est tant mieux, un peu de croissance. Cette croissance crée de l'emploi, qui lui-même dégage des ressources pour l'assurance chômage. En fait, s'il y a davantage d'emploi, il y a davantage de cotisations chômage, donc davantage de recettes que de dépenses. Jusque-là, tout va bien, mais si on passe à un impôt de solidarité nationale, on ne bénéficiera plus du dynamisme de l'emploi lorsque celui-ci revient avec la croissance. Je souhaite donc que l'on institue une forme d'indexation sur le dynamisme de l'emploi.
Je comprends votre préoccupation. Elle serait totalement justifiée si la ressource fiscale qu'on avait choisie n'était pas la CSG, qui est aussi assise sur la masse salariale. Donc, votre raisonnement qui consiste à dire que le financement devrait suivre l'évolution du taux d'emploi, qui est tout à fait juste, est satisfait par le basculement du financement des cotisations chômage vers la CSG.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS1271 de M. Pierre Dharréville.
Monsieur le rapporteur, je souhaiterais que, dans les interventions qui vont suivre, vous précisiez votre philosophie de l'assurance chômage, notamment sur cette notion de filet de sécurité que j'ai évoquée.
Telle qu'elle est prévue, l'ouverture de l'assurance chômage aux travailleurs indépendants est tellement conditionnée qu'elle ne bénéficiera qu'à 30 000 personnes par an. À cela s'ajoute le fait que l'allocation forfaitaire prévue au profit des indépendants sera financée par une fraction de CSG payée en partie par les salariés.
À travers cet amendement, nous proposons d'assurer un financement pérenne et ambitieux à l'assurance chômage des indépendants, en y affectant une contribution prélevée sur les dividendes versés aux actionnaires. Cette contribution, beaucoup plus efficace et juste, pourrait permettre de dégager 600 millions d'euros par an, avec des droits au chômage relevés pour les indépendants, sans menacer l'équilibre du régime d'assurance chômage des salariés.
À propos du filet de sécurité, une allocation nouvelle est créée pour les travailleurs indépendants, qui constitue une avancée de plus vers l'universalisation du chômage et qui est un plus pour les salariés. On reste bien dans un système qui garantit les mêmes droits et qui en ouvre même de nouveaux, aux salariés démissionnaires. Vous le voyez, notre conception de l'universalité est ambitieuse et n'est pas seulement destinée à créer un filet de sécurité pour tous.
S'agissant de la manière de financer cette assurance chômage, nous nous sommes attachés, nous l'avons dit à plusieurs reprises, à ne pas créer de nouveaux prélèvements. Or, ce que vous proposez là serait la création d'un nouveau prélèvement. Pour financer cette assurance chômage, nous utilisons bien une recette fiscale, mais – je viens de le dire à notre collègue Cherpion – assise sur la masse salariale et qui peut ainsi suivre le dynamisme de l'emploi.
Votre proposition ne répond pas à cet objectif de ne pas créer de nouveaux prélèvements. Donc, avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, vous dites que vous ne voulez pas créer de nouveaux prélèvements, ce qui m'étonne. Les budgets de l'État et de la sécurité sociale votés cette année comportent au moins un nouveau prélèvement : l'augmentation de la CSG, qui s'applique notamment à sept millions de retraités de ce pays. Votre argument n'est pas tout à fait recevable.
Une petite précision : on ne crée pas de prélèvement, on bascule des cotisations vers la CSG. Tout cela est neutre, vous le savez.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1341, AS1342 et AS1343 du rapporteur.
Elle adopte l'article 30 modifié.
Après l'article 30
La commission est saisie de l'amendement AS783 de M. Adrien Quatennens.
À ce jour, nous connaissons la dette accumulée de l'UNÉDIC – environ 36 milliards en 2018 – et le montant des intérêts : environ 400 millions. Nous savons aussi que 2 milliards ont été versés aux créanciers en six ans.
La dette de l'UNÉDIC est bien souvent décriée par le Gouvernement, mais celle-ci a bon dos : elle n'est pas la conséquence d'une mauvaise gestion.
Pour remédier à l'endettement de l'UNÉDIC, il est essentiel d'avoir un bon diagnostic de cette situation : d'où vient cette dette, qui sont les créanciers ? Son directeur lui-même n'en est pas informé. Comment les intérêts payés pourraient-ils évoluer ?
Un collectif citoyen de la dette de l'assurance chômage, conduit notamment par des chômeurs, des syndicalistes et des retraités, a publié un rapport intermédiaire en avril dernier. On y observe que la hausse de la dette de l'UNÉDIC ne relève pas de la responsabilité des demandeurs d'emploi, mais bien plutôt de sa participation au financement de Pôle Emploi à hauteur de 10 % de ses recettes, soit 3,3 milliards en 2016. Ainsi est-elle en charge, à la place de l'État, d'une large part de la contribution au service public de l'emploi – désormais pratiquement le double de celle de l'État, système que ce projet prolonge de deux ans, nous le verrons avec le prochain article.
Dans une lettre ouverte à la direction de l'UNÉDIC, à son conseil d'administration et au ministère du travail, le groupe d'audit citoyen lui demande de rendre public l'état détaillé de sa dette depuis dix ans, avec un historique du paiement des intérêts. Nous entendons leur demande et nous l'estimons légitime. C'est la raison de cet amendement.
Vous souhaitez que le rapport annuel de l'UNÉDIC au Parlement soit accompagné d'un audit de la dette de l'assurance chômage. Mais il semble très difficile de connaître à un instant T la structuration d'une dette qui est, par définition évolutive car placée sur des marchés des capitaux. À mes yeux, il est plus important de savoir comment réduire cette dette, et de maintenir les droits des demandeurs d'emploi. Comme je viens de le dire à Pierre Dharréville, nous y sommes particulièrement attachés.
J'ajoute que des informations sur la détention de la dette sont disponibles sur les sites internet de l'UNÉDIC et de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
Je ne suis donc pas favorable à votre amendement.
J'entends bien, monsieur le rapporteur, que vous souhaitez faire en sorte que cette dette disparaisse ou du moins se réduise. Mais comment faire sans audit de l'objet de la dette ?
Je crois que l'objet de la dette est clair. Ce qui vous intéresse avec cet amendement est plutôt de savoir à qui appartient cette dette. Or, cela me semble beaucoup plus difficile à déterminer, et surtout moins prioritaire comme objectif.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS897 de M. Pierre Dharréville.
En s'appuyant sur les travaux extrêmement documentés du groupe d'audit citoyen de la dette de l'assurance chômage, que je tiens à votre disposition, le présent amendement propose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant les conditions de mise en place d'une large commission citoyenne, réunissant parlementaires, organisations syndicales, associations de chômeurs, et citoyens, en charge de la réalisation d'un audit citoyen de la dette de l'UNÉDIC, pour faire la lumière, de manière impartiale et démocratique, sur l'ensemble des facteurs ayant conduit à l'emballement de cette dette. Cet exercice est d'autant plus crucial que les intérêts de la dette menacent les droits à indemnisation des demandeurs d'emploi et l'équilibre du régime d'assurance chômage.
J'ai parfois entendu, lors des débats, que les chômeurs et les chômeuses en seraient responsables. Je crois que ceux-ci mériteraient qu'on se penche sur la question de savoir comment cette dette a été produite, et à qui elle appartient. Tel est le sens de cet amendement.
L'amendement précédent proposait de réaliser un audit de cette dette. Votre proposition semble encore plus compliquée puisqu'il faudrait créer une commission citoyenne pour réaliser cet audit. J'y suis encore moins favorable.
La commission rejette l'amendement.
Article 31 : Disposition transitoire relative à la contribution globale de l'UNÉDIC au budget de Pôle emploi
La commission adopte l'article sans modification.
Section II : La gouvernance
Article 32 : Cadrage des négociations des accords d'assurance chômage
La commission examine les amendements identiques AS708 de M. Jean-Hugues Ratenon, et AS922 de M. Pierre Dharréville.
La gestion paritaire de l'UNÉDIC est une conquête sociale. Cela signifie que ce sont les travailleurs eux-mêmes qui décident du montant et des conditions d'indemnisation à partir d'une convention entérinée par l'État tous les trois ans. Or, par cet article, le Gouvernement s'arroge, une fois de plus, un pouvoir supplémentaire. Si ce texte est voté, il pourra décider lui-même la trajectoire financière de l'UNÉDIC, le délai dans lequel la négociation doit aboutir, et le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage. Mais les dispositions de cet article vont plus loin encore, puisque si la convention à laquelle les partenaires sociaux ont abouti ne convient pas au Premier ministre, il pourra décider tout seul, par décret en Conseil d'État, du montant des cotisations et des conditions d'indemnisation.
La lettre de cadrage prévue par cet article est une étape supplémentaire vers la fin d'une véritable gestion paritaire de l'UNÉDIC. Alors que les allocations chômage baissent d'année en année et que le dernier PLFSS a encore réduit les recettes de l'UNÉDIC, on demande à celle-ci de prendre en charge une partie des contributions à Pôle Emploi, ce qui n'est pas son rôle. Le Gouvernement actuel ne cesse de pointer du doigt une dette injustement attribuée à une mauvaise gestion de l'assurance chômage. Ce sont les chômeurs qui seront les premières victimes de cette étatisation.
En outre, si, tous les cinq ans, les orientations de l'UNÉDIC changent brutalement, la continuité qu'assure une gestion réellement paritaire sera mise à mal.
Rien ne justifie ce paritarisme étatisé, pas même une dette que nous pourrions facilement résorber en augmentant les cotisations sociales patronales.
Voilà pourquoi nous souhaitons supprimer cet article.
L'article 32 prévoit une reprise en main par l'État du pilotage du régime d'assurance chômage, mettant fin à la gestion paritaire de l'UNÉDIC. Il s'agit d'un renversement sans précédent dans le fonctionnement de notre modèle social.
Dans ce cadre, les partenaires sociaux n'auront plus qu'un rôle subalterne : appliquer sans marges de manoeuvre financières la feuille de route dictée par un Gouvernement qui vante pourtant les mérites du dialogue social.
On soumet ainsi l'assurance chômage à une logique comptable, de la même manière que l'on gère le budget de l'assurance maladie sans tenir compte des besoins en santé.
Sans possibilité d'agir sur le volet recettes, il est à craindre que les partenaires sociaux soient enfermés dans un cercle vicieux qui les amènera à réduire les dépenses, donc l'indemnisation des travailleurs privés d'emploi.
Je suis extrêmement attaché à l'idée du bien commun, et aux dynamiques d'appropriation sociale, de propriété commune d'un certain nombre de biens essentiels. Cette gestion démocratique mériterait d'être améliorée et la gestion paritaire, telle que nous la connaissons aujourd'hui, était un point de départ intéressant. La République doit accepter de diversifier ses formes de gestion, mais cette étatisation ne va pas dans la bonne direction.
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article, qui ouvre la porte à une gestion du régime par les coûts et à une réduction des droits des demandeurs d'emploi.
Depuis le début de nos débats, on a dit qu'on allait vers plus d'universalisation, par le biais d'une fiscalisation de la recette et du financement, et l'ouverture de nouveaux droits. Il est donc logique que cette universalisation, ce financement de l'assurance chômage par une recette fiscale, la CSG, entraîne une réforme de la gouvernance et un droit de regard du Gouvernement.
Le Premier ministre adressera un document de cadrage aux partenaires sociaux avant le début de leurs négociations sur la convention d'assurance chômage qui, pour être agréée, devra respecter une trajectoire financière.
Cela ne remet pas fondamentalement en cause le paritarisme puisque les partenaires sociaux resteront bien, comme aujourd'hui, les seuls gestionnaires de l'UNÉDIC. Afin de tenir compte de leur souhait légitime d'être mieux informés et d'éviter, autant que faire se peut, un second document de cadrage au cours de la convention, j'ai déposé deux amendements : l'un prévoit, avant l'envoi du document de cadrage, une concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, afin de recueillir leur expertise dans les meilleures conditions ; l'autre vise à ce que le Premier ministre indique aux partenaires sociaux, pour leur donner de la visibilité, les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles se fonde le document de cadrage, ainsi que les prévisions à trois ans du montant des ressources fiscales affectées.
Mes chers collègues, si j'espère recueillir votre soutien à ces amendements, vous comprendrez que je ne puisse pas accepter les amendements de suppression.
Je voudrais tout de même rappeler que le responsable de la politique de l'emploi, c'est bien l'État, et que le fait d'opposer a priori les partenaires sociaux à l'État sur les politiques de l'emploi et la gestion de l'assurance chômage relève de la caricature, d'autant que, comme l'a dit M. le rapporteur, un élément nouveau est intervenu – avec lequel vous n'êtes peut-être pas d'accord, mais c'est un autre problème – qui est l'introduction de la CSG, c'est-à-dire de l'impôt, dans le financement de l'assurance chômage.
Je crois qu'il y a mieux à faire que d'opposer l'État, qui voudrait tout reprendre et recentraliser, aux partenaires sociaux. La lettre de cadrage – qui existait auparavant, mais de façon informelle – n'empêchera pas les partenaires sociaux de négocier, mais permettra à l'État, au Gouvernement, d'intervenir sur un certain nombre de dispositions.
Je ne suis pas très rassuré par les explications qui viennent de nous être fournies, d'autant que, depuis quelques années, on s'est un peu donné le mot à Bruxelles pour réduire les dépenses publiques et les dépenses sociales dans toutes leurs dimensions – celles des États, comme celles des systèmes de protection sociale et des collectivités territoriales. On est bien dans cette logique, que vous décrivez fort bien.
La tendance qui sera imprimée à l'assurance chômage et aux droits des demandeurs d'emploi ne peut que nous inquiéter. Encore une fois, on assiste à une reprise en main centralisée qui est très préoccupante. Les partenaires sociaux eux-mêmes ne doivent pas en être très heureux.
J'ai écouté les arguments des uns et des autres : il y a du vrai dans ce que dit M. Dharréville, et je pense qu'il a raison de s'interroger.
Par le basculement d'une partie de la CSG sur l'assurance chômage, on s'oriente vers un système de solidarité nationale. Mais, dans le même temps, le ministre des comptes publics déclare qu'on dépense trop pour la solidarité nationale. Je comprends que des craintes s'expriment.
Je ne vais néanmoins pas voter l'amendement de suppression,…
…mais on peut comprendre que les citoyens et les partenaires sociaux s'inquiètent. D'ailleurs, les partenaires sociaux ont-ils encore leur place au sein de l'UNÉDIC ? La question se pose.
La commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AS1442 du rapporteur.
Le premier amendement auquel je faisais référence vise à instaurer une concertation préalable systématique avec les partenaires sociaux sur le contenu du document de cadrage des négociations relatives aux accords d'assurance chômage avant sa transmission au Premier ministre.
L'objectif est d'assurer, dès l'amont du document de cadrage, un dialogue entre l'État et les partenaires sociaux sur les objectifs des futures négociations. C'était une demande des partenaires sociaux, qui a été exprimée lors des différentes auditions. Elle est légitime puisqu'ils restent effectivement pleinement gestionnaires de l'UNÉDIC.
Ce document de cadrage indiquera une trajectoire financière, mais les partenaires sociaux seront consultés sur l'élaboration de cette trajectoire.
Je n'avais pas voulu être cruel en rappelant les propos de Gérald Darmanin, mais Gérard Cherpion a eu l'amabilité de le faire. De fait, ils ne sont pas de nature à nous rassurer.
Je reviens sur l'argument qui a été avancé à propos des nouveaux bénéficiaires de l'assurance chômage. On aurait pu tout à fait imaginer apporter des modifications à la gouvernance actuelle, afin d'intégrer de nouveaux acteurs. Ce n'est pas le choix que vous avez fait et je maintiens mon opposition à la philosophie générale qui vous anime.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte également l'amendement rédactionnel AS1347 du rapporteur.
Elle examine l'amendement AS848 de M. Boris Vallaud.
Il s'agit de rétablir une réelle subsidiarité dans la gouvernance de l'assurance chômage. Les dispositions envisagées par cet article, en particulier celles des alinéas 12 à 19, déséquilibrent totalement le système que le Gouvernement entend mettre en place, et instituent un tripartisme de façade dans lequel les partenaires sociaux ne servent plus que d'alibi pour endosser les mesures d'économies que le Gouvernement entendra leur imposer.
Vous proposez de compléter l'alinéa 3 par les mots « qui fait l'objet d'une concertation entre le Premier ministre et ces organisations ». Cette préoccupation est satisfaite puisque l'amendement AS1442 que nous venons d'adopter instaure cette concertation avant l'élaboration du document de cadrage.
Mon avis est donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS254 de Mme Patricia Gallerneau.
Les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ont émis des doutes sur leur possibilité de se réunir si aucun document de cadrage n'a été transmis. C'est pourquoi nous proposons de compléter l'alinéa 3 par la phrase suivante : « Les organisations représentatives d'employeurs et de salariés restent libres de se rencontrer avant la transmission de ce document de cadrage. »
Je comprends d'autant plus votre préoccupation que j'étais présent lors des auditions où les partenaires sociaux avaient émis ce doute. Cette crainte était vraiment infondée. Nous avons vérifié et ils pourront bien se rencontrer pour les travaux préparatoires à ce document de cadrage, comme ils le souhaitent. Nous n'avons donc pas besoin de le mentionner dans la loi.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS526 du rapporteur.
C'est le deuxième amendement dont je vous avais parlé. Il prévoit que, dans ce document de cadrage qui sera transmis aux partenaires sociaux, figureront les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles le Gouvernement se fonde pour construire la trajectoire financière, et aussi une prévision des recettes fiscales sur trois ans.
Je salue cette initiative. Il est très important que les partenaires sociaux aient le même niveau d'information que l'État sur les hypothèses macroéconomiques qui fondent la trajectoire financière. Cela fait partie de l'exercice démocratique. Il est logique de fixer une trajectoire financière quand une partie des montants vient de la solidarité et quand l'État garantit 33 milliards d'euros de dettes – 36 milliards l'année prochaine. Cette décision doit se prendre aux termes d'un débat durant lequel toutes les données auront été mises sur la table. C'est un signe de maturité démocratique.
La commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement de cohérence rédactionnelle AS1348 du rapporteur.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS1495 et AS1496 de M. Boris Vallaud.
Elle adopte l'amendement de clarification rédactionnelle AS1349 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 32 modifié.
Article 33 : Mise en oeuvre transitoire par voie réglementaire de certaines mesures habituellement fixées par la convention d'assurance chômage
La commission est saisie de l'amendement AS1208 de M. Boris Vallaud.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité que s'octroie le Gouvernement de faire évoluer à court terme les règles sur les activités réduites.
Le Gouvernement s'offre la possibilité, par décret, après remise d'un rapport au plus tard le 1er janvier 2019, et en lieu et place de la négociation, de déterminer seul les taux de contributions et d'allocation d'assurance chômage ainsi que les conditions de cumul des allocations d'assurance chômage et des allocations de solidarité avec d'autres revenus. On ne peut laisser le Gouvernement décider seul du niveau des droits des demandeurs d'emploi. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
L'article 33 permet, en effet, au Gouvernement de prendre par décret des mesures relevant habituellement de la convention d'assurance chômage.
Cette dérogation serait permise pendant un temps limité – du 1er janvier 2019 au 30 septembre 2020 – et son objet serait circonscrit.
Il s'agit tout d'abord de faire entrer en vigueur rapidement, sans attendre la prochaine convention de 2020, des mesures importantes : l'ouverture de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants. Il s'agit aussi de pouvoir lutter contre la multiplication des contrats courts qui pèsent sur l'assurance chômage.
Le Gouvernement n'agira par décret que si les partenaires sociaux ne proposent pas de mesures suffisantes début 2019, à l'issue de leurs négociations de branche. Le paritarisme est donc respecté, et la balle est dans le camp des partenaires sociaux.
Si leurs propositions sont insuffisantes, le Gouvernement pourra, grâce à cet article 33, mettre en oeuvre le bonus-malus dont les principes sont posés à l'article 29, et aménager les règles de cumul entre revenus d'activité et allocation d'assurance. C'est l'articulation de ces deux dispositions qui permettrait une lutte efficace contre la précarité dans l'emploi.
Pour l'ensemble de ces sujets, je pense que nous avons besoin d'une action forte et rapide. Je suis donc défavorable à votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements de précision AS1355 et AS1356 du rapporteur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte l'amendement AS1209 de M. Boris Vallaud.
Elle adopte successivement l'amendement rédactionnel AS1354 et l'amendement de précision AS1353 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement AS487 de Mme Véronique Riotton.
Le travail saisonnier répond à des besoins spécifiques de nombreux territoires, notamment en montagne. Le présent amendement vise à inscrire dans la loi que les malus sur les contributions patronales des contrats courts ne peuvent pas porter sur les contrats saisonniers.
Dans mon développement global sur l'article 29, j'ai indiqué que nous ne souhaitons pas exclure par principe un type de contrat. Nous voulons préserver un dispositif général qui modulera la cotisation patronale à l'assurance chômage en fonction du taux de séparation dans l'entreprise. Si un type de contrat était exclu plutôt qu'un autre, nous raterions cet objectif. Je suis malheureusement contraint de donner un avis défavorable à votre amendement.
Ce n'est pas satisfaisant pour le travail saisonnier qui constitue une part importante de l'économie, notamment en montagne. Il faudrait trouver une solution qui permette de ne pas plomber ces contrats. J'aimerais avoir une réponse un peu plus explicite sur ce point.
Ces contrats particuliers sont beaucoup utilisés en montagne et en bord de mer. Certaines personnes ne travaillent que sous ce régime de saisonnier : ils vont dans les stations de ski en hiver et sur la côte pendant l'été. Il est nécessaire de tenir compte de ces métiers et de faire en sorte qu'ils ne soient pas pénalisés. Ces travaux saisonniers représentent énormément d'emplois, souvent peu qualifiés. Il serait dommage de freiner ces emplois qui sont nécessaires à l'économie de certains secteurs.
M. Cherpion vient d'alimenter ma réponse. Les travailleurs saisonniers qui passent l'hiver en montagne et l'été sur les côtes ne se retrouvent pas souvent au chômage. Si ces contrats saisonniers ne donnent pas lieu à une inscription au chômage, il n'y a pas de pénalisation pour les entreprises. J'ajouterai un élément supplémentaire lié à un amendement que nous avons adopté : l'éventuel bonus-malus sera calculé en fonction d'une moyenne par secteur d'activité, ce qui répond à la préoccupation des domaines, tels que l'hôtellerie, qui utilisent beaucoup de contrats saisonniers.
Je souhaite profiter de cet amendement pour revenir sur la situation des CDD d'usage dans les associations intermédiaires. Les gens qui travaillent dans ces conditions sont généralement inscrits comme demandeurs d'emploi. Ils sont à la fois salariés et demandeurs d'emploi. Comment réglez-vous cette question ?
Si certains secteurs recourent à des CDD d'usage, comme vous le dites, c'est que, a priori, les salariés passent d'un contrat à l'autre. Pour les situations qui seraient vraiment très caractérisées par un cumul avec les allocations emploi, l'article 33 apporte des réponses puisqu'il prévoit de traiter le cumul emploi-chômage et la situation des CDD à travers le bonus-malus. Les articles 29 et 33 traduisent notre volonté de responsabiliser l'ensemble des acteurs.
Je reviens à la migration de certains saisonniers. Dans une zone de moyenne montagne comme les Vosges, la saison d'hiver dure entre 90 et 120 jours les meilleures années. Le reste de l'année ne correspond pas à la saison en bord de mer. À un moment donné, le saisonnier passe obligatoirement par une période de chômage. À qui peut-on l'imputer ? C'est tout le problème. On va taxer le système alors que les gens sont de bonne volonté et ont envie de travailler. À la limite, il vaut mieux qu'ils ne reprennent pas d'emploi.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 33 modifié.
Chapitre III Un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d'emploi et une meilleure efficacité des obligations liées à la recherche d'emploi
Section I : Expérimentation territoriale visant à l'amélioration de l'accompagnement des demandeurs d'emploi
Article 34 : Mise en oeuvre à titre expérimental d'un journal de bord des demandeurs d'emploi
La commission est saisie des amendements identiques AS697 de M. Adrien Quatennens, AS849 de M. Boris Vallaud et AS921 de M. Pierre Dharréville.
L'instauration d'un journal de bord, que la personne privée d'emploi devrait remplir pour prouver ses recherches, est une mesure totalement injuste de flicage des chômeurs. Il faut revenir à la raison !
De nombreux conseillers de Pôle Emploi demandent d'ores et déjà aux personnes qu'ils accompagnent de réaliser un état d'avancement de leur recherche d'emploi, ce qui permet à ces dernières de mûrir leurs projets professionnels. Dans certains cas, cet état d'avancement n'est pas approprié et les conseillers s'adaptent à la grande diversité des situations qu'ils rencontrent : fracture numérique, illettrisme, autre priorité – quête d'une situation plus stable qui permettra ensuite de mener une recherche d'emploi plus efficace.
Selon les chiffres de Pôle Emploi, 86 % des privés d'emploi respectent déjà leurs obligations. Obliger les demandeurs d'emploi à réaliser ce suivi est un non-sens qui témoigne d'un mépris de leurs compétences. Conditionner le maintien sur la liste des demandeurs d'emploi à la bonne tenue de ce journal de bord est une insulte à tous les demandeurs d'emploi qui sont déjà assaillis par les contraintes administratives. Que de temps perdu à ne pas pouvoir procéder à ces recherches ou à réfléchir à son parcours professionnel !
Nous demandons la suppression de cette proposition indigne.
L'article 34 propose l'exact inverse de l'intitulé du projet de loi : il veut restreindre encore davantage la liberté en augmentant le niveau de surveillance des demandeurs d'emploi par une nouvelle forme de contrôle, le compte rendu mensuel de l'échec de leurs recherches d'emploi.
La bonne foi se présume. C'est un principe général du droit. Les demandeurs d'emploi n'ont pas à supporter la suspicion constante et accusatrice de l'assureur qui cherche à éviter la mise en jeu de sa garantie.
L'assurance chômage est avant tout un droit pour des personnes ayant cotisé. Cette mesure de flicage administratif ne saurait les aider, en aucune manière, à trouver un emploi. Les objectifs de cette expérimentation ne pourront qu'accroître les difficultés dans lesquelles se trouvent nombre d'entre elles. Il faut renoncer à cette mesure.
Ce journal de bord suscite beaucoup d'incompréhension. Loin de vouloir « fliquer » qui que ce soit, nous proposons de nouveaux outils pour accompagner les demandeurs d'emploi.
Si on caricature, l'accompagnement actuel par Pôle Emploi est assez mécanique. D'abord, le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) est défini au moment de l'inscription sur les listes de demandeurs d'emploi et il est réactualisé de loin en loin. Ensuite, le demandeur d'emploi doit se réinscrire sur la liste pour continuer à bénéficier de ses droits. Enfin, lorsqu'une offre raisonnable lui est proposée, il peut lui opposer un refus mais il est radié au second refus.
Ce processus assez rigide ne permet pas un vrai dialogue entre le demandeur d'emploi et son conseiller. Le journal de bord s'inscrit dans une logique beaucoup plus partenariale. Chaque mois, au moment de sa réinscription sur la liste, le demandeur d'emploi devra renseigner l'état d'avancement de sa recherche et indiquer les démarches qu'il a entreprises. C'est sur cette base que son conseiller pourra l'aider à affiner ses méthodes de recherche et ses objectifs, adapter l'accompagnement qui lui est prodigué aux difficultés particulières qu'il peut rencontrer, et proposer de nouveaux outils.
Dans le cadre de la préparation du rapport, j'ai auditionné le directeur général de Pôle Emploi qui voit vraiment ce journal de bord comme l'occasion d'offrir de nouvelles prestations et de nouveaux outils aux demandeurs d'emploi. Il ne l'envisage absolument pas comme un moyen de sanctionner.
M. Ratenon, vous avez rappelé que seulement 14 % des demandeurs d'emploi ne remplissaient pas leurs obligations. C'est effectivement ce qui ressort d'une expérimentation dont les résultats ont été récemment diffusés. Vous oubliez de mentionner que 20 % des autres étaient découragés. L'« aller vers » de Pôle Emploi a permis de remotiver des découragés, de les remettre dans une dynamique positive de recherche et de retour à l'emploi. On peut penser que la mise en place du journal de bord permettra à Pôle Emploi de repérer encore plus facilement ces gens en difficulté, qui n'y croient plus, et de leur apporter un accompagnement adapté.
Enfin, je rappelle que ce journal de bord sera expérimenté dans deux régions. Si les résultats n'étaient pas satisfaisants, il serait toujours possible d'abandonner l'expérience.
Cette expérimentation peut être très appréciée car l'histoire s'écrit et se réécrit souvent comme un livre. Ce type de journal de bord a été utilisé dans le cadre des conventions de conversion destinées aux salariés licenciés pour motif économique. La convention de conversion était l'ancêtre du contrat de sécurisation professionnelle.
J'ai mis en place ce journal de bord lorsque j'étais directrice des conventions de conversion dans les Yvelines. Il était fortement apprécié puisqu'il permettait aux conseillers de faire le point régulièrement avec la personne en situation de recherche d'emploi. À l'époque, on allait même jusqu'à la contractualisation.
Cet outil était apprécié du demandeur d'emploi et du conseiller, et il permettait de tracer les actions conduites : évaluation, orientation, propositions d'offres d'emploi ou de formation. C'était vraiment un fil conducteur qui permettait de construire une stratégie de recherche d'emploi. Nous avions fait des enquêtes de satisfaction. Les résultats étaient tels que l'expérimentation avait été étendue puis généralisée à tous les services des conventions de conversion.
Je voudrais quand même rappeler que tout cela a commencé avec des histoires de vacances aux Bahamas – mes propos sont vérifiables. La culpabilisation des chômeurs dure depuis des années et on ne peut pas dire qu'elle ait régressé ces derniers temps.
Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, les dispositions de contrôle existent. Vous avez même dit que Pôle Emploi avait adopté des dispositifs pour « aller vers », et c'est très bien. Il n'y a donc pas besoin d'outils tels que ce carnet de bord.
Vous avez une propension à écarter certaines de nos propositions au motif qu'elles seraient trop précises et vous voulez créer un outil dont on ne voit pas bien en quoi il relève du législatif. Il me semble que vous devriez réfléchir à deux fois avant de l'inscrire dans la loi.
Quand nous l'avions auditionné il y a quelques mois, le directeur général de Pôle emploi avait dit que le contrôle était un faux sujet et qu'il ne fallait pas cultiver cette espèce de fantasme. Si ce compte rendu mensuel nous inquiète, ce n'est pas parce que nous sommes hostiles à l'accompagnement. Nous voyons que la logique d'accompagnement s'efface derrière la logique de contrôle. D'ailleurs, à Pôle Emploi, nous constatons que les propositions de création de postes sont destinées aux fonctions de contrôle alors que des suppressions de postes sont envisagées dans d'autres domaines.
C'est le contexte général qui nous inquiète. Nous n'avons pas de problème avec le contrôle des chômeurs et la sanction de ceux qui seraient des fraudeurs. D'une manière générale, les fraudes doivent être sanctionnées. Mais ne nous faites pas croire que le contrôle est de l'accompagnement : ce sont deux choses différentes.
En introduisant l'expérimentation du journal de bord numérique, l'article 34 vise à améliorer l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi et à détecter ceux qui sont en situation de grande fragilité, en plus d'assurer un suivi en continu de l'intensité de la recherche et de déclencher, le cas échéant, des dynamiques de remobilisation.
La commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement AS685 de M. Francis Vercamer.
Plus que le contrôle, c'est l'accompagnement du demandeur d'emploi qui reste le meilleur moyen de lui assurer un retour à l'emploi. Le fait de renseigner les démarches actives effectuées permet au conseiller de Pôle Emploi d'avoir regard sur le parcours de recherche du demandeur, de mieux appréhender les obstacles qu'il peut rencontrer quand il fait acte de candidature et de mieux l'orienter vers des structures susceptibles d'être intéressées par son profil.
Toujours dans cette optique d'un meilleur accompagnement, le demandeur d'emploi pourrait aussi mentionner les actions, notamment de formation, engagées dans le cadre du conseil en évolution professionnelle (CEP) qu'il aura été amené à mobiliser. Cela permettrait d'avoir regard plus complet sur la formulation, voire l'évolution, du projet professionnel du demandeur d'emploi. Tel est l'objet de cet amendement.
À l'unisson des derniers orateurs, je peux dire que je suis, moi aussi, beaucoup plus favorable à l'accompagnement qu'au contrôle. Le journal de bord va dans ce sens.
S'agissant de cet amendement, les actions entreprises dans le cadre du CEP sont déjà indiquées à Pôle Emploi au moment de l'élaboration du PPAE. Je ne crois pas que la mesure proposée soit utile ni même d'ordre législatif. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS598 de M. Pierre Cabaré.
Issu des recommandations du rapport de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement prévoit d'intégrer à l'expérimentation du journal de bord, une prise en compte spécifique des difficultés rencontrées par les femmes sur le marché du travail.
Il ne s'agit pas de dire que les femmes sont, par principe, en situation de vulnérabilité. Cet amendement vise en revanche à rappeler que l'on constate statistiquement que les femmes rencontrent des difficultés sur le marché du travail et que ces obstacles ne s'expliquent par aucun élément.
Il faut, par exemple, que l'accompagnement des demandeurs d'emploi prenne bien en compte les difficultés rencontrées par les familles monoparentales. Je rappelle que, dans 85 % des cas, ce sont des femmes qui sont concernées. En présentant cet amendement, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a souhaité rappeler cette réalité extrêmement regrettable.
Je suis certain que, au-delà de la discussion sur ce dispositif très certainement perfectible, nous nous accorderons tous quant à la nécessité de supprimer cette discrimination intolérable envers les femmes.
Nous sommes tous décidés à combattre les discriminations dont sont victimes les femmes sur le marché du travail, mais je ne suis pas sûr que le journal de bord soit un outil que l'on puisse adapter à ces discriminations spécifiques. Je vous demanderai donc de retirer cet amendement.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS951 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel et AS1115 de Mme Nathalie Elimas.
L'expérimentation d'un accompagnement plus personnalisé des demandeurs d'emploi dans le cadre d'une amélioration de l'offre de service dans leurs parcours d'accès ou de retour à l'emploi est une bonne chose. Il serait cependant dommageable que cette expérimentation n'accorde pas une vigilance spécifique aux travailleurs en situation de handicap, faisant perdre le bénéfice d'un retour d'expérience sur ces situations particulières. L'amendement propose donc d'intégrer cette dimension dans le champ expérimental.
Afin de ne pas pénaliser les demandeurs d'emploi en situation de handicap susceptibles d'entrer dans l'expérimentation, il est proposé que la loi précise de manière claire que cette expérimentation dématérialisée soit accessible immédiatement à tous les types de handicap et qu'aucune charge considérée comme disproportionnée ne puisse être mise en avant pour en limiter l'accessibilité et la compréhension. Il s'agit d'instaurer une dynamique inclusive de l'ensemble des services numériques mis à disposition des demandeurs d'emploi.
Vous souhaitez qu'une vigilance particulière soit accordée aux situations de handicap dans le cadre de l'expérimentation du journal de bord. Comme chaque fois qu'un nouvel outil d'accompagnement est créé, se pose la question de la fracture numérique de manière générale. J'ai moi-même déposé un amendement destiné à prendre en compte la situation des personnes maîtrisant mal la langue française pour qu'elles ne soient pas pénalisées par la création du journal de bord.
Je donne un avis favorable à l'amendement AS951 dont la rédaction me paraît meilleure.
La commission adopte l'amendement AS951.
En conséquence, l'amendement AS1115 tombe .
La commission est saisie de l'amendement AS950 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel.
Cet amendement est similaire au précédent. Il vise à lutter contre le chômage des personnes déclarées inaptes. Il est proposé un dispositif de prévention par une action de lutte contre la désinsertion.
Autant, pour avoir un journal de bord utile et adapté aux personnes de situation de handicap, votre amendement précédent était vraiment pertinent, autant nous sommes là sur un sujet bien plus lourd de politique publique d'emploi et je ne crois pas que ce texte soit le bon véhicule. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement AS1487 du rapporteur.
Afin que le journal de bord ne pénalise pas les personnes dont la maîtrise de la langue française n'est pas bonne, personnes illettrées, personnes étrangères primo-arrivantes qui ne maîtrisent pas encore bien la langue française, sujet qui me tient particulièrement à coeur, je propose que l'on en tienne compte dans l'expérimentation.
La commission adopte cet amendement.
Elle examine l'amendement AS700 de M. Adrien Quatennens.
Vous voulez que les chômeurs remplissent de façon mensuelle un journal de bord pour prouver leurs démarches de recherche d'emploi. Je l'ai dit précédemment, nous sommes opposés à cette disposition qui impose un énième contrôle humiliant, voire culpabilisant dans certains cas. Ce genre de mesure correspond au discours qu'on entend depuis des mois venant des rangs de la majorité : ce serait de la faute des travailleurs privés d'emploi s'ils ne trouvent pas de travail. Pourtant, selon les chiffres de Pôle Emploi, 86 % des inscrits effectuent de manière méthodique ces recherches. Par cette mesure, le Gouvernement tente de masquer son incapacité à relancer la création d'emplois alors que des besoins existent dans divers domaines, notamment l'environnement. Le problème du chômage de masse est bien celui de la pénurie d'emplois.
Puisque vous estimez que les chômeurs doivent rendre des comptes, nous proposons une contrepartie : que la ministre du travail remplisse les mêmes obligations que celles qu'elle veut imposer aux travailleurs privés d'emploi, en remettant chaque trimestre un rapport sur l'évolution des chiffres du chômage, du mal-emploi, du halo du chômage et du nombre de contrats précaires, qui détaille les mesures prévues pour y remédier. En effet, nous estimons que le ministère du travail est largement responsable de la situation actuelle et qu'il doit montrer qu'il met tout en oeuvre pour réduire le chômage.
Vous demandez la publication trimestrielle d'un rapport par le ministère du travail sur les chiffres du chômage. Si cette donnée est connue, et vous le savez, vous souhaitez également des éléments sur le mal-emploi, le halo du chômage, les contrats précaires, les mesures pour favoriser l'accès de toutes et tous à un emploi durable, socialement utile et écologiquement soutenable… Je fais le pari que, comme moi, vous préférez que les services du ministère oeuvrent à la réduction du chômage plutôt qu'à la rédaction de rapports. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS1488 du rapporteur.
Il est proposé que l'évaluation de l'expérimentation du journal de bord dans deux régions soit transmis, au bout de dix-huit mois au Parlement, en même temps qu'au Gouvernement.
La commission adopte cet amendement.
L'amendement AS650 de Mme Valérie Petit est retiré.
La commission adopte l'article 34 modifié.
Avant article 35
La commission est saisie de l'amendement AS1148 de Mme Monique Iborra.
Cet amendement de M. Marilossian propose d'intituler la section II : « Dispositions relatives aux droits et aux obligations de recherche d'emploi ».
Je trouve très bien de rappeler que ce Gouvernement et cette majorité se battent pour les droits des demandeurs d'emploi. Avis favorable.
La commission adopte cet amendement.
Section II : Dispositions relatives aux obligations de recherche d'emploi
Article 35 : Modernisation de la définition de l'offre raisonnable d'emploi
La commission examine l'amendement AS691 de M. Adrien Quatennens.
Les articles 34, 35 et 36 sont porteurs de lourdes régressions pour les droits des demandeurs d'emploi. Ils répondent directement aux demandes de la frange la plus radicalisée du patronat.
L'article 35 vise à revoir les critères de définition de l'offre raisonnable d'emploi. Il supprime les critères d'appréciation tels que la nature et les caractéristiques de l'emploi recherché, la zone géographique privilégiée et le salaire espéré. Aujourd'hui codifiée, cette définition se ferait désormais après discussion entre le demandeur d'emploi et son conseiller. C'est une rupture totale avec le principe d'égalité de traitement devant le service public.
Cette mesure n'a qu'un intérêt réel : contraindre les demandeurs d'emploi à accepter des contrats précaires de courte durée ou mal rémunérés sans lien évident avec l'emploi effectivement recherché. Nous attendons toujours de vrais arguments raisonnés et raisonnables pour nous expliquer ce qu'est une offre d'emploi de ce type. Sans doute ne pouvez-vous pas nous les livrer aujourd'hui puisqu'à l'heure actuelle la quasi-totalité des demandeurs d'emploi répondent à toutes les obligations auxquelles ils sont tenus. Même le Conseil d'État observe dans son avis sur ce projet de loi que cet article, je cite, « ne présente pas de garanties suffisantes contre le risque d'arbitraire ». C'est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
J'entends dans votre amendement l'appel à une forme de modestie de la part du Gouvernement puisqu'il ne serait pas le mieux armé pour définir exactement ce qu'est une forme raisonnable d'emploi. C'est précisément ce qu'entend faire cet article 35 car, en revenant sur la définition légale, administrative, qui prévoyait des paliers et qui revenait à dire, en substance, que plus on passe de temps sur la liste des demandeurs d'emploi, plus l'offre est considérée raisonnable, nous laissons bien plus de champ et de marges, dans le cadre du projet personnalisé d'accès à l'emploi défini avec le conseiller de Pôle Emploi, à la discussion et à la relation entre le demandeur d'emploi et son conseiller pour définir cette offre d'emploi raisonnable. Cela traduit une modestie bienvenue du législateur. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine l'amendement AS1220 de M. Éric Girardin.
La mobilité est le troisième frein à l'emploi après le niveau de formation et l'âge ; c'est un sujet majeur qui est souvent négligé.
En secteur rural, notamment, en l'absence de transport public, la non-acquisition de permis de conduire peut être un grand obstacle à l'accès à l'emploi. L'aide à la mobilité peut ainsi être orientée vers les facilités à obtenir le permis de conduire ou à développer des plateformes de covoiturage pour accroître la mobilité des chercheurs d'emploi.
Dans certains quartiers prioritaires de la politique de la ville, les habitants ne disposent pas d'offres de transport pour se rendre sur des sites d'activité. Ces derniers peuvent n'être pas ou être mal desservis. Les horaires de travail peuvent être aussi en inadéquation avec le fonctionnement des services de transport public.
L'objectif de cet amendement est de lier la zone géographique de recherche ou d'acceptation de l'emploi avec les capacités de mobilité du travailleur pour mieux identifier les difficultés, adapter en conséquence l'aide à la mobilité nécessaire dans son projet et faciliter la reprise d'une activité.
Je comprends votre souci de tenir compte des capacités de mobilité du demandeur d'emploi, et cet élément sera dans le PPAE, avec à la fois le niveau de salaire attendu et la zone géographique privilégiée. Renseignements pris auprès du Gouvernement, votre demande est satisfaite. Je souhaite donc le retrait de l'amendement.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement AS1132 de Mme Monique Iborra.
Cet amendement vise à remettre au demandeur d'emploi un document lui rappelant ses droits et devoirs.
L'article 35 revoit, cela a été dit, la définition de l'offre raisonnable d'emploi en supprimant les critères habituels qui permettaient jusqu'alors d'apprécier l'offre en question. Désormais, la définition et l'actualisation de l'offre raisonnable seront actées conjointement entre le demandeur d'emploi et son conseiller référent dans le PPAE. Il me paraît donc essentiel de rappeler que le projet de loi favorise avant tout la relation de confiance qui doit s'instaurer entre le conseiller référent et le demandeur d'emploi, et que c'est à partir de cette relation de confiance et des échanges réguliers qu'ils auront que le projet du demandeur d'emploi pourra se concrétiser.
Cependant, il me semble très important de souligner le fait que la définition de l'offre raisonnable d'emploi repose aussi sur des droits. Cet amendement propose donc de renforcer les conditions de la bonne information du demandeur d'emploi en ajoutant un alinéa supplémentaire. La mesure est simple : le conseiller référent devra remettre au demandeur d'emploi un formulaire récapitulant les droits dont il dispose mais aussi les devoirs qui lui incombent face à l'acceptation ou au refus des offres d'emploi qui lui seront soumises. Le formulaire rappellera également les voies de recours possibles en cas de sanctions par Pôle Emploi.
L'article R. 5411-4 du code du travail prévoit déjà que, lors de son inscription, le travailleur recherchant un emploi est informé de ses droits et obligations. L'information sur les voies et délais de recours est quant à elle donnée en cas de sanction. Votre amendement étant en pratique satisfait, je vous invite donc à le retirer.
Il faut quand même que le demandeur d'emploi soit pleinement conscient que la discussion avec son conseiller n'est pas une discussion sur un coin de table mais un entretien sérieux qui l'engagera. Les publics les plus fragiles sont dans une situation de vulnérabilité et pas toujours conscients de ce qu'ils vont dire. Il faut donc que ce soit bien spécifié, en prévoyant des garanties au niveau à la fois des devoirs et des droits.
Nous sommes bien conscients qu'une relation personnelle va s'établir, ce dont on peut se féliciter, mais elle peut aussi déboucher sur une situation problématique entre le demandeur d'emploi et le conseiller. Il faut la possibilité d'un recours. Nous soutenons cet amendement.
Je confirme les propos du rapporteur : cet amendement est satisfait. L'article 35 précise la redéfinition de l'offre raisonnable d'emploi pour la rendre plus opérante en supprimant les paliers d'évolution.
Sur le terrain, les agents de Pôle Emploi sont conscients du travail effectué. Même si cela fait deux ou trois ans que je ne suis pas retournée en agence, je peux dire que le contrat d'engagement réciproque existe déjà, depuis le plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), le plan d'aide personnalisé (PAP) et tant d'autres dispositifs. Les agents de Pôle Emploi, anciennement ANPE-Assédic, sont, comme nous, conscients des difficultés des demandeurs d'emploi. Dans le cadre de l'ambition 2020 de Pôle Emploi, le contrat d'engagement réciproque sera renforcé dans les territoires : c'est une avancée pour les demandeurs d'emploi mais aussi pour les agents de terrain.
Je ne doute pas que le dispositif existe déjà dans les agences de Pôle Emploi puisque des contrats d'engagement réciproque avec des associations intermédiaires y sont signés.
Je peux vous dire, par expérience personnelle, que l'accueil dans les agences de Pôle Emploi est véritablement personnalisé, c'est un contact direct. Si nous le formalisons, ce sera plutôt un frein qu'un moteur, car le demandeur d'emploi, pour son premier rendez-vous, vient chercher un accompagnement moral, un encouragement, et non des contraintes liées aux droits ou aux devoirs.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 35 modifié.
Section III : Dispositions relatives au transfert du contrôle de la recherche d'emploi et aux sanctions
Article 36 : Modernisation des règles de contrôle et de sanction des demandeurs d'emploi
La commission est saisie de l'amendement AS919 de M. Pierre Dharréville.
Je me contenterai de rappeler quelques chiffres : 86 % des demandeurs d'emploi remplissent bien leurs obligations en matière de recherche d'emploi. Sur les 14 % restants qui ont été radiés, 60 % ne sont pas indemnisés. Ce sont les chiffres donnés par Pôle Emploi il y a quelques mois. Et vous prenez des mesures de durcissement de plusieurs dispositifs de contrôle, dont on peut sérieusement douter de l'efficacité. En revanche, on voit l'impact qu'elles pourront avoir sur la situation d'un certain nombre de demandeurs d'emploi. Je demande la suppression de cet article.
Je ne voudrais pas qu'il y ait de méprise sur le sens de cet article 36. Il ne s'agit absolument pas de renforcer le régime de sanction des demandeurs d'emploi mais, d'une part, de transférer à Pôle Emploi des pouvoirs de sanction aujourd'hui exercés par les préfets, qui ne disposent plus des moyens nécessaires, les dossiers étant d'ailleurs en pratique instruits par Pôle Emploi ; d'autre part, de simplifier les règles de sanction, dont le cumul peut aboutir aujourd'hui à des situations objectivement très défavorables aux demandeurs d'emploi. Avis défavorable.
La commission rejette cet amendement.
Elle examine les amendements AS1075 et AS693 de M. Joël Aviragnet.
L'amendement AS1075 vise à supprimer le transfert à Pôle Emploi des pouvoirs de sanction – suppression du revenu de remplacement – aujourd'hui détenus par les préfets.
Le Gouvernement veut conférer à un établissement public administratif un pouvoir de sanction administrative, ce qui pose certains problèmes philosophiques et politiques au regard de l'organisation de notre administration. En effet, les pouvoirs de sanction administrative relèvent du préfet qui, en vertu de l'article 72 de la Constitution, a la charge « du contrôle administratif et du respect des lois ».
Avec l'article 36 de votre texte, vous portez un coup dur à notre ordre juridique, puisque vous confiez aux agents de Pôle Emploi la responsabilité du contrôle administratif et du respect des lois, alors que la Constitution ne leur confère aucun pouvoir administratif.
Il serait sage que le Gouvernement ait à coeur de respecter le principe de séparation des autorités de poursuite et de sanction. Confier à Pôle Emploi la responsabilité du contrôle des demandeurs d'emploi et des sanctions de ces derniers pose un sérieux problème de conflit d'intérêts, car Pôle Emploi est alors juge et partie.
Lorsque le pouvoir de radiation est confié au préfet, ce dernier assure un contrôle administratif des décisions prises par l'opérateur, ce qui renforce notre État de droit, et la séparation des pouvoirs.
L'amendement AS693 vise à supprimer des dispositions de l'article 36 du projet de loi, qui organisent un système de contrôle injustifié des demandeurs d'emploi.
Il n'apparaît pas opportun de renforcer le contrôle des demandeurs d'emploi ni de faciliter leur radiation de Pôle emploi en élargissant les motifs de radiation prévus à l'article L. 5412-1 du code du travail.
Contrairement à l'idée que le Gouvernement essaye de véhiculer, un contrôle accru des demandeurs d'emploi ne constitue pas une mesure efficace pour lutter contre le chômage. C'est la reprise économique qui crée l'emploi ; ce n'est pas par la sanction que l'on encourage les individus à travailler.
Comme le rappelait notre collègue Pierre Dharréville, 86 % des demandeurs d'emploi respectent leurs obligations légales, et font tous les efforts pour retrouver un emploi. Ainsi, la réforme du Gouvernement est particulièrement stigmatisante pour les demandeurs d'emploi, et elle n'est en rien pragmatique dans la lutte contre le chômage.
C'est la raison pour laquelle le groupe Nouvelle Gauche propose de supprimer les alinéas 7 à 12 relatifs au renforcement du contrôle des demandeurs d'emploi.
Je suis défavorable à l'amendement AS1075. Le transfert des pouvoirs de sanction constitue une mesure de cohérence qui met fin à une organisation un peu « baroque » critiquée à plusieurs reprises par la Cour des comptes. Les dossiers sont d'ores et déjà instruits par le service public de l'emploi auquel nous pouvons faire pleinement confiance pour mettre en oeuvre des sanctions, dans les rares cas où elles sont nécessaires – je suis convaincu qu'elles le sont rarement. Cette organisation sera plus lisible et plus claire.
Je suis également défavorable à l'amendement AS693. Je le répète : notre objectif n'est absolument pas de durcir les sanctions, mais de rendre le dispositif plus juste, plus clair et plus lisible. Des motifs de radiation mal adaptés, donc inutilisés, sont supprimés, comme le refus d'une proposition de contrat d'apprentissage ou de contrat de professionnalisation. Des motifs sont aussi modifiés afin de les rendre plus clairs, telle la requalification du motif de refus de formation en absence ou abandon d'une formation. Encore une fois, il ne s'agit ni de durcir les motifs existants ni d'en créer de nouveau mais bien de clarifier ce qui existe.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte l'amendement rédactionnel AS1358 du rapporteur.
Elle est saisie de l'amendement AS1130 de Mme Monique Iborra.
Sur proposition de notre collègue Guillaume Chiche, nous souhaitons nous assurer que « le motif de radiation est précisé et justifié au demandeur d'emploi ».
Je vous invite à retirer votre amendement, car il est satisfait. L'article R. 5412-7 du code du travail prévoit déjà l'obligation de motiver toute décision de radiation.
L'amendement est retiré.
La commission en vient à l'amendement AS695 de M. Joël Aviragnet.
Il est défendu. J'en profite, monsieur le rapporteur, pour vous dire que je n'ai pas compris votre réponse au sujet du non-respect du principe de séparation des pouvoirs, concernant mon amendement AS1075.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de cohérence AS1502 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 36 modifié.
Après l'article 36
La commission examine les amendements identiques AS751 de Mme Caroline Fiat, AS862 de M. Boris Vallaud, et AS892 de M. Pierre Dharréville.
Actuellement, le conseil d'administration de Pôle Emploi est composé des représentants de l'État, de représentants des employeurs et des salariés, de deux personnalités qualifiées, d'un représentant des régions et d'un représentant des autres collectivités territoriales. Étonnamment, il ne comprend pas les premiers concernés par les missions de Pôle Emploi : les usagers eux-mêmes.
Des représentants des usagers siègent pourtant aux conseils d'administration des établissements publics, sociaux ou médico-sociaux, et aux conseils d'administration des établissements publics de santé, comme l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les centres de lutte contre le cancer, l'Établissement français du sang… Dans le domaine du travail, des représentants des usagers sont également présents au sein de certains conseils d'administration, comme celui de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.
Ces nombreux exemples ne sont pas anodins. Ils concernent des instances qui ont tout intérêt, pour s'améliorer, à prendre acte des retours de leurs usagers. Dans le domaine de la santé, ce besoin est particulièrement criant, mais c'est également vrai dans le domaine de la recherche d'emploi. En effet, nous observons une certaine déconnexion entre l'offre de Pôle Emploi, et ce qui est attendu par les usagers. Pour réduire ce fossé, donner aux usagers de Pôle Emploi une place à la table du conseil d'administration nous paraît constituer une décision de bon sens que vous entendrez, nous l'espérons.
Dans la perspective de redonner au demandeur d'emploi le statut d'usager du service public de l'emploi, nous proposons de créer cinq sièges de représentant des usagers au conseil d'administration de Pôle Emploi.
Il s'agit, vous l'avez compris, de reconnaître au demandeur d'emploi un véritable statut d'usager du service public de l'emploi, en lui donnant le droit d'être représenté au conseil d'administration de Pôle Emploi, de la même façon que des représentants des usagers du système de santé participent à la gouvernance des établissements habilités à assurer le service public hospitalier.
Cette mesure, préconisée par les conclusions de nombreux rapports publics, est réclamée de longue date par les associations de chômeurs. Elle permettrait aux travailleurs privés d'emploi de participer à la détermination des politiques publiques de l'emploi, en les replaçant au coeur de l'action et du fonctionnement de l'institution. Alors que le projet de loi déséquilibre un peu plus la relation entre les demandeurs d'emploi et l'administration, il est impératif d'accorder des droits de représentation aux usagers du service public de l'emploi.
Je rappelle que les usagers ont un interlocuteur privilégié au sein de Pôle Emploi en la personne du médiateur. En outre, les deux modalités de désignation de ces représentants seraient assez curieuses, pour la première, et assez complexe pour la seconde.
Vous proposez de faire désigner des représentants, d'une part, par les organisations syndicales, qui sont déjà elles-mêmes représentées, et qui ont déjà vocation à représenter notamment les usagers – que deviendrait cette intermédiation à laquelle un certain nombre d'entre vous sont, comme moi, attachés ? –, d'autre part, par des associations représentant les intérêts des demandeurs d'emploi. Mais, comment sélectionner les associations jugées représentatives ?
J'ajoute qu'au niveau régional, il existe des comités de liaison qui comptent des représentants des associations des demandeurs d'emploi.
En conséquence, même si je comprends bien vos intentions, je suis défavorable aux amendements.
La commission rejette les amendements.
Elle est saisie des amendements AS893 et AS928, tous les deux de M. Pierre Dharréville.
L'amendement AS893 propose d'instaurer un suivi médical pour les personnes privées d'emploi. Il pourrait être assuré par la médecine du travail, afin de prévenir les situations d'isolement et d'éloignement qui ont des effets néfastes sur la santé.
Les conséquences sur la santé de l'épreuve que constitue le chômage sont attestées par de nombreuses études. Face à ce constat, il n'existe pas de moyens de prévention. Après une perte d'emploi, les personnes ne bénéficient plus de la visite médicale auprès de la médecine du travail qui assure une mission essentielle de prévention.
La commission d'enquête en cours sur la santé au travail, dont je suis le rapporteur, confirme ce constat. À une prévention insuffisante pour les salariés en poste, s'ajoute un déficit une fois la relation de travail rompue. Il s'agit pourtant d'un enjeu de santé publique.
L'amendement AS928 propose d'aligner le droit des demandeurs d'emploi sur le droit des salariés en matière d'assistance lors des entretiens sur convocation délivrée par Pôle Emploi. Il prévoit également la mention obligatoire de cette faculté sur la convocation, afin de s'assurer que le demandeur d'emploi est bien informé de ses droits. Cette mesure correspond à l'une des préconisations du Défenseur des droits, annulée au mois de septembre 2017.
Je suis défavorable à l'amendement AS893. Vous souhaitez que les demandeurs d'emploi aient droit à une visite médicale dans les six mois suivant leur inscription. Parce qu'ils ne perdent pas leurs droits à l'assurance maladie, le seul effet de ce dispositif me semble être de mettre à la charge de l'employeur le coût d'une visite médicale qui pourrait se faire, sans cela, dans les conditions de droit commun. Je ne méconnais pas les conséquences du chômage sur la santé, mais je ne souscris pas pour autant à la philosophie de votre amendement.
Je suis également défavorable à l'amendement AS928. Vous proposez qu'un demandeur d'emploi convoqué par Pôle Emploi puisse être assisté d'une personne de son choix, notamment de son conseil, c'est-à-dire d'un avocat. Vous avez une vision assez conflictuelle de la relation entre le demandeur d'emploi et son conseiller. À l'inverse, pour notre part, nous souhaitons fluidifier cette relation, et nous faisons le pari de relations de confiance.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle en vient aux amendements identiques AS852 de M. Boris Vallaud, et AS896 de M. Pierre Dharréville.
Les courriers envoyés aux demandeurs d'emploi pour leur notifier les décisions de Pôle Emploi de leur refuser l'attribution de l'allocation d'assurance chômage n'indiquent pas les délais et voies de recours. Il en résulte que les demandeurs d'emploi, non seulement, ignorent ces délais et voies de recours, mais qu'ils ignorent parfois même qu'ils sont en mesure d'introduire une action en contestation de ces décisions.
L'amendement AS852 propose donc que Pôle Emploi signifie au demandeur d'emploi les délais et voies de recours dont il dispose pour contester la décision lui refusant l'attribution de l'allocation d'assurance chômage.
La mention des délais et voies de recours s'agissant des décisions administratives constitue une obligation : le rapporteur aurait pu y être favorable au lieu de se contenter de s'en remettre à la sagesse de la commission. Cela dit, merci tout de même !
La commission adopte les amendements.
Elle est saisie de l'amendement AS861 de M. Boris Vallaud.
Par un arrêt du 30 mai 2000, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la caractérisation de la négligence fautive de l'organisme chargé de servir les allocations d'assurance chômage emportait un droit pour le demandeur d'emploi – obligé de restituer des sommes indûment versées – de solliciter réparation de son préjudice, et que le juge du fond avait souverainement apprécié le montant du préjudice causé par cette faute en lui allouant une somme correspondant au montant des allocations litigieuses. Cet amendement propose simplement de fixer cette jurisprudence dans la loi.
Défavorable. Vous dites vous-même que votre intention est satisfaite par une jurisprudence de la Cour de cassation. En matière contentieuse, il est parfois opportun de laisser sa liberté au juge, a fortiori si ses décisions sont favorables au demandeur d'emploi. Le titre II de ce projet de loi traite certes de l'assurance chômage, mais il n'a pas vocation à entrer dans le détail de questions contentieuses qui se situent trop au-delà de son périmètre.
Vous avez fait adopter un amendement qui fixait la correspondance, nous pourrions faire de même avec la jurisprudence !
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS1253 de M. Pierre Dharréville.
Il n'existe aujourd'hui aucune étude sur le non-recours aux droits en matière d'assurance chômage. Ce non-recours peut aussi bien concerner le défaut d'inscription sur les listes des demandeurs d'emploi, empêchant les personnes de prétendre à certains droits, que le défaut de recours aux droits existants pour les demandeurs d'emploi régulièrement inscrits.
Il s'agit d'éclairer la représentation nationale de l'ampleur de ce phénomène.
Je comprends et je partage même pleinement votre préoccupation concernant le non-recours, en particulier s'agissant des demandeurs d'emploi. Nous observons ce phénomène en matière d'accès aux droits et aux minima sociaux.
Il serait intéressant d'approfondir la question concernant les demandeurs d'emploi, comme vous le proposez, mais votre demande d'un rapport à remettre dans les six mois suivant la publication de la loi semble très ambitieuse. Si vous voulez bien convenir qu'un tel sujet nécessite une expertise plus longue, je pourrais donner un avis favorable à l'amendement. Si le délai de six mois était maintenu, mon avis serait défavorable.
La commission adopte l'amendement AS1253 ainsi rectifié.
Chapitre IV Dispositions Outre-mer
Article 37 : Dispositions relatives à l'outre-mer
La commission adopte l'article 37 sans modification.
Chapitre V Dispositions diverses
Article 38 : Actualisations rédactionnelles
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1391 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 38 modifié.
Article 39 : Modalités d'entrée en vigueur
La commission adopte l'article 39 sans modification.
La séance, suspendue à 23 heures 20, est reprise à 23 heures 55.
TITRE III DISPOSITIONS RELATIVES À L'EMPLOI
Chapitre Ier Favoriser l'entreprise inclusive
Section I : Simplifier l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés
Article 40 : Simplifier l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés
La commission se saisit de l'amendement AS1458 de la rapporteure.
Cet amendement vise à sécuriser la procédure de révision du taux d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés, en faisant du seuil de 6 % un plancher en deçà duquel il ne sera pas possible de descendre.
Aujourd'hui, la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi dans la population active est de 6,6 %. L'engagement de maintenir le taux d'OETH à au moins 6 % serait un signal fort en faveur de l'amélioration du taux d'emploi des personnes en situation de handicap.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement AS854 de Mme Gisèle Biémouret.
Après l'adoption de l'amendement AS1458 de Mme la rapporteure, nous sommes rassurés : le plancher de 6 % ne sera pas remis en cause. C'était un peu notre inquiétude, et celle des associations.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques AS735 de M. Adrien Quatennens et AS859 de Mme Gisèle Biémouret.
Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, en 2016, le taux d'emploi des personnes reconnues handicapées est de 36 %, alors que celui de l'ensemble de la population est de 64 %. Leur taux de chômage est quant à lui de 18 %, alors que celui de l'ensemble de la population est de 10 %. Selon les derniers chiffres, le taux d'emploi des travailleurs handicapés dans les entreprises privées est de 4,4 % en comptant l'emploi indirect et de 5,5 % dans le secteur public.
L'article 40 de ce projet de loi dispose que, tous les cinq ans, le taux concernant l'obligation pour l'employeur d'employer des travailleurs handicapés ou mutilés de guerre, qui date de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, pourrait être revu, mais on ne sait selon quelles modalités. On sait que ce taux sera révisé en référence à la part des bénéficiaires de l'obligation d'emploi dans la population, mais on ne sait pas qui procédera à cette révision ni selon quels critères précisément.
Notre amendement AS735, comme l'amendement AS1499 que nous examinerons plus loin, vise à ce que ce taux ne soit révisé que si c'est nécessaire et après avis conforme du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Il nous semble important en effet que la révision se fasse sous la supervision d'une instance spécialiste du sujet. L'amendement AS735 apporte surtout une précision dont j'imagine qu'elle fera l'unanimité. Nous vous proposerons par d'autres amendements d'aller bien plus loin pour concourir à l'insertion des personnes handicapées.
Nous étions attachés au taux de 6 %. Comme il est maintenu, je retire mon amendement AS859.
Chère collègue Fiat, vous proposez de rendre facultative la révision du taux de l'OETH, mais cela entraverait la dynamique positive que cette clause de révision est susceptible d'entraîner. C'est pourquoi je vous propose plutôt de mieux encadrer les modalités de révision de ce taux, avec la transformation du taux de 6 % en taux plancher et une réécriture des critères de révision du taux. Je vous invite donc à retirer, vous aussi, votre amendement ; sinon, j'émettrai un avis défavorable.
Les amendements sont retirés.
La commission en vient à l'amendement AS1475 de la rapporteure.
Cet amendement vise à sécuriser la clause de révision du taux d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés introduite par le projet de loi. Je propose de supprimer le mot « notamment », facteur d'incertitude quant aux critères qui seront retenus dans la procédure de révision du taux.
Un autre des amendements que j'ai déposés, que nous examinerons ensuite, permettra de compléter les critères de révision du taux pour prendre également en compte la situation des travailleurs handicapés au regard du marché du travail.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS1497 de la rapporteure.
Ainsi que je l'ai dit à l'instant, je vous propose d'introduire un second critère de comparaison et de référence pour la fixation du taux d'OETH : la situation des travailleurs handicapés au regard du marché du travail. Au-delà du nombre de bénéficiaires de l'OETH rapporté à la population active totale, cela permettra de tenir compte de leur taux de chômage et de leur taux d'emploi lors de la révision du taux de l'obligation d'emploi.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements identiques AS1499 de M. Adrien Quatennens et AS1500 de Mme Gisèle Biémouret et l'amendement AS1137 de Mme Carole Grandjean.
Depuis la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, imposant aux employeurs privés et publics comptant au moins vingt salariés d'employer plus de 6 % des travailleurs en situation de handicap, les discriminations persistent. Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est environ le double de celui de la population active totale, et les personnes en situation de handicap restent en moyenne 200 jours de plus au chômage que les personnes valides. Ces inégalités sont notamment le fait d'entreprises privées qui préfèrent payer une amende plutôt que d'aménager des postes de travail pour pouvoir embaucher des personnes handicapées, sachant que cette possibilité leur est offerte par les articles L. 5212-9 à L. 5212-11 du code du travail que notre amendement AS1499 propose d'abroger : l'obligation d'embaucher des personnes handicapées n'est pas monnayable. Les entreprises doivent s'acquitter de leurs obligations, de même que les employeurs publics.
Je déplore que ce projet de loi ne fasse pas une plus grande place à l'accompagnement des personnes handicapées. Je vais toutefois retirer mon amendement AS1500 dans la mesure où le taux de 6 % est maintenu. Comme il s'agit d'un plancher, on peut espérer que, d'ici à cinq ans, le taux d'emploi des travailleurs handicapés aura doublé…
Comme nous venons de le voir, le texte prévoit le maintien de l'obligation d'emploi dans la loi et conserve son taux à 6 %. Toutefois, il introduit une clause de revoyure qui permet tous les cinq ans de le moduler.
Par l'amendement AS1137, nous proposons que la révision soit soumise à l'avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), les prérogatives de celui-ci étant d'assurer la participation des personnes handicapées à la mise en oeuvre des politiques les concernant.
Les auteurs de l'amendement AS1499 proposent de soumettre la révision du taux à l'avis conforme du CNCPH. Pour ma part, je préfère la rédaction de l'amendement AS1137, qui la soumet à un avis simple du CNCPH. Il me semble également important d'associer les personnes en situation de handicap à la mise en oeuvre des politiques qui les concernent. C'est d'ailleurs la mission principale du CNCPH. Je suis donc favorable à la garantie supplémentaire qu'apporte l'avis du CNCPH dans la procédure de révision du taux.
L'amendement AS1500 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS1499.
Puis elle adopte l'amendement AS1137.
Elle examine ensuite l'amendement AS1082 de Mme Éricka Bareigts.
L'amendement AS1082 est satisfait par l'adoption de mon amendement faisant du taux de 6 % un plancher. J'en demande donc le retrait.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1396 de la rapporteure.
Puis elle se saisit de l'amendement AS243 de M. Gérard Cherpion.
Pour aider le Gouvernement à respecter son engagement de ne pas créer de charges nouvelles pour les entreprises, nous proposons de supprimer les alinéas 14 et 15 qui s'appliquent sans distinction à toutes les entreprises, y compris celles engagées dans des actions en faveur de l'insertion au maintien de l'emploi des personnes en situation de handicap.
L'exclusion de la contribution des charges déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés relève d'une clarification juridique. Ce n'est pas une nouvelle forme de charge pour les entreprises. La contribution étant uniquement un mode d'acquittement de l'obligation d'emploi par les entreprises, elle n'est ni une cotisation sociale ni une contribution fiscale pouvant être déduite de l'impôt sur les sociétés. Cet amendement aurait par ailleurs un effet pervers, puisqu'il réduirait d'autant l'impôt des entreprises présentant un taux d'OETH faible et s'acquittant donc d'une contribution financière importante. J'y suis donc défavorable.
Nous avons tous ici la même conviction : ce qui compte, c'est avant tout de permettre à beaucoup plus de personnes handicapées d'accéder à l'emploi. Il y a 500 000 demandeurs d'emploi handicapés à Pôle emploi ! Tout ce qui freine leur accès à l'emploi, nous devons lutter contre ; tout ce qui le favorise, nous devons l'encourager. Alors que l'obligation légale des 6 % remonte à exactement trente et un ans, nous plafonnons à 3,4 %, après avoir mis presque cinq ou six ans à passer de 3,3 % à 3,4 % ! Qu'un dédommagement financier soit versé par ceux qui ne remplissent pas l'obligation, qui permette de faire mieux ailleurs, c'est logique. Mais rendre déductibles les charges sociales et les salaires versés parce qu'un salarié est handicapé serait un peu vicieux et contre-productif.
Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AS1397 de la rapporteure.
Elle se saisit ensuite de l'amendement AS1459 de la rapporteure.
L'objet de cet amendement est de mieux prendre en compte la diversité des rapports qui existent entre les entreprises assujetties à l'obligation d'emploi et les entreprises adaptées, les ESAT et les travailleurs indépendants handicapés.
Des partenariats ont été mis en place pour développer la formation ou l'investissement dans les entreprises adaptées, des ESAT et des travailleurs handicapés indépendants. Ces démarches méritent d'être soutenues.
C'est pourquoi je propose de permettre la déduction du montant de la contribution financière des dépenses afférentes à ces partenariats au même titre que les dépenses afférentes à des contrats de fourniture ou de sous-traitance conclus entre les entreprises assujetties et les entreprises adaptées.
La nature de ces dépenses de partenariat pourra être utilement précisée et qualifiée par un décret, déjà prévu à la fin de l'article.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement AS855 de Mme Gisèle Biémouret.
L'article L. 5212-11 du code du travail dispose : « Peuvent être déduites du montant de la contribution annuelle, en vue de permettre à l'employeur de s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi, des dépenses supportées directement par l'entreprise et destinées à favoriser l'accueil, l'insertion ou le maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés au sein de l'entreprise, l'abondement du compte personnel de formation au bénéfice des personnes mentionnées à l'article L. 5212-13 ou l'accès de personnes handicapées à la vie professionnelle qui ne lui incombent pas en application d'une disposition législative ou réglementaire. […] La nature des dépenses mentionnées […] ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être déduites du montant de la contribution sont déterminées par décret. »
Les personnes de plus de cinquante ans étant particulièrement touchées par le chômage, le présent amendement vise à renforcer le maintien en emploi des personnes handicapées. Je propose de prévoir par décret une survalorisation des dépenses déductibles qui les concernent spécifiquement.
Il existe déjà un dispositif incitatif en faveur de l'emploi et du maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés âgés de plus de cinquante ans avec un mécanisme de minoration de la contribution financière.
Je suis évidemment sensible à la situation, sur le marché de l'emploi, des personnes en situation de handicap âgées de plus de cinquante ans. C'est pourquoi je serai très attentive aux conclusions de la concertation sur ce sujet et je vous propose, chère collègue, de réexaminer cette question en vue de la séance. En l'état, je suis défavorable à cet amendement.
Nous allons y retravailler car il se pose tout de même un problème. Souvent, ces personnes ont été déclarées inaptes au poste qu'elles occupaient, et elles rencontrent les plus grandes difficultés pour retrouver un emploi et pour se former. Nous devrons effectivement aborder ce sujet en séance.
Je vous confirme que le sujet des travailleurs handicapés âgés de plus de cinquante ans est abordé dans le cadre de la concertation en cours. Nous aurons donc l'occasion d'en reparler en séance.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 40 modifié.
Après l'article 40
La commission se saisit de l'amendement AS1489 de la rapporteure.
Cet amendement s'inscrit dans la lignée de la réforme du télétravail engagée par les ordonnances réformant le code du travail, qui ont consacré un véritable droit au télétravail. Aujourd'hui, en vertu du droit opposable du salarié au télétravail, il appartient à l'employeur de se justifier s'il ne souhaite pas ou ne peut pas donner suite à la demande qui lui est faite.
Il s'agit d'aller plus loin pour faciliter effectivement le recours au télétravail pour les travailleurs handicapés et pour les salariés atteints d'une affection de longue durée de figurant sur la liste dite « ALD 30 ».
Je propose que l'employeur ne puisse plus s'opposer à une demande de recours au télétravail formulée par un salarié en situation de handicap, dès lors que le service de santé au travail a donné un avis favorable et que les caractéristiques du poste de travail le permettent.
Le télétravail représente pour bon nombre de travailleurs handicapés une opportunité de nature à faciliter le maintien dans l'emploi et, surtout, à améliorer leurs conditions de travail, en leur évitant notamment des trajets quotidiens fastidieux, voire impossibles.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS737 de M. Adrien Quatennens.
L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés est un dispositif qui a fait ses preuves et a permis une hausse du taux d'emploi des personnes handicapées.
Si le taux d'emploi des personnes en situation de handicap reste malheureusement toujours en deçà de celui du reste de la population, la suppression du dispositif de l'obligation d'emploi enverrait un signal très négatif et marquerait un retour en arrière de la politique en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement AS1490 de la rapporteure.
Les dépenses liées à la rémunération des personnels salariés affectés à des missions d'accompagnement des élèves ou étudiants handicapés au sein des écoles, des établissements scolaires et d'enseignement supérieur peuvent être déduites de la contribution financière. Je propose de rétablir un plafonnement de cette déduction.
Comme le souligne un rapport conjoint de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales, ces dépenses sont principalement concentrées au ministère de l'éducation nationale. En l'absence de plafonnement des dépenses déductibles, cela revient à exonérer le ministère de l'éducation nationale de la contribution financière et à ne plus le soumettre à l'incitation financière de l'obligation d'emploi.
La réintroduction d'un plafonnement à 80 % de la contribution due est donc une mesure d'équité en faveur de l'emploi des personnes en situation de handicap.
La commission rejette l'amendement.
Article 41 : Transmission des informations relatives aux caractéristiques de l'emploi dans la déclaration sociale nominative
La commission adopte l'article 41 sans modification.
Article 42 : Extension des dispositions précédentes aux employeurs publics
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1398 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 42 modifié.
Section II : Renforcer le cadre d'intervention des entreprises adaptées
Article 43 : Renforcer le cadre d'intervention des entreprises adaptées
La commission examine l'amendement AS599 de M. Pierre Cabaré.
Issu de la recommandation n° 18 du rapport de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, cet amendement vise à compléter la définition des objectifs des entreprises adaptées qui promeuvent un environnement économique inclusif favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap. Il s'agirait précisément de compléter l'alinéa 6 par les mots : « favorable aux femmes et aux hommes en situation de handicap ».
Cet ajout permet en outre de tenir compte des inégalités qui pourraient exister entre hommes et femmes : les femmes en situation de handicap rencontrent souvent de plus grandes difficultés en matière d'accès à l'emploi, de conditions de travail et de trajectoires personnelles. Par exemple, parmi les personnes reconnues handicapées, 47 % des femmes travaillent à temps partiel, contre seulement 16 % des hommes. Il me semble donc nécessaire de compléter la définition des entreprises adaptées pour bien préciser que tout cadre inclusif en faveur des personnels en situation de handicap doit prendre en compte ces enjeux d'égalité entre les femmes et les hommes.
L'ajout de cette mention complète bien la définition de la mission des entreprises adaptées. J'émets donc un avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1399, AS1400 et AS1416, tous de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 43 modifié.
Section III : Accessibilité́
Article 44 : Transposition de la directive relative à l'accessibilité des sites internet
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1418 de la rapporteure.
Elle examine ensuite, en discussion commune, l'amendement AS1460 de la rapporteure et les amendements identiques AS68 de M. Paul Christophe et AS856 de Mme Gisèle Biémouret.
L'amendement AS1460 tend à renvoyer à un décret pris en conseil d'État la définition de la notion de « charge disproportionnée ». Le décret devra préciser les modalités de définition de cette notion conformément aux critères spécifiés dans la directive, qui sont de niveau réglementaire.
L'amendement AS68 est un peu plus précis, puisqu'il vise à définir la notion de charge disproportionnée en s'inspirant du considérant 39 et de l'article 5 de la directive 20162102 du 26 octobre 2016 relative à l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.
L'article 44 prévoit que l'accessibilité numérique aux personnes en situation de handicap est mise en oeuvre uniquement si elle ne crée pas une « charge disproportionnée ». Cette notion, source d'exonérations potentiellement importantes, doit être appliquée inconditionnellement. Il est donc proposé dans notre amendement AS856 de la définir en s'appuyant sur le considérant 39 et l'article 5 de la directive 20162102 du 26 octobre 2016 relative à l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. Cette dernière dispose que sont prises en compte les circonstances suivantes : la taille, les ressources et la nature de l'organisme du secteur public concerné ainsi que l'estimation des coûts et des avantages pour cet organisme par rapport à l'avantage estimé pour les personnes handicapées, compte tenu de la fréquence et de la durée d'utilisation du site internet ou de l'application mobile spécifique.
Je vous propose de retenir mon amendement et donc de renvoyer à un décret en Conseil d'État la définition de la notion de charge disproportionnée. Je vous suggère donc de retirer les amendements AS68 et AS856 ; à défaut, j'y serai défavorable.
La commission adopte l'amendement AS1460.
En conséquence, les amendements AS68 et AS856 tombent .
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1419 de la rapporteure.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements AS69 de M. Paul Christophe et AS857 de Mme Gisèle Biémouret.
L'amendement AS69 vise à transposer dans notre droit l'article 7 de la directive 20162102 du 26 octobre 2016.
J'émets un avis tout à fait favorable à la transposition des dispositions de la directive relative à la déclaration d'accessibilité en format accessible ainsi qu'au mécanisme de notification par les usagers de toute absence de mise en conformité en matière d'accessibilité. La rédaction de l'amendement AS69 me paraît préférable car plus souple que celle proposée à l'amendement AS857.
Transposer cette disposition est une très bonne chose, mais la véritable question – et nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler en séance publique – est celle des sanctions prévues en cas de non-déclaration de mise en conformité. De fait, l'obligation existe déjà ; or une grande majorité des sites, me semble-t-il, ne font pas cette déclaration.
La commission adopte l'amendement AS69.
En conséquence, l'amendement AS857 tombe .
La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AS952 de Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel et AS70 de M. Paul Christophe.
La disposition de l'article 44 porte, à strictement parler, non pas sur l'accessibilité en situation de travail des personnes en situation de handicap, mais sur l'accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public. Toutefois, cette disposition a un impact global sur le quotidien des personnes en situation de handicap, dans une société de plus en plus dématérialisée. Compte tenu des dispositions déjà en vigueur mais non retranscrites dans le règlement, il est proposé, par l'amendement AS952, que le décret soit pris après avis conforme du Conseil national consultatif des personnes handicapées, car il s'agit du seul moyen d'assurer une large et efficace concertation avec l'ensemble des parties prenantes.
L'amendement AS70 tend à préciser que le décret est pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, afin d'assurer une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes, et qu'il doit obligatoirement prévoir des sanctions pécuniaires – et non plus à titre de simple option. Le produit de ces sanctions sera destiné à alimenter le Fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle.
Avis favorable à l'amendement AS70, qui tend, ainsi que M. Christophe l'a indiqué, à soumettre le projet de décret à l'avis simple du Conseil national consultatif des personnes handicapées et à prévoir explicitement le versement des sanctions pécuniaires au Fonds national d'accompagnement de l'accessibilité universelle. Avis défavorable à l'amendement AS952.
La commission rejette l'amendement AS952.
Puis elle adopte l'amendement AS70.
Elle adopte ensuite l'article 44 modifié.
Article 45 : Transposition de la directive relative à l'utilisation des oeuvres protégées pour des personnes handicapées
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1420, AS1421, AS1422, AS1423 et AS1424, tous de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 45 modifié.
Section IV : Inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires de contrats uniques d'insertion
Article 46 : Inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires de contrats unique d'insertion
La commission est saisie de l'amendement AS686 de M. Francis Vercamer.
L'article 46 vise à modifier le dispositif de calcul des seuils d'effectifs, en intégrant dans ce calcul les titulaires de contrats uniques d'insertion. Si l'intention est louable, tant du point de vue de la conformité de notre législation à la jurisprudence communautaire que de la volonté de démontrer qu'un salarié en insertion est un salarié à part entière de l'entreprise, il n'en reste pas moins prématuré d'inscrire cette disposition dans le projet de loi.
En effet, la question des seuils sociaux et de leurs effets, dont nous savons combien ils peuvent dissuader l'embauche, n'a pas encore été traitée. Le passage des seuils de 11, 20 et 50 salariés soumet l'entreprise à des obligations sociales et fiscales nouvelles qui peuvent paraître difficilement maîtrisables aux chefs d'entreprise, surtout s'il s'agit de petites ou moyennes entreprises qui ne disposent pas de services leur permettant de gérer ce qui apparaît, à tort ou à raison, comme une complexité juridique supplémentaire.
Les ordonnances sur le renforcement du dialogue social n'ont pas abordé ce sujet, dont on nous dit qu'il doit faire l'objet de dispositions du futur projet de loi PACTE annoncé en Conseil des ministres le mois prochain. La presse s'est en effet fait l'écho d'un possible relèvement des seuils, en particulier de celui de 20 salariés, qui serait porté à 50, mais nous n'en connaissons pas encore le détail. Or, pour qu'elle ait un impact psychologique déterminant en faveur de l'embauche, la question des seuils doit faire l'objet d'un travail d'ensemble dans le cadre duquel il pourra éventuellement être question du décompte des salariés en insertion dans les effectifs. Pour l'heure, cette disposition semble donc prématurée. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 46.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement de précision juridique AS1425 de la rapporteure.
Puis elle est saisie de l'amendement AS244 de M. Stéphane Viry.
Le texte prévoit que les titulaires de contrats aidés soient désormais pris en compte dans le calcul des effectifs dans le champ des institutions représentatives du personnel, afin de mettre notre législation en conformité avec la jurisprudence communautaire. Toutefois, cette disposition peut soulever des difficultés. En effet, la mission première des associations intermédiaires est d'accueillir, pendant un temps limité, des salariés en situation d'insertion qui sont mis à la disposition de tiers – particuliers, entreprises ou collectivités publiques –, afin qu'ils sortent le plus rapidement possible de ce dispositif. Or, donner à ses salariés le droit de participer à la désignation des institutions représentatives du personnel de l'association intermédiaire pourrait être compris comme une sécurité illusoire et leur laisser entendre que leur situation de salarié de l'association pourrait se pérenniser, ce qui est contraire à l'objectif d'une politique d'inclusion dynamique. Par cet amendement, je propose de ne pas dénaturer l'esprit des associations intermédiaires.
L'objet de l'article 46 étant de mettre en conformité notre législation avec le droit de l'Union européenne en matière de droit à la représentation du personnel, il ne me paraît pas opportun d'y introduire une nouvelle exception. Avis défavorable.
Ayant présidé une association intermédiaire pendant dix ans, je comprends la préoccupation de M. Viry. C'est un vrai problème : comment permettre à des salariés qui ne restent parfois dans la structure que trois ou quatre mois, voire moins, de participer à la désignation des représentants du personnel ? Nous nous y sommes essayés, en vain. De ce fait, bon nombre d'associations intermédiaires seront donc incapables d'appliquer cette disposition. Le fait de les placer dans l'illégalité serait inconfortable pour les salariés permanents de ces associations et pour leurs conseils d'administration. Je comprends que le droit européen doive s'appliquer, mais il va falloir trouver une solution à ce problème délicat.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AS1426 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 46 modifié.
Après l'article 46
La commission est saisie de l'amendement AS1133 de Mme Carole Grandjean.
Cet amendement vise à compléter la déclaration de performance extra-financière des entreprises par les mesures prises en faveur de l'emploi et de l'insertion des personnes handicapées, afin qu'elle rende compte des efforts consentis par les entreprises en faveur d'une société plus inclusive.
Votre amendement concerne les obligations de reporting extra-financier des grandes entreprises, dans le cadre de leurs obligations de Responsabilité sociale et environnementale (RSE). L'ajout de la mention : des « mesures prises en faveur des personnes handicapées » compléterait la mention : « des informations relatives aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités » pour garantir une prise en compte spécifique des personnes en situation de handicap. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS570 de M. Erwan Balanant.
Cet amendement est le corollaire d'autres amendements que j'avais déposés à l'article 10 mais que je n'ai pas soutenus hier soir, croyant qu'ils tomberaient. Je les redéposerai donc en séance publique.
Il s'agit de modifier la définition législative du secteur de l'insertion par l'activité économique dans le code du travail pour faire apparaître officiellement la mission de formation et traduire dans la loi le triptyque accompagnement social-activité économique-insertion. En effet, l'action des structures d'insertion par l'activité économique doit s'adapter à la réalité d'un monde changeant. Il s'agit donc de faire de la formation un élément du parcours de toutes les personnes qu'elles accompagnent.
Actuellement, on sent un frémissement économique dans de nombreux territoires, mais des personnes déjà très éloignées de l'emploi vont regarder le train de la croissance partir sans elles, au risque de s'en éloigner davantage encore : on ne rattrape jamais un train qui est parti. Cette situation est assez paradoxale. Sachant que les personnes sans diplôme ont trois fois plus de risques de se retrouver au chômage que celles qui possèdent un bac + 2, l'objet de cet amendement est de permettre aux personnes en insertion de monter en compétence en prenant en compte le temps long, car elles ont souvent besoin de plus de temps que les autres pour retrouver une employabilité.
Dans la rédaction proposée par votre amendement, l'ajout de la mention : « et d'une formation professionnelle » a pour conséquence de restreindre le champ des personnes susceptibles de bénéficier d'un accompagnement personnalisé pour l'accès à l'emploi. J'émets donc un avis défavorable, mais il pourrait être intéressant de retravailler la rédaction de cet amendement en vue de la séance publique.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite les amendements identiques AS568 de M. Erwan Balanant et AS1134 de Mme Carole Grandjean.
L'amendement AS1134 sera retravaillé en vue de l'examen du texte en séance publique ; je le retire.
Ces amendements sont retirés.
Chapitre II Moderniser la gouvernance et les informations relatives à l'emploi
Article 47 : Suppression du Conseil national de l'insertion par l'activité économique
La commission est saisie de l'amendement AS784 de M. Adrien Quatennens.
Le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE) est placé auprès du Premier ministre et se compose de neuf élus, de représentants du Gouvernement, d'un représentant de Pôle Emploi, de représentants des organisations syndicales et de personnalités qualifiées. Il se réunit au moins deux fois par an sur convocation de son président et peut proposer au Gouvernement des études et initiatives visant à l'insertion professionnelle. Il travaille en lien avec le réseau associatif, les structures d'insertion, et le Gouvernement peut le consulter sur les questions relatives aux politiques de l'emploi.
Supprimer le CNIAE, comme le prévoit l'article 47, reviendrait donc à se passer d'un interlocuteur légitime sur ce sujet essentiel. Certes, le Gouvernement promet la création prochaine d'un Conseil national de l'inclusion dans l'emploi (CNIDE), mais nous n'en connaissons pas la date. Dès lors, nous pouvons nous interroger sur les intentions réelles du Gouvernement. Pourquoi ne pas prolonger l'existence du conseil actuel jusqu'à la création du CNIDE ? Pourquoi tant d'empressement ? Y a-t-il, une fois de plus, urgence à détruire l'existant ? Nous ne le croyons pas.
Par ailleurs, le nouveau conseil serait créé par décret : le Gouvernement en fixerait donc les modalités d'organisation sans que le Parlement puisse se prononcer. Or, nous refusons de lui donner un tel blanc-seing : le fameux « pari de la confiance », mes chers collègues, ne peut se faire qu'avec des gens qui ont prouvé qu'on pouvait la leur accorder.
Vous vous opposez à la suppression du CNIAE car vous craignez qu'il ne soit pas remplacé. Pourtant, l'intention du Gouvernement est bien de lui substituer un Comité d'inclusion dans l'emploi. Le texte transmis au Conseil d'État prévoyait la création de ce comité, mais le Conseil a estimé que celle-ci ne relevait pas du domaine de la loi. En revanche, il est nécessaire de recourir à la loi pour supprimer le CNIAE. Je vous suggère donc, à la faveur de ces précisions, de retirer votre amendement. Si vous le maintenez, j'émettrai un avis défavorable.
Je ne retirerai pas mon amendement, car il est motivé, non pas par la crainte que le CNIAE ne soit pas remplacé, mais par le fait que nous n'avons aucune garantie ni aucune information sur les délais dans lesquels il est envisagé de créer le futur comité. Si vous avez des éléments à me transmettre à ce sujet, je suis preneur.
L'idée de substituer au CNIAE un comité qui couvrirait l'ensemble du champ de l'inclusion m'a été inspirée par le rapport que Jean-Marc Borello m'a remis le 16 janvier dernier, après avoir consulté plusieurs centaines d'acteurs de l'insertion professionnelle intervenant non seulement dans le cadre de l'insertion par l'activité économique (IAE), mais aussi dans tous les autres domaines de l'insertion. En effet, ces différents acteurs estiment que le fait que CNIAE soit limité à l'insertion par l'activité économique empêche certains débats et la participation de toute une série de partenaires. Par exemple, un dialogue extrêmement riche est en cours entre les entreprises adaptées et le secteur de l'insertion par l'activité économique, car une partie des personnes handicapées qui travaillent dans les entreprises adaptées sont susceptibles, avec l'aide de l'insertion par l'activité économique, d'occuper un emploi classique. Or ce type de débats ne peut avoir lieu au sein du Conseil, car son champ de compétence est trop restreint.
Cependant, le Conseil d'État a jugé que la création du nouveau comité relevait du domaine réglementaire. Or, nous ne pouvons pas prendre le décret si nous n'avons pas supprimé le conseil actuel : c'est le problème de la poule et de l'oeuf… Je m'engage donc – et vous avez pu remarquer que je tenais mes engagements – à publier ce décret dès la promulgation de la loi.
Je suis membre du CNIAE, et je crois nécessaire, comme vous l'avez dit, madame la ministre, de mener des actions d'inclusion sous toutes ses formes et de lui donner un second souffle. Ce conseil fonctionne très bien et son potentiel de création de situations de travail est avéré, mais je confesse que j'étais également d'avis d'en changer le format ; je forme le voeu que vous donniez à cette nouvelle entité des moyens d'action dont le CNIAE ne disposait pas, de sorte qu'il apparaissait, en dépit de son utilité, comme une caisse de résonance un peu vide. Sa capacité administrative notamment était trop maigre. Je souscris à votre projet de faire du neuf en la matière.
La commission rejette l'amendement.
La commission examine l'amendement AS1135 de Mme Carole Grandjean.
Le rapport de M. Jean-Marc Borello, remis à Mme la ministre le 16 janvier et intitulé « Donnons-nous les moyens de l'inclusion », fondé sur le constat que l'inclusion est un gage de la cohésion sociale et doit être une priorité de notre société, préconise dix-neuf mesures, dont principale consiste à créer un fonds d'inclusion dans l'emploi. Il est également proposé de remplacer les emplois aidés par des parcours emploi-compétences. Toutefois, ces deux mesures supposent d'adapter la gouvernance à ces nouveaux dispositifs. C'est pourquoi la quinzième recommandation vise à transformer le conseil national de l'insertion par l'activité économique en conseil national de l'inclusion dans l'emploi, afin d'en renforcer l'action tout en élargissant le champ de ses missions. Le Gouvernement a suivi cette recommandation en proposant à l'article 47 la suppression du CNIAE.
La création d'une nouvelle instance qui reprendrait ses prérogatives n'étant pas encore actée, notre amendement vise à fixer la date de suppression du conseil national de l'insertion par l'activité économique au jour de création de la nouvelle entité, afin d'assurer la continuité du pilotage de l'insertion par l'activité économique et d'éviter tout vide dans l'intervalle.
Au regard des explications claires de Mme la ministre et des engagements qu'elle vient de prendre, je vous propose le retrait de l'amendement ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 47 sans modification.
Article 48 : Suppression de la participation des missions locales aux maisons de l'emploi
La commission examine les amendements identiques AS688 de M. Francis Vercamer et AS915 de M. Pierre Dharréville.
L'article 48 du présent projet de loi prévoit que les missions locales ne participent plus aux maisons de l'emploi. Dans la continuité des coupes budgétaires décidées dans la loi de finances pour 2018, il concrétise la volonté du Gouvernement de supprimer à terme les maisons de l'emploi, qui sont pourtant des structures essentielles à l'animation territoriale des politiques de l'emploi et de la formation.
Rappelons que les maisons de l'emploi ont été créées en 2005 par Jean-Louis Borloo – décidément, les temps sont durs pour lui – dans le cadre de la politique de la ville. Par cette mesure, l'État envoie selon nous un signal négatif aux acteurs de l'emploi qui, sur les territoires et dans les quartiers, contribuent à accompagner les publics en difficulté. C'est pourquoi nous demandons, par l'amendement AS915, la suppression de cet article.
La participation des missions locales aux maisons de l'emploi ne se justifie plus dans la mesure où elles ne jouent plus aucun rôle dans le service public de l'emploi depuis la création de Pôle Emploi. Leur raison d'être est l'accompagnement des jeunes dans et vers l'emploi. Le maintien dans la loi de la mention de leur participation à des structures qui n'ont plus aucune attribution en la matière n'a pas de sens. Je suis donc défavorable à la suppression de l'article 48, qui clarifie les choses.
La commission rejette les amendements.
Elle adopte l'article 48 sans modification.
Article 49 : Dispositions relatives à l'organisation de Pôle Emploi
La commission examine l'amendement AS689 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement procède de notre volonté de laisser la main aux territoires pour définir et mettre en oeuvre certaines des politiques d'accompagnement vers l'emploi. C'est cette logique qui avait inspiré la création des maisons de l'emploi sous l'égide de Jean-Louis Borloo : elles avaient pour but de coordonner les acteurs locaux de l'emploi afin de susciter des synergies locales en lien avec les besoins identifiés de main-d'oeuvre des entreprises implantées dans les bassins d'emploi. Elles visaient également à intégrer les maires dans la définition des politiques locales de retour à l'emploi, parce que c'est le maire qui est aux premières loges en matière de lutte contre le chômage – comme dans d'autres domaines. C'est souvent lui que les personnes sans emploi sollicitent en premier ou dernier ressort pour trouver un emploi. C'est aussi l'interlocuteur des entreprises qui s'implantent. C'est le maire qui est le mieux placé pour discerner les évolutions du tissu économique sur le territoire communal, et qui peut distinguer, à partir de ses échanges avec les chefs d'entreprise, les besoins futurs de recrutement.
Avec cet amendement, ce ne sont pas les maires qui sont visés mais les régions. La disparition des maisons de l'emploi participe de cette volonté du Gouvernement de recentraliser les politiques de l'emploi. Au contraire, nous proposons de les décentraliser significativement en régionalisant Pôle Emploi, c'est-à-dire en donnant aux régions le contrôle de son conseil d'administration. En clair, cet amendement vise à redonner du poids aux élus locaux dans l'accompagnement vers l'emploi. Il prend en quelque sorte acte de votre volonté de faire disparaître les maisons de l'emploi et propose, en contrepartie, de donner aux élus régionaux et locaux plus de pouvoirs de décision au sein de Pôle Emploi.
Le conseil d'administration de Pôle Emploi comprend actuellement cinq représentants de l'État et un représentant des régions. Vous proposez ni plus ni moins d'inverser cette proportion… C'est si excessif que nous allons considérer qu'il s'agit d'un amendement d'appel, que je vous invite à retirer ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission adopte l'article 49 sans modification.
Chapitre III Mesures relatives au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal
Avant l'article 50
La commission est saisie de l'amendement AS690 de M. Adrien Quatennens.
Cet amendement porte sur le travail détaché, qui constitue un véritable outil de dumping social à l'intérieur même des frontières européennes. Il permet en effet à un employeur d'embaucher un ressortissant d'un autre État membre, de le rémunérer et de payer les cotisations sociales en fonction des règles en vigueur dans son pays d'origine. En appliquant cette directive sur le travail détaché, le Gouvernement accepte et légitime une concurrence déloyale importée directement sur le territoire national.
Un employeur peut légalement décider d'employer un travailleur détaché dont la rémunération sera plus faible qu'un travailleur non détaché. En 2017, on comptabilisait 516 000 travailleurs détachés sur le territoire français. Ce chiffre a augmenté de 46 % en un an. Les négociations entamées par Emmanuel Macron n'y changeront rien pour la raison que les discussions, qu'il a présentées comme un succès, sont en réalité un échec. En effet, la durée maximale d'un contrat de travail détaché a certes été ramenée à douze mois, mais la durée moyenne de ces contrats en France n'est que de quarante-deux jours. Surtout, la rémunération du travailleur évolue toujours en fonction des minima salariaux, des taux de cotisations sociales et patronales et de leur assiette de calcul dans le pays d'origine. Autrement dit, le Gouvernement accepte que des entreprises françaises décident d'appliquer en France le droit social bulgare, roumain ou lituanien, alors que les cotisations sociales de ces pays sont parmi les plus faibles, de même que leur indice de développement humain, tandis que le taux de pauvreté y est le plus élevé d'Europe.
Pire encore : avec l'article 50 du présent projet de loi, le Gouvernement prévoit même de faciliter le recours au travail détaché. Cette décision profondément dogmatique va directement à l'encontre de ce dont nous avons besoin en matière d'emploi. Compétitivité et flexibilité ne peuvent se faire contre l'intérêt général. Vous délivrez un blanc-seing aux entreprises en leur disant en somme de produire tout ce qu'elles veulent, d'embaucher selon les critères qu'elles décideront et de se livrer une concurrence mortifère au motif qu'il en restera bien quelque chose.
Nous nous opposons fermement à cet article comme à la directive européenne elle-même. La France aurait eu une parole forte et indépendante en décidant unilatéralement de ne plus appliquer ce texte mortifère pour notre économie et pour les salariés. C'est la raison pour laquelle nous proposons, par l'amendement AS690, d'abroger le titre VI du livre II de la première partie du code du travail.
Outre l'insécurité juridique que créerait l'abrogation de l'ensemble des dispositions relatives au travail détaché, votre proposition va clairement à l'encontre de la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne. Le cadre juridique du travail détaché offre des garanties et des droits aux salariés détachés tout en permettant le contrôle des détachements et des sanctions en cas de manquements ou de fraude. Avis défavorable.
Dans mon étonnement, j'hésite : ou bien votre information n'est pas à jour, monsieur le député, ou bien vous entendez supprimer des droits qui protègent de nombreux travailleurs contre le dumping social. Permettez-moi donc de faire le point.
Lorsque le travail détaché pose problème – mais nous pourrons bientôt en parler au passé –, c'est parce qu'il crée une concurrence déloyale entre les entreprises mais aussi parce que le flou qui l'entoure peut donner lieu à des pratiques de dumping social. Comme les autres États membres, la France devait ratifier les modifications de la directive de 1996 en juin dernier mais notre Gouvernement, tout juste nommé, ne l'a pas accepté. Sans relâche, nous avons discuté pendant des mois avec nos homologues des 27 autres États jusqu'à parvenir, lors du conseil européen des ministres du travail du 23 octobre 2017, à une négociation dans le cadre fixé par le Président de la République, qui a abouti à une directive meilleure. J'ai une très bonne nouvelle pour la commission : hier, le Parlement européen a définitivement adopté ces mesures – à 70 % des votants – qui affirment le principe suivant : à travail égal salaire égal sur le même lieu de travail, étant entendu qu'il est aussi tenu compte des éléments accessoires comme l'hébergement ou la restauration.
Ainsi, la directive qu'il vous sera bientôt proposé de transposer illustre l'évolution du droit en la matière et est protectrice, puisqu'elle mettra fin au dumping social. Elle comprend d'autres mesures relatives à la limitation des contrats de travail détaché dans le temps et au renforcement des contrôles, entre autres, mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
L'article 50 qui vous sera proposé dans un instant ne vise évidemment pas encore à transposer la directive en question, mais il comprend des mesures d'accompagnement marginales qui permettent notamment de renforcer le régime de sanctions. Aujourd'hui, en effet, si une entreprise ne paye pas l'amende qui lui a été imposée suite à une infraction aux règles du travail détaché, le chantier ne peut pas être suspendu ; c'est dommageable. Nous proposons qu'en l'absence de mise en conformité immédiate avec le droit du travail et la directive, le chantier puisse être suspendu sur-le-champ. En clair, c'est un texte protecteur qui renforce les sanctions et s'inscrit dans le cadre d'une victoire française et européenne sur cette nouvelle directive adoptée hier, qui sera bientôt soumise à la ratification du Parlement. J'espère vous avoir convaincu de voter cet amendement… je veux dire de retirer cet amendement et de voter l'article 50 !
Je précise donc : j'espère que vous retirerez l'amendement et que vous voterez l'article !
Notre point de désaccord porte sur le principe « à travail égal salaire égal ». Vous aurez compris en m'entendant défendre l'amendement que selon moi, ce principe n'existe pas puisque vous savez comme moi que la directive prévoit que les cotisations sociales restent payées dans le pays d'origine. Dans ces conditions, « à travail égal salaire égal » n'est qu'une comptine sans effet concret.
La victoire dont vous nous parlez est une fausse victoire, en réalité. Dans le débat national, le Gouvernement a notamment défendu l'argument selon lequel la baisse des cotisations vaut augmentation des salaires, mais les cotisations font partie intégrante du salaire ; dès lors qu'elles sont payées dans le pays d'origine, il n'y a pas de salaire égal pour un travail égal. Le dumping social va pouvoir allègrement continuer. De même, on pourrait se réjouir de la limitation à douze mois des contrats de travail détaché mais la durée moyenne de ces contrats ne dépasse pas quarante-deux jours, bien loin de la limitation que vous avez obtenue ! C'est une victoire en trompe-l'oeil, un pétard mouillé tout au plus.
La commission rejette l'amendement.
Article 50 : Allègement des obligations applicables au détachement frontalier ou de courte durée
La commission examine l'amendement AS687 de M. Adrien Quatennens.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS1427, AS1428 et AS1429 de la rapporteure.
Elle adopte l'article 50 modifié.
Article 51 : Allègement des obligations applicables au détachement pour compte propre
La commission adopte l'article 51 sans modification.
Article 52 : Suppression de la contribution forfaitaire détachement
La commission est saisie de l'amendement AS683 de M. Adrien Quatennens.
L'article 52 supprime l'article L. 1262-4-6 du code du travail qui impose aux employeurs établis hors de France qui détachent un salarié sur le territoire national de contribuer aux différents coûts du système dématérialisé de déclaration et de contrôle. La suppression de cet article aurait deux conséquences fâcheuses.
Tout d'abord, elle encouragerait le recours au travail détaché, pratique pourtant condamnable. Derrière les éléments de langage relatifs à la liberté, à la mobilité ou encore à la simplification se cache une réalité bien différente : certains employeurs jouent avec les écarts entre les normes sociales pour réduire le coût du travail et nivellent ainsi les droits sociaux vers le bas. Rappelons que le différentiel oscille entre dix et vingt points de cotisations sociales en moins selon les pays.
D'autre part, cette suppression mettrait fin à une contrainte financière négligeable pour les entreprises mais nécessaire au financement des contrôles et de l'administration. Sans ce financement, la lutte contre les irrégularités serait mise à mal. Là encore, derrière le discours affiché, la réalité est toute autre : nous observons déjà que le droit de timbre de 40 euros dû par les entreprises établies à l'étranger qui souhaitent détacher des travailleurs en France a été abrogé et n'est donc pas appliqué pour 2018. Nous sommes fermement opposés à ce recul toujours plus important et demandons la suppression de cet article.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 52 sans modification.
Après l'article 52
La commission examine l'amendement AS1153 de Mme Carole Grandjean.
Par cet amendement, nous souhaitons apporter une clarification au code du travail en introduisant la notion de lieu de travail habituel des salariés sur le territoire d'un autre État que la France – souvent transfrontalier. Le lieu de travail habituel correspond au territoire de l'État dont le travailleur est censé être détaché à titre temporaire. Nous regrettons le développement de schémas de fraude et le détachement abusif en France de ressortissants français qui n'exercent pas habituellement dans le pays d'implantation de l'entreprise qui les détache. Nous observons également ce phénomène dans le secteur intérimaire, ce qui constitue un détournement de notre système et qui contrevient à la démarche engagée par la directive européenne sur le travail détaché de 1996, révisée avant-hier par un vote très majoritaire du Parlement européen. Par cet amendement, nous préciserons donc notre législation nationale afin d'éviter les abus consistant à détacher en France des Français n'exerçant pas habituellement leurs activités dans le pays d'implantation de leur employeur.
Avis favorable : cet amendement vise à garantir que les salariés étrangers détachés en France exercent bien leur activité habituelle hors du territoire national afin d'éviter tout détournement de la logique du détachement.
La commission adopte l'amendement.
Article 53 : Rehaussement du plafond des amendes administratives relatives aux prestations de service internationales et allongement de la période de prise en compte de la réitération
La commission examine l'amendement AS679 de M. Adrien Quatennens.
On dénombre quelque 3,4 millions d'entreprises en France, dont 94 % comptent moins de dix salariés, 5 % entre dix et cinq cents salariés et 1 % seulement plus de cinq cents salariés. Le tissu économique français est donc composé à 99 % de TPE et de PME qui, pourtant, sont souvent oubliées par le Gouvernement qui préfère se concentrer sur le 1 % de grandes entreprises. Non content de faire bénéficier 1 % des Français qui sont les plus riches de sa politique fiscale, celui-ci met en place une politique de l'emploi favorable avant tout au 1 % des plus grosses entreprises. Ainsi, Emmanuel Macron est définitivement le Président du 1 % contre les 99 autres pour cent.
Cet article n'y déroge pas, puisque les sanctions pesant sur les entreprises fraudeuses en matière de travail détaché ne tiennent compte ni de leur taille ni de leur chiffre d'affaires. Pourtant, il est évident que les entreprises n'entretiennent pas la même crainte des sanctions selon leur chiffre d'affaires, comme nous l'avons dit lors du débat sur le bonus-malus. C'est pourquoi cet amendement vise à moduler les sanctions en fonction du chiffre d'affaires afin que les grandes entreprises ne bénéficient pas d'un avantage comparatif par rapport aux petites en cas de fraude. La proportionnalité des peines est d'ailleurs un principe fondamental de notre droit, et nous entendons en assurer le respect par cet amendement aux vertus économiques et judiciaires. Nous espérons que la majorité l'adoptera.
Je vais vous décevoir, cher collègue, en émettant un avis défavorable à cette modification des modalités de sanctions en cas de manquements aux obligations en matière de détachement, et ce pour deux raisons : non seulement elle entraînerait une plus grande complexité car il est plus difficile de déterminer le chiffre d'affaires d'entreprises étrangères, mais, de ce fait, les amendes administratives seraient plus difficiles à recouvrer.
La commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement AS677 de M. Adrien Quatennens.
Les sanctions administratives en matière de fraude au travail détaché sont largement insuffisantes. Le recours à des salariés locaux constitue un marché très lucratif pour certaines entreprises. En 2016, l'infraction commise par une entreprise marseillaise a entraîné à elle seule un manque à gagner de 70 millions d'euros pour l'État. La mise en place de montages toujours plus complexes s'appuyant sur des sociétés écrans met les enquêteurs en grande difficulté.
Par conséquent, ce sont les petites entreprises qui se font prendre, et qui sont assujetties à des amendes dissuasives de 2 000 euros. Les grosses entreprises, elles, ont les moyens de faire appel à un conseil juridique et de passer à travers les mailles du filet, mais aussi de payer des amendes de ce montant, qui est dérisoire. Rehausser le montant de l'amende en le portant à 3 000 euros ne fera que creuser cette inégalité entre les entreprises pour lesquelles ces montants sont ridiculement peu élevés et celles qui se sentent frappées de plein fouet. Pour que la sanction soit uniformément dissuasive, nous proposons de calculer le montant de la sanction en fonction du chiffre d'affaires des entreprises. En outre, cette mesure encouragera les enquêteurs à se tourner vers les plus grosses entreprises qui ont les moyens d'établir des montages complexes. Pour une peine proportionnée et respectueuse des différences entre les tailles des entreprises, nous demandons la modification du calcul des sanctions en cas de récidive.
La commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'article 53 sans modification.
Article 54 : Suspension des prestations de service internationales en cas de non-paiement des amendes administratives
La commission adopte l'amendement rédactionnel AS1432 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 54 modifié.
Article 55 : Suppression du caractère suspensif du recours formé contre les titres de perception d'amendes administratives
La commission adopte l'article 55 sans modification.
Article 56 : Extension du champ de la sanction administrative de fermeture temporaire d'établissement
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1433 et AS1434 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 56 modifié.
Article 57 : Création d'un nouveau cas d'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'activité
La commission adopte l'article 57 sans modification.
Article 58 : Création d'une amende administrative pour absence de déclaration d'un chantier forestier ou sylvicole
La commission adopte l'article 58 sans modification.
Article 59 : Diffusion des condamnations pour travail illégal en bande organisée
La commission adopte les amendements rédactionnels AS1435 et AS1436 de la rapporteure.
Elle adopte l'article 59 modifié.
Article 60 : Renforcement des pouvoirs d'enquête de l'inspection du travail en matière de travail illégal
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS1437, AS1438, AS1439, AS1440 et AS1441 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 60 modifié.
Chapitre IV Égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et lutte contre les violences sexuelles et sexistes au travail
Avant l'article 61
La commission est saisie de l'amendement AS1505 de la rapporteure.
Cet amendement rédactionnel vise à distinguer clairement les violences sexuelles des agissements sexistes. Ces deux réalités ne doivent pas être confondues : elles relèvent chacune d'une logique inacceptable mais distincte.
La commission adopte l'amendement.
Article 61 : Mesure des écarts de rémunération et actions en faveur de l'égalité professionnelle
La commission examine l'amendement AS1503 de la rapporteure.
L'enjeu de cet article n'est pas uniquement de sanctionner des écarts éventuels de rémunération, qui seraient théoriques, mais bien de supprimer ces écarts qui sont aujourd'hui réels. Cet amendement propose d'adapter l'intitulé du chapitre en conséquence
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS1242 du Gouvernement, qui fait l'objet des sous-amendements AS1507 et AS1508 de la rapporteure et AS1514 de M. Cherpion.
Après avoir mené une concertation bilatérale avec les partenaires sociaux, nous avons procédé à une concertation multilatérale, qui a duré plusieurs mois, sur la base de leurs propositions qui ont fortement nourri le dialogue. Et les amendements que propose ici le Gouvernement découlent de ce que nous avons retenu de leurs contributions.
Il s'agit de rendre effectif le principe « à travail égal, salaire égal » entre les femmes et les hommes grâce à de nouvelles obligations de mesure des écarts, de transparence et de rattrapage salarial et une sanction en cas d'absence de résultat.
Depuis quarante-cinq ans que la loi impose l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous ne sommes toujours pas parvenus à une égalité réelle par le fait qu'elle ne prévoit qu'une obligation de moyens. Mais nous maintenons qu'il n'y a pas de fatalité : il nous faut passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat.
Avec l'obligation de moyens, l'entreprise est tenue de passer un accord avec les partenaires sociaux ou bien de mettre un oeuvre un plan d'action, mais elle est laissée libre pour ce qui est de leur nature ou de leur qualité. C'est ce qui explique qu'une majorité d'entreprises ne soit pas parvenue à une égalité effective. Nous sommes donc dans un cas de figure très exceptionnel, celui d'une loi massivement inappliquée quarante-cinq ans après sa promulgation malgré de nombreuses actions de promotion de l'égalité salariale.
Il faut adopter une approche radicalement différente. Tout ne dépend pas de la loi – la mobilisation de l'État, des corps de contrôle, de l'inspection du travail, des partenaires sociaux revêt une grande importance – mais l'aspect législatif est fondamental.
Pour instaurer une obligation de résultat, le présent projet de loi prévoit trois leviers.
Premièrement, elle impose une méthodologie commune pour mesurer les écarts salariaux, ce qui rendra les indicateurs opposables.
Deuxièmement, elle institue une obligation de transparence : les entreprises devront publier les données relatives aux écarts.
Troisièmement, elle contraint les entreprises à prévoir une enveloppe pour effectuer un rattrapage qui devra s'opérer dans un délai de trois ans. Si à l'issue de cette période, aucun résultat n'est atteint, l'entreprise pourra être sanctionnée. Pourquoi trois ans ? Parce que l'expérience montre que les entreprises qui ont réussi à atteindre leurs objectifs en matière d'égalité salariale ont eu besoin de deux à trois ans. Si l'écart est trop important, il est considéré comme impossible à rattraper en un an et, l'année suivante, on refait le même constat, et rien n'avance ; c'est ainsi que cela dure depuis très longtemps. La progressivité du provisionnement de l'enveloppe de rattrapage favorisera la résorption de l'écart.
Tout cela s'accompagnera d'un engagement des partenaires sociaux à se mobiliser sur cet enjeu.
Cette obligation de résultat est un élément majeur. Elle constitue le socle de notre action en matière d'égalité salariale.
Nous sommes favorables à cet amendement sous réserve de l'adoption d'un sous-amendement.
Le sous-amendement AS1507 prévoit que le décret définissant l'indicateur devra être pris en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Il est indispensable que cet indicateur fasse l'objet de garanties claires en termes de confidentialité. La notion d'anonymisation, qui figurait dans le projet de loi initial, n'apparaît plus dans la nouvelle rédaction. Or la protection de la vie privée et des données personnelles doit être garantie, comme le Conseil d'État l'a lui-même rappelé dans son avis.
Le sous-amendement AS1508 est un sous-amendement de repli. Il maintient a minima un examen par le Conseil d'État. Les six mois qui sépareront la promulgation de la loi de l'entrée en vigueur du dispositif paraissent en effet largement suffisants pour procéder à un tel examen.
Le Conseil d'État n'a pas jugé la saisine de la CNIL nécessaire car les indicateurs ne reposent pas sur des données nominatives mais sur un traitement purement statistique opéré à partir du logiciel de paye ou de la déclaration sociale nominative (DSN). Je suggère le retrait de ce sous-amendement.
Pour le sous-amendement de repli AS1508, je m'en remets à la sagesse de la commission.
L'inégalité salariale dont sont victimes les femmes doit disparaître. À cet égard, madame la ministre, je me félicite de l'instauration d'une obligation de résultat.
Pour mémoire, je rappellerai qu'un gouvernement de droite avait inscrit dans la loi portant réforme des retraites de 2010 une sanction de 1 % de la masse salariale en cas d'absence d'accord ou de plan d'action relatif à l'égalité professionnelle. Nous pouvons regretter qu'il n'y ait pas eu une prise de conscience assez large pour améliorer la situation, même si certaines entreprises se sont montrées vertueuses. Et je ne voudrais pas que celles qui ont adopté de bonnes pratiques, qui auraient pu servir d'exemple à d'autres, soient contraintes d'appliquer les indicateurs imposés par la loi alors qu'elles disposent déjà d'éléments leur permettant d'aller dans la direction que vous souhaitez. L'objet du sous-amendement AS1514 est donc de prévoir un principe de subsidiarité pour ne pas entraver les entreprises qui n'ont pas eu besoin de cette contrainte pour atteindre les résultats recherchés.
Avis défavorable. Le principe « à travail égal, salaire égal » n'est toujours pas respecté bien qu'il soit inscrit dans le code du travail depuis quarante-cinq ans. Il est temps de passer aux actes. L'indicateur de mesure sera commun à l'ensemble des entreprises, ce qui garantira sa pertinence et permettra les comparaisons.
Même avis, mais je ferai deux remarques qui devraient vous rassurer, monsieur Viry.
Tout d'abord, le groupe de travail s'appuie notamment sur les bonnes pratiques mises en oeuvre dans les entreprises qui ont atteint l'objectif d'égalité salariale. Celles-ci ont élaboré des indicateurs qui ont été une source d'inspiration.
Ensuite, nous sommes en train de rechercher des méthodologies reposant sur des traitements automatiques qui ne nécessiteront pas d'opérations supplémentaires de saisie, qu'elles utilisent la DSN ou les données de paye. Le but est de ne pas créer de charges supplémentaires.
Pour avoir un suivi au plan national et pour élaborer des comparaisons par branche, par secteur et par zone géographique, il est nécessaire de disposer d'un outil commun. Les entreprises que vous visez dans votre sous-amendement ne protestent absolument pas, elles font plutôt figure de modèles.
S'il est adopté, l'amendement du Gouvernement, sous-amendé ou non, fera tomber une partie des amendements de la délégation aux droits des femmes. Vos propos nous ayant rassurés, madame la ministre, j'annonce que nous les retirons.
La commission rejette successivement les sous-amendements AS1507, AS1508 et AS1514.
Puis elle adopte l'amendement AS1242.
En conséquence, les amendements AS672 de M. Adrien Quatennens, AS341 de M. Gérard Cherpion, AS588 de M. Pierre Cabaré, AS716 de Mme Michèle Peyron, AS955 de Mme Fiona Lazaar et AS589 de M. Pierre Cabaré tombent , les amendements AS591 et AS590 ayant été retirés.
La commission en vient à l'amendement AS1229 du Gouvernement.
Cet amendement, issu de la concertation avec les partenaires sociaux, a pour objectif de préciser le contenu du bilan que les branches devront faire chaque année sur leurs actions en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce document fera chaque année l'objet d'une synthèse élaborée par la direction générale du travail.
Il s'agira de se concentrer sur les classifications. On observe que, d'une manière générale, dans les branches où la majeure partie des métiers sont exercés par des femmes, les classifications sont moins précises pour des raisons que l'on ne s'explique pas. Or sans classification, il est difficile de mesurer l'égalité réelle et l'incidence des promotions. Il est donc primordial que la qualité des bilans soit la même dans toutes les branches.
Cet amendement clarifie le contenu des informations qui devront être rassemblées par les branches dans leur bilan annuel, en matière d'égalité professionnelle. La mixité des emplois et des diplômes et les outils de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes y trouveront toute leur place.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement AS1245 du Gouvernement.
Cet amendement prévoit de donner aux commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) un rôle d'information, de prévention, de débat et d'avis en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes auprès des employeurs et des salariés des entreprises de moins de onze salariés.
En dessous de dix employés, il n'y a pas matière à mesure statistique puisqu'il faut au moins dix emplois similaires pour établir une comparaison valable. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'actions à mener dans les entreprises de moins de onze salariés en matière de prévention des actes de harcèlement sexuel et des agissements sexistes car ceux-ci ne connaissent pas de frontières : ils sont susceptibles de toucher toutes les entreprises, quels que soient leur taille, la zone géographique où elles sont implantées, le secteur auquel elles appartiennent, leur statut, public et privé.
Il est important que les CPRI, qui sont paritaires, puissent jouer ce rôle afin que la cause des femmes soit entendue aussi dans les entreprises de moins de onze salariés.
La prévention du harcèlement sexuel et des violences sexistes doit concerner l'ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS1247 du Gouvernement.
Cet amendement a pour objet de préciser les éléments à prendre en compte lors des délibérations des conseils d'administration et des conseils de surveillance en matière d'égalité salariale. Ils devront notamment se pencher sur les indicateurs de mixité au sein des comités exécutifs et du top management. En plus du management et du dialogue social avec les organisations syndicales, il faut s'appuyer sur la gouvernance : tout le monde doit être sur le pont si nous voulons atteindre l'objectif d'égalité salariale. Et le fait que, d'ores et déjà, il y ait 40 % de femmes dans les conseils d'administration, ne peut pas nuire – je parle d'expérience.
Si un rapport établit que l'égalité n'est pas atteinte, il passera peut-être inaperçu la première année, mais moins la deuxième et encore moins la troisième. Cela permet d'exercer une influence et d'avoir un regard avisé sur les perspectives de carrière qui ne sont pas égales pour les hommes et les femmes, pour l'instant.
La référence aux 10 % de postes à plus forte responsabilité est particulièrement utile, au regard du plafond de verre persistant et des obstacles existant dans l'accès aux postes de direction. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS1504 de la rapporteure.
Cet amendement vise à fournir au comité social et économique (CSE) des informations sur la méthodologie employée pour mesurer les écarts de rémunération et sur les données obtenues : la sincérité du mode de mesure et l'exhaustivité des résultats sont deux conditions de réussite de ce nouvel outil.
La commission adopte l'amendement.
La cause de l'égalité salariale hommes-femmes est d'importance et je voudrais saluer à mon tour le volontarisme du Gouvernement.
Les chiffres ont de quoi plomber les bonnes volontés : même si la loi impose l'égalité salariale depuis plus de quarante ans, il y a encore un écart salarial de 25 % entre les hommes et les femmes, tous postes confondus, et de 9 % à poste équivalent. Il faut redoubler d'efforts.
Pour passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, vous proposez d'instaurer un indicateur clair pour mesurer les écarts salariaux, dont la définition est renvoyée au pouvoir réglementaire. Il nous semble important que le Parlement soit informé de l'effectivité de cette obligation. C'est la raison pour laquelle nous proposons dans cet amendement que le Gouvernement lui remette un rapport, au plus tard le 1er janvier 2022, afin d'apprécier la réelle portée du dispositif.
Cette demande de rapport à l'échéance de 2022 me paraît indispensable pour mesurer et évaluer l'outil créé à cet article. Nous nous situerons alors au terme des trois ans prévus pour les entreprises appliquant l'outil dès 2019. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 61 modifié.
Article 62 : Information sur les voies de recours en matière de harcèlement sexuel sur le lieu de travail
La commission est saisie de l'amendement AS1506 de la rapporteure.
Cet amendement étend l'obligation d'information relative aux voies de recours et aux services compétents au-delà du seul harcèlement sexuel, afin de couvrir les cas tout aussi injustifiables de harcèlement moral sur le lieu de travail.
Le harcèlement sexuel et le harcèlement moral sont deux notions bien distinctes. Cette extension m'inspire des réserves.
Les concertations ont souligné l'importance de clairement focaliser le dispositif sur la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. À chaque fois que l'on élargit le champ des mesures, on s'éloigne de la cible visée. Personnellement, je ne serai donc pas favorable à l'extension que propose Mme la rapporteure, qui risque d'affaiblir la portée pratique et symbolique des mesures que nous proposons.
Je précise, en outre, que nous avons, avec ma collègue Agnès Buzyn, lancé une mission sur la santé au travail. Nous reviendrons vers vous avant la fin de l'année avec des propositions nouvelles, qui prendront bien évidemment en compte le harcèlement moral.
L'employeur est légalement tenu d'encadrer cette obligation, dont il n'est pas opportun d'étendre le périmètre au risque de se perdre et d'en compromettre le respect. Le harcèlement sexuel est une grande cause pour laquelle il faut combattre, mais il faut rester dans un cadre très précis, sous peine de se perdre.
J'ai bien entendu vos arguments, madame la ministre, ainsi que votre rappel portant sur l'objet de la concertation qui portait plus particulièrement sur les cas de harcèlement sexuel. Il me semble toutefois que l'un ne doit pas écarter l'autre, or il s'agit bien ici d'une obligation d'information ; et puisque nous la proposons pour le harcèlement sexuel – même si la mission sur la santé au travail formulera prochainement des propositions –, pourquoi ne pas l'inscrire dès à présent pour le harcèlement moral ? Si les deux formes de harcèlement sont distinctes, elles sont tout aussi intolérables ; je maintiens mon amendement.
La différence qui distingue le harcèlement moral du harcèlement sexuel est parfois assez ténue ; ajouter la notion de harcèlement moral ne me semble donc pas totalement impertinent.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AS1239 du Gouvernement.
L'amendement AS1239, dont l'amendement suivant, AS1232, est le miroir, prévoit la désignation d'un référent chargé de la lutte contre le harcèlement sexuel et sexiste dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés ; cette mesure résulte directement de la concertation.
Bon nombre de femmes ne savent pas à qui s'adresser. La démarche est difficile en termes de dignité, car les victimes ressentent souvent un sentiment de culpabilité – un comble, mais le phénomène est bien connu – et ignorent comment elles seront reçues. Le référent pourra faire partie de l'équipe chargée des ressources humaines (RH) ou de la responsabilité sociale et environnementale ; nous verrons plus loin que ces personnes seront formées au traitement de ce type de situations.
Le seuil de 250 salariés correspond, en gros, à la taille à partir de laquelle les entreprises ont un service de ressources humaines, et sont donc susceptibles de mettre en place un véritable référent pour ce sujet.
La désignation de référents dans les entreprises d'au moins 250 salariés permettra effectivement aux personnes qui le souhaitent de s'orienter directement vers un interlocuteur compétent et disponible. Cela n'exclut pas la possibilité pour la victime de s'orienter vers d'autres interlocuteurs, mais au moins aura-t-elle un point d'entrée clairement identifié. Mon avis est donc favorable.
Alors que je partage pleinement votre point de vue, madame la ministre, je suis embarrassé par le seuil de 250 salariés que vous avez retenu. Après l'article 62, je défendrai un amendement semblable au vôtre ; j'entends bien que les entreprises d'une certaine taille disposent de services RH, mais n'oublions pas qu'en France, la moitié des salariés travaillent dans des entreprises de 10 à 50 salariés. Autrement dit, la moitié des salariés susceptibles de faire l'objet de ce type de harcèlement seraient laissés de côté. Ne serait-il pas possible d'abaisser le seuil et de former des gens pour ce faire ? Ce qui au regard du nombre de chômeurs dans notre pays pourrait en intéresser certains, et permettrait à plus de salariés de profiter de la belle avancée que propose votre amendement ?
En tout état de cause, vous me placez là devant un dilemme…
Je peux vous aider à le résoudre en vous indiquant que mon amendement suivant prévoit la présence d'un référent au sein du comité social et économique (CSE) désigné parmi ses membres, ce qui atténue la contrainte de la taille de l'entreprise.
Par ailleurs, les accords de branche, dont nous débattrons plus loin, devront prévoir les modalités d'information, d'outils méthodologiques afin que chacun ait accès à un interlocuteur. Cette disposition n'est donc pas isolée, elle fait partie d'un ensemble de dispositions, l'idée étant de disposer d'un réseau d'interlocuteurs le plus large possible. Il est aussi prévu de former les personnels de la médecine du travail. L'idée est de faire en sorte que, quelle que soit l'entrée, il y ait toujours quelqu'un pour écouter et accompagner la personne ou le témoin d'une situation de harcèlement.
La commission adopte l'amendement.
Elle étudie ensuite l'amendement AS1232 du Gouvernement.
C'est l'amendement miroir dont je parlais à l'instant, qui vise à instituer un référent attaché aux questions de harcèlement sexuel désigné parmi les membres du comité social et économique de l'entreprise.
Cet interlocuteur sera également formé et identifié ; il permettra aux intéressés de disposer aussi d'un référent du côté des représentants des personnels, car un salarié préférera peut-être s'adresser plutôt à un responsable du service des ressources humaines, ou plutôt à une organisation syndicale ou un élu du personnel : dès lors que la personne est formée et la victime écoutée, ce sera toujours la bonne entrée.
La commission adopte cet amendement.
Puis elle adopte l'article 62 modifié.
Après l'article 62
La commission examine l'amendement AS654 de M. Adrien Quatennens.
Cet amendement vise à lutter contre la discrimination à l'embauche, qui est une réalité en France ; nous souhaitons augmenter la fréquence de formation aux discriminations à l'embauche, afin de déconstruire les préjugés et les méconnaissances autour de cette question, et l'étendre à l'ensemble des entreprises.
L'intention de votre amendement est louable, mais elle se traduit par une obligation qui peut rapidement devenir excessivement lourde et formelle. Je vous suggère de le retirer votre amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.
Je suis désolée, je ne peux pas entendre que mon amendement portant sur la discrimination à l'embauche puisse être lourd et formel ; ce n'est pas possible ! Je le maintiens.
La commission rejette l'amendement.
Ensuite, elle étudie l'amendement AS657 de M. Adrien Quatennens.
Nous accueillons favorablement les mesures que vous proposez pour lutter contre les violences sexistes au travail ; mais elles nous paraissent trop faibles. Si ce projet de loi ne se muscle pas en la matière, il pourrait être vécu comme un renoncement par de nombreux observateurs. Vos mesures ne sont qu'incitatives alors qu'il faut des mesures coercitives. Nous parlons tout de même de pincements de fesses, d'organisation de rendez-vous dans une chambre d'hôtel, de remarques déplacées sur l'anatomie et de demandes de rapports sexuels.
Les cas de harcèlement sexuel sont nombreux, et dans 90 % des cas, c'est la victime – souvent une femme – qui quitte son emploi à la suite d'un licenciement ou d'une démission, bien que le code pénal punisse de tels actes de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. De leur côté, les harceleurs continuent en toute impunité à détruire mentalement et physiquement d'autres personnes.
En cas de refus de la victime de réintégrer son environnement habituel de travail, nous demandons que l'employeur applique la mise à pied avec effet immédiat du fautif ; et si l'employeur déroge à cette disposition, il pourra être tenu coupable de non-assistance à personne en danger.
Sur ce terrain la jurisprudence nous devance puisque, dans un arrêt du 6 janvier 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation demandait déjà la mise à pied d'une personne coupable de harcèlement sur son lieu de travail. Pour rendre systématique ce type de décisions, il convient d'inscrire dans la loi que ce n'est pas à la personne harcelée de partir, mais au harceleur d'être renvoyé.
Je vous concède qu'il est parfois difficile d'identifier clairement une situation devant déclencher une mise à pied conservatoire. Néanmoins, l'employeur est déjà tenu de respecter l'obligation qui lui revient de garantir la sécurité et la santé physique et morale des travailleurs. Avis défavorable.
La question des sanctions en cas de harcèlement est importante. Vous l'avez évoqué : le droit et la jurisprudence prévoient d'ores et déjà une série de mesures, dont la mise à pied conservatoire.
En revanche, on constate que dans beaucoup d'entreprises, tant du côté des employeurs que des organisations syndicales, on ne connaît pas nécessairement ces sanctions. De ce fait, l'action pénale étant plus tardive, les intéressés redoutent qu'un harceleur qui serait mis à pied se tourne vers les prud'hommes et gagne, car il n'y aurait pas eu de jugement. Cette crainte est très répandue dans les entreprises. Et, vous avez raison, le constat est terrible, mais réel : dans un nombre non négligeable de cas, c'est la personne harcelée que l'on déplace pour la protéger… Mais, en définitive, c'est pour elle la double peine.
Voilà pourquoi, au cours de la concertation, nous sommes convenus avec les partenaires sociaux de rédiger ensemble un guide sur la prévention et le traitement des situations de harcèlement à l'usage de l'ensemble des intéressés – les victimes, l'employeur, les témoins, les organisations syndicales, les membres du service des ressources humaines – qui auront ainsi réponse à toutes les questions que l'on se pose en pareille circonstance : que dois-je faire, quelle est l'échelle des sanctions, etc. ?
La mise à pied conservatoire existant déjà, la question n'est pas tant le renforcement des sanctions que l'information sur le droit existant. Au demeurant, nous partageons votre intention, c'est pourquoi nous publierons ce guide ; je vous invite donc à retirer votre amendement.
J'entends vos arguments, madame la ministre. Dans ces conditions, un amendement proposant que ce soit le harceleur qui change de poste plutôt que la personne harcelée pourrait-il être adopté ? Cela éviterait aux victimes de subir la double peine…
Je prendrais garde à ne pas en faire une disposition normée. Il est difficile de parler à la place des victimes et de savoir ce qu'elles préfèrent en pareille situation ; bien évidemment, le guide expliquera clairement que le départ de la victime n'est pas le but recherché, mais il ne faudrait pas en venir à interdire la mobilité d'une femme victime de harcèlement qui tiendrait à être déplacée : le cas peut se produire où il n'y a pas un harceleur, mais plutôt un contexte très lourd de culture sexiste dans un service ou une équipe, d'où l'intéressée préférerait partir. Il faut lui laisser cette liberté.
L'amendement est retiré.
La commission examine les amendements identiques AS858 de Mme Ericka Bareigts et AS956 de M. Pierre Dharréville.
Quelque 80 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Ce moindre nombre d'heures travaillées explique pour plus d'un tiers l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes.
Les salariés travaillant à temps partiel sont soumis à une précarité plus grande, justifiant une majoration de la prime. L'amendement AS858 vise donc à augmenter la prime de précarité pour les contrats à durée déterminée à temps partiel, en la fixant à 20 % de la rémunération totale brute de la personne salariée, contre 10 % pour les contrats à durée déterminée à temps plein.
L'amendement AS956, issu de la proposition de loi d'Huguette Bello et Marie-George Buffet sur l'égalité professionnelle, vise à augmenter la prime de précarité pour les contrats à durée déterminée à temps partiel, en la fixant à 20 % de la rémunération totale brute de la personne, contre 10 % pour les contrats à durée déterminée à temps plein. Au-delà du problème des salariés précaires, il s'agit surtout d'agir concrètement pour l'égalité professionnelle. En effet, les salariés travaillant à temps partiel, qui sont à 80 % des femmes, sont soumis à une précarité plus grande, ce qui justifie une majoration de la prime de fin de contrat.
Vous soulevez l'enjeu clé de la double précarité subie par les salariés travaillant à la fois à temps partiel et en CDD. Nous savons que cette réalité concerne essentiellement les femmes et les enferme dans une spirale de précarité professionnelle et sociale.
Cette rédaction est d'autant plus pragmatique qu'elle maintient la confiance dans la négociation collective. La prime de précarité ne sera pas augmentée ; et pourra même être abaissée à 6 %, si des contreparties sont offertes à ces salariés, notamment par un accès renforcé à la formation professionnelle, avec des mesures comme un bilan de compétence.
La majoration de 20 % ne s'appliquera donc qu'à défaut, lorsque ni un accord de branche ni un accord d'entreprise ne se seront emparés de cette question.
Pour toutes ces raisons, mon avis est favorable.
Nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut éviter la trappe à bas salaires, sans qualification, qui ne permet pas de sortir du temps partiel. Je crains toutefois qu'en renchérissant le coût du travail à temps partiel, les femmes soient finalement pénalisées dans la mesure où les employeurs pourraient être tentés de moins recourir à cette forme d'emploi. L'enfer est parfois pavé de bonnes intentions…
Je rappelle par ailleurs que, dans le titre premier du projet de loi, vous avez acté que, pour le compte personnel de formation les salariés employés à mi-temps et au-dessus bénéficieront des mêmes droits que les salariés à temps plein. Cela constitue un vrai droit de protection positive, car aujourd'hui 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes, et un tiers des femmes travaillent à temps partiel ; or elles avaient jusqu'à présent beaucoup moins accès à la formation.
L'égal accès à la formation, sans comporter de risque en termes d'emploi, garantira davantage de chances de promotion et de sortie des bas salaires et des faibles niveaux de qualification. Alors que le renchérissement du coût du travail pour une catégorie donnée a souvent pour effet d'y provoquer une petite perte d'emploi. D'où ma prudence.
Nous partageons cette réserve, même si la lutte contre le travail précaire, singulièrement à temps partiel pour les femmes, est un vrai combat, que nous sommes résolus à mener. Mais nous ne sommes pas convaincus que la mesure proposée réponde à cette problématique. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.
La commission rejette les amendements.
Ensuite, elle est saisie de l'amendement AS1241 du Gouvernement.
Cet amendement est lui aussi issu de la concertation. Il prévoit une négociation obligatoire au niveau de la branche en matière de prévention du harcèlement sexuel. Une mesure concrète ne peut pas être adoptée à ce niveau, mais des outils et des méthodologies peuvent être mis à disposition des entreprises afin de prévenir et d'agir contre le harcèlement sexuel et les comportements sexistes. Cela devrait nous faire gagner des années ; c'est en tout cas le sens de ce qui est proposé.
L'appropriation de l'enjeu de la lutte contre le harcèlement par les branches professionnelles est indispensable et permettra ensuite d'appuyer les entreprises dans leur propre politique de prévention. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement AS663 de M. Adrien Quatennens.
La loi permet parfois aux mentalités et aux comportements de changer. C'est pourquoi, le 4 novembre dernier, des personnalités ont lancé au Président de la République l'appel suivant : « Rendez obligatoire la formation des salariés et des managers à la prévention du harcèlement sexuel au travail. Instaurez une négociation obligatoire en entreprise sur ce sujet. Protégez l'emploi des femmes victimes. »
S'il est vrai que ce sont massivement les femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail, nous entendons la demande exprimée dans cette pétition et nous tenons à l'étendre à toutes les victimes de harcèlement ou de violences sexuelles.
Selon le Défenseur des droits, 39 % des personnes homosexuelles déclarent souffrir de commentaires et d'attitudes négatives au travail. Une femme sur cinq a, hélas ! déjà été victime de harcèlement sur son lieu de travail. C'est pourquoi nous demandons que les personnes victimes ou dénonçant des actes de violence ou de harcèlement sexuel dans l'entreprise ou le groupe soient protégées contre le licenciement prévu au chapitre Ier du titre premier du livre IV de la deuxième partie du code du travail.
Dans l'espoir que cet appel sera entendu, ce qui est déjà le cas en partie, je vous invite à adopter cet amendement.
Je ne considère pas que le statut de salarié protégé, construit pour les représentants du personnel et impliquant l'intervention de l'inspection du travail, a vocation à être étendu à toute personne qui subirait ou constaterait des actes de harcèlement. Cela pourrait être assimilé à un dévoiement de ce régime. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.
Mon avis est le même que celui de Mme la rapporteure.
Afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté dans ce débat, je rappelle que, depuis un moment, nous parlons beaucoup de harcèlements sexuels ou de comportements sexistes contre les femmes, car nous savons qu'elles sont concernées dans la majorité des cas. Mais la rédaction du projet de loi parle bien de « personnes », qui peuvent donc être des femmes comme des hommes, hétérosexuels comme homosexuels ; autrement dit, tous les cas de figure que vous évoquez sont évidemment couverts.
J'ai reconnu qu'une grande partie de mes demandes avaient déjà été satisfaites. Mais vous comprenez bien que nous vivons dans une société dans laquelle des personnes peuvent avoir peur de dénoncer certaines situations, par crainte de perdre leur emploi, et qu'il est dommage en 2018 de ne pouvoir les protéger.
La commission rejette l'amendement.
La commission se saisit alors de l'amendement AS659 de M. Adrien Quatennens.
Compte tenu de l'amendement que vient de présenter Mme la ministre, je ne peux faire autrement que de considérer que mon amendement AS659, qui visait à mettre en place un délégué du personnel référent au sexisme, est pratiquement satisfait. Je n'avais cependant pas prévu que la désignation de ce délégué ne se ferait que dans les entreprises de plus de 250 salariés, c'est pourquoi je maintiens mon amendement. Nous y reviendrons en séance.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS510 de M. Stéphane Viry.
L'amendement AS510 vise à renforcer la négociation sur l'égalité professionnelle en son volet relatif à la lutte contre les discriminations, notamment en matière de formation. Il s'agit ainsi de favoriser l'accès de certains publics aux actions de formation, à la validation des acquis de l'expérience (VAE), au bénéfice d'une progression salariale ou d'un abondement spécifique du compte personnel de formation (CPF) par l'employeur, en vue d'équilibrer les parcours entre les femmes et les hommes.
La mesure proposée fait écho au débat que nous avons eu à l'article 6 du projet de loi en matière d'accès à la formation professionnelle. Il me paraît intéressant de lier l'enjeu de l'égalité professionnelle à cet entretien et de soutenir l'accès aux mesures qui y sont associées, c'est pourquoi j'émets un avis favorable à cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
Chapitre V
Mesures relatives au parcours professionnel dans la fonction publique
Article 63 : Prise en compte de l'activité professionnelle exercée par le fonctionnaire en disponibilité
La commission est saisie des amendements identiques AS648 de M. Adrien Quatennens et AS931 de M. Pierre Dharréville.
Ce que l'on nomme communément le « pantouflage » est une pratique consistant pour un agent de l'État à aller travailler pour une entreprise privée. Très fréquente chez les hauts fonctionnaires, qui monnayent de cette manière leur connaissance des institutions et des réseaux de prise de décision, elle pose des soucis éthiques et déontologiques évidents et donne très souvent lieu à des conflits d'intérêts.
Pour le haut fonctionnaire sorti de l'ÉNA, travailler pour une entreprise privée présente l'avantage de pouvoir espérer une rémunération bien supérieure. En effet, contrairement à ce que laissent entendre celles et ceux qui veulent briser l'administration publique, les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés, nantis d'un statut trop confortable, mais des agents au service de l'intérêt général, qui défendent un service public.
La grille salariale du secteur public a un avantage : elle limite les inégalités entre les agents, tandis que les grilles salariales du secteur privé favorisent souvent les grands cadres et les postes de direction. Pour des agents qualifiés, les perspectives de carrière sont bien meilleures dans le privé ; quand vient le moment où ils sont plus motivés par leur rémunération que par l'intérêt général, ils répondent donc à l'appel des grandes entreprises. Le pantouflage est d'abord et avant tout très profitable à ces entreprises, qui recrutent ainsi des agents qui maîtrisent parfaitement les rouages et les failles potentielles de nos institutions.
Cette pratique présente de graves dangers. D'abord, l'agent peut être tenté de s'attirer les bonnes grâces d'une entreprise par une prise de décision favorable, dans l'espoir d'une récompense sous la forme d'une embauche. Ensuite, grâce au débauchage, les intérêts privés disposent de ressources dont ils ne pourraient bénéficier autrement. Enfin, avec le rétro-pantouflage, c'est-à-dire le retour du haut fonctionnaire dans son administration d'origine, l'entreprise peut profiter d'un interlocuteur privilégié. Avec l'article 63, sous couvert de favoriser la mobilité des fonctionnaires, le Gouvernement facilite en fait cette pratique qui confond les intérêts publics et privés, alors que les fonctionnaires disposent déjà de droits leur permettant de se mettre en retrait de leurs fonctions. Nous demandons donc, par l'amendement AS648, la suppression de l'article 63.
L'article 63 du projet de loi vise à encourager les allers-retours des fonctionnaires de la fonction publique d'État avec le secteur privé, en aménageant les règles relatives à la mise en disponibilité. Loin de garantir le principe de neutralité inhérent au statut de la fonction publique, cet article promeut la mobilité professionnelle, au risque de créer des situations de pantouflage et de conflits d'intérêts, situations que l'on ne rencontre déjà que trop souvent dans la haute administration. C'est pourquoi nous proposons, avec l'amendement AS931, de supprimer l'article 63.
Précisons que le texte dont nous débattons ce soir est bien consacré à la liberté de choisir son avenir professionnel… Or les articles 63 à 65 entrent parfaitement dans ce cadre dès lors qu'il s'agit, d'une part, de favoriser des allers-retours entre secteur public et secteur privé pour diversifier les expériences, les parcours et les carrières – l'accès aux postes de direction pourra tenir compte des expériences d'encadrement lors de cette disponibilité – et, d'autre part, de permettre à bien des agents, notamment des femmes, de ne pas subir une double peine lorsque l'on est conduit à aménager sa carrière dans la fonction publique pour suivre un conjoint ou élever un enfant. Le maintien du droit à l'avancement permettra de réduire le décrochage de rémunération. Par conséquent, j'émets un avis défavorable à ces amendements de suppression.
La commission rejette les amendements identiques AS648 et AS931.
Elle examine l'amendement AS1224 du Gouvernement.
L'amendement AS1224 est le premier d'une série de trois amendements similaires visant à préciser que, pour être prises en compte en vue de l'accès aux grades à accès fonctionnel, les activités professionnelles exercées en disponibilité doivent être comparables aux emplois ou aux fonctions qui, au sein de l'administration, permettent l'accès à ce grade. L'amendement AS1224 pose ce principe pour la fonction publique d'État et les amendements AS1225 et AS1227 le déclinent respectivement pour la fonction publique territoriale et pour la fonction publique hospitalière.
Rappelons que lorsqu'un haut fonctionnaire en disponibilité souhaite travailler au sein d'une association ou d'une entreprise – en tout état de cause un autre employeur qui n'est pas de nature publique –, une commission de déontologie vérifie qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts. Cette pratique étant strictement encadrée, je ne voudrais pas qu'on fasse un procès d'intention aux fonctionnaires.
L'amendement AS1224 a pour objet d'affirmer qu'en vertu du principe de liberté de choisir son avenir professionnel, les fonctionnaires doivent pouvoir valoriser les années leur ayant permis d'acquérir de nouvelles compétences, sous réserve d'avoir exercé dans le privé des activités comparables. L'appréciation du caractère comparable des activités se fera en commission administrative paritaire, ce qui permettra d'avoir une vue d'ensemble _ ce ne sera pas du gré à gré – et de porter une appréciation selon des lignes directrices communes.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 63 modifié.
Article 64
La commission est saisie de l'amendement AS942 de M. Pierre Dharréville.
L'article 64 du projet de loi vise à encourager les allers-retours des fonctionnaires de la fonction publique territoriale avec le secteur privé, en aménageant les règles relatives à la mise en disponibilité. Nous demandons donc sa suppression, pour les mêmes raisons que celles qui nous ont amenés à demander la suppression de l'article 63.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS1225 du Gouvernement.
L'amendement AS1225, qui constitue la déclinaison de l'amendement AS1224 pour la fonction publique territoriale, est défendu.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 64 modifié.
Article 65
La commission est saisie des amendements identiques AS637 de M. Adrien Quatennens et AS945 de M. Pierre Dharréville.
Une fois de plus, nous avons affaire à un article qui rend plus poreuse la frontière entre fonction publique et secteur privé, et favorise en l'occurrence le pantouflage entre la fonction publique hospitalière et le secteur privé.
Mes chers collègues, je ne sais si vous êtes familiarités avec les trois obligations qui s'imposent aux fonctionnaires : celle de se consacrer entièrement à leur fonction, celle d'observer la plus grande discrétion ainsi que le secret professionnel, enfin celle de respecter le devoir de probité. Avec le pantouflage, comment peut-on espérer garantir ces obligations ? Imaginons, par exemple, un responsable des achats de médicaments et des dispositifs médicaux dans un hôpital, qui deviendrait visiteur médical hospitalier au service d'un grand laboratoire pharmaceutique – autrement dit chargé de promouvoir les produits de l'industrie pharmaceutique auprès des établissements hospitaliers… On pourrait citer bien d'autres cas, car les médecins et les fonctionnaires hospitaliers en général sont des cibles de choix pour les industriels désireux de s'attirer les bonnes grâces de ceux qui régulent leur marché et prescrivent leurs médicaments.
La connivence entre le secteur pharmaceutique et le milieu médical doit être combattue. Or, avec l'article 65, vous entretenez la défiance des citoyens envers les institutions de santé. La France est un des premiers producteurs au monde de produits pharmaceutiques ; les grandes firmes du secteur ont une influence considérable sur la régularisation du médicament et des politiques de santé en France, comme nous l'avons vu avec le Dépakine. L'industrie pharmaceutique n'attend qu'une chose : que cet article soit voté ! Nous vous faisons confiance, chers collègues, pour ne pas satisfaire les desiderata du Gouvernement en la matière : supprimer la disposition contenue dans cet article est un impératif pour la santé publique, et c'est ce que nous vous proposons avec l'amendement AS637.
La commission rejette les amendements identiques AS637 et AS945.
Elle examine l'amendement AS1227 du Gouvernement.
L'amendement AS1227, qui est la déclinaison de l'amendement AS1224 pour la fonction publique hospitalière, est défendu.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 65 modifié.
Après l'article 65
La commission est saisie de l'amendement AS639 de M. Adrien Quatennens.
L'état actuel du droit offre suffisamment de possibilités aux fonctionnaires pour se mettre en retrait de leur mission de service public afin de mettre leurs connaissances et leurs compétences au service d'autres secteurs, par exemple le secteur associatif. C'est toutefois le secteur privé qui en bénéficie le plus, notamment chez les hauts fonctionnaires, avec tous les risques de conflits d'intérêts que nous avons évoqués à l'instant. Les hauts fonctionnaires sont ainsi débauchés par de grandes entreprises afin de profiter de leur connaissance des rouages institutionnels.
Le projet de loi vise pourtant à faciliter cette pratique en offrant de plus grandes garanties en matière de rétro-pantouflage, une pratique à laquelle nous avons déjà eu l'occasion de montrer notre opposition, souhaitant pour notre part garantir l'intégrité du service public. Avec l'amendement AS639, nous voulons aller plus loin en interdisant à tout ancien fonctionnaire ou agent public d'effectuer des actions de lobbying pour des intérêts privés auprès d'une institution publique dans laquelle il a déjà travaillé, afin d'éviter toute situation de conflit d'intérêts.
Je ne crois pas que la mesure proposée ait sa place dans le présent projet de loi. J'ajoute que notre assemblée a déjà eu l'occasion de se prononcer à ce sujet il y a moins d'un an. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS584 de M. Pierre Cabaré.
Issu de la recommandation n° 21 de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, l'amendement AS584 vise à renforcer le dispositif déontologique applicable aux fonctionnaires réintégrant le secteur public après avoir exercé des fonctions dans le secteur privé.
Les agents qui quittent le secteur privé pour le public sont soumis à un avis préalable de la commission de déontologie, destiné notamment à vérifier qu'il n'existe aucun conflit d'intérêts entre leurs fonctions passées et leurs fonctions à venir. Ce mécanisme n'existe pas pour les retours, alors même qu'ils peuvent donner lieu à conflits d'intérêts. Il est donc proposé que les nominations à des postes à hautes responsabilités d'agents publics ayant été en disponibilité durant les trois années précédentes ne puissent se faire que sous réserve d'un avis favorable de la commission de déontologie.
Je sais que des obligations de déclaration existent déjà pour ces postes, mais il me semble, comme l'a montré le rapport de M. Matras et de M. Marleix, qu'il faut encore renforcer les mécanismes déontologiques et de prévention des conflits d'intérêts.
Même argument que précédemment : cette mesure n'a pas sa place dans le texte dont nous débattons aujourd'hui. En outre, la question à laquelle elle a trait a déjà donné lieu à un rapport. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS645 de M. Adrien Quatennens.
Chaque année, un millier de hauts fonctionnaires d'État quittent le secteur public pour travailler dans le secteur privé, cédant aux sirènes des intérêts privés, bien souvent au détriment de l'intérêt général. Une certaine opacité entourant les conditions dans lesquelles ces « passerelles » sont régulièrement empruntées, une commission de déontologie a été mise en place pour éviter les conflits d'intérêts, mais son activité reste très marginale, et elle ne rend en moyenne que 2 % d'avis défavorables au pantouflage. Elle a ainsi validé sans sourciller l'embauche de Pierre Mariani, directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy à Bercy par BNP Paribas et Dexia, celle de Julien Pouget, conseiller économique de François Hollande par Total, ou encore celle d'Emmanuel Macron, inspecteur des finances et membre de la commission Attali par Rothschild… On pourrait multiplier à l'envie les cas de ce genre, sur lesquels il est permis de s'interroger.
Si 50 % des avis favorables sont soumis à conditions, celles-ci ne sont que très rarement respectées. François Pérol, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy a ainsi conduit la fusion de la Banque Populaire et la Caisse d'épargne en 2009, avant de prendre les rênes de la BPCE par la suite ! Le pantouflage est favorisé au sein même des instances gouvernementales : à Bercy, la mission de suivi personnalisé des parcours professionnels (MS3P) recense ainsi les offres d'emploi venues du privé – souvent d'entreprises du secteur financier – et les destine aux cadres du ministère. Le sociologue François Denord dénonce le fait que 75 % des inspecteurs des finances vont pantoufler au cours de leur carrière.
Si une obligation de service pendant une durée minimum de dix ans pèse sur les diplômés de l'ENA, nombre de grosses entreprises privées sont prêtes à racheter le reste du contrat obligatoire afin de bénéficier des compétences de ces personnes, mais surtout de leur connaissance des institutions. C'est pourquoi nous proposons d'insérer un article additionnel après l'article 65, visant à interdire à tout ancien fonctionnaire ou agent public d'exercer pendant dix ans une activité de conseil directement ou indirectement liée aux missions de service public attachées à ses anciennes fonctions – et je préviens votre objection, madame la rapporteure : cette mesure se rattache très clairement au sujet du texte dont nous débattons.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement AS636 de M. Adrien Quatennens.
L'amendement AS636 vise à renforcer l'obligation des diplômés de l'École nationale d'administration de respecter leur engagement décennal de service. L'ÉNA, qui prépare les futurs administrateurs de la fonction publique d'État, les rémunère durant toute leur période de formation : il s'agit d'un investissement sur l'avenir, mais les bénéficiaires sont tenus de rendre à la collectivité ce qu'elle leur a donné, en s'engageant à une obligation de service durant une période minimale de dix ans.
Cependant, cette obligation n'est pas toujours respectée. Nous voulons mettre fin à la possibilité de rompre cet engagement décennal pour tous les hauts fonctionnaires.
Une fois de plus, cet amendement est sans lien avec le projet de loi. J'y suis donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS585 de M. Pierre Cabaré.
Les articles 63 à 65 visent à mieux prendre en compte les périodes de disponibilité dans la carrière des fonctionnaires. La délégation aux droits des femmes observe qu'en réservant ce bénéfice aux seules personnes exerçant une activité professionnelle, on écarte de fait la majorité des femmes qui prennent une disponibilité, par exemple pour s'occuper d'un enfant ou d'un proche gravement malade.
Comment prendre en compte ces activités à caractère non professionnel, mais méritant cependant toute notre attention ? La DDF estime qu'il convient d'aborder plus largement la question de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique.
Issu de la recommandation n° 22 de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, l'amendement AS585 entend mettre l'accent sur le temps partiel dans la fonction publique d'État. À l'heure actuelle, 82 % des postes à temps partiel sont en effet occupés par des femmes. Des discussions ont été ouvertes sur ce point avec les partenaires sociaux, et le rapport annuel sur l'égalité dans la fonction publique comporte déjà des données précises sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, y compris en matière de temps partiel, mais il semble que les conséquences de cette proportion de femmes travaillant à temps partiel dans la fonction publique sur leur déroulement de carrière ou l'accession à certains postes restent encore méconnues et mal documentées. L'amendement AS535 vise à combler cette lacune.
Le constat dont vous faites état est bien connu, mais je vous invite à attendre le résultat de la négociation évoquée. En l'état actuel des choses, j'émets un avis défavorable à cet amendement.
Le groupe La République en Marche est défavorable à cet amendement. On peut en effet considérer qu'il est satisfait, dans la mesure où un rapport annuel sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique sera publié chaque année par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).
La commission rejette l'amendement.
Chapitre VI Dispositions d'application
Article 66 : Habilitation à prendre par ordonnances les mesures de coordination et de correction des dispositions du présent projet de loi
La commission est saisie de l'amendement AS1086 de M. Boris Vallaud.
L'article 66 renvoie à une ordonnance ultérieure dont l'objet est, notamment, de corriger les erreurs matérielles contenues dans ce projet de loi ainsi que les erreurs de coordination. Au-delà du fait que ce gouvernement a trop pris l'habitude d'enjamber le Parlement en recourant aux ordonnances, voilà qu'on nous propose de voter un article constituant l'aveu que nous allons procéder, dans quelques minutes, au vote d'un texte mal ficelé, et montrant bien que le Gouvernement confond vitesse et précipitation.
Plutôt que de recourir aux ordonnances, il serait préférable que nous ayons le temps de procéder au « nettoyage » du texte et que nous adoptions un texte qui tienne la route sur le plan légistique : c'est pourquoi nous proposons la suppression des alinéas 2 et 3 de l'article 66.
Des ordonnances permettront de rectifier les erreurs matérielles de la loi qui, avant l'ouverture de nos débats, comptait 66 articles et modifiait huit codes – ce qui, de mon point de vue, est un procédé tout à la fois courant et de bonne méthode. Je précise que tous les rapporteurs de ce projet de loi veilleront à ce que ces modifications ne déstabilisent pas les équilibres du texte, et j'émets un avis défavorable à cet amendement.
Pourrions-nous au moins avoir l'engagement moral de Mme la ministre qu'il ne va pas être pris une « ordonnance balai » dont l'examen échapperait à l'Assemblée nationale ? Ce serait heureux…
La commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement AS365 de M. Adrien Quatennens.
Dans le prolongement de ce que vient de dire notre collègue Boris Vallaud, je rappelle que les ordonnances sur le code du travail devaient initialement être au nombre de cinq et qu'une sixième ordonnance, de mise en cohérence rédactionnelle, avait été prévue pour apporter des corrections uniquement de nature orthographique ou sémantique. Appelée « ordonnance balai » par le Gouvernement, cette ordonnance s'est cependant révélée être une véritable sixième ordonnance, aboutissant à un détricotage en règle du code du travail, obtenu en enjambant le Parlement.
Des dispositions importantes, à l'impact négatif lourd, avaient alors été introduites : ainsi la possibilité accordée au conseil d'entreprise de négocier et de conclure des accords sur tous les sujets sans exception, en se passant totalement des organisations syndicales ; la baisse des heures de délégation dans le nouveau comité économique et social (CSE) ; la modification enfin des modes de représentation des agents de la RATP et de l'établissement public de sécurité ferroviaire. Ce faisant, le Gouvernement a manifestement trahi la confiance des parlementaires. Il est responsable devant le Parlement, or le Parlement, c'est nous : les Français n'ont pas élu des députés afin qu'ils acceptent toutes les décisions d'un gouvernement que les citoyens soutiennent d'ailleurs de moins en moins !
Notre République est fondée sur un État de droit, sur le respect des institutions ; le Gouvernement doit en être le garant et s'y tenir. Une relation de confiance n'étant manifestement plus possible, nous demandons par l'amendement AS365 de compléter l'alinéa 2 de l'article 66 par les mots suivants : « sans ajouter de nouvelles dispositions ou infléchir de façon significative le sens politique de la présente loi ».
Je rappelle respectueusement à la représentation nationale que le Parlement a ratifié en début d'année toutes les ordonnances, y compris la sixième. Aujourd'hui, la loi est passée, et il ne sert à rien de vouloir rejouer le match : notre rôle se borne à appliquer le texte qui a été adopté.
Pour ce qui est de la disposition prévue dans ce nouveau projet de loi relatif à la liberté de choisir son avenir professionnel, je rappelle que la commission en a approuvé le principe : nous en avons en effet besoin afin que le texte soit adapté aux outre-mer, et c'est dans ce cadre qu'il est prévu de recourir à une ordonnance. Nous en avons longuement discuté avec les élus d'outre-mer.
Vous nous avez dit, la dernière fois, qu'une telle disposition était nécessaire pour corriger les fautes d'orthographe. Aujourd'hui vous invoquez les outre-mer, sans nous donner la garantie qu'il n'y aura pas de modification substantielle du texte. C'est pourquoi nous maintenons notre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 66 sans modification.
Après l'article 66
La commission examine l'amendement AS933 de Mme Fadila Khattabi.
Je vous propose un amendement intéressant, qui s'inscrit pleinement dans l'esprit du projet de loi puisqu'il vise à accompagner les publics les plus vulnérables vers une insertion durable grâce à la formation. Il s'agit de renforcer le dispositif du travail à temps partagé, issu de la loi du 2 août 2005 en faveur des PME, qui permet à un salarié de travailler pour plusieurs entreprises, avec un seul contrat de travail : chacune des entreprises concernées emploie un salarié mis à disposition par un groupement d'employeurs. Ce dispositif a un double intérêt : l'entreprise peut satisfaire ses besoins de compétences avec plus de simplicité et de flexibilité, car le recrutement et la gestion du contrat sont assurés par le groupement d'employeurs ; pour le salarié, cela représente une véritable sécurisation, notamment parce que son contrat est un CDI.
L'amendement AS933 a pour objet de renforcer ce dispositif sous l'angle de l'employabilité du salarié, en visant son embauche par une entreprise utilisatrice – ce sera une nouveauté. Ajoutons que le travail à temps partagé pourra aussi concerner les personnes peu qualifiées, et des actions de formation devront avoir lieu pendant les périodes dites d'intermissions afin d'accroître les compétences. Formation des salariés, flexibilité pour les entreprises, sécurisation des parcours et, à terme, après une longue période de mise à disposition, une possibilité d'embauche : tous ces objectifs sont cohérents avec la philosophie qui inspire le projet de loi. Je suis convaincue que le dispositif du travail à temps partagé doit être renforcé et qu'il a toute sa place dans ce texte.
L'objectif est louable, mais le modèle des entreprises de travail à temps partagé (ETTP) semble quelque peu hybride : à la différence de l'intérim, auquel on ne peut recourir que dans des cas limités, ce dispositif créerait un système d'intérim sans contraintes sur lequel il est permis de s'interroger. Par ailleurs, il me semble que la nature juridique du contrat est déjà assez claire : je ne comprends pas vraiment quelles précisions l'amendement entend apporter sur ce plan. Enfin, je rappelle que les ETTP ont jusqu'à présent connu un essor limité car l'équilibre économique est difficile à trouver dans le cadre de ces CDI dans la mesure où le risque économique pèse sur l'entreprise et non sur les clients. Je conçois que certaines structures parviennent à fonctionner de cette manière, mais on peut s'interroger sur la manière de viabiliser un tel modèle dans le cas de salariés très éloignés de l'emploi si l'on instaure des obligations fortes en matière de financement des formations. Par prudence, afin d'explorer plus en détail ces différents aspects, je vous propose de retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
J'entends vos propos, madame la rapporteure. Néanmoins, de très belles expérimentations ont prouvé la validité de ce dispositif. Je connais notamment dans la région lyonnaise une entreprise, comptant aujourd'hui 850 salariés, qui promet d'en embaucher jusqu'à 1 900 si cet amendement est adopté. Le public visé est différent de celui des CDI intérimaires : ce sont des personnes ayant un faible niveau de qualification. Le but est de faire en sorte qu'une entreprise utilisatrice ayant employé un salarié pendant deux, trois ou quatre ans puisse finalement l'embaucher.
Je comprends l'intention, qui est vraiment intéressante. J'ai néanmoins un certain nombre d'interrogations juridiques, que je ne passerai pas en revue à cette heure bien tardive. Je vous propose de retirer votre amendement afin de le retravailler rapidement en vue d'aboutir à une solution plus sécurisée – il y a encore des angles morts.
L'amendement AS933 est retiré.
La commission est ensuite saisie de l'amendement AS953 de M. Pierre Dharréville.
Je tends également la main, à la ministre. (Sourires.) Notre amendement AS953 vise à porter le congé de naissance de trois à cinq jours. Cette durée, cumulable avec celle du congé de paternité prévu à l'article L. 1225-35 du code du travail, qui est seulement de 11 jours calendaires, permettrait notamment aux pères de disposer de davantage de temps pour s'occuper de leurs enfants au moment de leur naissance.
Je partage évidemment votre démarche : les inégalités entre les femmes et les hommes sont en grande partie liées au fait que les premières s'investissent bien davantage dans la parentalité que les seconds. Je vous accorde qu'une telle situation est insatisfaisante pour les femmes, car elles en subissent les conséquences sur leur carrière professionnelle, et pour les hommes qui souhaiteraient pouvoir s'investir davantage dans l'éducation de leurs enfants. Le congé de naissance n'étant pas cumulable avec le congé de maternité, c'est en effet un outil permettant de viser directement les pères. La principale difficulté, dès lors que la rémunération du salarié est maintenue, tient au fait qu'il reviendra aux entreprises de payer le coût de l'augmentation de la durée légale. À vrai dire, j'ignore quels sont précisément les enjeux financiers sous-jacents, mais la ministre pourra peut-être nous donner des indications sur ce point. Je suis convaincue par l'utilité de dispositifs de ce type, mais je suis également sensible au poids qu'ils peuvent avoir sur les entreprises, que nous voulons soutenir. J'émets donc un avis défavorable, dans l'attente d'une solution qui permettrait de réconcilier ces deux logiques.
La ministre des solidarités et de la santé a commandé à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) un rapport sur le congé de paternité et son articulation avec le congé de naissance. Il faut se poser la question, mais la réponse que vous proposez me semble prématurée : le Gouvernement engagera des discussions une fois que le rapport aura été remis. Dans l'immédiat, je suggère le retrait de l'amendement, mais cela ne signifie pas que nous soyons fermés sur ce sujet.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement AS692 de M. Adrien Quatennens.
Pour bien terminer… Ce projet de loi devait apporter plus de sécurité, mais nous avons montré qu'il procède en réalité à de nombreuses régressions. Il trahit aussi plusieurs promesses faites par le Gouvernement. Au lieu d'ouvrir de nouveaux droits, vous avez décidé de renforcer les obligations incombant aux demandeurs d'emploi. Seuls 0,4 % d'entre eux fraudent l'assurance chômage selon Pôle emploi : 99,6 % respectent parfaitement les règles et obligations en la matière. Toujours selon Pôle emploi, la fraude à l'assurance chômage ne représente que 60 millions d'euros par an et le taux de recouvrement des indus atteint 90 %. Pourtant, le Gouvernement entend tripler dès cette année les effectifs dédiés au contrôle. Cette réorganisation aurait lieu à effectifs constants et donc au détriment des missions d'accompagnement des demandeurs d'emploi : les personnels de Pôle emploi seront davantage une police de l'indemnisation que de réels conseillers.
Des marges de manoeuvre beaucoup plus importantes existent toutefois. La fraude patronale aux cotisations sociales est ainsi comprise, chaque année, entre 20 et 25 milliards d'euros, avec un taux de recouvrement est très faible, puisqu'il est de 1,5 %. Un effort accru de contrôle et de sanction à l'égard des patrons délinquants qui fraudent délibérément – ce n'est pas le cas de tous, heureusement – permettrait de combler le trou de la sécurité sociale. La lutte contre la fraude sociale patronale serait même de nature à dégager une marge de 6 milliards d'euros par an. En février dernier, la Cour des comptes a pointé le laxisme des pouvoirs publics en la matière. C'est pourtant aux demandeurs d'emploi que le Gouvernement a décidé de s'attaquer en triplant les effectifs de contrôle, au détriment des autres missions. Par cet amendement, nous demandons au Gouvernement qu'il remette au Parlement un rapport précisant comment il entend lutter contre la fraude patronale.
Cet amendement ne me paraît pas opportun au regard de l'objet du projet de loi. Par ailleurs, je vous signale que le Gouvernement mène une politique déterminée de lutte contre la fraude fiscale et sociale, au moyen d'un arsenal qui a été particulièrement renforcé. Ce sujet étant bien documenté par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude et par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), un rapport au Parlement me paraît superflu. J'émets donc un avis défavorable.
La détermination totale du Gouvernement à lutter contre l'évasion fiscale saute aux yeux de tous…
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié. (Applaudissements.
La séance est levée à deux heures cinq.
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Présences en réunion
Réunion du jeudi 31 mai 2018 à 21 h 15
Présents. – Mme Delphine Bagarry, Mme Ericka Bareigts, Mme Justine Benin, Mme Gisèle Biémouret, Mme Brigitte Bourguignon, M. Gérard Cherpion, M. Paul Christophe, M. Dominique Da Silva, M. Pierre Dharréville, Mme Nathalie Elimas, Mme Catherine Fabre, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, Mme Albane Gaillot, Mme Patricia Gallerneau, Mme Carole Grandjean, Mme Florence Granjus, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, M. Mustapha Laabid, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Valérie Petit, Mme Michèle Peyron, M. Laurent Pietraszewski, Mme Claire Pitollat, M. Adrien Quatennens, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Mireille Robert, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Nicole Sanquer, M. Aurélien Taché, M. Adrien Taquet, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Stéphane Viry, Mme Martine Wonner
Excusés. – Mme Jeanine Dubié, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistaient également à la réunion. – M. Joël Aviragnet, M. Erwan Balanant, Mme Véronique Riotton, M. Denis Sommer