COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS URGENTES POUR FAIRE FACE AUX CONSÉQUENCES DE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19
Mardi 12 mai 2020
La séance est ouverte à neuf heures.
La commission spéciale poursuit l'examen des articles du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid-19 (n° 2907).
Article 1er (suite) : Habilitations diverses pour adapter notre droit à la lutte contre l'épidémie et assurer la continuité de la vie économique et sociale
La commission examine l'amendement n° 87 de M. Ludovic Mendes.
Cet amendement d'appel vise à prendre en compte la situation des dirigeants salariés des sociétés anonymes (SA), sociétés par actions simplifiées (SAS) et sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) qui, étant dirigeants majoritaires de leurs sociétés, ne peuvent bénéficier du chômage partiel et sont donc les oubliés du système dans un contexte où certaines entreprises, notamment celles de la restauration et de l'événementiel, ont l'obligation de rester fermées. Je rappelle en outre que le fonds de solidarité n'entre pas en jeu pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 million d'euros
L'article 40 m'empêchant de déposer un amendement visant à élargir l'octroi du chômage partiel à ces dirigeants majoritaires, je demande au Gouvernement un rapport sur cette question, espérant que M. le ministre émettra un avis de sagesse.
Je commencerai par faire un rappel général au sujet des amendements demandant la remise d'un rapport. Nous légiférons dans un contexte d'urgence, appelant des réponses juridiques immédiates, ce qui n'est pas vraiment compatible avec la remise d'un rapport. Par ailleurs, je propose à la fin du texte des mécanismes de contrôle de l'action du Gouvernement.
Sur le fond, s'il est vrai que certaines entreprises ne sont pas éligibles au fonds de solidarité, je ne suis pas persuadé que la solution consiste à faire bénéficier leurs dirigeants du chômage partiel dans la mesure où ils ne cotisent pas à l'assurance chômage.
Selon les éléments en notre possession, la grande majorité des situations sont couvertes soit par la mise en œuvre du fonds de solidarité, soit par le bénéfice du chômage partiel. Je vous propose de retirer votre amendement et de le déposer à nouveau en vue de la séance publique, afin que nous puissions entre-temps vérifier s'il peut y avoir des « trous dans la raquette » – ce qui, a priori, ne me semble pas être le cas.
Je comprends l'intention de M. Mendes mais les dirigeants salariés des SA, SAS et SASU ne cotisent pas à l'assurance chômage. Par ailleurs, pourquoi ce qui serait fait pour eux ne devrait pas l'être également pour les dirigeants de sociétés à responsabilité limitée et les professions libérales ?
Pour ce qui est du fonds de solidarité, seules les entreprises ayant un effectif inférieur ou égal à dix salariés peuvent en bénéficier : il se peut donc qu'il y ait un « trou dans la raquette » pour celle dont l'effectif est compris entre onze et vingt salariés. De même, le seuil de 60 000 euros pour le bénéfice annuel imposable est vite atteint et mériterait sans doute d'être revu à la hausse.
Enfin, l'amendement préconise de conditionner le bénéfice du chômage partiel au fait que les dirigeants concernés renoncent aux dividendes au titre de l'année 2020, alors qu'il est très courant que les dirigeants de petites entreprises ne perçoivent pas de salaire et préfèrent toucher des dividendes auxquels s'applique la flat tax.
Je retire cet amendement d'appel qui visait à ouvrir le débat sur une situation particulière. Je vous confirme qu'il y a bien des « trous dans la raquette » – je connais par exemple des petites entreprises déclarant 1,2 million d'euros de chiffre d'affaires et qui ne sont donc pas éligibles au fonds de solidarité. J'ai noté que nous pourrons en discuter en séance publique.
L'amendement est retiré.
La commission est ensuite saisie de l'amendement n° 130 de M. Pierre Dharréville.
L'alinéa 15 de l'article 1er permet au Gouvernement de déroger par convention d'entreprise aux règles relatives aux contrats à durée déterminée (CDD) et à l'intérim pour ce qui est de la durée de ces contrats, de leur renouvellement et de leur succession sur un même poste ou avec le même salarié.
Au fil des réformes qui se sont succédé, la dernière en date étant celle des ordonnances « Travail » de 2017, l'assouplissement des règles relatives aux CDD et à l'intérim s'est toujours accompagné d'une précarisation des conditions d'emploi pour les travailleurs concernés, sans effet significatif en termes de relance économique. Ces règles déjà largement flexibles permettent aux employeurs d'y recourir facilement, tout en dérogeant au principe de l'emploi en contrat à durée indéterminée (CDI).
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cette disposition.
Comme vous le savez, nous avons choisi de faire confiance aux acteurs de terrain, au plus près de la réalité de l'entreprise. Concrètement, si votre amendement était adopté, aucun CDD arrivant à son terme lors du déconfinement ne pourrait être prolongé au-delà des durées prévues par les dispositions supplétives.
La nouvelle compétence donnée à l'accord d'entreprise nous paraît indispensable, c'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
En raison de la mise en activité partielle d'entreprises depuis le début de l'état d'urgence sanitaire, certains contrats de travail courts arriveront à échéance soit pendant la période de fermeture de l'entreprise, soit peu de temps après la reprise d'activité, alors que l'objet pour lequel le contrat avait été initialement conclu n'a pas encore été réalisé. En droit, la suspension du contrat ne fait pas obstacle à l'échéance de son terme. Or, une modification du contrat par voie d'avenant n'est pas possible lorsque le nombre maximal de renouvellements fixé par accord de branche ou à défaut par la loi est atteint.
Ces situations peuvent aboutir à une perte de compétence au sein de l'entreprise et à la perte de son emploi pour la personne considérée, au moment où la reprise rend nécessaires la mobilisation et la préservation des ressources humaines et de la somme d'expériences qu'elles recèlent.
Le vrai risque n'est pas celui que vous soulevez, mais celui de voir des contrats rompus mécaniquement du fait d'interruptions dues à la crise du covid-19. Le Gouvernement souhaite donc qu'une convention d'entreprise puisse fixer un nombre de renouvellements de ces contrats à un niveau différent de celui prévu par l'accord de branche ou à défaut par la loi.
De même, les règles de succession de contrats sur un même poste pourront faire l'objet d'un ajustement. En tout état de cause, ces ajustements ne pourront déroger au principe selon lequel un contrat court ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.
La semaine, dernière, Fadila Khattabi et moi-même avons présenté à la commission des affaires sociales nos conclusions sur les questions d'emploi et de travail liées à l'épidémie. Face à une crise sanitaire représentant un risque énorme pour l'emploi, qu'il importe de préserver autant que possible, les acteurs que nous avons consultés plébiscitent l'activité partielle. Ce qui est proposé sur ce point dans le cadre du projet de loi permet de déroger aux règles relatives aux CDD et à l'intérim de façon très strictement définie, pour une durée de six mois à compter de la fin de la période d'urgence, ce qui ne va pas à l'encontre des droits des salariés, mais paraît conforme à la nécessité de préserver l'emploi.
S'il peut effectivement se présenter des situations délicates pour les entreprises et les salariés, le recours à l'activité partielle – qui constitue effectivement une solution dans certains cas – n'empêche pas toujours la rupture des contrats. Le problème de la disposition proposée, c'est qu'elle l'est par voie d'ordonnance : or, compte tenu de ce que vous avez déjà fait dans ce domaine, j'avoue ne pas vous faire confiance quand il s'agit de toucher au code du travail ! Si vous avez en tête des dispositions plus précises, monsieur le ministre, je souhaite que nous en soyons informés avant la séance afin de pouvoir en discuter. Il me semble par ailleurs que ces questions mériteraient d'être évoquées avec les partenaires sociaux.
Sur ce sujet comme sur d'autres, il y a très régulièrement – tous les deux jours, si ce n'est quotidiennement – des discussions avec les partenaires sociaux. Le Gouvernement s'est engagé à travailler d'arrache-pied pour faire passer dans la loi le contenu de certaines ordonnances. Je pense, monsieur Dharréville, que vous serez rassuré par la rédaction qui sera proposée d'ici à la séance, qui permettra d'aller au fond des choses et de lever les doutes sur les intentions du Gouvernement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 156 de Mme Stella Dupont.
L'amendement n° 156 vise à supprimer l'alinéa 17 de l'article 1er, afin d'intégrer directement le dispositif proposé au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de permettre ainsi aux demandeurs d'asile de bénéficier d'une durée maximale d'emploi de neuf mois plutôt que de six, ce qui contribuera à pallier la pénurie criante de main-d'œuvre agricole saisonnière.
Comme l'a indiqué le Conseil d'État, cette disposition relative aux travailleurs saisonniers mériterait d'être inscrite directement dans le projet de loi. Tel est l'objet de cet amendement, auquel j'émets donc un avis favorable.
Je salue le travail effectué par le ministère pour faire droit à la demande légitime de voir le contenu des ordonnances inscrit « en dur » dans la loi, et j'émets donc un avis favorable à cet amendement.
Je m'interroge tout de même sur ce qui est proposé ici. Par définition, un travailleur saisonnier effectue une tâche liée à la saison : s'il vient pour ramasser les fraises, sa présence est inutile au mois d'octobre ; s'il doit faire les vendanges, il ne sert à rien qu'il soit là au mois de décembre – sauf pour les vendanges tardives, qui restent une exception. À quoi sert-il de permettre à un travailleur saisonnier de travailler neuf mois au lieu de six mois, alors que sa période d'activité est, par nature, limitée dans le temps ?
Les saisonniers s'efforcent souvent s'enchaîner différents travaux : on peut très bien récolter les fraises au printemps et d'autres fruits en été avant de faire les vendanges à l'automne... À cause de l'épidémie de covid-19, il va y avoir cette année un manque de saisonniers encore plus prononcé que d'habitude, auquel la disposition proposée apporte une réponse dont vont profiter aussi bien les exploitants que les saisonniers eux-mêmes, confrontés à la précarité que l'on sait.
Je remercie M. le rapporteur et M. le ministre pour leur avis favorable. En revanche, je m'étonne que notre collègue socialiste émette des réserves quant à l'idée de permettre aux travailleurs saisonniers étrangers de travailler neuf mois, alors que M. Mélenchon pour le groupe de La France insoumise et M. Barrot pour le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés y voient une bonne chose. Il est étrange de voir nos amis socialistes, qui en veulent toujours plus en matière sociale, en demander aujourd'hui un peu moins !
La disposition proposée constitue effectivement un progrès pour les saisonniers, en ce qu'elle est destinée à leur permettre de travailler plus longtemps, donc d'échapper dans une certaine mesure à la précarité à laquelle ils sont habituellement exposés. Aujourd'hui, l'agriculture française a besoin de bras ; c'est pourquoi j'ai moi-même déposé un amendement visant à permettre aux saisonniers de travailler jusqu'à douze mois.
M. le ministre nous a dit être favorable à ce que la disposition proposée se trouve inscrite dans le marbre de la loi, du fait de la pénurie de main-d'œuvre agricole provoquée par l'épidémie de covid-19. Or, en inscrivant cette mesure dans la loi, vous la rendez définitive et sortez du cadre de l'urgence ; dès lors, votre argumentaire fondé sur la nécessité de trouver une solution à la situation actuelle paraît inapproprié. Je rappelle que le présent projet de loi vise exclusivement à répondre aux conséquences de la crise sanitaire.
La question que j'ai posée provoque un débat qui, à lui seul, montre que les choses ne sont pas aussi simples qu'il y paraît. Certes, c'est sans doute une bonne chose pour un travailleur saisonnier étranger, dans le contexte actuel, de pouvoir rester en France neuf mois – voire douze – plutôt que six. Cependant, au-delà de la crise conjoncturelle que nous traversons, l'agriculture française ne manque pas de saisonniers pour effectuer le ramassage des fruits et légumes, et il ne me paraît donc pas nécessaire d'inscrire cette mesure dans le marbre de la loi.
Le travail saisonnier s'effectue dans le cadre de CDD spécifiques, mais qui peuvent concerner d'autres activités, notamment le tourisme. Dans ce secteur, de nombreuses personnes ayant l'habitude de se livrer à une activité saisonnière vont avoir du mal à trouver du travail, ce qui va poser le problème des revenus de remplacement et des droits aux indemnités chômage : une partie de la population risque ainsi de se trouver précarisée. Sans doute convient-il de réfléchir à la mise au point d'un régime destiné à préserver ceux qui ont l'habitude de travailler de façon saisonnière dans le cadre d'un CDD spécifique, notamment dans le secteur du tourisme.
Nous rouvrirons ce débat lors de l'examen des amendements n° 164 et n° 168, portant articles additionnels après l'article 1er et prévoyant l'inscription directe dans la loi du passage de six mois à neuf mois de la durée figurant à l'article L.313‑23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une mesure définitive, mais temporaire, puisqu'il est bien précisé qu'elle n'a vocation à s'appliquer que durant la période de l'état d'urgence et dans les six mois à compter de son terme.
Pour ma part, je rappelle que cette mesure ne concerne que les saisonniers qui étaient présents sur le sol national le 16 mars, ce qui répond sans doute aux interrogations de M. Dumont. Par ailleurs, je prends acte de ce qu'a dit M. Viry au sujet de la nécessité de réfléchir à l'allongement des CDD destinés aux travailleurs d'autres secteurs que l'agriculture, notamment celui du tourisme.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement n° 114 de M. M'jid El Guerrab tombe.
La commission est saisie de l'amendement n° 29 de M. Pierre-Henri Dumont.
L'amendement n° 29 vise à supprimer l'alinéa 18 de l'article 1er qui, ayant pour objet de permettre de prolonger la durée de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) aux étrangers déboutés de leur demande de droit d'asile, revient à maintenir sur le territoire des personnes qui n'ont pas le droit de s'y trouver, puisque le statut de réfugié ne leur a pas été reconnu.
On pourra m'opposer qu'il est actuellement impossible de renvoyer les étrangers en situation irrégulière dans leur pays d'origine. Cela dit, même en temps normal, on ne le fait pas : environ 92 % des déboutés du droit d'asile restent en France. Selon les chiffres de 2019, environ 16 % des éloignements non aidés ont concerné des ressortissants de l'Union européenne (UE). Ainsi, alors qu'il a été annoncé que les frontières pouvaient rester ouvertes dans certaines conditions au sein de l'espace Schengen, vous renoncez à renvoyer dans leur pays des ressortissants de pays membres de l'UE en les maintenant artificiellement sur le territoire français.
À mon sens, il convient donc de supprimer cette disposition, d'autant plus que cela permettrait d'agir sur ceux que l'on appelle les « dublinés », c'est-à-dire les personnes ayant effectué une première demande dans un pays étranger, qui représentaient 36 900 demandeurs d'asile sur les 154 000 recensés en 2019. Comme vous le voyez, il n'a aucune contradiction entre, d'une part, le fait de débouter un étranger d'une demande d'asile, d'autre part, le fait de renvoyer une personne dans un pays membre de l'Union européenne.
Vous semblez dire, monsieur Dumont, qu'il est facile de renvoyer dans son pays d'origine une personne déboutée. Or, vous savez très bien que, du fait de l'épidémie, les frontières présentent actuellement une situation de blocage.
Par ailleurs, la crise a plongé nombre de demandeurs d'asile dans une grande précarité et de ce point de vue, la mesure proposée par le Gouvernement me semble tout à fait justifiée. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Dans le contexte de crise actuel, la loi du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de covid-19 a habilité le Gouvernement à prendre des mesures permettant d'assurer la continuité de l'accompagnement et la protection des personnes en situation de pauvreté en adaptant les conditions d'ouverture aux prolongations des prestations sociales. Les bénéficiaires de l'ADA – une allocation de subsistance versée sous conditions de ressources – font manifestement partie des personnes en situation de pauvreté pouvant percevoir des prestations sociales. Durant la période de l'état d'urgence, afin de lutter efficacement contre la propagation du virus sans dégrader les conditions de vie des personnes précaires, les demandeurs d'asile qui auraient dû quitter les lieux d'hébergement mis à leur disposition ont été autorisés exceptionnellement à s'y maintenir. Par cohérence avec cette mesure d'accompagnement social, il est nécessaire d'éviter toute rupture de versement de l'ADA, qui constitue l'unique ressource dont disposent ces personnes.
Par ailleurs, la disposition proposée est strictement proportionnée et ne saurait être regardée comme participant du détournement de la procédure d'asile. Il s'agit de prévenir toute rupture du versement d'une allocation en circonscrivant cette prolongation de versement, en prévoyant pour les personnes concernées des modalités de sortie du dispositif similaires à celles prévues par le droit commun, et en maintenant la possibilité pour l'administration de mettre un terme au versement de l'allocation dans des circonstances particulières, tenant notamment au comportement du demandeur d'asile.
Au demeurant, la disposition n'est pas circonscrite au demandeur d'asile débouté, mais concerne également les bénéficiaires de la protection internationale, qui n'auront pas été en mesure, du fait du confinement, de procéder normalement aux démarches pour l'ouverture de leurs droits sociaux. Elle ne peut donc être considérée comme un facteur d'attractivité du territoire français : c'est une modalité d'accompagnement des personnes en situation de pauvreté dans les circonstances particulières de la lutte contre le covid-19.
Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à cet amendement.
Notre collègue Dumont mélange dans son argumentation la question de l'ouverture des frontières et celles des dublinés, comme si tous les candidats à l'immigration devaient être considérés de la même manière. Aujourd'hui, nous avons en Moselle, comme en d'autres points du territoire, des personnes qui auraient pu être déboutées fin mars ou début avril, et n'ont malheureusement pas pu l'être en raison de la fermeture de fait des frontières en l'absence de circulation aérienne. On préfère rapatrier des Français coincés à l'étranger et ayant besoin d'une protection, plutôt que de débouter des personnes qui se sont vu refuser l'asile – étant précisé que la prolongation dont bénéficient ces dernières est limitée à la durée de l'état d'urgence sanitaire.
Devons-nous renvoyer en Italie, en Allemagne ou en Espagne des personnes qui bénéficiaient d'un accompagnement et d'une protection sur le sol français, ou faire preuve de solidarité à leur égard ? Je rappelle que le dispositif prévu à l'alinéa 18 est exceptionnel et limité dans le temps.
Les situations diffèrent selon les territoires. Dans ma circonscription, ces personnes ne peuvent pas être déboutées car, souhaitant gagner la Grande‑Bretagne, elles ne demandent pas l'asile. C'est là le nœud du problème.
Contrairement à ce qu'indique M. le rapporteur, il s'agit non de demandeurs d'asile, mais de personnes déboutées de leur demande d'asile puisque l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a considéré qu'elles ne satisfont pas les critères nécessaires pour prétendre au statut de réfugié. Elles ne devraient donc pas avoir droit à l'allocation pour demandeur d'asile, puisqu'elles ne sont pas reconnues comme tel.
J'entends l'argument selon lequel le Gouvernement souhaite éviter la rupture du versement de l'ADA, de la même manière qu'il étend le versement de prestations aux bénéficiaires – ressortissants français ou binationaux – en fin de droits. A-t-il toutefois instauré un dispositif de suivi des déboutés de la demande d'asile, afin de pouvoir, le cas échéant, leur transmettre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour les renvoyer dans leur pays à l'issue de l'état d'urgence sanitaire ?
Par ailleurs, confirmez-vous que le Gouvernement n'a procédé et ne procédera à aucun renvoi d'étrangers dans leur pays, durant toute la période d'état d'urgence sanitaire ?
Les dispositifs de suivi existent déjà. Nous pourrons vous fournir des éléments en séance sur ce sujet.
M. Mendes l'a dit, la situation pose des difficultés en termes de renvoi. Pour certains pays, elle nous empêche d'exécuter les mesures portant OQTF, ce qui ne signifie nullement que ces dernières soient suspendues. Lorsque les conditions sanitaires ou de transport seront réunies, rien ne s'y opposera.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 127 de M. Pierre Dharréville.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 21 permettant de prolonger les contrats ayant pour objet une activité ou un travail de recherche, sans que cette prolongation ne donne droit à un éventuel droit à un CDI. Nous sommes opposés à la contractualisation qui s'opère de façon forcenée dans les trois versants de la fonction publique. Nous refusons cette exception, et, avec elle, l'idée qu'un travail dûment accompli ne soit pas pris en compte dans le droit à revendiquer un CDI.
L'article 6 bis prévoit la possibilité d'un CDI, mais l'habilitation demandée par le Gouvernement à l'article 1er a uniquement pour but de ne pas pénaliser les bénéficiaires des CDD de recherche qui ont été interrompus par la période de confinement. Ces contrats concernent essentiellement les post-doctorants ainsi que des chercheurs plus expérimentés, souvent de nationalité étrangère, qui sont engagés sur des projets de recherche pour une période donnée.
Il n'est donc pas opportun de modifier l'équilibre général de la loi. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 110 de Mme Perrine Goulet.
L'alinéa 23 prévoit que le Gouvernement puisse modifier la réglementation, la durée et l'organisation des compétitions des saisons sportives 2019-2020 et 2020-2021, ainsi que les compétences et pouvoirs des acteurs du sport que sont les fédérations et les ligues. La rédaction, peu précise, couvre un champ très large. L'alinéa 40 mentionne de plus que les projets d'ordonnance sont dispensés de toute consultation préalable, ce qui est gênant dans le domaine du sport.
Le présent amendement vise à inclure l'Agence nationale du sport (ANS) comme partie prenante dans les modifications et adaptations que pourrait apporter le Gouvernement afin qu'un acteur indépendant disposant de la hauteur de vue nécessaire préserve l'ensemble des intérêts des acteurs – fédérations, ligues, clubs, joueurs et, éventuellement, dirigeants. L'ANS, créée pour coordonner les acteurs du sport, tant amateur que de haut niveau, doit prendre de l'ampleur à l'occasion de cette crise.
Le monde du sport ne peut pas attendre trois ou six mois une ordonnance qui statue sur la saison 2019-2020. Il serait opportun que le texte discuté en séance comporte des éléments à ce sujet. Surtout, il faudra veiller à ce que le sport français ne se singularise pas par rapport aux autres pays, pour que les contrats et les championnats soient en adéquation avec les acteurs européens ou mondiaux.
L'amendement vise à associer l'ANS à l'élaboration de l'ensemble des mesures prises par voie d'ordonnance sur le fondement de l'habilitation demandée par le Gouvernement afin de légiférer en trois matières : la réglementation et l'organisation des saisons sportives 2019-2020 et 2020-2021 ; les compétences des fédérations et ligues professionnelles ; le régime applicable aux contrats des sportifs salariés professionnels et des entraîneurs salariés professionnels.
Formuler un avis sur les mesures prises en ces matières excède les missions confiées à l'ANS, lesquelles consistent pour l'essentiel à accompagner les fédérations sportives dans une démarche de haute performance, notamment en vue des prochains Jeux olympiques et paralympiques, et à agir au plus près des collectivités et territoires carencés, notamment pour promouvoir l'emploi et la construction d'équipements sportifs.
Par ailleurs, le dispositif d'habilitation présenté par le Gouvernement tient compte des échanges réguliers avec les milieux sportifs, en particulier dans le cadre des réunions organisées pour la gestion de la présente crise sanitaire.
Enfin, le projet de loi dispense le Gouvernement des consultations prévues pour les lois et règlements.
Le présent amendement n'apparaît donc pas nécessaire. Je vous suggère donc de le retirer. À défaut, l'avis sera défavorable.
Je comprends bien les attentes du milieu sportif. Les compétences de l'ANS ne couvrent toutefois pas l'ensemble des champs mentionnés. Même si tel était le cas, les délais seraient trop courts pour clarifier la question du calendrier de la saison sportive en cours avec l'ANS. Afin de répondre à l'inquiétude des acteurs du sport, le Gouvernement fera en sorte, d'ici à la séance, de mettre en dur certaines dispositions.
Demande de retrait. Sinon, avis défavorable.
Le Gouvernement cherche à modifier le calendrier sportif, qui, de fait, se trouve décalé. Cela correspond au souhait de tous, pour terminer la saison 2019-2020. Toutefois, en quoi consistera la modification du « régime applicable aux contrats des sportifs et entraîneurs professionnels », qui doit être décidée de manière bilatérale ? S'agira-t-il de rédiger de nouveaux contrats et, le cas échéant, d'annuler les précédents ? La question préoccupe les milieux sportifs.
Nous comptons précisément lever les inquiétudes des sportifs, en faisant en sorte que l'échéance des contrats respecte la saison sportive, qui se trouve décalée. Un dialogue doit être mené avec les fédérations sportives, les employeurs et les salariés, pour préserver les droits de ces derniers, et, le cas échéant, proroger des contrats qui arrivent à terme à la fin de la saison sportive. Cela ne doit pas nourrir d'inquiétudes. Pour l'instant, l'absence de dispositions alimente davantage les inquiétudes que l'ordonnance prévue.
La haute performance figurant parmi les missions de l'ANS, elle est donc compétente pour examiner l'évolution des contrats des professionnels. Le décalage de la saison 2019-2020 sur une partie de la saison prochaine suscite en effet des inquiétudes, notamment sur le plan international, car des sportifs peuvent être engagés auprès d'un club d'un autre pays dont la saison 2020-2021 débuterait avant la fin des compétitions en France.
Il y a donc urgence à ne pas recourir à une ordonnance mais à dialoguer avec le département haute performance de l'ANS, géré par Claude Onesta. L'incidence de ces modifications sur les petits clubs, qui maillent notre territoire, ne doit pas être oubliée.
En attendant que cet alinéa soit revu, je retire l'amendement. Je le redéposerai si les éléments fournis d'ici à la séance publique ne conviennent pas.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement n° 175 du rapporteur.
Il vise à supprimer l'alinéa 24, en cohérence avec un amendement déposé après l'article 1er, qui inscrit dans la loi les compétences des conseils d'administrations des fédérations départementales ou interdépartementales de chasseurs, leurs assemblées générales étant dans l'impossibilité de se réunir. Ces compétences, accordées à titre exceptionnel, recouvrent notamment la fixation du montant des cotisations annuelles dues par leurs adhérents et celui de la contribution versée pour l'indemnisation et la prévention des dégâts du grand gibier.
Avis favorable. Cette modification inscrira dans la loi des dispositions nécessaires car les fédérations de chasseurs, ne pouvant fonctionner normalement au travers de leurs assemblées générales, doivent déléguer certaines compétences à leurs conseils d'administration.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement n° 83 de M. M'jid El Guerrab tombe.
La commission examine ensuite l'amendement n° 53 de M. André Chassaigne.
L'amendement vise à prolonger les durées de validité et les renouvellements des titres de séjour ou attestations de demande d'asile en cours d'instruction ou dont l'expiration est proche. La rédaction actuelle de l'alinéa 26 ne prend pas en compte la situation de femmes et d'hommes, qui mériterait de l'être.
L'amendement est satisfait par la loi du 23 mars et les deux ordonnances portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour, à quatre-vingt-dix et cent quatre-vingts jours. Avis défavorable.
L'alinéa 26 a pour objet de prolonger la durée de validité des titres de séjour qui ont expiré entre le 16 mai et le 15 juin. Il n'est pas nécessaire de prévoir une mesure pour les titres en cours d'instruction en préfecture car le dépôt d'une demande complète entraîne la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour, qui autorise la présence de l'étranger et proroge l'ensemble des droits qu'il détient.
Comme le rapporteur l'a indiqué, les récépissés bénéficient par ailleurs d'une prolongation de leur durée de validité, selon la même règle que les titres de séjour et visas de long séjour. Pour ces raisons, je vous suggère de retirer l'amendement. À défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement est retiré.
Puis la commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 40 de M. Guillaume Gouffier-Cha ainsi que les amendements n° 70 et n° 69 de M. M'jid El Guerrab.
La prorogation de la validité des titres de séjour expirant entre le 16 mars et le 15 mai figurait parmi les dispositions d'urgence adoptées ces dernières semaines. Le présent texte vise à étendre la mesure aux titres de séjour expirant entre le 16 mai et le 15 juin. Toutefois, l'ensemble des préfectures seront-elles prêtes, le 15 juin, à faire face à l'afflux des personnes concernées, notamment dans certaines zones tendues ?
Dans la période actuelle, nous devons protéger les détenteurs de ces titres de séjour, souvent préoccupés. Il semble dès lors pertinent que la mesure de prolongation concerne les titres de séjour expirant entre le 16 mai et le 10 juillet, date de la fin de l'état d'urgence sanitaire. Tel est l'objet de l'amendement n° 40.
L'inquiétude est légitime car certaines préfectures pourraient n'être pas prêtes le 15 juin. L'amendement n° 40 pourrait toutefois avoir pour effet d'engorger les préfectures cet été, alors que certains services ont annoncé être prêts dès le 15 juin. Je vous invite donc à le retirer, pour obtenir des éléments rassurants sur l'état de préparation des préfectures au 15 juin d'ici à la séance. À défaut, avis défavorable.
La mesure qui vise à proroger de six mois la validité des titres de séjour ayant expiré entre le 16 mars et le 15 juin va dans le bon sens mais n'apparaît pas suffisante. Après 55 jours de fermeture de l'intégralité de nos services administratifs, il n'est pas réaliste de penser que les préfectures pourront lisser l'immense flux des dossiers en si peu de temps. Les conséquences du non-respect de la durée d'un titre de séjour sont connues. Dans le contexte actuel, elles conduiront à un refus systématique de toute demande future.
Pour cette raison, et afin de sécuriser l'avenir des personnes arrivées de manière régulière sur notre territoire, l'amendement n° 69 vise à étendre la mesure aux titres de séjour expirant entre le 16 mai et le 4 septembre. À défaut, l'amendement n° 70 étend la mesure aux documents expirant entre le 16 mai et 31 juillet.
Le risque d'engorgement des préfectures à ces dates existe – nous pourrons en débattre en séance. D'ici là, nous tenterons d'obtenir des réponses des ministères concernés, afin qu'ils nous rassurent sur la capacité des préfectures à traiter les demandes dès le 15 juin, quitte à amender le texte, si la majorité des services préfectoraux ne sont pas prêts.
C'est pourquoi je maintiens ma demande de retrait. À défaut, l'avis est défavorable.
Qui peut le plus peut le moins, mais il est vraisemblable que les personnes ayant besoin de renouveler leur titre de séjour afflueront en masse dans les préfectures. Certains services, fonctionnant déjà en flux tendus, se trouveront dépassés. Allonger la mesure de prolongation ne revient pas à repousser la date à laquelle les personnes concernées viennent à la préfecture : elles s'y rendront le plus vite possible. C'est pourquoi je soutiens ces amendements, qui semblent de bon sens.
Si les ministères apportent des éléments nouveaux et si le texte peut être amendé, je retire les amendements n° 70 et n° 69.
Les amendements n° 70 et n° 69 sont retirés.
La commission rejette l'amendement n° 40.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements n° 94 de M. Sébastien Huyghe, n° 30 de M. Pierre-Henri Dumont ainsi que les amendements identiques n° 32 de M. Pierre-Henri Dumont et n° 58 de Mme Emmanuelle Ménard.
À l'inverse des amendements précédents, l'amendement n° 94 vise à porter la limite de l'allongement de la durée de validité des documents de séjour et attestations de demande d'asile à cinquante-six jours, contre cent quatre-vingts jours, afin de couvrir une période allant du 16 mai au 10 juillet. La limite inscrite par le Gouvernement dans le présent texte laisse songeur. Le Gouvernement entend-il ne pas remplir ses fonctions régaliennes pendant ce délai ? Alors que d'énormes lacunes ont été observées dans le fonctionnement de l'État durant la crise sanitaire, doit-on les laisser se propager à la maîtrise d'une immigration sans contrôle ? Laisser ce délai courir à cent quatre-vingts jours reviendrait pour l'État à envoyer un signal d'échec dans sa maîtrise de l'immigration.
L'amendement n° 30 porte cette limite à soixante jours car les cent quatre-vingts jours proposés par le Gouvernement amènent à la fin de l'année 2020 voire au début de 2021. C'est avoir peu confiance dans l'ensemble de nos services préfectoraux que d'imaginer qu'en l'espace de six mois ils ne seront pas capables de travailler sur la délivrance de ces documents. Une limite de soixante jours permettrait d'éviter l'engorgement que M. le rapporteur a évoqué, tout en s'assurant que le droit des étrangers est garanti et que les différentes demandes reçoivent une réponse dans un délai raisonnable.
Quant à l'amendement de repli n° 32, il limite la durée d'allongement à quatre-vingt-dix jours.
Dans la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, le Gouvernement avait annoncé qu'un délai de quatre-vingt-dix jours maximum, soit trois mois, serait désormais imposé pour le traitement des demandes d'asile, afin qu'elles soient examinées plus rapidement. Pourquoi revenir sur cette mesure, qui permettait une meilleure maîtrise de l'immigration ? Cela est d'autant plus important en ces temps d'épidémie, alors que le Gouvernement a fermé les frontières le 16 mars.
Avis défavorable. Le texte précédent a prolongé les titres de séjour expirant entre le 16 mars et le 15 mai pour six mois, ce qui justifie une limite à six mois. Ce délai permet de plus de traiter les demandes à l'automne, lorsque les services préfectoraux travaillent avec l'ensemble de leurs effectifs.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 177 du rapporteur.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 27, habilitant le Gouvernement à déroger à la règle de remboursement de la mise à disposition d'un agent public auprès d'un établissement hospitalier. Nous examinerons bientôt l'amendement n° 180, qui inscrit la mesure dans la loi.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 178 du rapporteur.
Il a également pour objet de supprimer l'habilitation permettant d'inscrire la « CDIsation ». Nous pourrons discuter de ces mesures lorsque l'amendement n° 181 sera défendu.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements n° 91 et n° 84 de M. M'jid El Guerrab tombent.
La commission examine l'amendement n° 131 de M. Pierre Dharréville.
L'alinéa 29 a pour objet de permettre au Gouvernement d'affecter une partie des réserves financières des régimes autonomes de retraite des indépendants au financement d'une aide financière exceptionnelle destinée aux travailleurs indépendants. Ces réserves doivent rester la propriété exclusive des caisses, et continuer de financer la retraite des indépendants. Elles n'ont pas vocation à financer une mesure de soutien au pouvoir d'achat des indépendants. C'est à l'État de prendre ses responsabilités, dans le prolongement des débats que nous avons eus sur la réforme des retraites. Pour ces raisons, l'amendement n° 131 vise à supprimer l'alinéa 29.
L'habilitation qu'il est proposé de supprimer donne un fondement légal à la décision prise par les organisations représentatives des travailleurs indépendants d'affecter une part de leurs réserves à l'accompagnement des artisans et des commerçants. L'objectif est de leur garantir un revenu suffisant grâce aux réserves qu'ils ont eux-mêmes permis d'accumuler, par leurs cotisations.
Cette faculté, ouverte aux indépendants et aux professions libérales, est encadrée et limitée afin de garantir le versement des pensions et de ne pas altérer le droit de propriété. Il serait dommage de renoncer à cette disposition forte, qui est attendue par les artisans et les commerçants de nos territoires. Avis défavorable.
L'habilitation de l'alinéa 29 correspond à une demande des caisses elles-mêmes. Les réserves financières ne seront utilisées qu'avec leur accord. Ainsi, le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants a proposé un accord au Gouvernement pour mobiliser 1 milliard d'euros de réserves financières afin de financer une aide exceptionnelle au profit des travailleurs indépendants, en plus des aides octroyées par l'État au travers du fonds de solidarité. Dans le contexte actuel, l'idée est d'additionner les dispositifs, non de défendre des oppositions, qui paraissent vaines.
Avis défavorable.
La Caisse nationale des barreaux français est-elle concernée par le dispositif ? Ses représentants ont indiqué hier qu'ils étaient très opposés à une ponction de leurs réserves.
Ne faudrait-il pas encadrer ce dispositif intéressant qui est en effet réclamé par les caisses elles-mêmes ?
Il me paraît délicat d'encadrer par la loi un dispositif qui relève du bon sens et d'un dialogue intelligent entre les caisses et l'État.
Monsieur Lambert, la caisse de retraite des avocats pourra user de ce dispositif si elle le souhaite. Mais celui-ci ne doit pas être confondu avec le mécanisme de l'article 3. Quant à la question de l'encadrement, nous allons l'aborder lors de la discussion de l'amendement suivant.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 35 de M. Antoine Savignat.
Cet amendement, à mon sens rédactionnel, a pour objet d'apporter une précision qui figure dans l'exposé des motifs du projet de loi, à savoir que ce sont les instances de gouvernance des régimes qui, sous réserve d'être en mesure d'assurer leur mission première, pourront, si elles le souhaitent, procéder au versement d'une aide financière aux entrepreneurs concernés. Cette précision permettrait d'apaiser les inquiétudes qui se sont exprimées.
Vous avez tout à fait raison. Votre amendement clarifie la rédaction de l'article et confirme notre intention : les régimes de retraite complémentaire resteront bien décisionnaires pour affecter une fraction de leurs réserves à l'accompagnement des artisans, des commerçants et des libéraux. Avis favorable.
Monsieur Savignat, vous proposez de préciser que l'affectation des réserves relève des instances de gouvernance des régimes. Or, cette précision figure, comme vous l'avez dit, dans l'exposé des motifs de l'article, qui indique que « les instances de gouvernance des régimes complémentaires des travailleurs indépendants peuvent utiliser une partie de leurs réserves ». Avis favorable, donc.
La commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 170 du rapporteur.
Il s'agit de supprimer l'habilitation prévue à l'alinéa 31, afin d'inscrire directement dans le projet de loi les dispositions relatives à l'accès simplifié des très petites entreprises (TPE) à l'intéressement. Nous pourrons en débattre au fond lors de la discussion de l'amendement n° 171.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 148 de Mme Agnès Thill.
Par cet amendement, nous proposons de fixer la jurisprudence constitutionnelle, en suivant le point 39 de l'avis du Conseil d'État, lequel précise que « l'intérêt général qui s'attache, pour les millions de salariés placés en position d'activité partielle dans le contexte de pandémie, au maintien temporaire de garanties dont l'interruption peut entraîner des conséquences particulièrement préjudiciables pour les risques “lourds” tels que l'invalidité et le décès, est susceptible de justifier des atteintes aux contrats en cours ». Cet amendement n'empêche donc pas le Gouvernement de prendre les mesures nécessaires, mais il rappelle le cadre jurisprudentiel, qui impose une justification suffisante de ces mesures.
Il ne me paraît pas utile de rappeler le cadre jurisprudentiel applicable au maintien des garanties contractuelles de protection sociale complémentaire en cas d'activité partielle. Nous allons évidemment respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui impose le respect de ces garanties, ainsi que le cadre fixé par le Conseil d'État dans son avis. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
L'amendement est retiré.
Puis la commission est saisie de l'amendement n° 132 de M. Pierre Dharréville.
Permettez-moi de regretter, même si j'en comprends les raisons, que l'amendement d'André Chassaigne qui visait à inscrire à l'alinéa 33 la constitution de droits à retraite dans les régimes complémentaires ait été déclaré irrecevable. Il me semble en effet, monsieur le ministre, que cette question devrait faire l'objet d'un débat au sein de notre assemblée.
L'alinéa 36 permet au Gouvernement de modifier les règles d'affectation de la contre-valeur des titres-restaurant émis pour l'année 2020 et périmés afin de contribuer au financement d'un fonds de soutien aux restaurateurs. Or, les salariés n'ont pas à financer, via leurs tickets-restaurant, une politique de soutien économique du secteur de la restauration. Il conviendrait plutôt de prolonger la validité des titres-restaurant arrivés à péremption début 2020, pour que les bénéficiaires puissent continuer de les utiliser dans les restaurants. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.
Le droit actuel prévoit que la contre-valeur des titres-restaurant périmés ou perdus est reversée, via les entreprises émettrices de ces titres, aux comités sociaux et économiques (CSE) des entreprises. Le présent projet de loi vise à affecter à titre temporaire la contre-valeur des titres de l'année 2020 périmés, non plus aux CSE, mais à un fonds destiné à venir en aide aux restaurateurs. Cette mesure de solidarité temporaire me paraît pleinement justifiée, compte tenu des difficultés du secteur de la restauration, qui a subi une baisse d'activité de 90 % pendant le confinement.
Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le fait que les règles prévues à l'article R. 3262-5 du code du travail restent valables. Ainsi, les titres non utilisés au cours de leur période de validité peuvent être rendus par les salariés à leur employeur au plus tard quinze jours après et sont échangés gratuitement contre un nombre égal de titres valables pour la période ultérieure. Nous ne revenons donc pas sur cet acquis important pour les salariés dans la période actuelle.
Avis défavorable.
L'habilitation de l'alinéa 36 vise à autoriser le Gouvernement à modifier les règles d'affectation des titres-restaurant afin que leur contre-valeur puisse être affectée à un fonds de soutien aux restaurateurs. L'objectif de cette mesure est de favoriser la reprise et le développement de l'activité du secteur de la restauration, qui est en grande difficulté en raison de la crise sanitaire. Les modalités du dispositif ainsi que son articulation avec le fonds de solidarité créé en faveur des TPE, des indépendants et des micro-entrepreneurs seront définies, le moment venu, en concertation avec les acteurs concernés. Le ciblage et le paramétrage des aides versées tiendront compte de la situation du secteur de la restauration lorsque le dispositif sera mis en œuvre.
L'ambition est donc d'instaurer un dispositif équilibré susceptible de sauvegarder les établissements de restauration de proximité dont les salariés ont besoin au quotidien pour se procurer un repas payé grâce à ces titres-restaurant.
Avis défavorable.
Je ne partage pas la position de M. Dharréville. Toutefois, nous sommes favorables à une massification du soutien aux restaurateurs grâce à un dispositif plus direct. En effet, plutôt que de créer un fonds, c'est-à-dire une aide indirecte, qui ne serait pas forcément très lisible pour les entreprises, ne serait-il pas plus simple de prolonger la validité des titres-restaurant arrivés à péremption pour que leurs bénéficiaires puissent, dans les semaines à venir, consommer directement dans les établissements ? Je vous soumets cette proposition, monsieur le ministre. En tout état de cause, je présume que mon groupe déposera un amendement en ce sens en séance publique.
J'ai dû mal me faire comprendre, car la proposition de M. Viry est identique à la mienne. Cela dit, je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître le montant des sommes habituellement reversées aux comités sociaux et économiques et le volume d'aide global que le Gouvernement attend d'une telle mesure.
Le volume annuel est évalué à environ 50 millions d'euros.
Sans vouloir réaliser une synthèse improbable – ou inquiétante –, il me semble en effet que les propositions de M. Viry et de M. Dharréville sont quasiment identiques. Plus sérieusement, si nous prolongions la durée de validité de ces tickets-restaurant – délivrés pour une période de deux à trois mois –, leurs détenteurs risqueraient de ne pouvoir tous les utiliser ; on ne déjeune en effet qu'une fois par jour... En outre, ces titres peuvent être utilisés dans l'ensemble des établissements de restauration, y compris les grandes chaînes. Or, celles-ci ne sont peut-être pas confrontées aux mêmes difficultés que les autres restaurateurs. Le fonds de soutien leur apporterait, certes, une aide indirecte, mais il permettrait de distinguer les différentes catégories de restaurateurs et d'aider davantage ceux qui en ont le plus besoin. Nous en rediscuterons en séance publique.
Monsieur le ministre, j'entends votre souci d'équité, mais la solution proposée par M. Viry a l'avantage d'éviter les coûts inhérents à la gestion d'un fonds de soutien, notamment à la répartition des fonds recueillis. En outre, il serait bon que vous précisiez, au moins dans leurs grandes lignes, les modalités de la distribution des aides par ce fonds, auquel cas nous pourrions revoir notre position.
Nous reviendrons sur le sujet en séance publique. Quoi qu'il en soit, nous pouvons, me semble-t-il, nous accorder sur l'objectif, qui est de trouver le meilleur dispositif d'aide aux restaurateurs. Outre le fait que le fonds permettrait d'aider en priorité ceux d'entre eux qui en ont le plus besoin, je précise que, si nous prolongions la durée de validité des titres-restaurant, ceux-ci pourraient être utilisés dans la grande distribution, qui n'est pas le secteur qui a le plus souffert de la crise... Prenons donc le temps d'en discuter d'ici à jeudi.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 133 de M. Pierre Dharréville.
La discussion précédente mérite d'être poursuivie, car l'enjeu est également que les gens puissent retourner dans les restaurants.
Par l'alinéa 40, le Gouvernement tend à s'exonérer de toute consultation obligatoire sur les ordonnances qu'il entend mettre en œuvre. Une telle méthode lui permettrait de court-circuiter, outre le Parlement, la démocratie sociale en empêchant d'associer les acteurs intéressés – organisations syndicales, associations d'élus, représentants de professions... – au processus législatif. Or, il convient d'inventer de nouveaux modes de consultation pendant la crise sanitaire, pour que les acteurs intéressés et compétents aient des espaces d'expression en amont de la fabrique de la loi. Opposés à cette démocratie expéditive, nous demandons la suppression de cette disposition.
La rédaction proposée par le projet de loi écarte les procédures de consultation obligatoire prévues par les dispositions législatives ou réglementaires. Cette dispense, qui se justifie par l'urgence dans laquelle les ordonnances doivent être élaborées puis publiées, est formulée dans les mêmes les termes que celle prévue pour les habilitations précédentes, à l'article 11 de la loi du 23 mars 2020. Elle correspond, pour reprendre les termes de l'avis du Conseil d'État, à « un choix d'opportunité qui reste justifié par les circonstances présentes ».
La dispense de consultation obligatoire ne signifie toutefois pas que les interlocuteurs habituels et privilégiés dans chaque matière ne seront pas entendus. À titre d'exemple, l'absence de consultation formelle de la commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP) ne privera pas les partenaires sociaux d'une information et d'échanges continus, notamment via les réunions organisées chaque semaine à distance entre la ministre du travail et les organisations syndicales de salariés et professionnelles d'employeurs représentatives aux échelles nationale et interprofessionnelle. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Je me permets de souligner que, si une mesure de ce type est justifiée par la situation présente, elle le sera de moins en moins. Or, nous sommes sur le point d'autoriser le Gouvernement à continuer à procéder de la sorte dans les mois qui viennent ; ce n'est pas le moindre des problèmes.
Je soutiens d'autant plus l'amendement que je comptais en déposer un analogue. Certes, le Gouvernement est habilité, dans ce contexte particulier, à légiférer par ordonnance, mais il ne peut pas se couper de tout le monde. Je ne doute pas que les services des ministères soient compétents, mais ils ne sont pas toujours en mesure de ressentir les besoins du terrain. Ainsi, comment déterminer les modalités de répartition des aides versées par le fonds en faveur des restaurateurs sans consulter les organismes représentatifs de la profession ? On peut légiférer dans l'urgence par ordonnance, mais il paraît indispensable d'organiser une consultation minimale, qui plus est lorsqu'elle est prévue dans la loi. Il s'agit simplement de recueillir l'avis des acteurs concernés, lesquels ne comprendraient sans doute pas qu'on les évince ainsi de ce débat.
Je rejoins M. Dharréville et M. Savignat. Peut-être était-il utile de procéder ainsi dans un premier temps, lorsque le pic de la pandémie rendait difficile le respect des procédures habituelles, notamment la nécessaire consultation des représentants des professions. Mais il serait très néfaste que cela se poursuive. C'est pourquoi je suis favorable à l'amendement.
Je comprends la logique exposée par M. Savignat.
Monsieur Dharréville, vous avez évoqué une « démocratie expéditive ». Premièrement, je vous rappelle que nous respectons le cadre constitutionnel. Deuxièmement, il ne vous aura pas échappé que, si la loi d'urgence du 23 mars comporte de nombreuses habilitations à légiférer par ordonnance, nous nous efforçons, dans le cadre de ce projet de loi, d'inscrire, autant que faire se peut, des dispositions « en dur ».
Quant aux procédures de consultation, je comprends que vous souhaitiez les rétablir, mais le temps qui nous est imparti ne nous permettrait pas d'organiser de telles consultations. Au demeurant, sur le dispositif que nous évoquions un peu plus tôt, par exemple, la commission nationale des titres-restaurant a été consultée. Ne croyez pas que, parce que les règles habituelles n'ont pas cours, aucune concertation n'a lieu. Il me semble que, sur la plupart des dispositifs mis en œuvre par le Gouvernement dans le cadre de la crise, qu'il s'agisse du chômage partiel, du fonds d'indemnisation ou des dispositifs à venir concernant les secteurs touristique et viticole notamment, l'ensemble des professionnels concernés ont été consultés régulièrement. Nous avons besoin de déroger aux règles qui s'appliquent habituellement en la matière pour des raisons liées aux délais, mais, vous pouvez en donner acte au Gouvernement, les consultations ont bien lieu.
Peu à peu, monsieur Dharréville, nous nous efforçons de nous inscrire à nouveau dans le droit commun, en espérant que nous ne serons plus soumis à l'urgence.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 1er bis (nouveau) : Relèvement de la durée d'activité professionnelle des travailleurs saisonniers étrangers
La commission est saisie des amendements identiques n° 138 de M. Jean-Noël Barrot et n° 157 de Mme Stella Dupont.
Il est proposé de relever temporairement le nombre d'heures d'activité professionnelle salariée susceptibles d'être accomplies par les étudiants étrangers, en le portant de 60 % à 80 % de la durée de travail annuelle. Il s'agit, d'une part, de permettre aux étudiants étrangers bloqués sur le territoire national de continuer à subvenir à leurs besoins et, d'autre part, de répondre aux besoins de certaines filières en très forte tension.
Je souscris aux arguments développés par M. Barrot. Nous espérons obtenir un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement et, si tel n'est pas le cas, débattre de cette question en séance publique.
Avis favorable. Le dispositif proposé me paraît pertinent, car il ouvre plus facilement l'accès au travail aux étudiants venant en France, et utile, car il répond au besoin de main-d'œuvre de nombreux secteurs en tension, notamment dans l'agriculture. Il répond également à l'urgence en accompagnant la reprise économique et en facilitant le déconfinement. Qui plus est, il est limité dans le temps et ne produira donc pas un effet d'aubaine.
Avis défavorable. Le détenteur d'un titre « étudiant » qui vient en France à titre principal pour poursuivre ses études peut dépasser la limite de la durée de travail autorisée, qui est d'ores et déjà de 60 % de la durée annuelle. Il doit pour cela solliciter et obtenir une autorisation provisoire de travail auprès du service de la main-d'œuvre étrangère. Ces demandes sont régulièrement effectuées par des étudiants étrangers, en particulier lorsqu'ils suivent un cursus d'apprentissage.
Dès lors qu'il existe des possibilités légales de travailler au-delà de 60 % de la durée annuelle de travail, une telle mesure d'extension ne paraît pas nécessaire. Le maintien d'une autorisation au cas par cas permet, en outre, d'éviter que le travail perde son caractère accessoire aux études, lesquelles constituent le motif pour lequel le titre a été accordé et doivent demeurer l'occupation principale des personnes concernées, faute de quoi cette modalité d'accès au droit de séjour, qui est actuellement la première en nombre de titres délivrés chaque année, pourrait être détournée.
Il est vrai qu'il est d'ores et déjà possible aux étudiants étrangers de déroger à la règle leur permettant de travailler dans la limite d'une durée égale à 60 % de la durée annuelle de travail, mais il serait judicieux, dans le cadre de la crise sanitaire, de limiter les démarches administratives et porter cette limite à 80 % de la durée annuelle de travail de manière temporaire, puisque cette possibilité serait offerte pendant l'état d'urgence et pour les six mois suivants. Il s'agit d'un compromis plutôt intelligent qui permettrait d'éviter un afflux de demandes dans les services administratifs et qui s'inscrit dans la logique de l'article 1er.
La commission adopte les amendements.
Article 1er ter (nouveau) : Prolongation de la durée de séjour des travailleurs saisonniers étrangers
La commission examine les amendements identiques n° 164 de M. Jean-Noël Barrot et n° 168 de Mme Stella Dupont.
L'amendement vise, suivant la recommandation du Conseil d'État, à supprimer l'habilitation donnée au Gouvernement pour inscrire la disposition en dur dans la loi.
L'amendement n° 168 suit la logique de l'amendement que nous venons d'adopter à l'article 1er : nous espérons à nouveau un avis de sagesse de la part du Gouvernement et favorable du rapporteur.
Les amendements visent après la suppression de l'habilitation adoptée à l'article 1er à inscrire dans la loi l'allongement de six à neuf mois de la durée de validité de la carte des travailleurs saisonniers étrangers, ce qui permettra de sécuriser leurs droits sans attendre et de répondre aux besoins de main-d'œuvre dans les secteurs en tension. Avis favorable, donc.
Le Gouvernement est également favorable, compte tenu du travail mené pour inscrire en dur la disposition concernée. Mais celle-ci s'appliquera au titre de l'année en cours et cessera de produire ses effets au plus tard neuf mois après le 16 mars 2020. Sa nature temporaire justifie donc qu'elle ne soit pas codifiée afin de ne pas introduire de manière pérenne dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une disposition ayant vocation à être abrogée dans quelques mois.
Je propose par conséquent de supprimer le premier alinéa des amendements qui l'insère dans ledit code afin de ne pas laisser planer d'ambiguïté : la disposition ne vise en effet qu'à répondre à la situation particulière née de la crise sanitaire.
Ne subsisterait donc plus que la phrase : « Pour le titulaire de cette carte présent en France à la date du 16 mars 2020, et durant la période d'état d'urgence sanitaire déclaré en application de l'article 4 de la loi n° 2020‑290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et dans les six mois à compter de son terme, cette durée cumulée est portée à neuf mois, au titre de l'année en cours. »
Le Gouvernement est favorable aux amendements sous cette réserve.
Adoptons les amendements en l'état et leurs auteurs présenteront en séance publique une rédaction traduisant la réserve émise par M. le ministre, que je partage.
Je propose que, par souci de cohérence, nous supprimions également le chapeau de l'amendement précédemment adopté sur les 80 %.
La commission adopte les amendements.
Après l'article 1er
La commission est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements identiques n° 139 de M. Jean-Noël Barrot et n° 158 de Mme Stella Dupont ainsi que des amendements n° 160 et n° 159 de M. Ludovic Mendes.
Il s'agit du troisième amendement de cette série portant sur le premier alinéa de l'article 1er. Il porte sur les demandeurs d'asile qui, en l'état actuel du droit, peuvent, six mois après l'enregistrement de leur demande d'asile, obtenir, dans un délai de moins de trois mois, une autorisation de travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) compétente. Il vise à réduire le délai d'instruction par les DIRRECTE de trois mois à trois jours.
Il s'agit de réduire les délais d'embauche, ce dont bénéficierait particulièrement le secteur agricole qui a besoin de main-d'œuvre. Cet amendement participe de la même logique que les précédents déposés au sujet des travailleurs saisonniers étrangers et des étudiants étrangers.
Les amendements n° 160 et n° 159 offrent quant à eux de réduire ce délai respectivement à huit et à quinze jours, afin d'ouvrir un débat avec le Gouvernement.
Si je comprends votre intention, je crains que les DIRRECTE, aujourd'hui surchargées en raison de la mise en œuvre des dispositifs d'activité partielle, supportent mal la pression supplémentaire. Cela risque en outre de s'avérer inutile dans un contexte de ressources humaines limitées. Je ne suis pas sûr qu'elles pourront remplir un tel objectif, d'autant qu'elles vont être encore très sollicitées dans la période complexe qui s'annonce. Dans le souci de lisser la charge administrative, j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Même avis. Le Gouvernement ne souhaite pas que le travail des demandeurs d'asile puisse être autorisé six mois après que leur demande d'asile ait été introduite auprès de l'OFPRA et suite à une saisine des services de l'État ayant donné lieu, à l'expiration d'un délai très court de quelques jours, à une décision implicite d'acceptation.
Je rappelle l'immense mobilisation des DIRRECTE sur le chômage partiel : après un temps d'ajustement, le sort de millions de salariés a pu être réglé dans des délais très courts. Leur imposer de nouvelles contraintes ne me paraît pas raisonnable notamment parce que ce ne serait pas compatibles avec à un examen au fond satisfaisant des dossiers.
Je retire l'amendement n° 139 en raison de la pression qui s'exerce sur les DIRRECTE. Il me paraît cependant important que le Gouvernement leur donne instruction de faciliter les autorisations concernées dans la mesure où le législateur a souhaité, dès lors que la demande d'asile a été déposée depuis plus de six mois, que le demandeur soit en mesure de travailler. Comme le délai d'examen des demandes d'asile va être allongé du fait de la situation sanitaire et que cet allongement aura d'importantes conséquences budgétaires, plus vite nous faciliterons l'accès au marché du travail des personnes concernées, meilleure sera leur situation ainsi que celle des finances publiques et des entreprises françaises.
L'amendement n° 139 est retiré.
Je maintiens les amendements n° 158 et n° 159, qui prévoit un délai de quinze jours, et retire l'amendement n° 160. Un débat pourra-t-il s'engager en séance publique sur la base d'un sous-amendement prévoyant la réduction de ce délai dans des secteurs en tension comme l'agriculture, ce qui permettrait de répondre à des problématiques territoriales ?
L'amendement n° 160 est retiré.
Nous avons déjà abordé les problèmes de saisonnalité mais nous pourrons en reparler en séance
La commission rejette successivement les amendements n° 158 et n° 159.
Article 1er quater (nouveau) : Autorisation de mise en place d'accords d'intéressement sur décision unilatérale de l'employeur dans les entreprises de moins de onze salariés
La commission examine l'amendement n° 171 du rapporteur.
Cet amendement miroir de l'amendement de suppression précédemment adopté vise à inscrire dans la loi les dispositions relatives à l'accès simplifié des très petites entreprises à l'épargne salariale.
Il s'agit de faciliter l'accès des salariés des TPE à l'épargne salariale au travers des dispositifs d'intéressement, en cohérence avec les mesures de soutien à cette épargne adoptées depuis le début de la législature, notamment au travers de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »). Ces entreprises seront très heureuses d'en bénéficier.
Le développement des dispositifs de partage de la valeur par les entreprises constitue l'un des objectifs poursuivis par le Gouvernement à travers la loi « PACTE ».
Or seuls 3 % environ des salariés des entreprises de un à neuf salariés – contre 30 % en moyenne de ceux de l'ensemble des entreprises – bénéficiaient en 2017 d'un accord d'intéressement. La mesure proposée, qui vise à répondre à la réticence des TPE en la matière, permettra de mettre en place, par simple décision de l'employeur, un régime d'intéressement dans les entreprises comptant moins de onze salariés et dépourvues de délégué syndical ou de CSE à la seule condition qu'aucun accord d'intéressement n'ait été conclu dans l'entreprise au cours des cinq années précédant la date d'effet de cette décision.
Le dispositif ainsi mis en place pourra également avoir une durée inférieure à celle habituellement requise de trois ans. Deux freins seront donc levés. Cela facilitera le développement de l'intéressement au sein des TPE et permettra d'y enclencher une dynamique favorable au partage de la valeur.
En conséquence, le Gouvernement lève le gage.
La commission adopte l'amendement ainsi modifié.
Article 1er quinquies (nouveau) : Neutralisation de la période d'interruption entre deux contrats à durée déterminée au sein de la fonction publique
La commission examine l'amendement n° 181 du rapporteur.
Cet amendement vise également à substituer à une habilitation une inscription en clair dans la loi, en l'occurrence la « CDisation » dans la fonction publique. Il vise à déroger à la règle de calcul de la durée d'interruption entre deux CDD en ne décomptant pas la période de l'état d'urgence sanitaire afin de ne pas pénaliser les agents concernés lors de la transformation de leur contrat en CDI, ce qui va les réjouir car nombre d'entre eux rencontraient des difficultés en raison de la crise.
La commission adopte l'amendement.
Article 1er sexies (nouveau) : Dérogation à la règle du remboursement des agents publics territoriaux et hospitaliers mis à disposition des établissements publics de santé
La commission examine ensuite l'amendement n° 180 du rapporteur.
L'amendement vise également, en réponse à l'invitation du Conseil d'État, à substituer une inscription en clair dans la loi, en l'occurrence celle permettant aux employeurs des fonctions publiques territoriale et hospitalière de mettre gratuitement à disposition de certains établissements hospitaliers leurs agents pendant la durée de la crise d'urgence sanitaire.
Les dispositions concernées s'inspirent du droit existant dans la fonction publique d'État, qui permet le non-remboursement des mises à disposition au profit des établissements hospitaliers et médico-sociaux.
Quelle serait l'étendue de ce dispositif ? Combien de fonctionnaires et de collectivités seraient concernés ?
Je ne dispose pas d'une estimation précise mais je vous la communiquerai d'ici à la séance publique.
La commission adopte l'amendement.
Article 1er septies (nouveau) : Reports d'entrée en vigueur ou d'application de dispositions législatives
La commission examine l'amendement n° 179 du rapporteur.
L'amendement tend à inscrire dans la loi trois reports d'entrée en vigueur de réformes importantes afin d'éviter de dépendre des délais glissants – jusqu'au 1er janvier 2022 – prévue par l'habilitation. Il s'agit de la réforme du divorce, dont l'entrée en vigueur était prévue au 1er septembre 2020, et qui est reportée au 1er janvier 2021, de la création de la juridiction unique des injonctions de payer, dont l'entrée en vigueur était prévue au 1er janvier 2021, et qui est reportée au 1er septembre 2021 et enfin du nouveau code de justice pénale des mineurs, dont l'entrée en vigueur était prévue au 1er octobre 2020, et qui est reportée au 31 mars 2021.
Cette très importante réforme de la justice pénale des mineurs nécessite une résorption des délais de traitement des juridictions des mineurs. Un gros travail avait été accompli en 2019 à cette fin. Toutefois, la grève des avocats, puis la crise sanitaire ont entraîné de nouveaux retards de traitement qui doivent être résorbés.
L'important travail d'accompagnement des magistrats, des éducateurs et des auxiliaires de justice apparaît en outre difficile à mener dans le contexte de reprise progressive d'activité des juridictions.
La crise sanitaire a également modifié le calendrier parlementaire. Or si le Gouvernement a été habilité par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice à créer par ordonnance un code de la justice pénale des mineurs, cette habilitation était subordonnée à la possibilité pour le Parlement de se saisir de cette ordonnance avant son entrée en vigueur, dans le cadre de l'examen du projet de loi de ratification. Un report de l'entrée en vigueur au 31 mars 2021 permettra aux juridictions de se préparer et au Parlement d'examiner l'ordonnance.
Nous reprenons le débat que nous avons eu hier sur l'ordonnance que vous avez été un certain nombre à juger, on peut le comprendre, trop large puisqu'elle portait sur le report de l'entrée en vigueur tant de certaines réformes que de certaines expérimentations.
Conformément à ce que j'ai annoncé hier, l'amendement inscrit en dur la nature des réformes concernées, celle du divorce, celle portant création d'une juridiction des injonctions à payer et celle de la justice pénale des mineurs et de l'ordonnance de 1945. L'entrée en vigueur des deux premières est reportée, tandis que, s'agissant de la dernière, le délai concerné doit permettre au Parlement de se saisir de la question. La crise sanitaire a entraîné de nouveaux retards que le Gouvernement souhaite résorber avant que la réforme correspondante ne soit mise en œuvre.
L'amendement répond également à la question soulevée hier par Mme Perrine Goulet sur la date puisque celle du 31 mars se trouve bien inscrite dans la loi. Avis favorable, donc.
Les difficultés rencontrées par la justice, qui ne datent pas d'aujourd'hui, tiennent non pas à la grève des avocats, comme semble l'induire notre rapporteur, mais à l'insuffisance notoire de ses moyens.
Il est toujours agaçant d'entendre le Gouvernement se réfugier derrière la grève des avocats, qui se sentent incompris et ignorés. Il oublie qu'ils sont des auxiliaires de justice et qu'ils participent, comme les magistrats, au bon fonctionnement de la justice. Cette grève n'a rien à voir ni avec le report de la réforme du divorce, que la chancellerie n'a pas été en mesure de mettre en place dans les temps impartis, ni avec celui de la création de la juridiction unique des injonctions de payer, qui s'explique sans doute pour partie par la crise liée au covid-19, ni avec celui de l'entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs, lié notamment au fait que la garde des sceaux s'était engagée à un débat parlementaire préalable. Arrêtez cette stigmatisation et comprenez que l'intérêt de la justice commande plutôt de travailler main dans la main !
Le report de l'entrée en vigueur de la réforme du divorce ne va-t-il pas entraîner des difficultés pour certains couples ?
Madame la députée, une réforme d'une telle ampleur doit être menée dans des conditions satisfaisantes : la crise sanitaire justifiait donc son report de quatre mois.
Monsieur Savignat, le Gouvernement n'a pas la volonté de stigmatiser une profession et dire que quelqu'un est en grève n'est pas une stigmatisation. La grève est un droit constitutionnel. Nous partageons le sentiment que les avocats sont des auxiliaires de justice. Nous devons nous mobiliser pour avoir plus de moyens et travailler main dans la main plutôt que les uns contre les autres. Il reste que les conséquences de la crise du covid-19 impliquent des ajustements de calendrier.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 1er
La commission examine ensuite l'amendement n° 12 de M. Jean-Luc Mélenchon .
L'amendement vise à supprimer la possibilité offerte aux employeurs d'imposer unilatéralement des congés aux personnes qu'elles emploient ou de réduire leur temps de travail en leur imposant des RTT.
Il ne saurait être question que les salariés payent la crise, d'autant qu'en plein covid‑19, certaines entreprises versent des dividendes très généreux à leurs actionnaires : 3,9 milliards d'euros pour Sanofi, 3,6 milliards pour Axa, 2,4 milliards pour L'Oréal et 1,8 milliard pour Total ! Notre priorité doit être de lutter contre le virus, pas contre les droits des travailleurs ni contre le droit aux congés.
Les mesures que vous souhaitez supprimer sont strictement encadrées. Ainsi, l'employeur ne peut imposer ou modifier les dates de prise d'une partie des congés payés que dans la limite de six jours ouvrables et que si un accord d'entreprise ou de branche le prévoit. Pour information, plus d'un millier d'accords d'entreprises, et huit accords de branche ont été signés depuis la fin du mois de mars.
En outre, les dates des jours de repos accordés en contrepartie d'un forfait jours ou d'un accord portant sur la réduction du temps de travail ne peuvent être imposées que dans la limite de dix jours.
Enfin, les conclusions sur le travail et l'emploi présentées par Stéphane Viry et Fadila Khattabi à la commission des affaires sociales dans le cadre du suivi de la crise sanitaire ont montré que les représentants des syndicats et du personnel, ainsi que des salariés eux-mêmes, n'avaient pas manifesté d'opposition majeure à l'application de ces mesures. Tous sont conscients qu'un tel effort, limité et encadré, peut être demandé à chacun compte tenu du contexte sanitaire. J'émets donc un avis défavorable.
Heureusement que des limites ont été posées ! Tous les syndicats ne sont pas d'accord avec cette mesure. Alors qu'une crise sociale majeure s'annonce et que le chômage va continuer d'exploser en raison de la fin du chômage partiel, le partage du travail permet le travail du plus grand nombre. C'est mieux que de voler des congés et des RTT aux salariés confinés ou de passer la semaine à 60 heures !
Je rappelle que lorsque des salariés sont contraints de prendre des congés ou des jours de RTT, ils touchent 100 % de leur salaire, ce qui est fort apprécié par les travailleurs en difficulté. En outre, on ne peut parler de « vol de RTT » alors que la loi permet en temps normal aux chefs d'entreprise d'imposer au moins quinze jours de congés payés ou de RTT.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 13 de M. Jean-Luc Mélenchon.
L'amendement traite également des attaques menées contre le code du travail à l'occasion de la crise liée au covid-19. Jusqu'au 31 décembre 2020, la durée du travail pourra ainsi passer de 10 à 12 heures par jour, soit 60 heures par semaine, celle du travail de nuit de 8 à 12 heures, soit 44 heures par semaine, et le temps de repos entre deux journées de travail de 11 à 9 heures. Dans un contexte de hausse du chômage, il faudrait faire exactement le contraire, c'est-à-dire partager le travail, sous peine de se retrouver avec beaucoup plus que 6 millions de chômeurs : il faut donc supprimer ces dispositions.
Je ne vais pas rouvrir le débat sur le partage du temps de travail et sur ses éventuels effets sur le chômage. L'amendement propose de mettre fin à la possibilité d'augmenter par voie d'ordonnance la durée du temps de travail dans certains secteurs d'activité « particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale ». Les mesures concernées ont pour objectif de répondre à un éventuel surcroît d'activité dans certains secteurs très déterminés : elles visent donc non pas à faire sauter tous les verrous relatifs au temps de travail mais à leur permettre de s'adapter pendant un temps limité à une demande ponctuelle liée à la crise sanitaire.
Aucun décret d'application n'a pour l'instant été publié, aucun besoin spécifique n'ayant été identifié. Il faut maintenir cette disposition dans notre droit pour pouvoir faire face à un surcroît d'activité dans un des secteurs visés en raison de l'émergence soit d'une seconde vague soit d'un risque spécifique. Nous devons prévoir de tels événements et adapter les dispositifs afin d'être en mesure d'assurer la sécurité de la nation et des Français. Je suis défavorable à l'amendement.
Après des années d'assouplissement du code du travail, prétendument pour libérer les énergies mais en réalité pour augmenter le chômage, il va pourtant falloir aborder la question du partage du travail, a fortiori puisque le Président de la République a déclaré que rien ne serait plus jamais comme avant.
D'autre part, vous parlez de certains secteurs mais ils n'ont pas été listés. Dans le secteur nucléaire, par exemple, la durée du travail est un enjeu de sécurité : en autorisant 60 heures de travail hebdomadaires, on court potentiellement à la catastrophe. Il faut donc partager le travail entre plusieurs personnes, ce qui permettra à la fois de faire baisser le chômage et d'assurer la sécurité des travailleurs et des travailleuses.
Imaginez-vous ce que représentent 60 heures de travail par semaine ? Je ne parle pas de nous, qui l'avons choisi et ne sommes pas payés au SMIC, mais de travailleurs soumis à des conditions qui ne sont pas les nôtres et pour lesquels ce serait une catastrophe. Je ne suis donc pas non plus favorable à cette augmentation, qui me paraît beaucoup trop ouverte. Je voterai donc cet amendement.
L'examen de ces ordonnances devrait pouvoir nous donner l'occasion de revenir sur les mauvaises décisions prises précédemment. Cette mesure, à laquelle nous nous étions déjà opposés, n'a pas démontré son utilité. En outre, l'un des non-dits de notre débat est que nous sommes déjà en train d'imaginer la suite, car les dispositions que nous adoptons vont servir d'impulsions et d'inflexions à l'organisation, demain, de notre pays. Mieux vaut donc redémarrer dans la bonne direction, ce qui ne passe en aucun cas par cette casse sociale, que vous pratiquiez déjà avant la survenue du virus.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 11 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Il s'agit d'abroger l'ordonnance adaptant les règles de procédure pénale, qui permet de prolonger les gardes à vue sans l'intervention d'un magistrat, n'autorise l'assistance d'un avocat que par téléphone et allonge les délais maximaux de la détention provisoire. Le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, Louis Boré, souligne à ce sujet que « c'est la première fois depuis la loi des suspects de 1793 que l'on ordonne que des gens restent en prison sans l'intervention d'un juge ».
Non seulement cette ordonnance bafoue les droits de la défense, mais elle autorise le maintien en détention de milliers d'individus sur le fondement d'une simple décision administrative, ce qui est totalement incohérent avec les mesures de réduction de peine et de sortie anticipée prises par le Gouvernement pour faire face à cette crise. Le taux d'occupation des maisons d'arrêt reste supérieur à 110 %, parfois même à 150 %, et il faut absolument faire baisser le nombre des incarcérations si nous voulons pouvoir assurer la sécurité sanitaire des personnes.
Avis défavorable à votre amendement qui abroge l'ordonnance du 25 mars portant adaptation des règles de procédure pénale, car celle-ci comporte des mesures essentielles, notamment pour permettre la continuité du fonctionnement des juridictions pénales dans des conditions permettant de limiter la diffusion du virus. Si les dérogations prévues ont pour objectif de permettre un fonctionnement dégradé de l'institution judiciaire, les juridictions peuvent toutefois privilégier le renvoi de l'affaire lorsque cela est possible. Le recours à la visioconférence est en outre préférable aux procédures exclusivement écrites. Cela s'accompagne, depuis le 11 mai, de la mise en place de plans de reprise d'activité dans chaque juridiction.
Il ne peut pas y avoir de fonctionnement dégradé de la justice. À nous de faire en sorte qu'il n'en soit jamais ainsi, y compris au prétexte d'une pandémie, car ce serait très grave. Je voterai donc amendement.
Il n'est évidemment pas possible d'abroger l'ordonnance du 25 mars 2020, qui contient différentes dispositions permettant d'adapter la procédure pénale à la crise sanitaire, absolument indispensables au fonctionnement des juridictions pénales. Certaines de ces dispositions viennent, du reste, garantir les droits des justiciables, victimes et personnes poursuivies, comme celles suspendant les prescriptions, augmentant les délais de recours ou permettant des demandes par lettre recommandée ou par courriel. D'autres permettent de réduire la surpopulation carcérale en améliorant la gestion des établissements pénitentiaires et en facilitant la libération des condamnés en fin de peine.
Par ailleurs, en ce qui concerne les dispositions de l'ordonnance prévoyant la prolongation de plein droit des détentions provisoires, la loi de prorogation de l'état d'urgence, adoptée le 9 mai 2020, a mis fin à ce régime, avec un retour au droit commun à compter du 11 mai, en exigeant que ces prolongations résultent toujours d'une décision d'un juge ou d'une juridiction, ce qui paraît tout à fait équilibré pour permettre une sortie de crise aussi rapide que possible.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 153 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Afin de rester cohérents avec les mesures votées dans le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR), nous proposons de laisser la possibilité aux collectivités qui le souhaitent d'exonérer les entreprises de fiscalité locale, en y incluant la cotisation foncière des entreprises et pas uniquement la taxe locale sur la publicité extérieure, comme le prévoit l'ordonnance n° 2020-460.
Votre amendement propose notamment de permettre aux collectivités territoriales d'octroyer des exonérations fiscales sur les impositions relatives à la fiscalité directe locale perçues à leur profit, pour l'année 2020. Ce type d'amendement relève plutôt d'une loi de finances. D'ailleurs des amendements d'une portée similaire ont été rejetés lors de l'examen du deuxième PLFR 2020. En effet, cela pose un problème d'égalité entre les entreprises, les collectivités qui ont le plus de moyens pouvant plus facilement accorder des exonérations. Il a donc été préféré un plan de soutien national. Avis défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d'abord parce qu'il relève plutôt d'un prochain PLFR, qui devrait permettre, de manière plus globale, d'objectiver les pertes de recettes des collectivités territoriales et d'y apporter une réponse ciblée et structurée ; ensuite et surtout parce qu'il n'est pas possible pour l'administration fiscale de tenir compte de délibérations de l'assiette adoptées en 2020 pour établir les rôles d'imposition directe locale pour 2020 ; enfin, les collectivités risquant d'être fortement affectées par des baisses de recettes fiscales, il convient d'abord de déterminer ces dernières précisément pour regarder quel est le périmètre.
Face à ces baisses de recettes fiscales, beaucoup de collectivités locales se retournent vers le Gouvernement, ce qui pose selon moi les limites de l'autonomie fiscale, laquelle doit s'entendre aussi bien à la hausse qu'à la baisse. C'est un débat éternel, mais il me semble qu'il serait plus opportun de regarder, avec les collectivités, l'ensemble des dispositifs, plutôt que de procéder par appartement. De nombreux régions et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) vont s'engager, dans des dispositifs d'aide aux entreprises, de soutien aux artisans et aux commerçants. C'est dans ce cadre que nous devons examiner, dans le dialogue, les besoins et les demandes des uns et des autres.
Monsieur le ministre, j'entends bien votre plaidoyer pour l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, mais il ne vous aura pas échappé que cette autonomie fiscale a quand même été mise à mal par le Gouvernement auquel vous appartenez. C'est ainsi que les collectivités locales ne peuvent pas modifier le taux de la taxe d'habitation. Sachant qu'elles ne peuvent pas non plus augmenter les impôts d'entreprises touchées par la crise, entendre un membre du Gouvernement parler d'autonomie fiscale est une vaste blague, et je trouve culotté que vous utilisiez cet argument pour rejeter l'amendement. Il me semble qu'il est plutôt cohérent avec l'action des collectivités territoriales, qui sont en première ligne face à cette crise sanitaire.
Ce texte de loi nous permettant de visiter beaucoup d'appartements, pourquoi pas un de plus, monsieur le ministre... ?
Par ailleurs, ce débat a tout son sens et je maintiens donc mon amendement, qui a le mérite de mettre la question de l'autonomie fiscale en exergue.
Ce débat oppose deux conceptions de l'action publique, dont celle du Gouvernement, parisienne et centralisatrice. Or la crise a révélé combien l'État manquait d'agilité et à quel point il avait été défaillant. Je m'étonne donc qu'au lieu d'apprendre de nos erreurs, nous persistions à ignorer la liberté des territoires – je le dis au nom de mon groupe.
Ne caricaturez pas mes propos : car j'essaie d'être précis. Je n'ai pas dit que je rejetais cet amendement au motif de l'autonomie fiscale mais j'ai bien dit qu'il posait le débat de façon intéressante.
Reconnaissons néanmoins que l'autonomie fiscale, c'est parfois des recettes en plus, parfois des recettes en moins. Mon expérience d'élu local me permet par ailleurs de dire que les moyens de l'État pour enfoncer des coins dans cette autonomie sont inépuisables et depuis longtemps... Ils justifient qu'on ait un jour un débat qui doit porter non seulement, dans une perspective globale, sur l'autonomie fiscale mais aussi sur l'autonomie financière – parlez-en avec les collectivités allemandes dont l'autonomie fiscale est moindre mais l'autonomie financière plus importante parce qu'elle est assise pour partie sur les impôts nationaux. Il ne me semble donc pas pertinent de s'arc-bouter sur un seul aspect des choses. Je maintiens qu'il faut avoir une approche globale et concertée, qui tienne compte des besoins de financement des collectivités. Je serai en tout cas ravi d'avoir le débat en séance.
La commission rejette l'amendement.
Article 1er octies (nouveau) : Adaptation des règles de compétence au sein des fédérations des chasseurs
La commission examine l'amendement n° 174 du rapporteur.
Le présent amendement inscrit dans la loi les compétences transférées aux conseils d'administration des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs si leurs assemblées générales ne peuvent se tenir. Ils pourront ainsi, à titre exceptionnel, adopter leurs statuts, fixer les montants des cotisations annuelles dues par leurs adhérents, fixer enfin le montant de la contribution versée pour l'indemnisation et la prévention des dégâts de grand gibier.
Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les comités des fonds départementaux d'indemnisation des dégâts de sanglier pourront, quant à eux, adopter leurs statuts à titre exceptionnel, en lieu et place de leurs assemblées générales.
La commission adopte l'amendement.
Après l'article 1er
La commission est saisie de l'amendement n° 9 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous demandons à ce que soit mis en place un fonds d'indemnisation pour les victimes du covid-19, sachant que les personnes qui étaient en première ligne sont aussi celles les moins bien rémunérées et dont le travail est le moins reconnu. Il s'agit souvent de femmes ou de personnes que leur statut précaire expose davantage à la maladie. Il y a eu des remerciements, mais les remerciements ne suffisent pas, et il faut assurer à ces personnes des conditions de réparation dignes. La solidarité nationale a le devoir de soutenir ces victimes.
En préalable, je rappellerai mon argument de principe selon lequel, dans le contexte d'urgence, les demandes de rapport ne sont pas pertinentes.
Votre amendement soulève néanmoins une question qui nous préoccupe tous : la réparation de l'exposition au covid-19 pour les personnes ayant poursuivi leur activité depuis le début de l'épidémie. Des propositions ont été formulées pour concrétiser cette réparation. Je pense par exemple à la reconnaissance automatique du covid-19 comme maladie professionnelle, qui est aujourd'hui prévue pour les seuls soignants. Plusieurs partenaires sociaux – notamment la CFDT – ont proposé d'étendre cette reconnaissance automatique à l'ensemble des personnes ayant poursuivi leur activité et ont donc été confrontés à ce risque au quotidien, comme les caissiers ou les commerçants. Cette solution aurait le mérite de répondre à l'urgence, plutôt qu'un fonds d'indemnisation à créer de toute pièce. La discussion se poursuit aujourd'hui avec les partenaires sociaux pour parvenir à la meilleure solution.
Avis défavorable.
Le principe d'une indemnisation des soignants victimes du covid 19 dans le cadre de leur activité professionnelle a été annoncé par le ministre des solidarités et de la santé. Les travaux sont actuellement en cours pour définir les modalités les plus adéquates de cette indemnisation et garantir à ses victimes, la mise en œuvre effective de cette annonce.
Au-delà des soignants, le périmètre des travailleurs qui pourraient être concernés par une reconnaissance de leur contamination commis dans un cadre professionnel est également à l'étude. Je peux vous assurer que l'ensemble des services sont mobilisés pour travailler sur cette question et prévoir un dispositif adapté. Il va de soi que nous reviendrons devant le Parlement pour présenter les solutions qui ont été envisagées.
Avis défavorable.
Le groupe Socialistes est favorable à la création d'un fonds d'indemnisation destiné à l'ensemble des personnes qui ont continué à travailler à l'extérieur et ont parfois eu à en subir les conséquences douloureuses en matière de santé ou de vie familiale. Je suis donc favorable à cet amendement, mais annonce d'ores et déjà que nous avons l'intention d'aller plus loin et de déposer une proposition de loi sur la création de ce fonds d'indemnisation.
Notre demande de rapport tient au fait que les règles de dépôt des amendements nous obligent à faire ainsi ; l'un de nos amendements, qui demandait la gratuité des frais funéraires, a, pour les mêmes raisons, été déclaré irrecevable.
Quant à ce fonds d'indemnisation, il est indispensable. Ces gens – des éboueurs, des agents de sécurité, des personnels de caisse –, qui ont accompli des tâches essentielles en étant parfois très mal protégés, ont, pour certains, perdu la vie. Nous devons être dignes d'eux.
La commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement n° 86 de M. Ludovic Mendes.
Il s'agit d'un amendement d'appel concernant le secteur de l'événementiel. Cela représente des milliers d'emplois en souffrance, non seulement à cause des fermetures administratives, mais parce qu'aucun de nos restaurateurs ou de nos artisans locaux n'aura à court terme de l'argent à dépenser dans une foire. C'est la raison pour laquelle je demande un rapport sur les moyens d'accompagner le secteur. Je lance également un appel aux différentes collectivités, pour qu'elles soutiennent les sociétés d'événementiel en procédant en amont à des réservations afin de leur procurer des fonds complémentaires.
Le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé des mesures fortes pour aider le secteur de l'événementiel, sévèrement touché par la crise. Des mesures d'annulation de charges devraient en particulier être décidées. Ces mesures ont vocation à être précisées dans les jours et les semaines à venir, par le Gouvernement. Un rapport n'est donc pas nécessaire. Avis défavorable.
Plusieurs mesures ont déjà été prises par le Gouvernement, qui s'appliquent au secteur de l'événementiel : activité partielle, fonds de solidarité, exonérations de cotisations sociales... La semaine dernière, le Président de la République a rappelé un certain nombre d'autres dispositions. D'autres dispositifs encore sont en cours de préparation par le Gouvernement, sur lesquels vous aurez à débattre, puisqu'ils auront probablement une traduction budgétaire. J'entends bien votre souci de préserver les acteurs du secteur pour qu'ils n'aient pas disparu lorsque la crise sera dernière nous.
Vous avez eu raison d'évoquer les collectivités locales, qui travaillent beaucoup avec les entreprises d'un secteur dont une large part des activités se développe à l'échelon territorial.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
L'amendement est retiré.
Article 2 : Habilitations diverses destinées à permettre l'entrée en vigueur rapide des mesures envisagées
La commission est saisie des amendements de suppression n° 6 de M. Jean‑Luc Mélenchon et n° 124 de M. Pierre Dharréville.
Nous sommes en désaccord complet avec la manière qu'a le Gouvernement d'envisager la démocratie par ordonnances, et en particulier avec l'ordonnance relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées alimentaires.
La question agricole et alimentaire est cruciale dans le contexte de crise. Nous avions déjà demandé l'encadrement d'urgence des prix agricoles par l'instauration de prix planchers permettant aux agriculteurs de vivre dignement et facilitant la relocalisation de l'agriculture. Malgré la flambée des prix, qui fait craindre des émeutes de la faim, notamment en Seine-Saint-Denis, les agriculteurs – chez qui on dénombre un suicide par jour – ne perçoivent plus aujourd'hui que 7,5 centimes sur 1 euro de valeur alimentaire. Il est donc temps que l'État assume son rôle de régulateur.
L'article 2 concerne des sujets très concrets, comme l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, les missions des volontaires internationaux, la gestion des fonds structurels européens, le fonctionnement des agences régionales de santé (ARS) ou l'application du seuil de revente à perte. Avis défavorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement n° 60 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'article 2 comprend des habilitations à prendre par ordonnances diverses mesures, dont l'entrée en vigueur est attendue d'ici à la fin de l'année. En d'autres termes, le Gouvernement souhaite se passer du travail du Parlement sur des sujets qui l'intéressent pourtant au plus haut point.
Le 1° reprend une disposition adoptée par le Sénat à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique. Le 2° permet de sécuriser les décisions d'affectation de volontaires internationaux en ambassade et le bon fonctionnement des services concernés à l'été 2020. Le 3 permet de prolonger la délégation de gestion de l'État aux régions d'un certain nombre de fonds européens au-delà de la période initialement fixée. Le 4° clarifie et complète l'article L. 1432-11 du code de la santé publique pour permettre la mise en place des nouvelles instances consultatives des personnels dans les ARS au plus tard le 1er janvier 2021. Le 5° prolonge pour trente mois les mesures prévues par l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires.
Une telle éviction du Parlement sur des sujets aussi importants n'est pas légitime. S'il est normal d'agir rapidement en période d'état d'urgence sanitaire, ce n'est plus le cas lorsque ce dernier cesse. Il convient donc de faire strictement coïncider le recours aux ordonnances avec la période d'état d'urgence sanitaire afin qu'ensuite, nos institutions fonctionnent à nouveau normalement.
La durée de l'habilitation à légiférer par ordonnances doit être certaine et arrêtée par la loi d'habilitation. L'état d'urgence sanitaire est proclamé par le Gouvernement, qui en fixe le terme. L'amendement de Mme Ménard contrevient au régime des ordonnances prévu par l'article 38 de la Constitution. J'y suis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement n° 166 du rapporteur.
La commission adopte l'amendement.
Elle passe ensuite à l'amendement n° 172 du rapporteur.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 3 relatif aux volontaires internationaux en administration (VIA). Nous y reviendrons également après l'article 2.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel n° 34 du rapporteur.
Elle examine ensuite l'amendement n° 61 de Mme Emmanuelle Ménard.
Les ARS sont parfois malheureusement déconnectées des besoins réels du territoire dont elles ont la charge : le maire de Béziers a récemment proposé à tout le personnel des crèches et des écoles de se faire tester pour qu'ils puissent tous retourner travailler sans crainte et sans risque pour eux ou pour les enfants. L'ARS et le préfet ont répondu négativement, arguant que le personnel des crèches et des écoles n'était pas « prioritaire ». Une telle réaction, ubuesque, n'est malheureusement pas isolée.
Le territoire sur lequel se trouve la circonscription de Mme Ménard souffre également d'un manque d'appareils d'imagerie par résonance magnétique. Cinq devaient lui être attribués. Mais l'ARS n'a donné son accord que pour quatre, alors que ces équipements sont indispensables pour diagnostiquer et soigner les patients.
Les ARS ne doivent plus décider seules de ce qui est bon ou non pour les territoires ; elles doivent le faire en concertation avec les maires, les présidents des EPCI et les directeurs des établissements de santé des territoires concernés. C'est l'objet de l'amendement.
L'amendement est probablement d'appel : vous contestez les modalités de fonctionnement des ARS, et non l'habilitation relative aux missions de leurs comités d'agence et des conditions de travail. Cette habilitation est pourtant nécessaire pour créer ces nouveaux comités dans les meilleures conditions possibles, au 1er janvier 2021.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle passe à l'amendement n° 45 de M. Antoine Savignat.
L'amendement vise à supprimer l'alinéa 6, dont l'objectif est de prolonger l'application des dispositions de l'ordonnance du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires. Le groupe Les Républicains dénonce la méthode du Gouvernement, qui vise à profiter de la crise sanitaire pour faire passer des mesures qui n'ont aucun caractère urgent, alors qu'elles mériteraient un débat de fond au sein de notre assemblée.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel n° 169 du rapporteur.
Puis elle en vient à l'amendement n° 49 de M. Julien Dive.
Cette crise sanitaire a fait perdre aux petites entreprises alimentaires agricoles jusqu'à 50 % de leur chiffre d'affaires. Le rapport de la commission d'enquête sur la situation et les pratiques de la grande distribution et de leurs groupements dans leurs relations commerciales avec les fournisseurs soulignait déjà que les ventes de produits saisonniers diminuent fortement dès lors que ces derniers ne sont pas vendus en promotion. La crise sanitaire a aggravé la situation. En conséquence, l'amendement vise à faciliter l'écoulement des produits saisonniers qui n'ont pas trouvé de débouchés durant la présente crise.
Cette précision est intéressante et j'en partage les objectifs. Mais il faudrait attendre les conclusions du rapport qui sera remis avant le 1er octobre 2020 au Parlement avant de prévoir de telles modifications. Avis défavorable.
La rédaction proposée dans le projet de loi laisse une possibilité assez large de modifier les dispositions actuelles concernant l'encadrement en volume des promotions en fonction des conclusions du rapport d'experts qui sera remis le 1er octobre, ainsi que des résultats des consultations menées auprès des acteurs économiques d'ici à cette date. Il est donc prématuré, et sans doute un peu restrictif, d'apporter d'ores et déjà de telles modifications. Je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n° 48 de Julien Dive.
Monsieur le ministre, je note que vous êtes plutôt ouvert à l'esprit de l'amendement précédent, même s'il vous semble prématuré. Avec le rapporteur, vous évoquez le rapport attendu avant le 1er octobre.
L'alinéa 6 du présent article prévoit un report de la fin de l'expérimentation. L'amendement vise à s'assurer que le Gouvernement remettra bien au Parlement un rapport comprenant des éléments relatifs à cette expérimentation avant le 1er octobre prochain.
La remise d'un rapport avant le 1er octobre est déjà prévue ; le Gouvernement pourra nous le confirmer. À ma connaissance, il n'envisage pas de modifier l'ordonnance sur ce point. Votre amendement me paraît donc satisfait et je vous propose de le retirer. Sinon, j'y serai défavorable.
La remise du rapport est bien prévue au plus tard le 1er octobre. L'habilitation au titre de la présente ordonnance, pour six mois – et donc jusqu'en novembre – nous permettra en outre de tenir compte des conclusions du rapport.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement n° 31 de M. Antoine Savignat.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 7, échelon supplémentaire dans la négation du rôle du Parlement puisque, dans le cadre de l'habilitation, il autorise le Gouvernement à s'affranchir de dispositions législatives relatives à la consultation obligatoire de certaines personnes ou de certains organismes avant de prendre ses ordonnances. La crise sanitaire n'interdit pas de consulter les organismes qui doivent l'être, par visioconférence si besoin !
La dispense se justifie par l'urgence. Pour reprendre les termes de l'avis du Conseil d'État, elle correspond à « un choix d'opportunité qui reste justifié par les circonstances présentes ». La dispense de consultation obligatoire ne signifie toutefois pas que les interlocuteurs habituels et privilégiés – comme la CNNCEFP, déjà évoqué – ne seront pas entendus. Je suis défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 2 bis (nouveau) : Élargissement des missions des volontaires internationaux en administration
La commission examine l'amendement n° 173 du rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de mise en cohérence relatif aux VIA après la suppression de l'habilitation.
La commission adopte l'amendement.
Article 2 ter (nouveau) : Harmonisation du traitement des demandes d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français
La commission en vient à l'amendement n° 165 du rapporteur.
Il s'agit ici d'une disposition relative à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Mon avis sera, évidemment, favorable. Certes, la disposition n'est pas directement liée à la situation sanitaire mais nous avons besoin d'un véhicule législatif car certaines victimes des essais nucléaires ne peuvent pas être indemnisées. Or, le calendrier parlementaire a été bousculé par la crise sanitaire et ne nous a pas encore permis de sécuriser le dispositif.
L'amendement vise à préciser les conditions temporelles d'application de l'article 232 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, afin de pallier l'absence de dispositions transitoires relevée par une récente décision du Conseil d'État et de réserver l'indemnisation aux cas dans lesquels l'exposition à la radioactivité est anormalement élevée, quelle que soit la date de dépôt des demandes d'indemnisation devant le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires (CIVEN), y compris si elle est intervenue avant la publication de la loi du 28 décembre 2018. Cela garantira l'égalité de traitement des demandes soumises à l'examen du CIVEN, comme des requêtes en cours devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel.
La disposition avait déjà été adoptée par le Sénat, mais la crise sanitaire a stoppé le processus législatif et le Conseil d'État plaide pour cette clarification.
Je vous fais part de notre première réaction, en l'occurrence celle de Moetai Brotherson, député de la Polynésie française. Il rappelle le combat pour la vérité et la réparation, mené afin de soulager les victimes et pour écrire l'histoire de la Polynésie. Ce combat a connu un tournant en 2010 avec l'adoption de la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite « Morin ». Mais les demandes d'indemnisation des victimes ont alors été massivement rejetées. Ce n'est qu'en 2017 que la loi du 28 février, de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique (« EROM »), a donné raison aux associations et levé les barrières juridiques. En 2018, le Gouvernement a déjà introduit un cavalier législatif pour restreindre les indemnisations lors de l'examen au Sénat du projet de loi de finances. Le 27 janvier 2020, le Conseil d'État a statué : les nouvelles restrictions ne s'appliquent qu'aux demandes d'indemnisation postérieures au 1er janvier 2019. Les critères prévus par la loi « EROM » continuent de s'appliquer aux demandes antérieures.
Si vous souhaitez remettre en cause cette décision du Conseil d'État, nous y sommes opposés, d'autant que cela n'a pas sa place dans ce projet de loi. Si vous voulez légiférer sur le sujet, faites une loi !
Ce cavalier législatif ne passera sans doute pas l'examen du Conseil constitutionnel, s'il est saisi...
Il ne s'agit pas d'un cavalier législatif. Nous nous conformons à l'avis du Conseil d'État, et il y a urgence : la disposition, débattue au Sénat, devait l'être à l'Assemblée nationale, mais le calendrier législatif a été interrompu par la crise sanitaire. Or les victimes attendent des réponses.
Je suis en contact avec de nombreuses associations de victimes et vous confirme que l'adoption d'une telle disposition est urgente pour les victimes des essais au Sahara ou en Polynésie française entre 1960 et 1998, leurs familles, parfois leurs descendants. La loi « EROM » a constitué une avancée en supprimant la notion de « risque négligeable », fortement contestée à l'époque. Il est urgent de mettre rapidement fin à la différence de traitement, difficilement justifiable, entre les demandeurs en fonction de la date de dépôt de leur dossier d'indemnisation.
Bien sûr, il s'agit d'une question nationale, qui ne concerne pas uniquement les habitants des zones concernées, mais les députés de ces territoires s'émeuvent de ne pouvoir participer à nos débats. Certes, je me suis fait leur porte-parole, mais je conclurai par les mots de mon collègue : « la vie des Polynésiens vaut mieux que cela ».
La commission adopte l'amendement.
Article 3 : Centralisation des trésoreries publiques
La commission examine les amendements de suppression n° 14 de M. Jean-Luc Mélenchon, n° 19 de M. Paul Christophe, n° 44 de M. Antoine Savignat, n° 67 de M. Fabien Di Filippo, n° 122 de M. M'jid El Guerrab et n° 125 de M. Pierre Dharréville.
Il s'agit à nouveau d'une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances concernant la centralisation des trésoreries des organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public. On croirait que nous, députés, n'aimons pas légiférer... Il serait indigne de notre démocratie de voter une disposition aussi vague qui, en outre, nous inquiète car elle pourrait potentiellement aboutir à de nouvelles suppressions de postes.
Lors de la discussion générale, je m'étais déjà interrogé sur la portée de cette habilitation. Les collectivités et organismes non assujettis à cette obligation sont inquiets car ces nouvelles dispositions pourraient nuire à la fluidité alors qu'ils ont précisément besoin d'être très réactifs en ce moment. C'est pourquoi je souhaite la suppression de l'article 3, dans l'attente des explications que M. Fesneau ne manquera sans doute pas de nous apporter.
Je défendrai simultanément les amendements n° 44 et n° 67. Dans sa rédaction actuelle, l'article 3 constitue un casus belli car il met à mal tous les organismes chargés d'une mission de service public : les caisses de retraite et les mutuelles dont la trésorerie pourrait se retrouver entre les mains de l'État, et sur les comptes du Trésor, mais aussi les associations chargées d'une mission de service public, notamment les caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) qui gèrent l'aide juridictionnelle et financent les ordres des avocats. Nous ne pouvons que soutenir un amendement de suppression car, sous couvert d'état d'urgence, l'habilitation fait peser une épée de Damoclès pendant douze mois, durée de l'habilitation, sur la tête de tous les organismes.
L'article 3 nous interpelle. Par son caractère très général, il a de potentielles conséquences pour de nombreuses structures assurant des missions de service public. Nous tenons donc à relayer les inquiétudes de l'Association des maires de France, des collectivités territoriales, des établissements publics et des structures associatives.
Cet article habilite le Gouvernement à agir par ordonnance pour permettre au Trésor de récupérer toutes les disponibilités des personnes morales gérant des fonds publics : ainsi, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, dont l'ouverture d'un compte bancaire pour leurs régies d'avances et de recettes est motivée par des contraintes liées à l'implantation géographique ou à la sécurité des fonds et des personnes, seraient désormais contraints de déposer leurs fonds au Trésor. Cela pourrait nuire au bon fonctionnement de ces entités en rigidifiant leurs propres mouvements et besoins de trésorerie au profit de l'État. Cette mesure est disproportionnée, au détriment des activités courantes et limitées des communes.
Notre collègue Charles de Courson estime que vous pourriez ainsi récupérer 10 milliards d'euros, dont 3 milliards en provenance des CARPA. Le confirmez-vous ? Disposez-vous d'une liste détaillée des organismes concernés ? Cela ne pose-t-il pas un problème constitutionnel ?
Pour les mêmes raisons, nous contestons cet article. L'article 26 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) oblige déjà les collectivités territoriales à mettre à disposition tous les fonds dont elles disposent sur un compte du Trésor, sauf exceptions et après accord du ministre du budget, comme c'est le cas pour les régies d'avances et de recettes. Il n'est pas opportun de revenir sur ces exceptions limitatives.
L'extension du champ d'application aux personnes morales, publiques ou privées, semble excessivement large et peu précise. Pourriez-vous nous transmettre la liste des organismes visés ?
Ce dispositif ne permettra-t-il pas à l'État de se financer sur les réserves de certaines professions – comme les avocats ou d'autres professions libérales – sur celles de l'AGIRC-ARRCO ou grâce aux disponibilités de certaines fédérations sportives ? C'est difficilement concevable. Quelle est la légitimité d'une telle décision ? Pouvez-vous démontrer le besoin impérieux pour l'État de disposer de ces liquidités ? Comment le législateur contrôlera-t-il leur utilisation ?
En conclusion, cet article soulève de nombreuses interrogations. Nous ne pouvons donc pas vous autoriser à légiférer par ordonnance : nous ne voudrions pas que vous preniez de mauvaises habitudes !
Je suis défavorable à vos amendements.
Les organismes concernés ne perdront pas leur trésorerie. Celle-ci sera simplement centralisée sur le compte unique du Trésor, comme c'est déjà le cas pour les collectivités territoriales. Il ne s'agit donc pas d'un prélèvement sur fonds de roulement. Le délai d'habilitation de douze mois, raisonnable, permettra d'ouvrir une période de concertation pour déterminer les modalités de rapatriement de la trésorerie. La centralisation des trésoreries publiques est de bonne politique. Elle a été recommandée par la Cour des comptes dans son rapport public de 2009. Elle permet de réduire le besoin de financement de l'État.
Monsieur Christophe, les collectivités territoriales ne sont pas concernées car elles sont déjà correspondants du Trésor. Monsieur Savignat, les caisses de retraite et les CARPA sont hors du champ de l'habilitation. Messieurs El Guerrab et Dharréville, je laisse le Gouvernement vous répondre.
La mutualisation des trésoreries publiques est le fait de déposer sur un seul compte toutes les disponibilités. Si une entité publique met sa trésorerie sur un compte particulier, auprès d'une banque, elle doit emprunter pour assurer l'équilibre à chaque fois que le solde est négatif. La mutualisation est un moyen de contenir l'endettement. On estime à 200 milliards d'euros l'économie réalisée en la matière depuis que cette procédure est suivie – elle n'est pas nouvelle, en effet.
Il ne s'agit en aucun cas d'un moyen de supprimer des postes de comptables : c'est au contraire leur présence auprès des entités publiques concernées qui permet la centralisation.
Celle-ci ne constitue pas une appropriation des réserves. L'État sert de teneur de comptes, comme le ferait une banque, laquelle n'est pas propriétaire des fonds des déposants. L'État n'a aucune liberté sur les mouvements de fonds décidés par les déposants, par exemple les collectivités locales, déjà concernées. Il faut distinguer le dépôt et la propriété : les fonds sont et restent la propriété des déposants. Je me réjouis que M. Dharréville défende, comme nous tous, le principe de la propriété, qui est inscrit dans la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.
Environ 130 milliards d'euros sont déjà concernés par l'obligation de dépôt. Quelques milliards d'euros supplémentaires le seront dans le cadre du nouveau dispositif.
Il y aura un recensement des organismes qui devraient normalement entrer dans le champ du décret de novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (« GBCP ») mais qui bénéficient, en vertu de la loi ou d'un décret autonome, d'une dérogation. Il s'agit de toiletter le dispositif tout en continuant à octroyer des dérogations lorsque l'État n'est pas en mesure de fournir à l'entité concernée le service bancaire nécessaire.
Afin de rassurer un certain nombre d'entre vous, je précise que le Gouvernement ne souhaite pas détenir les disponibilités de la caisse de retraite des avocats et des fédérations sportives. Au-delà de ces acteurs, le Gouvernement ne peut pas commencer à établir une liste alors qu'il a besoin de réaliser un travail sur la faisabilité, dans le cadre d'un dialogue avec les entités potentiellement concernées.
Enfin, la centralisation des trésoreries prendra un peu de temps – le Gouvernement souhaite une concertation en amont.
J'émets un avis défavorable aux amendements.
Compte tenu de la situation, je comprends qu'il soit utile qu'un maximum de fonds puisse être géré par l'État : cela permettra de réduire le taux d'endettement public, peut-être d'une manière significative. Néanmoins, je pourrais vous donner d'autres pistes pour arriver à ce résultat, à commencer par une meilleure justice fiscale, notamment grâce à l'impôt de solidarité sur la fortune. Je suis satisfait que les caisses de retraite – toutes, si je comprends bien – soit exclues du dispositif, mais la question ne s'arrête pas là. Les CARPA seront-elles aussi exclues ? Il s'agit d'un mécanisme très particulier : si les CARPA ne gèrent plus leurs fonds, tout le système s'effondrerait, ce qui poserait d'immenses difficultés.
Il y a manifestement une forme de précipitation sur ce sujet important. Nous avons besoin de savoir précisément ce qu'il en est. Je crois comprendre que vous faites une distinction entre la propriété des disponibilités, que vous laisseriez, et leur jouissance. C'est peut-être un élément de réponse, mais il faudrait être plus clair sur ce sujet.
Vous dites que nous saurons dans quelque temps qui sera concrètement concerné. Personne n'est dupe. Bien que l'organisation actuelle fonctionne bien depuis des décennies, et qu'elle permette notamment de financer l'aide juridictionnelle dans le cadre des CARPA, vous souhaitez une remise à plat. Je suis persuadé que cela fait des années que c'est dans la tête de certains à Bercy. Vous prenez prétexte de l'état d'urgence pour essayer de faire passer cette mesure à la hussarde, ce qui me déplaît. Tant que nous n'aurons pas une connaissance précise du périmètre concerné, nous ne pourrons pas vous donner un blanc-seing. Vous allez réduire à néant une structuration qui s'est faite au fil du temps et qui fonctionne.
Vous vous êtes voulu rassurant en nous disant qu'il s'agit seulement d'une centralisation de la trésorerie, mais je ne suis pas sûr que cela rassure ceux qui sont visés – d'autant qu'on ne sait pas encore qui est concerné, puisque vous n'êtes pas en mesure de le préciser. Vous savez, comme moi, que l'écureuil aime bien avoir ses noisettes dans son nid plutôt que chez le voisin...
Le champ d'application potentiel de cette disposition est énorme : sa rédaction couvre à peu près l'ensemble des acteurs de notre société – des institutions, des associations ou encore des entreprises chargées d'une mission de service public. C'est vraiment trop confus. Nous maintenons donc les amendements de suppression.
Vous avez de la chance que ce soit moi qui représente mon groupe dans cette commission et non Charles de Courson : vous auriez passé un très mauvais quart d'heure... – j'ai échangé avec lui au moins une dizaine de fois. Sa connaissance des questions de comptabilité publique, reconnue par toutes et tous, lui permettrait de dire qu'une telle disposition date du régime de Vichy – tout avait été centralisé en 1941.
Cela sent un coup fourré de la part de Bercy. Tout le monde est inquiet, surtout après ce que vous avez dit : cela représenterait quelques milliards d'euros, mais vous ne savez pas précisément quels sont les organismes concernés. On ne sait pas de quoi ce monstre va accoucher.
Les dépôts de trésorerie sont rémunérés, notamment ceux des avocats auprès de la Caisse des dépôts. Qu'en sera-t-il demain ?
J'aurais également eu de la chance si Charles de Courson avait été là...
Il ne faut pas nourrir l'idée qu'il y aurait des complots. Ils n'existent pas. Je sais qu'on a tout dit une fois qu'on a parlé de Bercy : il est facile de taper sur cette administration – par ailleurs assez efficace...
Si nous sommes dans cette situation, c'est parce que le Gouvernement a fait le choix de répondre dans l'urgence à la crise par de l'endettement.
Le dispositif prévu n'organise pas une spoliation. Il est balisé et connu : il existe depuis vingt ans pour les dépôts des collectivités locales. Lorsque la LOLF a été adoptée, nous avions très peur que l'État ponctionne les dépôts des collectivités, mais cela ne s'est jamais produit, et les disponibilités ont toujours été au rendez-vous. On sait gérer les flux dans l'administration que vous avez citée. Il ne faut pas se faire peur avec des choses qui n'existent pas.
Vous dites que le périmètre est flou. On ne le connaît pas encore, c'est vrai, mais je vous ai donné des balises au sujet des montants et des acteurs qui pourraient ne pas être concernés. Si je connaissais tous ceux qui le seront, ce ne serait pas une simple habilitation que nous vous demanderions. Nous avons besoin de regarder, en reprenant le décret initial, qui devrait entrer dans le périmètre. Il n'y a ni flou ni loup : nous avons seulement besoin de travailler avec ceux qui seront éventuellement concernés.
Par ailleurs, je le répète : il n'y aura pas de spoliation. Le droit de propriété, de nature constitutionnelle, sera respecté. Quand bien même l'idée d'une spoliation nous viendrait – à nous ou à Bercy, bien sûr – ce serait impossible.
Ne surjouons pas la peur. La vraie difficulté est celle de la crise. Il faut trouver des financements sur les marchés et adopter des mécanismes aussi fluides que possible. C'est ce que ce dispositif tend à faire – ni plus, ni moins. Ce sera marginal par rapport à ce qui existe depuis des années.
Les gouvernements qui se sont succédé sous les présidences de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande ont travaillé en utilisant cette mesure sans que personne ait été spolié à ma connaissance. Nous allons continuer à appliquer le dispositif en l'affinant.
Pourquoi demandons-nous douze mois ? Cela permettra de dialoguer avec les acteurs.
La commission rejette les amendements.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement n° 103 de M. Pierre Dharréville.
Elle examine ensuite l'amendement n° 64 de Mme Emmanuelle Ménard.
L'article 3 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi afin d'améliorer la gestion de la trésorerie de l'État.
Le Gouvernement est responsable devant le Parlement, notamment s'agissant de la gestion de la trésorerie de l'État. Il ne serait pas logique que nous nous dépossédions de notre pouvoir de contrôle en la matière alors que la France entre dans une période de crise économique sans comparaison depuis la Seconde Guerre mondiale. L'expertise des parlementaires est indispensable. Si la volonté d'agir rapidement est tout à fait légitime en période d'état d'urgence sanitaire, ce n'est plus le cas dès lors qu'elle cesse : il convient de faire coïncider strictement le recours aux ordonnances avec la période de l'état d'urgence sanitaire, afin que nos institutions puissent à nouveau fonctionner normalement.
Avis défavorable. En ce qui concerne le contrôle exercé par le Parlement, j'ai déposé un amendement, après l'article 4, qui permettra de renforcer nos pouvoirs.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie des amendements identiques n° 21 de Mme Emmanuelle Anthoine, n° 23 de M. Paul Christophe, n° 82 de M. Daniel Fasquelle, n° 117 de Mme Cécile Untermaier, n° 120 de M. M'jid El Guerrab et n° 149 de Mme Agnès Thill.
Je vais défendre en même temps les amendements n° 21 et n° 82. Il faudrait au moins restreindre le champ des organismes qui pourraient être concernés par l'article 3 en excluant ceux dont les disponibilités sont majoritairement issues de cotisations de personnes privées. Le dispositif ne s'appliquerait qu'aux organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public régis par le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. Cela permettrait de limiter les dégâts, si je puis m'exprimer ainsi.
Je sais bien, monsieur le rapporteur, que les collectivités territoriales ont des comptes de dépôt au Trésor. Je pensais aux régies de recettes, qui peuvent y échapper pour disposer de beaucoup plus de souplesse.
J'aimerais avoir une réponse précise en ce qui concerne les CARPA. Seront-elles ou non concernées ?
Mon amendement s'applique notamment au Conseil national des barreaux. Votre réponse, monsieur le ministre, est-elle ferme ?
L'amendement n° 149 vise également à circonscrire le champ de l'habilitation aux seuls organismes publics ou privés chargés d'une mission de service public régis par le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
Tout d'abord, les acteurs définis à l'article 1er du décret « GBCP » sont tenus par son article 47 de déposer leurs fonds sur le compte du Trésor. Restreindre le champ de l'habilitation à ces acteurs reviendrait à la vider de sa substance. Il y a aussi une difficulté légistique, car vous feriez dépendre le contenu de l'habilitation de celui d'un décret : le champ de l'habilitation ne serait pas fixé par le législateur car le Gouvernement a la main sur ce décret. Il conviendrait de retravailler vos amendements en vue de la séance publique. Enfin, beaucoup d'organismes sont financés par des cotisations assises sur des personnes privées. Exclure ces organismes réduirait trop le champ de l'habilitation. Par conséquent, avis défavorable.
Les CARPA n'entrent pas dans le champ de l'habilitation, monsieur Lambert. Je persiste et signe. Cette question ne me paraît pas devoir susciter plus de polémiques et d'inquiétudes que cela.
La commission rejette ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement n° 38 de M. Antoine Savignat.
Dans le même esprit, afin de graver dans le marbre les déclarations du ministre et du rapporteur, mon amendement tend à préciser que seront exclus les organismes gérant un régime de retraite ou détenant des fonds pour le compte de tiers. Ce serait rassurant.
J'ai bien entendu ce que vous avez dit à propos de la disponibilité de la trésorerie, qui serait garantie. Néanmoins, son placement permet à ces organismes de financer leur activité. En cas de dépôt auprès du Trésor, j'ai des doutes quant au versement d'une rémunération. On risque de mettre à mal l'ensemble des activités et l'équilibre financier de ces acteurs.
L'article 3 ne s'appliquera pas aux régimes de sécurité sociale et aux caisses gérant des fonds pour le compte de tiers. Cette lecture m'a été confirmée lors de mes échanges avec le Gouvernement. Votre demande est donc pleinement satisfaite. Par ailleurs, la rédaction de l'amendement n'est pas totalement opérationnelle : le champ de l'exclusion ne serait pas clairement circonscrit, faute de définition précise des organismes gérant des sommes pour le compte de tiers. Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrais un avis défavorable. Si une clarification devait être apportée en séance, à la faveur d'une réaction plus précise, je n'y serais pas opposé, sur le fond.
Je vois bien ce que vous voulez dire s'agissant des caisses de retraite, et je suis d'accord – c'est ce que nous prévoyons. Il me semble néanmoins que la rédaction de l'amendement est trop floue, comme vient de le dire le rapporteur. J'aimerais mieux que l'on en rediscute en séance publique. Par conséquent, avis défavorable.
J'ajoute qu'il faut bien distinguer la question du placement des disponibilités et celle de la trésorerie. Ce que nous visons est le dernier point. Je suppose que nous y reviendrons en séance publique, mais j'en parle dès maintenant pour essayer d'apaiser des craintes qui ne me paraissent pas fondées.
Je clarifierai l'amendement en vue de la séance publique, mais je vais le maintenir – cela permettra de ne pas l'oublier.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 sans modification.
Article 4 : Habilitations pour la mise en œuvre de mesures nécessitées par le retrait britannique de l'Union européenne
La commission est saisie de l'amendement de suppression n° 126 de M. Pierre Dharréville.
Nous considérons qu'il n'y a pas davantage besoin de légiférer par ordonnances au sujet du Brexit que sur les autres points. Le contraire n'a pas été démontré, mais le débat nous éclairera peut-être. La ministre pourrait saisir cette occasion pour nous dire ce qu'elle a précisément en tête et ce qui justifie de procéder par ordonnances, sans que le débat nécessaire ait lieu à l'Assemblée nationale.
Vous proposez de supprimer une habilitation qui permettra de prendre en compte la fin de la période de transition dans les domaines économiques – il s'agit en particulier du tunnel sous la Manche, du transfert de matériel de défense, des contrats d'assurance et des placements financiers. Les incertitudes pesant sur l'issue de la négociation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, quant à la date et à la substance d'un accord de partenariat, sur les décisions de nature législative que pourrait prendre l'Union européenne au vu de l'état des négociations et sur l'adaptation du traité de Cantorbéry rendent indispensable une habilitation à prendre des ordonnances pour assurer la protection des intérêts de la France en ce qui concerne les exportations d'armements et d'équipements spatiaux, les personnes ayant une couverture assurantielle fournie par une entité britannique et les épargnants ayant investi dans des placements collectifs ou des plans d'épargne en actions contenant des titres britanniques. Par ailleurs, le II de l'article 4 permettra de définir en droit français la situation des résidents et des travailleurs britanniques, afin qu'ils puissent mener à bien leurs activités professionnelles à l'issue de la période de transition, lorsque le droit européen ne pourra plus leur être appliqué. Par conséquent, avis défavorable à l'amendement.
S'il y a un domaine dans lequel nous avons besoin de recourir à une ordonnance, c'est bien celui du Brexit. Nous sommes, par définition, dans une situation d'incertitude. Michel Barnier mène, au nom des Vingt-sept et de la Commission européenne, une négociation difficile. On dit souvent que gouverner c'est prévoir, mais c'est aussi anticiper. Ce projet de loi nous permettra, à la fin de la période de transition, dont nous ne connaissons pas la date, de prendre les mesures qui s'imposent pour protéger les intérêts des Français dans quatre domaines bien définis – le tunnel sous la Manche, le transfert d'armements et d'outils spatiaux, les produits d'investissement et les assurances vie.
Je n'ai pas d'agenda caché. Je ne suis pas en mesure de vous dire quand il faudra prendre des dispositions et ce qu'elles devront être précisément, mais nous avons identifié des trous dans la raquette potentiels. Nous avons besoin de pouvoir agir pour protéger les intérêts des Français, notamment financiers, pour assurer la sécurité ferroviaire et pour permettre à certains acteurs de continuer leurs activités. J'émets donc un avis défavorable à l'amendement.
Je précise que nous ne sommes pas en train de préjuger que les négociations vont échouer. Cet article concerne des domaines où nous pensons, néanmoins, qu'il y a de grands risques de ne pas aboutir, dans le cadre de la négociation, aux dispositions nécessaires pour protéger les intérêts de nos concitoyens.
Je vous rejoins sur la nécessité de prendre des ordonnances pour ces sujets. Il y a déjà eu une loi d'habilitation pour une partie d'entre eux. L'intégralité des groupes s'étaient accordés à l'époque sur le besoin de légiférer par ordonnances, et ce besoin est toujours là.
Je suis un peu perplexe, en revanche, sur la durée de l'habilitation, qui serait de trente mois. L'an dernier, alors que toutes les questions actuelles se posaient déjà et qu'il existait des incertitudes supplémentaires, nous étions arrivés à la conclusion qu'une durée de douze mois était suffisante. Du reste, le Gouvernement avait initialement prévu de demander vingt-quatre mois. La logique suivie me surprend, d'autant que l'étude d'impact suggère que les ordonnances ont notamment vocation à traiter des sujets « post-sortie » du Royaume-Uni en l'absence d'accord. Le raisonnement consistant à se caler sur la durée maximale de la transition ne tient donc pas.
Sans vouloir ouvrir un débat sur ce point, je rappelle que des dispositions visant à ce que la période de transition ne soit pas étendue sont inscrites dans la loi britannique – pour qu'il en soit autrement, il faudrait changer la loi avant le 30 juin prochain. Ni le Premier ministre ni le chef de l'opposition – ce dernier l'a confirmé ce matin dans la presse – n'ont l'intention de demander une extension.
Vous souhaitez dessaisir le Parlement de ses prérogatives pendant deux ans et demi. Je trouve pour l'instant que ce n'est pas justifié – mais vous nous donnerez peut-être des explications supplémentaires.
J'ai déjà évoqué l'incongruité d'une habilitation de trente mois. Où est l'urgence avec un tel délai ? Dans la situation d'incertitude que nous connaissons, légiférer par ordonnance place le Parlement en deuxième ligne. Les parlementaires français doivent au contraire pleinement jouer leur rôle pour transmettre à leurs homologues britanniques la volonté du peuple français.
Le Parlement serait même en troisième ligne, derrière la Commission européenne et le Gouvernement. Et avec cette durée démesurée de trente mois, il est complètement dessaisi.
En outre, quel est le lien entre cette demande d'habilitation et ce projet de loi intitulé « Diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de covid‑19 » ? Certes, il y a sans doute des « trous dans la raquette » mais vous utilisez le mauvais véhicule législatif. Votre message sur le Brexit est brouillé, et vous privez le Parlement d'une partie de son pouvoir de contrôle et d'orientation des décisions futures.
Le droit européen prévoit la possibilité, sous certaines conditions, de prolonger la période de transition jusqu'à la fin 2022. Dès lors, il serait pour le moins baroque que je sois obligée de vous demander de proroger l'habilitation dans quelques mois.
Il nous a semblé important de dresser la liste des sujets dans lesquels des mesures doivent être prises pour protéger potentiellement les intérêts français et permettre de poursuivre certaines activités, afin de ne pas dépendre d'un calendrier déterminé par les lois britanniques.
Avec cette habilitation, le Gouvernement n'aura pas à revenir devant vous pour ajouter d'autres sujets avant le terme de la période de transition, c'est un gage de transparence, de cohérence et de stabilité.
Il était prévu de traiter de ces sujets dans un autre projet de loi, qui ne peut être discuté en raison des contraintes imposées par l'épidémie. Nous insérons donc ces dispositions dans le présent texte, et comme le Conseil d'État le recommande, nous sommes favorables à une modification de son titre.
Nous avons toujours plaisir à vous entendre ; que le Gouvernement revienne demander la prorogation de l'habilitation fait partie de l'exercice démocratique pour lequel nous sommes élus. Cela laisserait en outre le temps au Parlement de jouer tout son rôle et de délibérer de manière plus approfondie.
Le problème ne tient pas au titre de ce projet de loi, mais à son contenu. Si des mesures d'urgence sont requises, il est justifié de réunir le Parlement dans ces conditions. Sinon, nous pouvons attendre que la situation soit plus acceptable.
Prenons l'exemple des épargnants français qui détiennent des titres financiers britanniques. Ils risquent de perdre de l'argent en cas de Brexit sans accord au 31 décembre 2020, alors qu'ils n'en sont pas responsables. Il est utile de prévoir dès à présent les dispositions permettant de rassurer chacun dans cette hypothèse. Et si les Britanniques décident d'étendre de six mois la période de transition, la même question se posera six mois plus tard.
Fixer le délai à trente mois est aussi nécessaire au regard des négociations avec les Britanniques. L'Union européenne a accepté que ces négociations puissent se prolonger jusqu'au 31 décembre 2022, si donc je vous présentais des dispositions prévoyant une date antérieure, les Britanniques en déduiraient que nous avons décidé de mettre fin à la période de transition plus tôt.
Si, comme il est probable, la période de transition prend fin au 31 décembre 2020, nous devrons légiférer d'ici là sur les sujets prévus par cet article.
Je ne discute pas de l'urgence. Il est probable en effet que la période de transition s'achève bientôt. Dès lors les questions de défense ou la situation des épargnants sont essentielles. Les ordonnances sont donc justifiées.
Mais la durée de l'habilitation demandée soulève des interrogations. Il y a un an, les interrogations étaient plus nombreuses et nous avons décidé qu'une habilitation de douze mois suffisait. Alors que l'accord de retrait a réduit ces interrogations, vous demandez une habilitation ad vitam æternam, au point que quelques-unes des mesures adoptées seront étudiées par la prochaine législature. D'autant que certains sujets évoqués ne concernent pas la période de transition, mais se poseront après la sortie effective du Royaume-Uni.
En 2019, nous craignions une sortie du Royaume-Uni sans accord, et les négociations n'avaient pas de terme fixé. Depuis, nous sommes convenus de la fin de l'année 2022, et nous ne pourrons pas la modifier. Retenir une autre date serait donc contraire à l'accord de retrait.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement n° 15 de M. Jean-Luc Mélenchon.
L'article 4 ne mentionne pas la renégociation des accords du Touquet. Avant le vote du Brexit, Emmanuel Macron, ministre du gouvernement Hollande, avait annoncé que les migrants ne seraient plus à Calais si le Royaume-Uni sortait de l'UE.
Le département du Pas-de-Calais ne doit pas être le garde-frontière du Royaume-Uni. Le Forum des réfugiés et France terre d'asile proposent des mesures pour envisager concrètement une voie de migration légale vers le Royaume‑Uni, par exemple la création d'un bureau d'asile commun à Calais. Il est urgent de mener une concertation sérieuse avec les acteurs de terrain pour mettre un terme à cette situation intolérable.
Avis défavorable. Les accords du Touquet sont bilatéraux, sans lien avec le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ils ont été complétés par le traité de Sandhurst en janvier 2018, qui renforce le cadre d'action commun pour la sécurisation des infrastructures, la prise en charge des personnes vulnérables, et le traitement des migrants en situation irrégulière. Un travail approfondi est ainsi mené sur les petites embarcations par le ministère de l'intérieur et son homologue britannique.
Les accords du Touquet n'ont rien à voir avec la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Et la situation des migrants à Calais n'est pas liée à ces accords de nature économique et commerciale, dont l'objet est d'assurer la fluidité du trafic. Ce ne sont pas des accords migratoires.
Député de cette circonscription, je m'étonne que les souffrances des habitants ne soient pas évoquées. Le dernier mois a ainsi été marqué par un viol, plusieurs vols dans les locaux de la Société nationale de sauvetage en mer, des projections de gaz lacrymogène dans des habitations ou des jets de pierre sur des maraîchers, l'hospitalisation de CRS et de gendarmes. Il faut évidemment parler de la détresse des personnes bloquées sur ce territoire, mais il ne faut pas oublier la situation des habitants.
Le traité de Sandhurst n'a rien changé : les traversées sont plus nombreuses, nous recueillons des migrants en mer chaque nuit ou presque et les campements démantelés sont réinstallés le matin suivant. Les procédures de mise à l'abri, fondées sur le volontariat, laissent des personnes aux mains des passeurs.
Au-delà des accords internationaux, l'État n'a pas la volonté réelle de régler ce problème qui est en train de pourrir. La situation se rapproche de celle qui régnait au moment de l'installation de la « jungle », marquée par des scènes de guérilla entre les migrants et des attaques contre les forces de l'ordre et la population. Au lieu de tout attendre d'un accord international, il est temps que l'État prenne ses responsabilités.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement n° 65 de Mme Emmanuelle Ménard.
Pourquoi le Parlement devrait-il être évincé des réflexions concernant les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, alors que les mesures prises par le Gouvernement auront des répercussions sur la France et les Français ? Ces dernières semaines ont démontré que le Parlement pouvait travailler dans des délais extrêmement brefs. Pourquoi n'en serait-il pas capable sur de tels sujets ? Le délai de trente mois demandé pour légiférer par ordonnances démontre que le critère de l'urgence invoqué ici ne tient pas. Si la nécessité d'agir rapidement est tout à fait légitime en période d'état d'urgence sanitaire, elle ne l'est plus dès lors que cet état d'urgence cesse. Il convient donc de faire coïncider strictement le recours aux ordonnances avec la période d'état d'urgence sanitaire pour que nos institutions puissent à nouveau fonctionner normalement.
La durée de l'habilitation à légiférer par ordonnances doit être certaine et arrêtée par la loi d'habilitation. L'état d'urgence sanitaire est proclamé par le Gouvernement, qui en fixe le terme. L'amendement contrevient donc au régime constitutionnel des ordonnances de l'article 38.
Le délai de trente mois n'est pas lié à la situation sanitaire, mais au droit de l'Union européenne. Si la période de transition est plus courte, nous aurons besoin de prendre les dispositions très rapidement, si elle se prolonge, nous en aurons besoin plus tard. Nous ne connaissons pas le terme de cette période de transition.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements n° 33 et n° 36 de M. Pierre-Henri Dumont.
L'alinéa 2 laisse penser que deux entités chargées de la sécurité existeraient pour le tunnel sous la Manche, l'une française et l'autre britannique. C'est contraire au traité de Cantorbéry de 1986 et aux normes de sécurité du tunnel, qui imposent une entité unique et non la superposition de deux entités nationales, comme c'était le cas lors du drame du tunnel du Mont-Blanc. Nous souhaitons donc nous assurer que la Commission intergouvernementale (CIG) sera maintenue sous sa forme binationale, et qu'elle ne sera pas remplacée par deux entités nationales.
La CIG ne sera plus l'autorité binationale de sécurité de l'infrastructure du tunnel sous la Manche à l'issue de la période de transition, car l'article 3-7 de la directive 2016/798 interdit la constitution d'autorités binationales de sécurité avec des États tiers à l'Union européenne.
Nous devons nous prémunir au cas où aucun accord ne serait trouvé avec le Royaume‑Uni dans le cadre des négociations avec l'Union européenne ou dans un cadre bilatéral. Dans ces deux cas, la directive 2016/798 devrait être modifiée – ce qui est difficilement envisageable avant la fin de la période de transition – et un protocole additionnel au traité de Cantorbéry devrait être conclu.
L'habilitation doit donc à permettre à la France de se mettre en conformité avec le droit européen au cas, peu probable, où aucun accord sur le tunnel ne serait conclu avant la fin de la période de transition.
Un dispositif comparable avait été adopté par la loi du 19 janvier 2019. Il avait donné lieu à la publication de l'ordonnance n° 2019-96 du 13 février 2019 désignant l'Établissement public de sécurité ferroviaire comme autorité nationale de sécurité pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français.
Avis défavorable.
Le tunnel sous la Manche permet 26 % des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et le continent européen, pour une valeur annuelle de 140 milliards d'euros, et 22 millions de passagers y transitent. C'est un enjeu majeur pour le Royaume-Uni, la France, et toute l'Union européenne.
Nous souhaitons que la CIG reste l'autorité de sûreté ferroviaire. Nous devons néanmoins anticiper, car s'il n'est pas possible de parvenir à un accord dans les délais, le tunnel risquerait de fermer. Nous souhaitons à tout prix éviter ce scénario, mais il est indispensable de prévoir la compétence de l'autorité nationale de sécurité ferroviaire ou d'un établissement public de sécurité ferroviaire, au moins à titre temporaire. Un négociateur français est en cours de désignation pour mener les négociations au nom de l'Union européenne sur ce point.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle examine l'amendement n° 16 de M. Jean-Luc Mélenchon.
L'amendement vise à rappeler au Gouvernement qu'il doit s'assurer que les douanes bénéficient des moyens humains et matériels nécessaires. À simple titre de comparaison, il y a 33 000 douaniers en Allemagne contre 17 000 en France. Aujourd'hui, 0,3 % des conteneurs à Calais sont contrôlés et 0,5 % au Havre.
Je partage votre objectif. Mais si nous supprimions, comme vous le souhaitez, l'alinéa 3 de l'article 4, les services des douanes seraient contraints de rééditer plus de mille décisions administratives dans des délais très brefs et de les notifier aux opérateurs économiques, ce qui représenterait presque deux mois de leur activité normale et désorganiserait significativement leurs autres missions. Notre mesure n'alourdira pas la charge de travail des services, bien au contraire. La mise en œuvre du Brexit exigera, pour d'autres raisons de contrôle, des instructions administratives en urgence, parce que nos dispositions doivent être aussi précises que nos choix politiques réalistes.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement n° 17 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Avis défavorable. Il me semble essentiel de protéger la situation des épargnants, quand ils ont pris des dispositions bien avant que le Brexit ne soit dans leur paysage.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement n° 18 de M. Jean-Luc Mélenchon.
Nous déplorons que l'alinéa 6 n'aborde pas la question des travailleurs détachés. Le détachement des travailleurs est un outil de dumping social, du fait des disparités de salaire minimal. Malheureusement, la directive du 29 mai 2018 ne règle ni la mise en concurrence des travailleurs, ni la pression à la baisse sur les systèmes de cotisations sociales, d'autant qu'elle exclut le secteur routier. Nous refusons que des règles similaires s'appliquent dans le cadre des futures relations de travail entre la France et le Royaume‑Uni.
Je ne comprends pas bien le rapport entre notre disposition et le travail détaché, puisqu'il s'agit de prendre toutes les mesures qui s'imposeraient afin de préserver les intérêts de la France. Par conséquent, nous cherchons à régir la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, ce qui ne relève pas du travail détaché, celle des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique exerçant une activité en France ou bien celle des personnes morales établies en France et dont une partie du capital social ou du droit de vote est détenue par des personnes établies au Royaume-Uni. Avis défavorable.
Je ne comprends pas, moi non plus, le rapport entre la disposition du texte et le travail détaché, d'autant que, si le Royaume-Uni sort sans accord, les ressortissants britanniques seront des ressortissants de pays tiers et ne seront, par conséquent, soumis à aucune juridiction européenne.
En revanche, j'aimerais appeler l'attention de mes collègues sur l'étendue de l'alinéa 6. Nous avons examiné ces cas avant l'accord de retrait, lequel règle 99,9 % des situations. Or vous nous demandez une ordonnance plus large que la première pour traiter un sujet cent fois plus petit. Par ailleurs, dans l'étude d'impact, il n'y a aucune explication de la finalité de ce paragraphe, à l'exception d'un exemple relatif à un type d'avocats britanniques. Si pertinent qu'il soit, cela ne justifie en rien que le Parlement se dessaisisse pendant près de trois ans de sa capacité à décider de quelle manière les ressortissants seront traités sur son territoire. Pourriez‑vous nous donner des exemples beaucoup plus concrets de l'usage que fera le Gouvernement du pouvoir que nous lui déléguons ?
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 4 sans modification.
Article 5 (nouveau) : Contrôle parlementaire renforcé
La commission examine les amendements identiques n° 167 du rapporteur et n° 128 de Mme Marie Lebec.
L'amendement vise à établir un dispositif de contrôle renforcé du Parlement sur la mise en œuvre des habilitations à légiférer par ordonnances prévues par le projet de loi. Le dispositif reprend les mesures figurant à l'article 4 de la loi du 19 janvier 2019 habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Cette démarche est cohérente avec d'autres dispositions de suivi parlementaire adoptées dernièrement : par exemple, la création d'un comité de suivi placé auprès du Premier ministre pour veiller au suivi de la mise en œuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à l'épidémie de covid‑19.
Vous me connaissez. Par cohérence personnelle, je ne peux m'opposer à une disposition permettant au Parlement de jouer davantage son rôle de contrôle et d'évaluation. L'information du Parlement est une priorité constante du Gouvernement. Néanmoins, si je vois tout à fait pourquoi nous aurions besoin d'une information permanente dans le cadre de l'article 4, elle me semble moins nécessaire pour le reste des articles, dans la mesure où l'approbation des parlementaires est requise pour ratifier les ordonnances. Sagesse.
Cela peut avoir un intérêt, puisque nous ne savons pas si toutes les habilitations seront clairement transcrites. L'amendement permet donc de renforcer utilement le contrôle parlementaire.
La commission adopte les amendements.
Titre
La commission examine, en discussion commune, l'amendement n° 147 de Mme Agnès Thill ainsi que les amendements identiques n° 24 de M. Paul Christophe et n° 118 de M. Yannick Favennec Becot.
Cet amendement rédactionnel vise à changer le titre du projet de loi, qui en expose insuffisamment la teneur, en le remplaçant par celui proposé par le Conseil d'État dans le point n° 5 de son avis : « Projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ».
L'amendement vise à mettre le titre du projet de loi, relatif à un triptyque de mesures, en adéquation avec l'avis du Conseil d'État. Le débat touchant à sa fin, je tenais à faire remarquer que plusieurs amendements, en apportant des réponses, avaient permis de supprimer certaines demandes d'habilitation. J'ai bien noté que cette dynamique devrait se poursuivre en séance.
La commission adopte l'amendement n° 147.
En conséquence, les amendements n° 24 et n° 118 tombent.
Enfin, la commission adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à treize heures quarante.