La réunion débute à 14 heures 10.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission poursuit l'examen des articles du projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif (Mme Élise Fajgeles, rapporteure).
Mes chers collègues, nous avons examiné 441 amendements en 21 heures de réunion ; il nous en reste 398. Je me réjouis que nous passions encore de nombreuses heures ensemble (Sourires) et je souhaite la bienvenue au ministre d'État, ministre de l'Intérieur, qui sera parmi nous jusqu'à la fin de nos travaux.
Article 16 (suite) (art. L. 551-2, L. 552-1, L. 552-4 à L. 552-7, L. 552-10 et L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Modalités et régime juridique de la rétention administrative
La Commission examine l'amendement CL341 de Mme Muriel Ressiguier.
Nous demandons que les migrants aient la possibilité de refuser les télé-audiences. Le projet de loi les en empêche et systématise le recours à cette technique, qui vise à ne pas avoir à convoquer physiquement les personnes dans une salle d'audience selon un raisonnement purement économique. Comme le souligne la Cimade, ce projet de loi traite les personnes étrangères en justiciables de seconde zone. À l'instar du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, nous pensons qu'il est inacceptable de généraliser le recours à la vidéo-conférence sans le consentement des intéressés. C'est pourquoi nous voulons la suppression de l'alinéa 17.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 16 modifié.
Après l'article 16
La Commission est saisie de l'amendement CL663 de Mme Danièle Obono.
Le droit des étrangers est marqué par la création de nombreuses procédures parallèles qui portent des atteintes fortes aux droits et aux libertés. Par cet amendement, nous souhaitons mieux encadrer les assignations à résidence décidées par le préfet ou le juge des libertés et de la détention. Si seulement 13 % des mesures d'éloignement sont exécutées, comme l'indiquent les chiffres du Gouvernement, pourquoi ce recours excessif à des mesures privatives de liberté ? Pourquoi une telle violence sur la vie des personnes concernées, pour des durées absolument injustifiées ? Nous vous proposons de limiter les assignations à résidence décidées par le préfet à 45 jours au total et à 15 jours lorsqu'elles sont prononcées par un juge à l'issue d'une rétention.
Nous souhaitons rendre l'assignation à résidence plus efficace afin qu'elle constitue une alternative crédible à la rétention. Je donne donc un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL270 de M. Éric Ciotti.
Notre amendement facilite le placement en rétention administrative des étrangers issus de pays d'origine sûrs. Ils ont bien sûr le droit à ce que leur demande d'asile soit examinée, mais cela doit avoir lieu dans des conditions particulièrement diligentes. La procédure dite « accélérée » doit l'être réellement afin d'avoir un sens. Il faut que les personnes concernées soient placées en centre de rétention administrative pendant l'examen de leur demande d'asile.
C'est vraiment une approche maximaliste. Un demandeur d'asile a droit à l'examen de son dossier sans avoir à être placé en centre de rétention. Par conséquent, avis défavorable.
Vous n'ignorez pas, je suppose, qu'il existe déjà une procédure dite d'asile en rétention. On ne peut pas dire qu'il n'y a jamais d'examen de demandes d'asile de personnes faisant l'objet d'un placement en rétention.
Je n'ignore pas, en effet, qu'il est possible de demander l'asile une fois en rétention, et que le demandeur y demeure alors le temps du traitement de son dossier. Mais ce n'est pas l'hypothèse dans laquelle se place votre amendement puisqu'il concerne des personnes en liberté. Un étranger venu demander l'asile en France doit pouvoir le faire tout en conservant cette liberté.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL617 de M. Ugo Bernalicis.
Je vous propose un amendement d'appel que l'on pourrait appeler : « vis ton vote ! ». Il permettra aux parlementaires d'expérimenter réellement les conséquences des mesures qu'ils adoptent. Par cette démarche peut-être un peu provocatrice, certes, nous voulons attirer l'attention sur la gravité des dispositions figurant à l'article 16. Le Conseil d'État a lui-même pointé du doigt cette question lorsqu'il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la durée de ces mesures privatives de liberté serait allongée. Il faut rappeler que la durée moyenne de rétention n'est que de 12 jours. L'ensemble des organisations de défense des droits humains et de soutien aux migrants ont condamné ces nouvelles mesures, qui suscitent des critiques au niveau national et international. Devant l'ampleur de la contestation, nous souhaitons faire prendre conscience aux parlementaires de la majorité qui soutiennent ce texte en général, et cette mesure en particulier, de ce que cela signifie concrètement. Nous espérons qu'il y ait une réflexion et un retrait de ces dispositions.
Je voudrais saluer non pas ce que Mme Obono qualifie elle-même de provocation, mais l'initiative de la présidente de la commission des Lois, qui nous a incités à nous rendre dans des centres de rétention administrative (CRA). Je crois qu'à peu près tous les députés de la majorité ici présents l'ont fait. Des collègues du groupe majoritaire continuent à effectuer de telles visites. Je ne suis pas convaincue que vous ayez passé davantage de temps en CRA. J'émets un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Article 17 (art. L. 513-5, L. 541-3 et L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Modalités de l'assignation à résidence de longue durée
La Commission examine l'amendement CL498 de Mme Danièle Obono.
Nous demandons la suppression de l'article 17. Notre groupe considère que la possibilité de renouvellement illimité de l'assignation à résidence, avec un réexamen tous les cinq ans, porte atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux. Des personnes condamnées par la justice à une interdiction du territoire, mais ne pouvant pas être renvoyées de notre pays, ne doivent pas faire l'objet d'une telle mesure. Votre choix de l'assignation à résidence peut sembler plus bienveillant que celui de la rétention, mais il risque d'être plus coercitif en réalité. Cela maintiendrait une suspicion durable à l'égard des personnes étrangères. Avec cette mesure censément technique, puisqu'elle vise à prendre en compte une censure du Conseil constitutionnel, vous ne faites que conforter la logique qui inspire ce projet de loi. Nous sommes, quant à nous, du côté de l'humain, qui n'a guère de place dans votre vision comptable et technocratique de la loi.
Je voudrais seulement rappeler que ce dispositif a été validé par le Conseil constitutionnel le 15 mars dernier. J'émets un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement de coordination CL298 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l'article 17 modifié.
Après l'article 17
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement CL838 de M. Florent Boudié.
L'article 17 bis est ainsi rédigé.
Puis elle examine l'amendement CL664 de M. Éric Coquerel.
L'autorité administrative pourra désormais imposer à une personne étrangère, dans le cadre des mesures préparatoires à son départ, c'est-à-dire son éloignement, de rester où elle réside pendant certaines plages horaires. Vous éprouvez malgré tout une forme de gêne : pour prévenir un certain nombre de critiques, il est précisé qu'il faudra tenir compte des impératifs de la vie privée et familiale. Malgré cette concession sémantique, qui n'est pas suffisante, vous allez retenir des personnes chez elles entre trois et dix heures par jour, ce qui perturbera nécessairement, et de manière grave, leur vie privée et familiale. Par ailleurs, les réductions d'effectifs dans la fonction publique ne permettront pas d'opérer les vérifications que vous souhaitez. Notre amendement permettra de remédier à ces dispositions disproportionnées par rapport à l'objectif de préparation du départ de l'étranger et attentatoires aux libertés fondamentales.
Votre amendement priverait l'administration d'une marge de manoeuvre importante, notamment lorsqu'une rétention administrative est remplacée par une assignation à résidence, ce qui est assez courant. Je donne donc un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques CL906 rectifié de la rapporteure et CL825 de M. Florent Boudié.
Notre amendement revient sur les dispositions adoptées à l'initiative du Sénat dans le cadre de la proposition de loi relative à l'application du règlement « Dublin ». En ce qui concerne la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant une visite domiciliaire, nous proposons de revenir à 96 heures au lieu de 144.
La Commission adopte ces amendements.
L'article 17 ter est ainsi rédigé.
Article 18 (art. L. 571-4 et L. 777-4 [nouveaux] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Exécution des mesures d'éloignement prononcées pour des motifs de menace grave à l'ordre public à l'encontre de demandeurs d'asile
La Commission examine l'amendement CL499 de Mme Bénédicte Taurine.
Nous demandons la suppression de l'article 18 afin de maintenir le droit au recours ainsi que les droits fondamentaux des personnes qui ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une interdiction de retour sur le territoire, mais qui ont postérieurement déposé une demande d'asile. Je sais que cela contrevient à votre logique générale : vous voulez poser un principe de privation de liberté, dans le cadre d'une assignation à résidence ou d'un placement en rétention, le temps « strictement nécessaire » à l'examen de la demande d'asile. Votre objectif est l'efficacité, là encore : vous cherchez à expulser plus vite et, pour vous, il n'est pas question de respecter les personnes étrangères concernées. Vous voulez contraindre les magistrats à prononcer une mesure privative de liberté pendant la durée du recours car vous présupposez que l'on essaiera de fuir. Voilà votre « équilibre » entre libertés fondamentales et fantasme d'efficacité en matière d'expulsion.
Cette mesure ne concerne en rien l'ensemble des demandeurs d'asile : elle ne vise que les étrangers reconnus dangereux par la justice pénale et qui ont été condamnés à une interdiction du territoire français, ou ceux identifiés par l'administration comme une menace à l'ordre public justifiant un arrêté d'expulsion. J'émets un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements CL300, de cohérence, et CL301, de clarification rédactionnelle, de la rapporteure.
La Commission examine l'amendement CL500 de Mme Muriel Ressiguier.
Nous proposons un amendement de repli pour maintenir certaines garanties procédurales. À nos yeux, il est très grave de mettre fin au droit à un recours suspensif devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En 2017, celle-ci a annulé 20 % des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce qui est considérable. Les dossiers d'un grand nombre de personnes qui méritaient la protection de la France n'ont donc pas été bien examinés. Avec ce projet de loi, elles risquent d'être exposées à des traitements inhumains ou dégradants hors de France. Notre pays doit garantir un examen sérieux de chaque demande d'asile ; c'est pourquoi nous demandons que les recours contre les décisions de rejet ou d'irrecevabilité de l'OFPRA aient un caractère suspensif. Cela évitera par ailleurs la création de nouveaux contentieux devant les tribunaux administratifs, lesquels sont déjà engorgés et manquent de moyens.
Il me paraît normal qu'une décision d'éloignement fondée sur des motivations relatives à la protection de l'ordre public puisse être exécutoire. Par conséquent, avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements CL302, rédactionnel, et CL303, visant à corriger une erreur de référence, de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l'article 18 modifié.
Après l'article 18
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL206 de M. Éric Diard et CL267 de M. Éric Ciotti.
Lorsqu'un État refuse d'accueillir un de ses ressortissants qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), il en résulte pour notre pays des dépenses publiques au plan administratif comme judiciaire. La France devrait alors prendre ses responsabilités en suspendant, en gelant ou en diminuant les aides publiques au développement versées à l'État concerné. Tel est l'objet de notre amendement CL206.
Nous avons déjà eu ce débat hier : je pense important de revoir nos relations avec des États très proches de nous diplomatiquement, mais qui refusent systématiquement de reprendre leurs ressortissants. J'ai pu constater en visitant des CRA, notamment à Marseille, que le travail réalisé par les forces de police est entravé par la non-délivrance des laissez-passer consulaires. On se moque de nous en refusant les reconduites tantôt par bateau, tantôt par avion, et en mettant des freins à tous les stades d'une procédure qui conduit à mobiliser de nombreux agents des forces de l'ordre. Une bonne partie des 120 policiers du CRA de Marseille s'occupe des reconduites dans les pays d'origine sans que cela fonctionne. Lorsqu'il s'agit de pays avec lesquels nous entretenons des relations proches et quasiment fraternelles, la moindre des choses serait que des liens de confiance s'installent. Si ce n'est pas le cas, regardons les financements. Il n'est pas normal que le Maroc n'accepte personne, par exemple, et que l'Algérie refuse la plupart de ses ressortissants.
Nous aurons l'occasion de reparler dans l'hémicycle de ce sujet, qui n'est pas complètement d'ordre législatif. Le CL267, comme le précédent, sont donc des amendements d'appel. Nous savons bien que la conditionnalité de l'aide publique au développement (APD) est difficile à mettre en oeuvre car la politique étrangère suit des considérations diverses, qui ne relèvent pas uniquement de la politique d'immigration. Néanmoins, nous demandons que l'on évoque la question des laissez-passer consulaires dans le cadre d'un dialogue sérieux avec les pays d'origine, en liant cette question avec celle de l'APD. Certains de vos prédécesseurs, tous éminents, monsieur le ministre d'État, ont essayé de négocier des accords de gestion concertée des flux migratoires et de co-développement avec certains pays, notamment d'Afrique subsaharienne. Je ne sais pas si cela existe encore concrètement, mais c'est en tout cas ce que nous avons essayé de faire il y a dix ans.
Cet amendement consiste presque à mettre en question la logique même de l'aide au développement, dont il faut reconnaître l'objectif. Je saisis cette occasion pour rappeler l'idée que nous défendons également en commission des Affaires étrangères, et qui a toute sa place ici : l'aide publique au développement accuse un retard du fait des gouvernements successifs, en particulier du vôtre, monsieur le ministre, en dépit de l'engagement pris par M. Macron que le rythme actuel ne permettra pas de l'honorer. Je regrette que votre Gouvernement ne prévoie pas un pendant direct en matière d'aide au développement ; c'est inadmissible.
La Commission rejette successivement les amendements CL206 et CL267.
Puis elle examine l'amendement CL516 de Mme Stella Dupont.
Je vous ai indiqué hier que nous consentirions un effort considérable en faveur des centres de rétention administrative. Comme vous l'a rappelé Mme la présidente, chaque député peut s'autosaisir pour examiner l'état des politiques gouvernementales. Je vous propose, madame la députée, de faire le point ensemble d'ici au mois de novembre, date de l'entrée en vigueur de la loi. En attendant, j'émets un avis défavorable sur la forme, mais ouvert dans l'esprit.
Suite au débat d'hier, nous souhaitions que cela soit dit et entendu. Je vous en remercie.
Une fois n'est pas coutume, j'estime qu'un rapport est très utile : celui qui est prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, autrefois appelé « rapport orange », que le ministère produit chaque année. Il ne me semble pas l'avoir reçu récemment alors qu'il est extrêmement utile, car il contient tous les chiffres et les évaluations nécessaires.
Il aurait été utile d'en disposer avant le débat, car c'est une mine d'informations sur l'immigration.
Sur des questions aussi sensibles que l'asile et l'immigration, il est essentiel de garantir la plus grande transparence et que tous les chiffres soient communiqués afin de mesurer l'évolution de la situation. C'est en réfléchissant à partir de données concrètes que le débat prend corps et sort du seul champ théorique. De ce point de vue, je suis favorable à la transparence totale.
Je saisis la balle au bond : je crois comprendre que vous êtes destinataire d'un tableau de bord mensuel concernant les chiffres de l'immigration – y compris les visas et les mesures d'éloignement et de séjour. À ma connaissance, ce tableau de bord n'est pas publié. Il serait pourtant utile au débat public que le pouvoir exécutif partage chaque mois des indicateurs chiffrés avec le pouvoir législatif.
Comme pour la police de sécurité du quotidien, monsieur Larrivé, nous préférons une évaluation globale a posteriori à une politique du chiffre.
L'amendement est retiré.
Chapitre IV
Contrôles et sanctions
Article 19 (art. L. 611-1-1, L. 611-3 et L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. 441-8 du code pénal) : Mesures de contrôle et sanctions attachées à la police des étrangers
La Commission examine l'amendement CL105 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement vise, d'une part, à supprimer l'article qui aligne les conditions de la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour sur le régime de la garde à vue – car rien ne justifie la garde à vue en l'absence d'infraction – et, d'autre part, à maintenir l'abrogation des dispositions sanctionnant d'une peine d'emprisonnement l'entrée irrégulière sur le territoire métropolitain en provenance d'un autre État membre de l'Union européenne, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
J'émets un avis défavorable à la suppression des dispositions de l'article 19 car, tout au long de nos auditions, les forces de l'ordre ont présenté l'allongement de la durée de la retenue administrative comme une mesure opérationnelle essentielle. Quant au délit d'aide au séjour, le débat aura lieu à l'occasion de l'examen des amendements après l'article 19.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL504 de Mme Bénédicte Taurine.
Par cet amendement de repli, nous souhaitons préserver le droit à la sûreté et la liberté d'aller et de venir – qui, accessoirement, sont consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 – en mettant fin au régime dérogatoire du droit commun qu'est la retenue pour vérification du droit au séjour.
Vous entendez instaurer un régime « d'entre-deux », une sorte de version bis ou dégradée du régime de la garde à vue. Le Gouvernement reconnaît lui-même à la page 157 de son étude d'impact que « ce régime est calqué sur celui de la garde à vue alors que les deux mesures répondent à des finalités différentes et donc placent l'intéressé dans une situation juridique sans comparaison ». Cette retenue pour vérification du droit au séjour est le symbole de votre volonté de criminalisation des étrangers et de pénalisation du séjour irrégulier sur le territoire français.
Avant la loi de 2012, l'autorité administrative avait recours à la garde à vue pour vérifier le droit au séjour, ce qui a valu des condamnations en chaîne, non seulement par la Cour de Justice de l'Union européenne mais surtout par des arrêts de principe de la Cour de cassation qui a clairement établi le principe selon lequel un étranger ne peut être placé en garde à vue lorsqu'il n'est poursuivi que pour entrée ou séjour irrégulier. Le législateur a donc choisi de créer la retenue pour vérification alors même que la procédure d'audition libre, moins coercitive, correspondait parfaitement à l'objectif fixé. Vous préférez au contraire instaurer une procédure qui fait la preuve de son inefficacité, comme en atteste l'étude d'impact sans ambiguïté. Pourquoi cette incohérence ?
Gardons-nous de susciter une quelconque confusion en employant des termes tels que « criminalisation ». C'est la moindre des choses que de laisser la vérification de l'identité des étrangers sans droit ni titre aux mains de la police. Pour ce faire, la retenue administrative est essentielle, et son aménagement par l'allongement de sa durée et l'attribution des moyens d'investigation à la police est parfaitement correct. Avis défavorable.
Cette mesure a été analysée autrement que par l'étude d'impact : dans le rapport sur l'application de la loi du 7 mars 2016 de nos collègues Jean-Michel Clément et Guillaume Larrivé, M. Clément a précisément proposé d'allonger de seize à vingt-quatre heures la durée de la rétention administrative pour vérification du droit au séjour afin de faciliter le travail des forces de police et de gendarmerie. Suite à cette préconisation, c'est la durée de vingt-quatre heures qui figure dans le texte.
Permettez-moi de répondre sur l'emploi du terme « criminalisation » afin que chacun comprenne de quoi nous parlons. Il s'agit de personnes qui se trouveront en garde à vue.
Soit : combien de temps ces personnes seront-elles retenues ? Ces procédures ressemblent aux procédures appliquées aux personnes accusées de crimes ou de délits ; voilà ce dont il est question !
Pour démontrer que mon opposition au texte est le fruit d'une réflexion technique, je précise que j'approuve entièrement l'article 19. Avant 2012, madame Autain, le séjour irrégulier était en effet un délit. Les forces de l'ordre avaient la possibilité de placer les étrangers en situation irrégulière en garde à vue sur le fondement de ce délit. La directive « Retour » de 2008, signée par la France, a contraint le législateur à évoluer et, en décembre 2012, alors que M. Valls était ministre de l'Intérieur, il a fait le choix d'adopter un système de retenue qui, en réalité, a en partie rendu la police aux frontières aveugle. Lorsque M. Clément et moi-même avons auditionné la direction centrale de la police aux frontières il y a quelques mois, il nous a été expliqué que du fait de la loi de 2012, la police aux frontières ne pouvait plus prendre les empreintes digitales des étrangers en situation irrégulière.
Dans ces conditions, l'article 19, que je voterai, ne rétablira certes pas le régime de garde à vue puisque la directive « Retour » de 2008 l'interdit, mais renforcera – c'est bien son objectif – le degré de contrainte du mécanisme de retenue en allongeant notamment sa durée, pour permettre à la police aux frontières de réprimer l'immigration irrégulière avec plus de fermeté.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL501 de M. Loïc Prud'homme.
Cet amendement supprime les alinéas 3 et 4 qui consistent, selon la volonté du Gouvernement, à étendre à la quasi-totalité du personnel de sécurité le droit de procéder à une retenue pour vérification du droit au séjour. Loin d'être légère, cette procédure entraîne une privation de liberté et doit donc être strictement encadrée afin de protéger les droits des administrés.
Aujourd'hui, seuls les agents et les officiers de police judiciaire peuvent procéder à ces retenues pour vérification. La raison en est simple : leur grade leur confère un haut niveau de responsabilité et, par conséquent, des pouvoirs étendus. Malheureusement, le dispositif que vous proposez permet de prendre des mesures gravement attentatoires aux libertés de telle sorte que les policiers municipaux, les adjoints de sécurité, les fonctionnaires communaux et intercommunaux, les volontaires servant en qualité de militaires dans la gendarmerie ainsi que les militaires servant au titre de la réserve opérationnelle pourront procéder à ces retenues. Autrement dit, il s'agit de personnes qui n'ont pas été formées pour effectuer ces missions et qui n'ont ni demandé à les exercer ni signé pour cela.
Ainsi, non seulement les administrés de nationalité étrangère ont droit à une justice bis et à des droits procéduraux dégradés, mais leurs garanties procédurales sont elles aussi dégradées. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer ce dispositif.
Des tâches simples comme la prise de photographie et d'empreintes, qui sont visées ici, peuvent être exécutées par d'autres que les seuls officiers de police judiciaire ; cela contribuera à améliorer l'organisation des tâches confiées aux services de police. Je rappelle toutefois que les officiers de police judiciaire conservent la supervision de la procédure et, in fine¸ sa responsabilité. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement CL502 de Mme Danièle Obono.
Vous entendez étendre considérablement la catégorie des personnes habilitées à prendre des mesures attentatoires aux droits et aux libertés, plutôt que de simplement recruter des officiers de police judiciaire. Concrètement, cela signifie que la maîtrise de la dépense publique prime sur les garanties procédurales inhérentes à l'état de droit, et que les administrés de nationalité étrangère ne méritent pas de véritables garanties procédurales, celles-ci étant trop coûteuses aux yeux du Gouvernement.
Par cet amendement, nous souhaitons limiter la casse et sauvegarder la dignité de cette Assemblée en proposant que le contrôle et la supervision de l'officier de police judiciaire soient réels et matériels, afin d'éviter les dérives autoritaires auxquelles cet article est susceptible de donner lieu. Il est indispensable que les officiers de police judiciaire soient aux côtés des agents qui effectuent les retenues sans en avoir la qualification, puisque eux seuls ont été formés à cet effet. Cela permettra d'éviter au maximum le phénomène du « contrôle depuis son bureau » où, par définition, l'officier de police judiciaire ne se trouve pas sur place et laisse les mains libres à des contractuels qui n'étaient pas policiers à peine six mois avant, ou à des militaires qui n'ont jamais signé pour cela, ou encore à des gardes champêtres qui ont sans doute mieux à faire que de faire appliquer le droit des étrangers.
Je n'ai pas saisi s'il s'agissait ou non d'humour dans la rédaction de votre amendement. Avis défavorable, dès lors que l'officier de police judiciaire exerce la supervision et la responsabilité du dispositif.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement de conséquence CL306 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CL503 de M. Éric Coquerel.
Cet amendement vise à supprimer une mesure qui remet en cause au moins deux droits humains : le premier, le droit à la sûreté, est imprescriptible et inaliénable ; le second est la liberté d'aller et venir. En proposant d'allonger de seize à vingt-quatre heures la durée de la retenue pour vérification, vous proposez une mesure injustifiable et totalement inutile. Comment justifier de priver pendant plus de huit heures supplémentaires les personnes faisant l'objet d'une telle vérification ? A priori, rien, sinon la volonté du Gouvernement de donner encore plus de pouvoir de police à des contractuels et à des militaires. Il suffit pour s'en convaincre de lire l'étude d'impact de ce projet de loi : il n'y est fait nulle mention des droits et libertés des personnes, mais il y est en revanche précisé qu'il résulterait de cette mesure « un gain significatif dans l'organisation du travail au sein des services de police et des unités de gendarmerie ». Il nous semble que la priorité, plutôt que d'être celle-ci, devrait consister à garantir les droits. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cette prolongation.
Je précise une nouvelle fois qu'il s'agit d'une vérification d'identité effectuée par des services de police qui, pour ce faire, ont aussi besoin de se tourner vers les services préfectoraux. J'imagine que vous êtes comme moi attachée au temps de travail des fonctionnaires des préfectures, qui ne travaillent pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne s'agit que d'une mesure opérationnelle permettant aux services de police de travailler avec les préfectures. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL505 de Mme Muriel Ressiguier.
Ce nouvel amendement de repli vise à préserver les droits et les libertés fondamentales des personnes en supprimant le régime d'inspection des bagages et de fouilles de la personne faisant l'objet d'une retenue pour vérification du droit au séjour. En effet, vous proposez une nouvelle fois un régime bis et dégradé, moins protecteur que ce qui pourrait être mobilisé en l'état actuel du droit.
Le régime dérogatoire proposé est enclenché non plus sur réquisition d'un magistrat – le procureur de la République – mais sur décision d'un agent lambda « sous contrôle de l'officier de police judiciaire », qui n'aura plus qu'à « informer par tout moyen » le ministère public. Imaginons une situation concrète – vous y verrez sans doute encore de l'humour mais il n'en est rien, ou alors c'est un humour noir – dans laquelle s'appliquera ce dispositif : un militaire, un agent contractuel voire un garde champêtre pourra, de sa propre initiative, priver un être humain de sa liberté pendant vingt-quatre heures et fouiller dans ses affaires, tout cela « sous le contrôle » d'un officier de police judiciaire se trouvant à quarante-cinq kilomètres de la scène, et en informant le procureur de la République par un courriel – qui ne sera peut-être jamais lu – ou un SMS, un coup de fil voire une lettre qui lui parviendra deux jours plus tard.
Ce système nous semble glaçant. Si l'un de vos proches subissait une telle procédure, je ne crois pas que vous trouveriez l'affaire supportable. Dans ce cas, nous ne cesserons de répéter qu'il ne s'agit que d'un problème de moyens. Vous ne consacrez pas les moyens nécessaires car vous êtes dans une logique d'austérité budgétaire. Les droits humains sont massacrés sur l'autel de cette règle d'or.
La vérification des effets personnels ne peut avoir lieu qu'après information du procureur, selon une procédure assez comparable à celle du code de procédure pénale que vous visez vous-même dans l'exposé sommaire de votre amendement. Cette mesure régularise une pratique aujourd'hui exercée sans encadrement législatif. Avis défavorable.
L'expression « agent lambda » est particulièrement méprisante à l'endroit des militaires de la gendarmerie nationale et des fonctionnaires de la police nationale. Que signifie cette formule ? Il s'agit de militaires et de fonctionnaires qui exercent leur office au service de la République, par délégation du Gouvernement et sous le contrôle du Parlement. Ils ne méritent pas votre mépris.
N'ergotons pas sur tel ou tel terme : je parle d'agents qui n'ont pas le grade ou la fonction permettant de répondre aux situations en cause. Il ne s'agit aucunement de mépris. Au contraire, nous souhaitons que soient respectées les procédures et les fonctions des uns et des autres. La réduction des budgets nous oblige à tirer les procédures vers le bas ; cela affecte les étrangers mais, si d'autres catégories de population étaient concernées, nous constaterions sans doute une bronca, y compris dans cette salle. Vous nous accusez de mépriser l'agent lambda : pas du tout, nous le respectons. En revanche, ce texte incarne un pur mépris à l'égard des étrangers, qui ne sont pas considérés comme des êtres humains protégés par des droits et des libertés fondatrices de notre République.
La Commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement CL778 de Mme Valérie Boyer.
L'article 19 va dans la bonne direction mais, s'agissant des fouilles, il faudrait aller plus loin encore. Je rappelle que nous sommes en guerre contre l'islamisme radical et le terrorisme. 31 terroristes ont frappé la France depuis 2012. Je souhaite que nous allions plus loin.
Je découvre dans un article de la presse du matin que la police a procédé en cinq mois à neuf perquisitions et à trente-six mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance contre respectivement 4 469 et 754 au cours des deux années d'état d'urgence. C'est la raison pour laquelle, à la fin de l'état d'urgence, nos forces de l'ordre n'ont plus le droit de contraindre un individu à ouvrir le coffre de sa voiture ni à montrer le contenu de ses bagages en dehors d'un périmètre de protection préalablement défini. L'article 19 prévoit que « pour les seules nécessités de la vérification du droit de séjour et de circulation il peut être procédé, sous le contrôle de l'officier de police judiciaire et en présence de l'étranger, avec l'accord de ce dernier ou, à défaut, après avoir informé par tout moyen le procureur de la République, à l'inspection de ses bagages et effets personnels et à leur fouille ».
Une fois encore, nous allons alourdir le travail des forces de l'ordre, et ce uniquement pour vérifier le droit de séjour et de circulation d'une personne étrangère. Une fois encore, nous organisons notre propre impuissance et nous nous mettons des bâtons dans les roues en compliquant les procédures au lieu de les simplifier. C'est pourquoi, par mesure d'efficacité, je souhaite supprimer l'obligation de consentement prévue à l'article 19.
Votre proposition serait tout à fait attentatoire aux libertés fondamentales. Je vous rappelle que l'Assemblée a adopté une loi relative à la lutte contre le terrorisme ; ce n'est ici pas du tout l'objectif. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements de la rapporteure CL305, rédactionnel, et CL307, de coordination.
Elle examine ensuite l'amendement CL506 de M. Loïc Prud'homme.
Le présent amendement, lui aussi de repli, vise à préserver les droits et libertés des personnes. Il s'agit de respecter le travail des agents et des fonctionnaires qui nous font part des injonctions contradictoires qu'ils reçoivent : on leur demande de faire plus et mieux alors que leurs tâches se multiplient et ne correspondent pas à leur formation. La prise de conscience de ne pouvoir faire correctement leur travail leur cause beaucoup de souffrances. Il n'est donc pas question de mépris mais c'est, au contraire, par respect pour les fonctions et les responsabilités des uns et des autres, que nous insistons sur la situation à la fois des agents et des personnes migrantes. Nous condamnons les procédures dérogatoires proposées par cet article et en particulier, ici, la prise d'empreintes.
Je vous rappelle que l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ordonne que « les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France ». Cette disposition permet de vérifier l'identité de l'étranger qui s'est soustrait à l'obligation de présenter ses papiers. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL207 de M. Éric Diard.
Les mesures d'inspection visées par le présent article étant effectuées sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, il semble opportun de compléter le dispositif par une mesure de fouille corporelle afin de rendre les inspections plus efficaces.
Je vous rappelle qu'il est ici question de droit des étrangers et non de lutte contre le terrorisme. Votre amendement me semblant totalement inutile, j'émets un avis défavorable.
Je ne comprends pas le sens de ce rapprochement : à aucun moment, nous n'évoquons la lutte contre le terrorisme. Il me semble par ailleurs qu'au cours de l'examen des articles précédents, il a été à plusieurs reprises question de menaces à l'ordre public dans des amendements auxquels vous étiez favorable, madame la rapporteure. Or, on a pu le constater, les simples inspections visuelles n'ont pas empêché que soient commis des actes de violence. Cet amendement mérite donc d'être examiné.
Un étranger retenu pour vérification d'identité n'est pas retenu pour menace à l'ordre public, faute de quoi il serait en garde à vue – la différence n'est pas minime. Il n'y a aucune raison de procéder à une fouille corporelle.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL897 de Mme Bénédicte Taurine.
Cet amendement vise à en finir avec votre fameux régime dérogatoire du droit commun, celui de la retenue pour vérification du droit au séjour. Nous estimons que c'est un entre-deux dangereux. Encore une fois, cette procédure a été instaurée à la suite de condamnations de la France par des juridictions nationales et européennes. Ces condamnations sont réelles mais vous essayez de trouver un biais. Il nous semble, encore une fois, que rien ne justifie de priver de sa liberté une personne au motif qu'on veut contrôler son identité, qu'elle soit française ou non d'ailleurs. En renforçant cette procédure, notre crainte est que vous renforciez le contrôle au faciès. Nous avions proposé, à l'occasion d'une « niche parlementaire », des solutions pour y mettre fin ; or, j'y insiste, la généralisation du dispositif prévu à l'alinéa 10 nous préoccupe grandement.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL462 de M. Erwan Balanant.
Le présent amendement vise à supprimer la peine d'emprisonnement d'un an dont sont passibles les étrangers qui refusent de se soumettre à un relevé d'empreintes digitales alors qu'ils sont en situation irrégulière en France.
Nous pensons cette peine d'emprisonnement inopportune, en particulier si l'on s'en tient aux annonces réalisées début mars par le Président de la République, dont l'objectif, dans la perspective de la réforme de la justice, consiste à ne recourir aux peines de prison qu'en dernier recours.
Je vais vous faire part d'une anecdote, monsieur le ministre d'État. Lors de ma visite de la maison d'arrêt de Nanterre, le premier détenu que j'ai rencontré se débattait : il refusait de sortir pour ne pas être soumis à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) prononcée à son encontre. Aussi ces peines d'emprisonnement peuvent-elles se révéler contre-productives.
Votre amendement vise à supprimer la peine d'emprisonnement en cas de refus de donner ses empreintes biométriques pendant une retenue. Or cette peine de prison permet une comparution immédiate. C'est la raison d'être de ce dispositif même si, sur le fond, je vous rejoins totalement.
L'amendement est retiré.
Elle en vient à l'amendement CL507 de Mme Danièle Obono.
L'existence d'un régime dérogatoire d'enregistrement des empreintes et de la photographie de la personne objet d'une retenue pour vérification du droit au séjour est très problématique. L'alinéa 10 permet « d'assortir les sanctions pénales prononcées en cas de refus de prise d'empreintes ou de photographie d'une interdiction du territoire français d'une durée n'excédant pas trois ans ». La question est de savoir quel en est le but. Pourquoi assortir un tel refus de trois ans d'emprisonnement pour les personnes de nationalité étrangère alors que cette durée ne peut excéder trois mois pour un citoyen français ? Pour le même acte, la peine encourue est multipliée par douze !
Nous ne comprenions déjà pas pourquoi un refus identique valait un an d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende pour les uns et trois mois d'emprisonnement et la même amende pour les autres. Porter la peine encourue de un à trois ans nous apparaît terriblement injuste et certainement inutile.
Enfin, je réponds à la rapporteure qui nous a dit ne pas voir de lien entre la retenue pour vérification du droit au séjour et le contrôle au faciès. Vous avez dû entendre parler de l'un de nos concitoyens qui a été placé en centre de rétention administrative pour défaut de présentation de papiers… Je pense que ce genre d'épisodes très « agréables » a peut-être un lien avec ce qu'on appelle le contrôle au faciès, que vous y croyiez ou pas ; et ce jeune homme de vingt-trois ans, en tout cas, s'en souviendra très longtemps.
Encore une fois, la peine de prison prévue est nécessaire pour passer en comparution immédiate, ce qui est essentiel quand un étranger refuse de donner ses empreintes, et n'est possible que si la peine de prison encourue est de six mois. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL195 de M. Éric Diard.
Il semble opportun de ne pas enfermer l'autorité administrative dans une durée maximale de trois ans lorsqu'elle prononce une interdiction de territoire français pour les étrangers qui ne se sont pas soumis au contrôle. Le but, la décision de l'autorité administrative étant nécessairement motivée, est de ne pas alourdir les procédures.
La peine d'interdiction de territoire français est une sanction pénale. Le principe de légalité des peines exige, par conséquent, que la peine maximale que puisse prononcer le juge soit fixée par la loi. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL273 de M. Éric Ciotti.
Puis elle en vient à l'amendement CL508 de M. Éric Coquerel.
Le présent amendement concerne les travailleurs sans papiers. Si l'on suit votre logique, ce sont des personnes à réprimer et non des victimes du cynisme patronal – les patrons profitent du fait de pouvoir disposer de travailleurs à bas coût. Non, ce n'est pas votre problème puisque plutôt que de prévoir des pénalités pour les employeurs, vous traquez les travailleurs sans papiers.
Le fait d'utiliser un titre de séjour appartenant à un tiers afin d'entrer ou de rester sur le territoire français, pourrait désormais devenir passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Pensez-vous sérieusement que ces travailleurs sans papiers sont en mesure de s'acquitter d'une telle amende alors qu'en général ils sont venus de loin, sans le sou, travaillent parfois plus que trente-neuf heures par semaine pour un salaire qui n'atteint même pas le revenu de solidarité active (RSA) – parce que vous savez très bien qu'il y a des intermédiaires qui se « sucrent » au passage et des patrons qui exploitent ces salariés ? J'en ai rencontré au sein de l'entreprise GLS (General Logistics Systems), près de Roissy ; ils étaient plusieurs dizaines à travailler nuit et jour parce que, précisément, ils sont victimes d'un système qui les met dans la misère.
Comment pouvez-vous imaginer que des personnes que vous voulez reconduire à la frontière fassent l'objet d'une peine de cinq ans de prison et d'une amende de 75 000 euros ! Tout cela me paraît illusoire, disproportionné, délirant et sans doute conforme à votre logique puisque, selon vous, les sans-abri sont libres de dormir dehors… Or, concernant les exploiteurs et les exploités, nous voyons, nous, les choses dans le bon sens, celui de la réalité dont vous êtes loin.
Les alinéas visés ont pour but la lutte contre la fraude documentaire et la pratique du travail illégal. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 19 modifié.
Après l'article 19
La Commission examine l'amendement CL146 de M. Éric Ciotti.
Le texte n'aborde pas la question soulevée par le présent amendement, celle des conditions d'accès par les ressortissants étrangers à un certain nombre de prestations sociales. Plusieurs de ces prestations sont conditionnées à une durée de séjour légale et stable tandis que d'autres ne font pas l'objet de cette condition de résidence. Nous proposons ici, avec M. Éric Ciotti et l'ensemble des députés du groupe Les Républicains, d'instaurer une condition de séjour légal de deux années pour l'accès, d'une part, aux prestations familiales et, d'autre part, à d'autres prestations sociales.
Dès lors qu'un étranger se trouve en situation régulière sur le territoire et qu'il contribue de la même façon et suivant les mêmes règles qu'un ressortissant français, je ne vois aucune raison de différer de deux années ses droits à prestation. Avis défavorable.
Je ne partage pas l'avis de la rapporteure. Il est au contraire équitable de demander aux étrangers qui résident en France d'être financièrement autonomes. Je ne vois pas pourquoi des étrangers qui viennent d'arriver bénéficieraient des prestations sociales alors qu'ils n'ont pas cotisé. C'est discriminatoire vis-à-vis des personnes qui résident en France et qui, elles, cotisent. Il me semble par conséquent tout à fait normal qu'on puisse exiger à la fois l'autonomie financière et une durée minimale de présence régulière en France avant de pouvoir bénéficier de certains droits sociaux.
Ensuite, le fait que des étrangers jouissent des droits à la protection sociale, dès lors qu'ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français, ne pose aucun problème. Reste que, nous l'avons rappelé maintes fois, nous ne pouvons nous permettre de créer un appel d'air social, surtout dans la situation dans laquelle nous nous trouvons – je rappelle que l'endettement équivaut au produit intérieur brut (PIB) et que les quelque 33 % du budget de la nation consacrés aux prestations sociales doivent bénéficier aux personnes qui, préalablement, ont cotisé ou bien sont restées pendant un certain laps de temps sur le territoire français.
Je tiens à rappeler ce que rapportent les étrangers et les étrangères à l'économie française et à la sécurité sociale. Un rapport parlementaire montre en effet que, s'il y a bien quelque chose qui peut sauver la sécurité sociale, c'est l'apport des travailleurs étrangers qui cotisent. L'immigration, de ce point de vue, rapporte à l'économie française plus qu'elle ne coûte. Il faut donc éviter de tomber dans le fantasme et la caricature.
Si j'ai bien compris le raisonnement de Mme Boyer, le seul vote de cet amendement suffirait à résorber la dette nationale !
Je propose que cet amendement soit plutôt discuté lors de l'examen du projet de loi de finances… Je suggère en attendant que nous en revenions au fond.
Je pense que les capacités cognitives de M. Questel sont supérieures à ce qu'il a laissé entendre : il n'a naturellement pas compris ce qu'il dit avoir compris…
Ce que je trouverais intéressant, à ce stade de la discussion, c'est de connaître la position du Gouvernement. Le point que nous soulevons relève de la politique d'immigration – et c'est vous, monsieur le ministre d'État, qui coordonnez toute la politique de l'immigration. J'y insiste, nous souhaitons connaître la doctrine du Gouvernement concernant l'accès des ressortissants étrangers aux prestations sociales.
Certaines prestations sont conditionnées à une durée de résidence – de cinq ans pour bénéficier du RSA par exemple. Nous proposons une durée de résidence de deux ans pour bénéficier des prestations familiales. Le gouvernement d'Édouard Philippe, le ministre d'État, ministre de l'Intérieur, considèrent-ils qu'il est nécessaire que les étrangers, dès lors qu'ils mettent le pied sur le territoire, qu'ils possèdent une carte de séjour, puissent accéder aux allocations familiales et aux logements sociaux ?
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient ensuite à l'amendement CL271 de M. Éric Ciotti.
L'amendement vise à supprimer l'aide médicale d'État (AME) en la remplaçant par une aide médicale d'urgence. Analyses et rapports ont montré le coût prohibitif de l'AME qui doit être remplacée pour les raisons financières que je viens d'évoquer mais aussi pour éviter un appel d'air.
Depuis sa création, en 2000, le nombre de bénéficiaires de l'AME n'a cessé d'augmenter et les dépenses de l'État accusent chaque année une forte progression. À titre de comparaison, le coût du dispositif d'assistance sanitaire espagnol s'élève à 233 millions d'euros pour 186 000 bénéficiaires en 2013, soit un coût par personne de 1 250 euros environ, contre le double la même année en France où le coût moyen est de 2 530 euros par personne.
Pour des raisons aussi bien humanitaires que sanitaires, il convient de prévoir une aide médicale d'urgence, strictement limitée à des points très précis comme les urgences vitales et les soins liés à la grossesse.
Cette question revient régulièrement au moment de l'examen du projet de loi de finances. J'ai le souvenir de réponses très fermes d'Agnès Buzyn. Nous tenons et nous tiendrons sur l'AME : toute personne sur notre territoire doit pouvoir accéder aux soins. Avis défavorable.
Je rappelle le chiffre que j'ai donné hier : en deux ans, l'accueil de un million de migrants a coûté aux Allemands quelque 42 milliards d'euros. C'est pourquoi il est nécessaire de disposer de données et de mesurer le coût de l'accueil en France. La représentation nationale doit en discuter et les Français être éclairés.
La croissance économique allemande, selon plusieurs articles de presse qui ne sont pas des références crypto-marxistes, a été « dopée » notamment par l'arrivée des réfugiés. D'un seul point de vue économique, vous devriez donc être satisfaits de ces arrivées massives de migrants et de migrantes.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission examine l'amendement CL539 de M. Robin Reda.
Cet amendement modifie le code de l'action sociale et des familles afin d'extraire les étrangers en situation irrégulière des bénéficiaires de la tarification solidaire dans les transports publics. Il combat une jurisprudence du tribunal administratif de Paris du 25 janvier 2018, lequel a annulé la délibération du Syndicat des transports d'Île-de-France consistant à supprimer le bénéfice de cette tarification sociale. Il faut mettre un terme à ce qui me semble une injustice.
D'abord, pour des raisons budgétaires, si on prend le cas de la région Île-de-France, environ 117 000 étrangers en situation irrégulière bénéficiaient en 2015 d'une réduction de 75 % de leur tarification mensuelle sur la carte Navigo – et n'ont donc payé que 20 euros contre 75 euros pour les autres usagers. Cette réduction tarifaire crée un manque à gagner pour la région Île-de-France d'environ 43 millions d'euros. Ce coût budgétaire risque en outre de s'accentuer puisque M. le ministre d'État a lui-même reconnu le 24 janvier dernier, lors des questions au Gouvernement, une hausse massive du nombre d'étrangers en situation irrégulière en région Île-de-France.
Cet amendement se justifie aussi pour des raisons de justice sociale. Quand on ne respecte pas la loi, on n'a pas à être mieux loti qu'un résident régulier, étranger ou national. Rien ne justifie que les personnes en situation irrégulière bénéficient d'avantages tarifaires dans les transports quand d'autres, en difficulté, paient l'intégralité de leur carte de transport.
C'est enfin une question de cohérence. Les personnes en situation irrégulière ont vocation à rentrer chez elles, comme l'ont affirmé les derniers discours gouvernementaux. Il n'est pas rationnel de les inciter à rester, à s'installer, à créer un quotidien. C'est un excès offert à la liberté d'aller et venir qui permet de se soustraire à certaines obligations et c'est surtout une prime à l'illégalité.
Nous abordons une succession d'amendements dont le but est de restreindre les avantages dont bénéficient les étrangers sur le territoire français au titre de la solidarité nationale. J'y suis défavorable.
Il est question ici d'étrangers en situation irrégulière qui ont vocation à rentrer chez eux. Au nom de quoi, par rapport à des étrangers en situation régulière, à des chômeurs, à des étudiants, à des travailleurs pauvres qui empruntent chaque jour les transports publics et qui paient leur abonnement aux transports régionaux, accorderait-on plus de droits et d'avantages à des personnes hors-la-loi ? C'est totalement incohérent d'autant que les transports publics en Île-de-France sont payés non seulement par les usagers mais aussi en grande partie par le contribuable français.
C'est justement parce que nous ne voulons pas que cet état de fait s'accroisse que nous présentons ce texte. L'objectif est de savoir, en six mois, quelle est la situation des personnes qui pénètrent sur le territoire et demandent l'asile : celles qui y ont droit doivent être régularisées et les autres éloignées. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est que les décisions qui devaient être prises par le passé ne l'ont pas été. Nous sommes confrontés à des zones grises qu'il faudra bien finir par traiter. Pour le moment, il importe surtout d'adopter les mesures présentées ici.
Au nom du groupe Les Républicains, je voudrais vraiment, monsieur le ministre d'État, marquer un désaccord fondamental entre vous et nous sur cet amendement. Je respecte naturellement votre position. Je pense que vous vous exprimez de bonne foi et qu'en dépit de nos désaccords techniques, vous essayez de régler un problème dans la durée.
Ce que nous vous demandons, c'est de régler immédiatement un problème précis. Le tribunal administratif de Paris a obligé la région Île-de-France à accorder une tarification réduite à des clandestins. Or, il n'y a aucun motif d'intérêt général à ce que l'ouvrier français ou étranger en situation régulière paie sa carte Navigo plein tarif et que le clandestin, lui, bénéficie d'une réduction. Il y a de toute évidence une malfaçon législative. Je pense que tous les républicains – toutes les personnes attachées à la devise de la République et notamment au principe d'égalité – seront d'accord avec nous : il n'y a aucune raison de demander à l'ouvrier français, à l'employé français qui prend le métro ou le RER de subventionner le transport des clandestins.
Le danger pointé par notre collègue Guillaume Larrivé est qu'il y aurait une sorte de prime à l'illégalité. Monsieur le ministre d'État, ne serait-il pas utile de retravailler ce point d'ici à la séance publique, notamment avec le ministère des transports ?
Si les commissaires en sont d'accord, je me rallierai à votre proposition, madame la députée, visant à prévoir, d'ici à la séance publique, une discussion avec Mme Borne et à arrêter une position commune concernant non seulement l'Île-de-France mais l'ensemble du territoire.
La Commission rejette l'amendement CL539.
Puis elle aborde l'amendement CL779 de Mme Constance Le Grip.
Je reviens sur le sujet abordé dans l'amendement de mon collègue Robin Reda, sur lequel nous venons d'avoir un échange intéressant. Peut-être cet échange sera-t-il couronné par un commencement d'ouverture de la part du ministre d'État. Le tribunal administratif de Paris a consacré une véritable prime à l'illégalité en annulant une délibération de la région Île-de-France et du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) qui excluait les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports.
Notre amendement vise justement à modifier le code des transports. Dans sa décision, le tribunal administratif de Paris annulant la délibération du STIF pointe une erreur de droit et indique que le code des transports ne subordonne pas le bénéfice de la réduction tarifaire à une autre condition que de ressources – et donc ne le subordonne pas à la condition de régularité du séjour. L'amendement apporte, clefs en main, la solution, le tribunal administratif de Paris nous ayant indiqué la voie : il complète l'article L. 1113-1 du code des transports pour préciser que le bénéfice de la réduction tarifaire est subordonné à la régularité du séjour en France.
Comme il s'agit du même débat que précédemment, il vaut mieux, comme le propose le ministre d'État, rediscuter de ce point avant la séance publique. Avis défavorable pour le moment.
Je saisis l'opportunité offerte par le ministre d'État, que je remercie, pour dire qu'il faut travailler sur plusieurs points relatifs à la tarification sociale, qu'elle soit locale ou nationale : je pense notamment aux bourses d'enseignement supérieur, aux prestations familiales et aux aides au logement. Toutes ces allocations doivent d'abord bénéficier à ceux qui respectent les lois de la République.
La Commission rejette l'amendement CL779.
Elle étudie, en discussion commune, les amendements identiques CL177 de M. Éric Ciotti et CL781 de Mme Valérie Boyer ainsi que l'amendement CL615 de M. Éric Coquerel.
Cet amendement vise à vérifier la réalité de la minorité de certains migrants. Dans près de 40 % des cas, la minorité est sujette à caution. La procédure actuelle incite de jeunes majeurs à se déclarer mineurs pour éviter l'éloignement. Seule l'autorité judiciaire a compétence pour ordonner un test osseux, sur demande des départements qui sont en première ligne dans la gestion de la question des mineurs – ou des faux mineurs – non accompagnés. Le présent amendement propose que l'autorité administrative puisse demander la réalisation d'un test osseux. Si l'intéressé refuse, il doit y avoir présomption de majorité et il lui reviendra de prouver sa minorité.
Les conditions d'accueil des ressortissants étrangers diffèrent selon leur âge. Le droit français, en application de la Convention nationale des droits de l'enfant, prévoit que les mineurs étrangers de moins de 18 ans dits isolés, c'est-à-dire n'ayant aucun représentant légal sur le territoire français, se voient proposer un accueil et soient accompagnés dans le cadre d'une procédure de droit d'asile.
À l'arrivée de migrants supposés mineurs sur le territoire français, pour lesquels un accueil d'urgence de cinq jours est mis en place, le droit prévoit donc que l'âge du jeune ressortissant soit vérifié. Les conditions ont été fixées par la circulaire du 14 avril 2005. Ce texte établit que les services de la police aux frontières (PAF) procèdent à toutes les investigations nécessaires visant à établir clairement la minorité du jeune étranger ainsi que son isolement. Ce constat peut, par exemple, être mené en vérifiant la légalité d'un acte de naissance que la personne porterait sur elle.
Dans le cas où un tel document serait considéré comme irrégulier ou, plus globalement, en cas de doute sur les déclarations de l'étranger quant à son âge, il faut un examen médical qui comporte généralement un test osseux, assorti parfois d'un examen visuel ou de mesures échographiques de certaines parties du corps. Le résultat est transmis au procureur de la République, à qui il revient d'apprécier la force probante de l'examen médical en tenant compte de la marge d'imprécision reconnue à ces techniques, précise la circulaire. L'article 388 du code civil prévoit que les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l'âge, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé.
Il est proposé que l'autorité administrative puisse demander la réalisation d'un test osseux. C'est une mesure de bon sens. Nous devons mettre un terme au contournement de nos lois. En cas de refus, l'individu sera présumé majeur.
Je rappelle que le coût de la prise en charge des mineurs isolés a atteint 1,25 milliard d'euros en France, à raison de 50 000 euros par jeune au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). La contribution de l'État n'est que de 1 250 euros par personne, le reste étant à la charge des départements.
Je laisserai M. le ministre d'État s'exprimer sur la question générale des mineurs non accompagnés. En ce qui concerne plus particulièrement les tests osseux, l'autorité judiciaire est l'autorité protectrice des mineurs. Il me semble approprié de la laisser décider ou non de recourir à ces tests.
La méthode de l'expertise osseuse aux fins de détermination de l'âge des mineurs non accompagnés est largement contestée. Il est communément admis par la communauté scientifique qu'il n'existe aucun procédé médical permettant d'affirmer avec certitude l'âge d'un individu. Les tests de maturation osseuse, dentaire ou pubertaire ne peuvent qu'établir l'évolution du développement et non un âge physiologique. De très nombreuses instances médicales, scientifiques ou éthiques, notamment l'Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d'éthique et le Haut Conseil de la santé publique, ont clairement exprimé leurs réserves ou leur opposition à cette pratique, dont il est avéré qu'elle intègre une marge d'erreur de plus ou moins dix-huit mois et ne permet donc pas de déterminer un âge précis.
En juin 2014, la Commission nationale consultative des droits de l'homme déclarait que l'évaluation de l'âge à partir d'un examen osseux, des parties génitales, du système pileux ou de la dentition doit être interdite. De même, le Défenseur des droits s'est dit résolument opposé à des examens médicaux qualifiés d'inadaptés, inefficaces et indignes. Or, sur la base des résultats de ces tests peu fiables, de graves décisions sont prises et influent sur l'avenir de ces jeunes.
Comme on l'a entendu dans les débats précédemment, il y a chez certains collègues une suspicion généralisée à l'encontre des migrants, surtout quand ce sont des enfants. Il est souvent considéré qu'il faut avant tout dépister la fraude possible, probable, certaine, plutôt que de garantir une protection a priori. Lorsque les méthodes scientifiques sont contestées, on doit en tenir compte et les interdire.
Dans son avis du 8 mars 2006, l'Académie de médecine indique que cette méthode constitue un cadre référentiel universellement utilisé et offre une bonne approximation de l'âge de développement d'un adolescent en dessous de seize ans. S'il y a effectivement une marge d'erreur entre seize et dix-huit ans, l'Académie estime que cette méthode est plutôt favorable aux mineurs car elle sous-estime l'âge réel. Les risques que vous évoquez ne sont donc pas avérés. Avis défavorable.
Le Gouvernement a souhaité dissocier le problème des mineurs non accompagnés (MNA) de l'examen de ce texte. Le problème concerne le Gouvernement mais aussi les départements. Une discussion est précisément en cours entre le Premier ministre et M. Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France. Je propose que nous les laissions traiter cette question avant de nous prononcer. Je rejoins l'avis défavorable de la rapporteure.
Je suis en plein accord avec notre collègue Danièle Obono concernant les tests osseux. Cette marge d'erreur de dix-huit mois pose un réel problème. Ce test a été établi dans les années 1930 sur une population caucasienne en bonne santé – qui ne correspond plus à la nature des personnes aujourd'hui destinataires de ce test.
Notre dispositif d'évaluation sociale fonctionne plutôt bien – les associations nous le disent. Il n'existe de toute façon aucune possibilité d'établir la réalité précise de la minorité. Restons-en au texte actuel qui permet à l'autorité judiciaire d'éclairer l'administration.
Nous proposons que l'autorité administrative puisse demander la réalisation de ces tests osseux. Il s'agit pour les mineurs d'une mesure de protection : on protège les mineurs étrangers mais aussi les autres mineurs qui vont se retrouver en contact avec ces personnes. Quand de faux mineurs, c'est-à-dire des adultes confirmés – étrangers ou pas –, sont mis en relation avec des mineurs, cela pose des problèmes. Compte tenu aussi de l'explosion du nombre de personnes étrangères considérées mineures accueillies par les départements, la moindre des choses est de permettre la réalisation de ces tests de façon fluide. On ne peut le nier : la loi aujourd'hui est contournée. Nous avons évoqué assez longuement ce problème en commission des Affaires étrangères, notamment avec le directeur de l'OFPRA.
La Commission rejette successivement les amendements identiques CL177, CL781 ainsi que l'amendement CL615.
Elle est saisie de l'amendement CL735 de Mme Valérie Boyer.
L'article L. 521-1 du CESEDA prévoit une expulsion si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public.
Il y a environ 24 000 « fichés S » et 20 000 personnes considérées comme un danger potentiel du fait de leur radicalisation sont inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation terroriste (FSPRT) – dont 15 % d'étrangers, soit environ 3 000 personnes.
Les attentats en France ont fait 252 morts depuis 2012. Trente et un terroristes ont frappé la France dont 60 % étaient « fichés S ». Onze terroristes étaient étrangers, quatre avaient la double nationalité et 100 % des attentats meurtriers ont été perpétrés par des individus connus des services de police ou de renseignement, parfois par la police belge en ce qui concerne les terroristes du 13 novembre 2015.
Les Français restent insatisfaits de l'action de l'État : 58 % considèrent que le Président de la République et le Gouvernement ne mettent pas en oeuvre les moyens nécessaires à la lutte contre la menace terroriste en France. 80 % des Français sont favorables à l'expulsion du territoire des individus dangereux de nationalité étrangère – individus que nos services ont repérés. On ne fait pas la guerre avec les moyens de la paix. Il faut renforcer la résilience du pays et nous doter de tous les moyens pour traquer ces terroristes. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'expulser immédiatement les étrangers qui font l'objet d'une surveillance ayant démontré leur caractère dangereux et qui sont inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste. Les personnes qui menacent l'ordre public, et n'ont pas la nationalité française, n'ont pas vocation à rester sur le territoire national. Monsieur le ministre d'État, ce n'est pas vous qui me contredirez puisque vous savez que pour surveiller une personne, il faut entre dix et trente policiers. Le fait de se débarrasser des 3 000 personnes les plus problématiques devrait nous permettre de mieux surveiller nos ressortissants repérés comme dangereux.
La fiche « S » n'est pas un acte juridique. Si on devait l'utiliser pour motiver une décision, il faudrait la produire. Si une fiche contient suffisamment d'éléments, c'est au ministre de l'Intérieur de prendre un arrêté d'expulsion sans avoir à révéler ce contenu, ce qui est beaucoup plus utile et efficace. Avis défavorable.
Nous avons déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet. Je rappelle que les fiches S sont des signalements donnés pour les services de manière à pouvoir adopter telle ou telle attitude par rapport à la personne. Il ne faut pas les confondre avec celles du FSPRT.
Nous sommes en train de revoir le FSPRT, de manière à pouvoir obtenir la protection maximale. Vous dites que 3 000 personnes sont extrêmement dangereuses et devraient être surveillées de manière particulière. Or, elles ne font pas partie des auteurs des attentats. Cela montre la difficulté du problème. C'est pourquoi nous effectuons un travail sur les fichiers.
Dès lors que des personnes qui ne sont pas françaises ont été repérées comme dangereuses, le bon sens veut qu'on ne les garde pas sur notre territoire, surtout dans la période que nous traversons et compte tenu des drames que nous avons connus. Nous n'avons pas assez de personnels pour les surveiller et le coût de cette surveillance est extrêmement élevé. Cette attitude est incompréhensible. Pourquoi traîne-t-on autant pour mettre en place des dispositifs adaptés ? Pourquoi si peu de personnes sont-elles expulsées ?
Monsieur le ministre d'État, je me permets de rappeler que vous avez récemment évoqué une vingtaine d'expulsions. Cela me semble extrêmement faible au regard des informations que nous lisons régulièrement dans la presse, et des propos qui sont tenus dans certaines cités. Je n'arrive vraiment pas à comprendre pourquoi garder sur notre territoire des personnes qui ne sont pas françaises, alors qu'elles sont considérées comme dangereuses.
Madame Boyer, si seuls les individus considérés dangereux et repérés par nos services passaient à l'acte, le problème serait aisé à résoudre. Aujourd'hui, passent à l'acte des gens dont nos services n'auraient jamais pensé qu'ils le fassent. La menace vient du fait que certains individus se radicalisent sans que personne ne s'en aperçoive. Croyez-moi, nous en déjouons beaucoup. Quand nous regardons leur passé, nous nous apercevons que rien ne permettait d'imaginer qu'ils pouvaient passer à l'acte. Je vous assure que c'est une lutte de tous les instants.
Une fois encore, je remercie le ministre d'État de sa présence et de nous répondre précisément. Vous nous avez indiqué que 20 000 individus étaient inscrits au FSPRT, le fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, dont 3 000 de nationalité étrangère. Parmi les 17 000 individus restants, combien possèdent une double nationalité ? Cet élément d'information serait utile, non pour tirer des conclusions automatiques, mais pour bien comprendre si nos instruments juridiques sont adaptés ou pas.
Je ne dispose pas de ce chiffre ici, mais je vous le transmettrai. Nous travaillons sur tous les éléments.
Vous avez certainement noté que la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme prévoyait les criblages et rétro-criblages. Nous appliquons précisément ceux-ci à un certain nombre de personnes embauchées dans tel ou tel type d'activité dangereuse et dont on nous a dit qu'elles pouvaient être radicalisées. Nous procédons actuellement à des examens systématiques. Croyez-moi : nous ne négligeons rien en ce qui concerne la sécurité de nos concitoyens.
La Commission rejette l'amendement.
La séance est suspendue de seize heures à seize heures cinq.
La Commission en vient à l'amendement CL242 de M. Raphaël Schellenberger.
L'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose actuellement qu'un étranger peut être expulsé si sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Il est proposé, à travers cet amendement, d'ajouter un alinéa disposant que l'expulsion doit être prononcée si la personne a été condamnée en dernier ressort en France, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de cinq ans d'emprisonnement.
Cette mesure claire, respectant les dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4 du même code, traduit la volonté d'accueillir en France des étrangers respectueux des lois de la République et du cadre de vie collective que dessinent ces dernières. La condamnation en dernier ressort en France peut déjà justifier le refus ou le retrait du statut de réfugié. Il est cohérent d'étendre ce dispositif aux étrangers ne relevant pas du droit d'asile.
Par ailleurs, une condamnation à cinq ans d'emprisonnement apparaît suffisamment lourde pour justifier également une telle mesure. Une peine de cinq ans couvre notamment l'exploitation d'images pédopornographiques, les agressions sexuelles ou l'escroquerie.
Comme hier, vous demandez l'institution de peines automatiques. Je vous rappelle qu'une condamnation judiciaire ne peut pas entraîner automatiquement une mesure administrative. Il y a deux possibilités : soit le juge la prononce et cela devient une sanction pénale, soit l'administration l'édicte mais pour cela il faut une décision expresse et motivée. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL243 de M. Raphaël Schellenberger.
Cet amendement a le même objet que le précédent, mais il concerne les condamnations à une peine de sept ans. Ce quantum couvre notamment le proxénétisme, la traite d'êtres humains et l'extorsion. C'est pourquoi nous demandons que les personnes qui ont commis ce type d'infraction, de crime, soient expulsées.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie ensuite de l'amendement CL244 de M. Raphaël Schellenberger.
Comme cet amendement a le même esprit que les précédents, vous allez peut-être me faire la même réponse… La condamnation en dernier ressort en France, soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement peut déjà justifier le refus ou le retrait du statut de réfugié. Il est cohérent d'étendre ce dispositif au séjour des étrangers ne relevant pas du droit d'asile.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL263 de M. Éric Ciotti.
Au 1er février 2018, il y avait 69 000 détenus dans les prisons françaises. La garde des Sceaux, à qui j'ai posé une question écrite, m'a répondu qu'on comptait environ 15 000 ressortissants étrangers – 14 964 exactement. La question que nous posons aux députés de la majorité et au Gouvernement, à travers cet amendement d'appel dont la rédaction mériterait d'être affinée, est celle de l'éloignement des étrangers condamnés à la prison. Nous proposons un examen individuel de la situation de chacun d'entre eux au regard de leur nationalité, de leur quantum de peine, ensuite la négociation avec les pays d'origine de protocoles permettant, le cas échéant, l'exécution de leur peine dans le pays d'origine ou leur expulsion à son issue. En tout cas, il nous semble important que cette démarche soit conduite conjointement par le ministère de l'Intérieur et la Chancellerie. On ne peut pas se satisfaire de ce chiffre de 15 000 ressortissants étrangers dans nos prisons, par ailleurs dans la situation que chacun connaît.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que 70 % des étrangers qui sortaient de prison et se trouvaient en situation irrégulière étaient expulsés, ce qui correspond à votre préoccupation. Nous pouvons reprendre ce débat, si vous le souhaitez.
Le point que mon collègue Guillaume Larrivé vient de soulever est essentiel pour plusieurs raisons. D'abord, c'est un problème d'équité. Ensuite, ces 15 000 personnes correspondent au « plan prison » que nous devons mettre en place. Pour que les prisonniers soient accueillis dans des conditions dignes en France, il est en effet nécessaire de construire 15 000 places de prison.
Pardonnez-moi de revenir une fois encore à mon expérience au centre de rétention administrative de Marseille : 50 % des personnes accueillies sortent de prison. Or il est très difficile pour les forces de police de faire retourner ces personnes dans leur pays d'origine pour les raisons que j'ai déjà exposées – problèmes de laissez-passer consulaires et pays qui refusent systématiquement leurs ressortissants. Ces arguments ne sont pas du tout à négliger. J'espère que des propositions concrètes seront faites en séance publique afin que ces mesures de bon sens et de justice puissent être appliquées. Il n'y a aucune raison que les Français supportent cette charge qui est une sorte de triple peine, à savoir des étrangers en situation irrégulière en France, en prison et que les pays d'origine ne veulent pas récupérer.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL264 de M. Éric Ciotti.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement CL339 de M. Éric Ciotti.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL262 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à faciliter les conditions dans lesquelles l'autorité judiciaire prononce des peines d'interdiction du territoire français (ITF). C'est une peine complémentaire prévue par le code pénal, qui peut donc être décidée par les juridictions. En 2016, un peu moins de 1 000 ITF ont été prononcées. Nous souhaitons que ces peines soient de principe, les juridictions pouvant naturellement ne pas les prononcer. Encore faut-il qu'elles le fassent par une décision spécialement motivée ! Elles doivent expliquer à l'opinion publique, au peuple français, pourquoi elles s'en abstiennent.
Je le dis par avance à la rapporteure, cet amendement, auquel nous tenons et qui a du sens, ne méconnaît aucun des principes d'individualisation de la peine et il ne s'agit pas d'instituer une peine automatique.
Il se trouve que votre amendement va plus loin que le prononcé obligatoire de la peine puisque vous proposez d'élargir le régime de l'ITF qui avait été réformée par M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur. Il en avait fortement limité la portée. Je suis défavorable car la réforme faite à l'époque me paraît suffisante.
Je veux bien que la rapporteure me donne des leçons de sarkozisme illustrées… Nous avons déjà défendu cet amendement sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Un débat avait eu lieu à l'Assemblée nationale, au mois de janvier 2012, avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, M. Claude Guéant. Je me souviens très précisément que ce dispositif avait été adopté. Mais nous sommes maintenant en 2018, et il ne s'agit pas de faire ici de l'historique ou de la politique.
Nous vous proposons une mesure qui devra être examinée par le Gouvernement, car elle n'est pas du tout absurde, et qui vise, sur ce sujet important de la délinquance commise par des étrangers, à permettre à l'autorité judiciaire de faciliter le prononcé des ITF. Nous respectons les grands principes d'individualisation, mais il faut que l'autorité judiciaire assume ses responsabilités. Si elle refuse de prononcer l'interdiction, il faut qu'elle dise pourquoi par une décision spécialement motivée. Voilà ce que nous proposons depuis janvier 2012, c'est-à-dire six ans.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL245 et CL246 de M. Raphaël Schellenberger et l'amendement CL774 de Mme Valérie Boyer.
L'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par dérogation à l'article L. 521-1, mentionne les situations qui ne peuvent donner lieu à une mesure d'expulsion que si celle-ci constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique. L'alinéa 8 de cet article dispose toutefois que l'expulsion est possible si l'étranger a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. L'amendement CL245 propose qu'une telle condamnation entraîne une expulsion automatique dans certains cas. L'amendement CL246 est un amendement de repli, qui conditionnr l'expulsion à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à dix ans.
Vous allez certainement repousser ces suggestions en raison du caractère automatique de l'expulsion qu'elles prévoient. Il me semble cependant important que nous puissions avoir une discussion sur ce point car les Français ne comprennent pas comment de telles situations peuvent perdurer.
J'en viens, enfin, à l'amendement CL774. Les étrangers qui commettent une infraction sur le territoire national ou dont le comportement est répréhensible peuvent faire l'objet, en plus d'une peine de prison ou d'une amende, d'une mesure d'éloignement. Cela peut consister soit en une ITF, soit en une expulsion.
L'expulsion est une mesure administrative prononcée à l'encontre des étrangers dont la présence sur le sol français constitue une « menace grave pour l'ordre public ». Elle n'a été utilisée qu'à 95 reprises de novembre 2015 à septembre 2017, et à 12 reprises entre les mois de janvier et septembre 2017. Parallèlement, 15 % des 18 500 personnes inscrites sur le fichier de traitement des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) sont de nationalité étrangère, ce qui représente entre 2 800 et 3 000 personnes.
L'ITF est une peine complémentaire prévue à l'article 131-30 du code pénal. Elle peut être décidée par une juridiction à titre principal ou en complément d'une condamnation. Elle n'est pas une exception : notre droit comprend d'autres peines complémentaires.
La capacité d'un État à éloigner des étrangers qui commettent des actes de délinquance est inhérente au concept de souveraineté. Dans un contexte de menace terroriste et de hausse de la délinquance, la préservation de l'ordre public exige de revoir le droit actuel afin d'expulser systématiquement les étrangers incarcérés ou représentant une menace.
Je suis défavorable aux amendements CL245 et CL246 parce qu'ils prévoient une peine automatique.
Pour ce qui est de l'amendement CL774, la notion de menace pour l'ordre public est une notion subjective, qui appelle nécessairement l'appréciation du préfet, du ministre ou du juge, et ne peut donc pas être inscrite directement dans la loi.
La Commission rejette successivement les amendements CL245, CL246 et CL774.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CL174 de M. Éric Ciotti et CL773 de Valérie Boyer.
L'amendement CL174 est un amendement d'appel qui rétablit le délit de séjour irrégulier. Je sais que l'on va m'opposer l'existence de la directive « retour » de 2008. Le sens de cet amendement est d'inviter le Gouvernement à engager sa renégociation.
La loi du 31 décembre 2012 a apporté certaines modifications au droit pénal des étrangers. Sa portée principale est la suppression du délit de séjour irrégulier et la création du délit de maintien sur le territoire français. Depuis cette loi, le maintien sur le territoire en dépit d'une mesure d'éloignement de l'autorité administrative est incriminé. Autrefois, le fait pour un étranger de séjourner irrégulièrement sur le territoire français constituait un délit : chaque année, 60 000 personnes étaient placées en garde à vue à ce titre. Cette loi prive de pouvoirs d'investigation les forces de l'ordre. En effet, la procédure de retenue administrative limite le contrôle d'identité à quatre heures, rendant le travail des forces de l'ordre et des préfectures difficile.
La garde à vue était très largement utilisée pour retenir dans les locaux de police les étrangers soupçonnés d'être présents sans titre de séjour. Pas moins de 74 000 personnes avaient ainsi été placées en garde à vue en 2010, sur le fondement de suspicions d'infractions à la législation sur le séjour. Les procédures d'éloignement des étrangers en séjour irrégulier se déroulaient selon une procédure encadrée. Elles commençaient par un contrôle d'identité suivi d'une interpellation, puis d'une garde à vue de 24 à 48 heures justifiée par une infraction à la législation sur le séjour. La durée de cette garde à vue avait l'avantage de laisser le temps à l'administration de vérifier l'identité et la situation de la personne étrangère.
Il n'y a aucune raison que le séjour irrégulier, qui est une infraction à la loi, soit traité différemment d'un délit ordinaire. Pour redonner aux autorités de police les moyens de donner force à la loi et de faire respecter la réglementation en matière de séjour, il est indispensable de rétablir le délit correspondant, de supprimer la retenue administrative, d'autoriser à nouveau la garde à vue et de revenir au droit commun des interpellations.
M. Larrivé, qui a lui-même fait référence à la directive de 2008 et à la jurisprudence qui en découle, sait que l'amendement CL174 est contraire au droit européen, et ne sera donc pas étonné que j'y sois défavorable – tout comme je le suis à l'amendement CL773, pour les mêmes raisons.
La Commission rejette successivement les amendements CL174 et CL773.
Elle est saisie des amendements CL259, CL765 et CL740, qui font l'objet d'une discussion commune.
L'amendement CL259, déposé avec mes collègues Olivier Véran et Florent Boudié, a trait à ce que l'on appelle improprement le « délit de solidarité ». Il s'inspire de deux idées : d'abord, que nous devons continuer à lutter avec fermeté contre l'exploitation par les passeurs de la misère des migrants, mais aussi que toute personne qui viendrait en aide à un étranger de manière désintéressée ne saurait être sanctionnée. Malheureusement, en pratique, ce qui semble constituer l'expression même du bon sens ne l'emporte pas toujours.
On ne peut continuer à poursuivre, comme on le fait aujourd'hui, ceux qui agissent avec humanité. La solidarité n'est pas un délit : ce ne peut pas être la conception de la France ; ce n'est en tout cas pas la mienne. Pour autant, il ne s'agit pas de supprimer l'incrimination, nécessaire pour continuer à lutter contre les réseaux de passeurs et contre les filières d'immigration clandestine. L'amendement vient simplifier la lecture des dispositions relatives aux immunités dérogatoires et modifier les règles afin de ne plus mettre sur le même plan, d'une part, ceux qui aident les migrants sans en tirer aucun profit, d'autre part, ceux qui les exploitent.
Concrètement, pour l'aide au séjour et à la circulation, l'amendement continue de sanctionner l'aide apportée dans un but lucratif ou qui vise à obtenir une contrepartie. En revanche, en dehors de ces cas, l'acte de solidarité est dépénalisé. Quant à l'aide au franchissement de la frontière, cet acte ne sera pas poursuivi dès lors qu'il répondra à un objectif humanitaire. Mes chers collègues, avec cet amendement, nous pouvons faire le choix à la fois de la responsabilité et de l'équilibre.
Je me réjouis de voir l'attention que suscitent nos voisins allemands qui, je le rappelle, ont constitué la troisième population d'immigrants à Paris au XIXe siècle. Au moment où nous rêvons de les attirer à nouveau chez nous, cela fait réfléchir en montrant que la roue peut tourner pour les migrants.
Pour en revenir au délit de solidarité, il est très intéressant de constater que l'Allemagne s'appuie sur la solidarité dans la société civile alors que nous nous en défions. Entre 2015 et 2016, 15 000 actions de solidarité ont été engagées en Allemagne. Cela a immédiatement suscité un Grenelle de l'accueil : les associations et les entreprises, avec l'État et non contre lui, se sont demandé ce qu'elles pouvaient apporter à l'escarcelle solidaire. En France, nous en sommes encore à nous demander si nous sommes passeurs ou aidants…
Il y a plusieurs façons de rédiger la suppression du délit de solidarité. L'amendement CL765, que j'ai déposé avec plusieurs de mes collègues, comprend une rédaction proposée par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) qui insiste sur la volonté de la personne qui aurait « sciemment facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d'un étranger, dans un but lucratif ou moyennant une contrepartie ». Si le délit est bien spécifié, on peut éliminer les exceptions prévues : c'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article L. 622-4, qui suscite actuellement des divergences de jurisprudence.
L'amendement CL740 vise à renforcer les sanctions contre les passeurs afin de les considérer comme des marchands d'esclaves. Malheureusement, tout s'achète et tout se vend, y compris le corps humain. Les Nations unies estiment à 32 milliards de dollars par an dans le monde, dont 3 milliards de dollars pour l'Europe, les profits dégagés par la traite. Au regard de ces chiffres, ce trafic est le troisième le plus lucratif pour les organisations criminelles, après ceux des stupéfiants et des armes.
Du fait de sa position géographique, la France est à la fois un pays recevant des victimes de ces trafics, mais aussi un pays de transit. Ne pas agir, c'est devenir complice. Pendant de trop nombreuses années, on n'a traité ce phénomène que sous l'angle de la prostitution alors qu'il existe d'autres formes de traite des êtres humains. Notre pays doit s'attaquer à l'une des racines du problème, à savoir les réseaux de passeurs. Il ne fait aucun doute que certains groupes profitent des différents conflits dans le monde, notamment en Syrie, au Mali ou en Libye, pour exploiter la misère humaine.
Combattre ces passeurs n'est pas une simple question de sécurité, mais aussi un devoir de dignité. Alors qu'ils étaient hier plus ou moins bien organisés, aujourd'hui nous devons faire face à de véritables criminels constitués en réseaux mafieux. Selon certains témoignages, une traversée de la Méditerranée pour un migrant clandestin peut coûter de 3 000 à 7 000 euros par personne.
Juridiquement, le trafic de migrants se distingue de la traite des êtres humains alors que, dans la majorité des cas, ces deux phénomènes sont liés puisqu'ils s'appuient tous deux sur l'exploitation de la mendicité des personnes vulnérables qui tentent de fuir leur pays par tous moyens. Certains passeurs attirent même leurs victimes en leur promettant un avenir meilleur. Actuellement, un passeur encourt 30 000 euros d'amende et cinq ans d'emprisonnement, 750 000 euros d'amende et dix ans d'emprisonnement en cas de circonstances aggravantes.
Mon amendement propose que les sanctions puissent s'élever, comme pour la traite d'êtres humains, à sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende en cas d'infraction simple, et à vingt ans de réclusion criminelle et 3 millions d'euros d'amende pour une infraction aggravée. J'espère, mes chers collègues, que vous le voterez. J'ai déjà posé plusieurs questions au Gouvernement à ce sujet dans l'hémicycle : il est important, au moment où nous parlons d'asile et d'immigration, que les passeurs soient parfaitement informés des risques qu'ils encourent, afin que les sanctions à leur encontre aient une valeur dissuasive.
Je commencerai par dire, au sujet de l'amendement CL740 de Mme Boyer, que je suis hostile au durcissement des peines infligées en cas d'aide simple à l'entrée ou au séjour irrégulier. Passer de cinq à sept ans ne me semble guère justifié, d'autant que les peines prononcées effectivement atteignent rarement ce quantum maximal.
Pour ce qui est de l'amendement CL259, nous partageons tous le souhait de lutter contre les réseaux de passeurs, exploitants de la misère humaine. M. le ministre d'État, M. Florent Boudié et moi-même nous sommes rendus dans les locaux de l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST). Nous en avons auditionné des responsables qui nous ont expliqué que, dans leur travail consistant à lutter contre les filières, ils avaient recours à un faisceau de critères – la multiplicité des auteurs, un minimum d'organisation et des activités à caractère habituel – pour considérer qu'ils se trouvaient en présence d'un réseau criminel. Cependant, il n'est pas toujours facile de distinguer ce qui relève de l'humanitaire de ce qui relève de l'entreprise criminelle, lorsque l'aide aux migrants prend la forme d'une activité militante organisée.
Recourir, comme vous le proposez, à la notion de contrepartie lucrative, me semble extrêmement intéressant, et j'estime que nous pouvons certainement trouver une solution en ce sens, en retravaillant la rédaction avant la séance publique – je crois que M. le ministre d'État y est disposé – afin de le rendre plus précis. En l'état actuel, je vous invite à le retirer.
Je soutiens l'amendement CL259 de Mme Moutchou.
Par ailleurs, en réponse à Mme Boyer, je veux dire que j'ai été extrêmement choquée de l'entendre dire que tout s'achète et tout se vend, y compris le corps humain.
Pour moi, il est des choses qui ne s'achètent pas, parmi lesquelles la solidarité, dont l'exercice ne doit pas être sanctionné.
Lors des réunions de mon groupe afin de préparer l'examen de ce texte, mon attention a été appelée sur l'importance de la question du délit de solidarité à l'évocation du récit de M. Olivier Véran, qui avait accompagné une famille jusqu'à un restaurant solidaire de Grenoble lors d'une nuit glaciale. Je me suis alors souvenue que j'avais moi-même commis ce délit auparavant, sans le savoir, en ayant un geste de solidarité lors d'une journée caniculaire au bord d'une route de l'Hérault. J'en suis venue à penser que nombre de nos concitoyens sont concernés par ce délit qui n'en est pas un, et qu'il ne faut donc pas sanctionner.
Il s'agit là d'un amendement important. Cependant, après avoir écouté sa présentation et la réponse de la rapporteure, j'estime qu'en son état actuel, cette proposition constitue une fausse bonne idée, qui nécessite pour le moins une nouvelle rédaction. Elle représente un sérieux recul en ce qu'elle supprime les exemptions pour la famille de l'étranger, prévues par le droit positif. Elle limite l'exemption de solidarité aux dangers actuels et imminents. Enfin, si elle représente un certain progrès en prévoyant des exceptions au délit d'entraide, elle constitue un recul important en matière d'aide au séjour. Ainsi, une personne locataire d'un logement et qui permettrait à son époux, en situation irrégulière, de dormir chez elle, commettrait-elle désormais un délit d'aide au séjour, puisque ce délit pourrait être constitué entre personnes d'une même famille – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Le délit de solidarité a une longue histoire : apparu en 1938, il a depuis fait l'objet de nombreuses modifications, notamment en 2003 et en 2012, date à laquelle les immunités familiales se sont élargies. Je souhaite la poursuite de cette évolution dans le bon sens plutôt que dans celui d'un durcissement, donc que cet amendement soit retiré pour être retravaillé.
Nous proposerons pour notre part un autre amendement nous paraissant constituer une réponse adaptée à la situation.
Si nous souhaitons évidemment mettre fin au délit de solidarité, nous estimons qu'en leur rédaction actuelle, les deux amendements présentés par nos collègues du groupe LaREM auraient pour conséquence de durcir le délit plutôt que de l'abroger, puisqu'ils visent à supprimer les exemptions familiales. Notre groupe proposera également, dans quelques instants, un amendement beaucoup plus clair en ce qu'il se réfère exclusivement au critère de contrepartie lucrative. Si les amendements que nous examinons actuellement étaient réécrits, il faudrait que ce soit en ce sens.
Nous avons en ce moment un débat qui n'est pas rationnel, du fait que nous examinons en discussion commune, pour des raisons techniques, des amendements qui n'ont pas grand-chose à voir les uns avec les autres. L'amendement du groupe Les Républicains n'a pas pour objet de traiter de la question du délit dit de solidarité – qui n'existe d'ailleurs pas en droit –, mais de renforcer la répression à l'encontre des trafiquants d'êtres humains, des marchands d'esclaves, qui organisent des filières mettant en danger la personne même des migrants.
L'article L. 622-5 du CESEDA, que nous proposons de modifier, vise les trafiquants ayant facilité l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France et ayant commis cette infraction en bande organisée ou dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Ce que nous proposons au 2° de notre amendement – que nous devrions peut-être circonscrire à cette proposition –, c'est que de tels comportements, aujourd'hui réprimés au plan correctionnel par des peines de dix ans d'emprisonnement et d'amende, soient criminalisés.
Je persiste à dire, n'en déplaise à Mme Dubost, qu'aujourd'hui tout s'achète et tout se vend, y compris les êtres humains : il n'y a qu'à voir ces images abominables de personnes jetées sur les routes ou tentant de traverser la Méditerranée sur des radeaux de fortune – des personnes dont chacun sait qu'elles sont la proie de réseaux mafieux. Au début de la crise migratoire, je vous avais déjà interrogé, monsieur le ministre, dans le cadre des questions au Gouvernement. Aujourd'hui, rien n'a changé, et j'estime plus nécessaire que jamais que nous criminalisions les réseaux de passeurs.
Je redéposerai l'amendement en n'en conservant que le dernier alinéa, car il me paraît tout à fait scandaleux que le trafic d'êtres humains aggravé ne soit pas criminalisé. En le faisant, nous adresserions un signal aux trafiquants, et j'aimerais que l'on puisse discuter de cette proposition de façon sereine, sans que certains jettent l'anathème sur nous.
Je veux d'abord dire à Mme Boyer qu'elle n'a pas pu m'interroger en tant que ministre de l'Intérieur au début de la crise migratoire, car j'étais alors sénateur-maire de Lyon.
Effectivement, c'était votre prédécesseur. Je vous prie de m'excuser, monsieur le ministre.
Dans ce débat, il faut distinguer trois cas de figure. En premier lieu, celui des réseaux de passeurs qui font commerce d'êtres humains : ces organisations criminelles opèrent quelquefois à l'échelle d'un continent, drainant les migrants et se passant le relais aux frontières. En deuxième lieu, on trouve des personnes qui portent occasionnellement secours aux migrants et qu'il ne faut pas pénaliser. Ce cas de figure est déjà prévu à l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nous devrons donc analyser finement les modifications que vous souhaitez apporter. La troisième catégorie de personnes – qu'aucun d'entre vous n'a évoquée – est pour moi la plus dangereuse : il s'agit des personnes qui appellent à la suppression des frontières, donc à rejoindre en masse le territoire français de manière irrégulière, au nom de leurs convictions. Nous ne pouvons évidemment pas les soutenir ; cela irait à l'encontre de toutes nos lois !
Il est normal de ne pas pénaliser ceux qui, par générosité, aident des migrants dans la rue – beaucoup de Français le font. Mais il ne faut pas les confondre avec la dernière catégorie de personnes, extrêmement dangereuse – y compris pour les migrants – et totalement irresponsable. Par exemple, un certain nombre de comptes rendus de sauvetage de la gendarmerie de haute montagne soulignent qu'ils incitent les migrants à venir en France en franchissant des cols dans des conditions extrêmement difficiles. Sans l'action des gendarmes, les morts seraient nombreux… D'ici à la séance publique, je vous propose de travailler à une rédaction conjointe et précise de cet amendement.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse. Il est important d'aboutir sur ce sujet. Vous avez raison, nous devons continuer à réfléchir à la meilleure rédaction, de manière à mieux prendre en compte la question des exemptions familiales soulevée par certains collègues. Je retire mon amendement.
Les amendements CL259 et CL765 sont retirés.
La Commission rejette l'amendement CL740.
Elle se saisit ensuite en discussion commune des amendements CL106 de Mme Marietta Karamanli, CL655 de M. Éric Coquerel et CL463 de M. Sylvain Waserman.
« Humanité et efficacité » : notre amendement se propose de donner du sens à la formule, si vous en êtes d'accord.
« Humanité et efficacité », c'est toujours votre devise, monsieur Saulignac !
Nous proposons tout simplement d'abroger le « délit de solidarité » qui, même s'il n'existe pas en droit, existe dans les faits. Comme l'a rappelé ma collègue Marietta Karamanli, il a été institué à une époque – en 1938 – où notre pays connaissait une triste montée de la xénophobie et de l'antisémitisme. L'abroger serait une preuve d'humanité à l'égard de ceux qui se mettent parfois au service des migrants, mais également un signal à destination de la justice, parfois bien embarrassée, l'opinion ne comprenant pas les poursuites.
Il ne faut pas confondre ceux qui encouragent la migration illégale ou ceux qui apportent des « services » aux migrants contre rémunération d'un côté et, de l'autre, ceux qui leur viennent en aide sans but lucratif. Notre amendement propose de ne pas poursuivre la personne qui aurait apporté son aide à un étranger sans but lucratif.
Nous proposons également de mettre un terme au fameux « délit de solidarité ». En l'état actuel du droit, monsieur le ministre, vous acceptez que des personnes qui n'ont pas agi en connaissance de cause et qui l'ont fait sans but lucratif soient passibles de poursuites pénales, alors qu'elles viennent simplement au secours d'êtres humains, parfois mineurs, qui fuient la guerre ou la misère. Nous vous proposons une nouvelle formulation qui évitera que des personnes solidaires soient punies à l'avenir.
En effet, le 8 août 2017, la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné M. Cédric Herrou à quatre mois de prison avec sursis et à mille euros de dommages et intérêts. Pendant le procès, l'avocat général a estimé que le prévenu avait reçu une contrepartie car « lorsque l'aide s'inscrit dans la contestation globale de la loi, elle sert une cause militante et constitue à ce titre une contrepartie ». Nous souhaitons garantir que des humanistes comme lui – il y en a beaucoup – ne soient plus inquiétés. Monsieur Collomb, ils sont particulièrement soucieux du contenu de votre circulaire et de la façon dont vous les traitez. Une cause militante ne doit plus constituer une contrepartie. Cela serait conforme à notre tradition historique de protection des droits et libertés, ainsi qu'au devoir de solidarité et à la liberté de conscience, chèrement conquises au moment de la Révolution française.
Notre amendement vise à rendre sa cohérence au régime des immunités pénales prévues à l'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De façon concrète, si une personne fournit des soins médicaux à un étranger en situation irrégulière afin de lui assurer des conditions de vie digne, la personne aidante n'est pas condamnable car la visée est humanitaire. En revanche, si cette même personne transporte dans son véhicule un étranger afin de lui fournir les soins médicaux, elle peut être pénalement condamnée !
Ces incohérences fragilisent le mécanisme des immunités. Elles ont conduit plusieurs de nos concitoyens à être inquiétés, voir pénalement condamnés. Nous souhaitons inclure le transport directement lié à l'une des exemptions couvertes par les actes de solidarité dans le dispositif de l'article L. 622-4. Nous ne touchons ni à l'équilibre ni à la qualification de l'infraction – afin de ne pas rendre impossible le démantèlement des filières –, mais voulons protéger ces actes de solidarité dont notre société a besoin.
Le débat est proche de celui que nous venons d'avoir. M. le ministre s'étant engagé à ce que l'on parvienne à une rédaction pour la séance publique, afin de prendre en compte les actes de solidarité et de générosité de nos concitoyens, mais également le nécessaire respect de la loi, je vous invite à retirer vos amendements.
Après la béatification de Jacques Toubon tantôt, voici maintenant celle de Cédric Herrou… Nous vivons une époque formidable !
Je rappelle à notre collègue de la Nouvelle Gauche que la question de l'abrogation du délit de solidarité s'était déjà posée en 2012. Elle avait été réclamée par François Hollande, mais n'avait pas pu aboutir. La loi du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées n'a pas permis de résoudre toutes les situations – Marietta Karamanli s'en souvient sans doute –, d'où l'intérêt de réfléchir à nouveau collectivement à la rédaction de cet article L. 622-4. Entre la solution que propose notre collègue Naïma Moutchou – j'étais cosignataire de l'amendement avec M. Olivier Véran – et l'amendement déposé par le MoDem, nous devrions pouvoir aboutir à une rédaction conforme à vos voeux pour la séance publique, monsieur le ministre.
L'amendement de notre groupe a le mérite de la clarté et il est intelligible. Nous souhaitons le maintenir. Les modifications apportées au « délit de solidarité » sont intervenues en plusieurs étapes : en 2003, la clause humanitaire a été consacrée par amendement pour répondre aux craintes exprimées par les associations ; en 2012, la majorité est allée plus loin, en étendant l'immunité et en établissant une distinction claire entre les réseaux de trafic et les bénévoles – membres d'associations ou citoyens.
Si la formule de 2012 constitue un progrès, certaines personnes ont malgré tout été condamnées. La rédaction de notre amendement, simple et claire, nous permettra de franchir une nouvelle étape progressiste et humaniste – des qualités chères à la majorité – et de ne pas mettre en oeuvre une politique de droite dure.
Nous sommes prêts à retirer notre amendement sous réserve d'une discussion en séance publique. Nous souhaiterions malgré tout être rapidement éclairés sur la question du transport. Notre amendement était précis et factuel ; ce point nous intéresse tout particulièrement.
Je voudrais me faire le porte-parole de M. Manuel Valls… même s'il s'exprimera peut-être lui-même. L'article L. 622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile me convient parfaitement dans sa rédaction actuelle ! On ne pénalise pas celui qui aide au séjour pour des raisons médicales ou lorsqu'il s'agit d'assurer des conditions de vie digne et décente à l'étranger. Cette exception d'humanité – humanitaire – bloque la poursuite pénale.
Si l'on adoptait les amendements proposés par certains députés de La République en Marche, du MoDem ou de La France Insoumise, on légitimerait l'aide au séjour irrégulier pour des raisons politiques subversives. Certes, ce ne sont pas des raisons lucratives, mais si on adopte vos amendements et si quelqu'un refuse le respect de nos frontières pour des raisons politiques, puis organise une filière d'immigration irrégulière, il ne fera l'objet d'aucune poursuite pénale ! La sagesse serait de s'en tenir à la rédaction issue de la loi du 31 décembre 2012, présentée à l'époque par M. Manuel Valls.
L'intervention de M. Larrivé – qu'il soit ou non le porte-parole de M. Valls – est intéressante. Il y a peu de temps, France 2 avait diffusé un reportage sur des migrants arrivant dans des villages français après avoir traversé les cols enneigés des Alpes. Les habitants de ces villages se contentaient de les héberger une nuit et de leur donner de la nourriture, selon nos principes de fraternité et d'humanité – une des bases de notre République. Au cours de ce reportage, la préfète avait dit la même chose que vous, monsieur Larrivé : il peut y avoir délit à partir du moment où, en hébergeant un migrant à son arrivée sur le territoire français, on l'incite à franchir la frontière de manière illégale ! Dans la situation actuelle, cela revient à criminaliser l'action de nos concitoyens qui ne supportent pas de voir quelqu'un mourir de froid ou de faim devant leur porte…
La rédaction de notre amendement est simple et vise à clarifier la situation, d'autant que nous excluons les passeurs et tous ceux qui font commerce de la misère humaine. Nous ne souhaitons pas travailler à un compromis car les propos de M. Collomb me font croire que nous lâcherions la proie pour l'ombre. Nous maintenons notre amendement.
Je souhaite soutenir le ministre de l'Intérieur, non par solidarité de fonction mais parce qu'il fait face à un problème majeur, qui n'était pas aussi aigu en 2012. La crise migratoire est passée par là et nous en aurons d'autres, sous d'autres formes…
En 2012, quand nous avons abrogé une partie des dispositions relatives à ce que l'on appelle le « délit de solidarité », c'était précisément pour essayer de répondre à l'expression de cette solidarité, nos concitoyens venant déjà en aide à ces gens en grande difficulté. Je n'ai pas d'amour-propre d'auteur – une disposition peut toujours être améliorée – mais je pense qu'il s'agissait du juste équilibre.
Je comprends les bonnes intentions face à ces situations insupportables. Mais aller au-delà de l'état actuel du droit reviendrait à donner des signes à rebours de ce que sont la réalité migratoire et la pression à nos frontières. À l'époque, la modification avait déjà été considérée comme extrêmement permissive ! Tout le monde – en commission comme dans l'hémicycle – peut se retrouver dans un juste équilibre, afin que la continuité, l'unité et un peu de lucidité prévalent face à notre situation frontalière.
J'ajouterai qu'il faut faire confiance aux juges. Les situations doivent être appréciées au cas par cas et, dans la très grande majorité des dossiers, les juges font preuve d'humanité tout en respectant la loi.
Je vous le confirme car je suis allée à Montgenèvre et à Briançon, où j'ai rencontré des associations qui organisent des maraudes sur le territoire français : il n'y a pas de poursuites et, quand il y en a, les affaires sont classées sans suite. En effet, le juge peut vérifier le caractère humanitaire, solidaire et généreux de ces actions. La loi, assez logiquement, cadre cela.
La Commission rejette les amendements CL106 et CL655. L'amendement CL463 est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CL620 de Mme Muriel Ressiguier.
L'amendement dépénalise le séjour irrégulier en le faisant entrer dans le champ – contraventionnel – de l'article 131-13 du code pénal. Il s'agit de prendre acte des vagues jurisprudentielles progressistes suite à l'arrêt Hassen El Dridi de la Cour de Justice de l'Union européenne du 28 avril 2011. Les arrêts de la Cour de cassation pris sur cette base ont d'ailleurs forcé le Parlement à légiférer sur la garde à vue pour séjour irrégulier – nous en avons parlé.
Nous proposons de dépénaliser le fait pour des étrangers de se maintenir sur le territoire après une mesure de reconduite à la frontière, une obligation de quitter le territoire ou une interdiction administrative de territoire. La pénalisation est maintenue pour les étrangers ayant fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire du territoire, eu égard aux raisons impérieuses d'ordre public pouvant motiver de telles mesures.
Nous proposons de punir les premiers par des contraventions de cinquième classe – contraventions maximales – prévues à l'article 131-3 du code pénal. Ce serait un moyen d'atténuer la violence subie par ces personnes : la plus sévère des contraventions nous semble largement suffisante.
Violer une OQTF est un délit. Par ailleurs, le législateur n'est pas compétent pour créer une contravention. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL899 de la rapporteure.
Lors de son audition, le vice-procureur de Toulouse nous a expliqué qu'un grand nombre d'étrangers en situation irrégulière faisaient l'objet de condamnations qu'il était impossible d'assortir d'une peine d'interdiction du territoire français.
Cet amendement vise à permettre aux juridictions de prononcer, à titre principal ou complémentaire, la peine d'ITF en répression de certaines infractions délictuelles graves, dont l'exposé des motifs dresse la liste. Il faut savoir que la plus grande partie des condamnations d'étrangers en situation irrégulière vise ces délits d'une gravité caractérisée, comme les agressions sexuelles, les vols avec violence ou encore les avortements forcés.
Je vous remercie d'avoir déposé cet amendement, madame la rapporteure. Je me souviens de cas où j'ai requis des peines d'ITF alors qu'elles n'étaient pas prévues, tant cela me paraissait insensé. Cette mesure est indispensable. Le groupe MoDem votera cet amendement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL736 de Mme Valérie Boyer.
Il faut interdire le retour des terroristes étrangers. La première des libertés consiste à vivre en toute sécurité. Dans le contexte actuel, nous ne pouvons-nous contenter de guérir les blessures de notre pays avec des minutes de silence, des peluches, des commémorations ou des marches silencieuses. Nous devons donner des signes forts de notre résistance. En tant que législateur, dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, nous devons prendre nos responsabilités et doter notre pays de dispositifs efficaces de lutte contre le terrorisme. La France a pleuré ses victimes, la semaine dernière son héros. Face à cette souffrance, notre responsabilité est d'agir en faisant bloc autour des valeurs françaises pour abattre les fondamentalismes islamiques. Nous ne devons plus nous contenter de discours et d'annonces : nous sommes en guerre et nous ne devons pas baisser les bras.
Il s'agit ici de rendre systématique et définitive l'ITF pour les ressortissants étrangers condamnés pour des actes de terrorisme. Aujourd'hui, l'ITF peut être définitive ou limitée à dix ans. Il ne s'agira pas d'une peine automatique puisque c'est le juge qui la prononcera. Comme pour le trafic d'êtres humains, nous devons envoyer des signaux forts.
Une ITF doit pouvoir être modulée par le juge pour être réellement efficace. Avis défavorable.
Madame la rapporteure, vous avez le droit d'être en désaccord, mais votre devoir est de dire des choses juridiquement exactes. Nous ne disons pas que l'ITF doit être automatique, mais définitive. Le deuxième alinéa de l'article 422-4 du code pénal, que nous n'entendons pas modifier, prévoit que la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer l'ITF.
Madame Boyer, vous expliquez qu'il ne faut pas se contenter de guérir les blessures, mais agir en amont. Faut-il rappeler que presque toutes les personnes qui ont commis des actes de terrorisme sur le territoire étaient soit de nationalité française ou belge, soit des ressortissants installés depuis longtemps en France ? Vous laissez penser, au moins dans l'exposé sommaire de votre amendement, qu'il existe entre les migrants et les personnes coupables de terrorisme un lien tellement étroit qu'il faut réagir dans l'urgence. Venant de vous, cela ne m'étonne pas tant que ça.
Monsieur Larrivé, j'ai parfaitement compris l'objet de cet amendement. Il ne s'agit pas d'une peine automatique et je ne l'ai jamais prétendu. Pour autant, la prévoir uniquement dans sa version définitive revient à ôter au juge la possibilité de la moduler, donc son pouvoir d'appréciation.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL788 de Mme Valérie Boyer.
Depuis quelques années, le nombre de mineurs non accompagnés, autrefois les « mineurs isolés étrangers », ne cesse d'augmenter. En 2017, le nombre de mineurs migrants confiés aux départements a augmenté de 85 % pour dépasser 25 000 personnes, contre 4 000 en 2010. Selon le rapport Doineau, 71 % des MNA viennent d'Afrique, en particulier d'Afrique de l'Ouest, où ils fuient la pauvreté et le manque de perspectives. Ils sont souvent pris par des passeurs.
Les évaluations ont dépassé, l'an dernier, le nombre de 50 000. Leur durée s'est allongée pour atteindre quarante jours en moyenne. Dans plusieurs départements, le coût de la prise en charge des MNA augmente considérablement. Certaines collectivités estiment que la facture pourrait atteindre 1,5 milliard dans six mois alors qu'elle était évaluée à 1 milliard en septembre. Le coût annuel de la prise en charge d'un mineur étranger au titre de l'aide sociale à l'enfance est de 50 000 euros quand la contribution de l'État ne dépasse pas 1 250 euros par personne.
Malheureusement, les Français ne choisissent pas qui entre en France ; ce sont les passeurs qui décident. De plus, certains mineurs déboutés dans un département se rendent dans un autre pour tenter une nouvelle évaluation. Dans l'optique de faciliter le travail de la justice et des départements, il est proposé de créer un fichier national biométrique.
La rédaction de l'amendement ne correspond pas à son objet, dans la mesure où il n'est pas précisé que seuls les mineurs étrangers sont concernés par ce fichier. Un tel amendement aurait pour effet de ficher tous les mineurs non accompagnés, même français, ce qui n'a pas de sens.
Par ailleurs, créer un fichier biométrique suppose la saisie de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et une enquête sur l'objet des fiches. Avis défavorable.
Je vous répondrai pour ma part sans condescendance, madame la rapporteure : s'agissant d'un texte sur l'immigration, il semble évident que cet amendement concerne les mineurs étrangers.
La Commission rejette l'amendement.
TITRE III
Améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière
Chapitre Ier
Dispositions en faveur de l'attractivité et de l'accueil des talents et des compétences
Avant l'article 20
La Commission est saisie des amendements identiques CL35 de Mme Fiona Lazaar, rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales, et CL84 de M. Florent Boudié.
Cet amendement vise à modifier l'intitulé du titre III afin d'inscrire la nécessité d'instituer un suivi et un accompagnement de l'étranger en situation régulière, et d'insérer une dimension de recherche d'efficacité dans les procédures d'accueil et d'intégration.
L'amendement CL84 est retiré.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure et du ministre, la Commission adopte l'amendement.
Article 20 (art. L. 313 –20 et L. 313 – 21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Modifications de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « passeport talent »
La Commission est saisie de l'amendement de suppression CL64 de M. Fabien Di Filippo.
Le Gouvernement souhaite que le « passeport talent » soit étendu à de nouvelles catégories. Or il est indispensable, aujourd'hui, de limiter l'immigration régulière aux capacités d'accueil en matière d'emploi et de logement.
L'article 20 étend le champ de la carte de séjour pluriannuelle « passeport talent » pour permettre d'améliorer l'attractivité de notre territoire. Il comporte également plusieurs mesures de transposition de la directive sur le séjour des étudiants et des chercheurs. J'y suis particulièrement attachée. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL220 et CL222 de la rapporteure.
Elle examine l'amendement CL36 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales.
Cet amendement vise à éviter toute incohérence dans l'application que les services pourraient faire de l'extension du titre « passeport talent » aux entreprises innovantes reconnues par un organisme public. Il est précisé que les entreprises innovantes sont déterminées suivant des critères définis par décret et que, pour plus de transparence, leur liste est publiée par le Gouvernement.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure et du ministre, la Commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL215 de Mme Marielle de Sarnez, rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères.
Le dispositif « passeport talent » est essentiel pour le rayonnement de la France et son attractivité. L'alinéa 3 de l'article 20 étend le champ de la carte de séjour pluriannuel à l'étranger dont les fonctions s'inscrivent dans le cadre du projet de développement économique de l'entreprise. La rapporteure pour avis et présidente de la commission des Affaires étrangères, que je représente, propose d'élargir la délivrance du « passeport talent » aux étrangers qui participent au développement « social, international et environnemental » de l'entreprise.
Il s'agit de tenir compte des réalités de notre économie. J'émets donc un avis particulièrement favorable.
Le Gouvernement souhaite que les entreprises soient sociales, internationales et environnementales ; il émet un avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CL208 de M. Éric Diard.
Les talents, aussi brillants soient-ils, peuvent constituer des menaces. Cet amendement vise à affirmer le principe de sécurité, puisque l'on ne saurait déroger à l'impératif de protection de la société et de l'ordre public.
L'amendement est satisfait par l'article L. 313-3 du CESEDA, qui dispose que la carte de séjour temporaire ou la carte de séjour pluriannuelle peuvent, par une décision motivée, être refusées ou retirées à tout étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL216 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL223 et CL224 de la rapporteure.
Elle est saisie de l'amendement CL176 de M. Éric Ciotti.
Il s'agit de supprimer, à la fin de l'alinéa 7, les mots « ou au rayonnement de la France », notion qui nous paraît particulièrement floue. Nous regrettons que, dans le cadre de cet examen, ne soit pas évoquée la nécessité de réguler l'immigration légale.
Je m'étonne que vous ne sachiez pas définir ce qu'est le rayonnement de la France, monsieur Reda. Il peut être social, environnemental, économique, artistique même.
Vous nous avez reproché tout à l'heure de ne pas faire nôtres les notions chères à votre coeur. Nous imaginions pourtant vous faire plaisir avec une expression d'inspiration gaullienne !
Sans vouloir faire encore référence à mon âge, monsieur le ministre, j'ai appris le gaullisme dans les livres d'histoire… Le rayonnement de la France est un motif qui nous semble vague et fourre-tout, un prétexte pour accroître l'immigration illégale, qu'il faut pourtant réguler.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL217 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires étrangères.
Dans la version actuelle de l'article L. 313-20 du CESEDA, le « passeport talent » est délivré à l'étranger dont la renommée nationale ou internationale est établie et qui vient exercer en France une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, intellectuel, éducatif ou sportif.
L'objet de cet amendement est de compléter les domaines d'activité cités en y ajoutant l'artisanat. Il s'agit de reconnaître l'artisanat comme une filière d'excellence, une activité susceptible de propulser l'artisan sur le devant de la scène nationale et internationale. L'objectif est d'inciter les talents internationaux qui exercent une activité manuelle de haut niveau à venir temporairement en France perfectionner certaines compétences et, à terme, faire rayonner la France dans le monde.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL844 de M. Pierre Cabare.
Le champ du « passeport talent » est étendu aux salariés d'une entreprise innovante, reconnue comme telle par un organisme public, et ce même si l'entreprise n'a pas le statut fiscal de jeune entreprise innovante. Le Conseil d'État note que « l'extension du titre « passeport talent » aux entreprises innovantes reconnues par un organisme public n'appelle pas de réserve, dès lors que le Gouvernement note la nécessité de rendre publique la liste des organismes et procédures de reconnaissance concernés, pour éviter toute disharmonie dans l'application que les services pourront faire de ces dispositions sur le territoire. »
Cet amendement prévoit donc que seront insérées dans le décret en Conseil d'État la liste des organismes publics qui reconnaissent le caractère innovant des entreprises et les modalités de reconnaissance. Gage de transparence, il participe aussi à renforcer l'attractivité et le rayonnement de la France.
Cet amendement est satisfait par l'adoption de l'amendement CL36, défendu par la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Je vous demande de bien vouloir le retirer.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL209 de M. Éric Diard.
Puis elle adopte l'article 20 modifié.
Article 21 (art. L. 313-7, L. 313-8, L. 313-27 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Création de cartes de séjour – « étudiant – programme de mobilité » et « recherche d'emploi ou création d'entreprise »
La Commission est saisie de l'amendement CL249 de M. Sacha Houlié.
Les lois précédentes ont prévu de donner aux étudiants une carte de séjour temporaire dans un premier temps puis, lors d'un renouvellement, de les autoriser à solliciter une carte de séjour pluriannuelle. Compte tenu du fait que les cycles d'études s'étendent sur plusieurs années dans notre pays, il est proposé de leur octroyer d'emblée une carte de séjour pluriannuelle pour la durée de leurs études. Cela permettrait de désengorger les préfectures : on estime en effet que la moitié des 262 000 titres délivrés chaque année concernent des étudiants.
Au terme de sa première année d'études, un étudiant peut demander le renouvellement de son titre de séjour ou la délivrance d'une carte pluriannuelle. Je crois savoir que, de manière générale, les étudiants sont très nombreux à abandonner leur cursus au cours de leur première année d'études. Il me semble juste de maintenir la possibilité de demander le renouvellement du titre de séjour au terme de la première année : ce délai permet de sécuriser le parcours d'études et de valider les choix qui ont été faits. Je vous demande donc de retirer cet amendement.
Je le retire, d'autant que nous serons amenés à examiner la possibilité d'accorder un titre de séjour d'une durée un peu supérieure en cas de renouvellement.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL225 et CL226 de la rapporteure.
Article 22 (art. L. 313 –9 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Création d'une carte de séjour « jeune au pair »
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL227 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 22 modifié.
Après l'article 22
La Commission examine l'amendement CL493 de Mme Fiona Lazaar.
De nombreuses personnes présentes sur le territoire français, qualifiées pour exercer des professions médicales et paramédicales, ne peuvent exercer, alors même que la France connaît un phénomène de désertification médicale.
Par cet amendement, je propose de modifier le code de la santé publique en réduisant les barrières à l'entrée de la profession d'infirmier. Le dispositif prévoit que les commissions administratives d'autorisation d'exercice statuent sur les demandes en tenant compte de l'ensemble des titres de formation initiale, de l'expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie. Ce sont les critères aujourd'hui requis pour l'exercice de la profession d'infirmier par les ressortissants de l'Union européenne et de l'Espace économique européen. Il s'agit de faciliter l'accès à la profession des étrangers en situation régulière présentant les compétences requises.
La commission administrative d'autorisation d'exercice proposerait un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, ou bien imposerait un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, voire un stage d'adaptation et une épreuve d'aptitude.
Cet amendement se fonde sur les recommandations du rapport rédigé par notre collègue Taché.
Chère collègue, je vous invite à retirer cet amendement. La question est importante, et mériterait une étude d'impact, dans un autre cadre que celui de notre commission des Lois – je crains même que cet amendement ne soit à la limite du cavalier législatif.
L'amendement est retiré.
Chapitre II
Mesures de simplification
Avant l'article 23
La Commission examine l'amendement CL37 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales.
Cet amendement vise à éviter les ruptures de parcours des étrangers mineurs non accompagnés lors de leur passage à la majorité, en particulier du point de vue de leur situation administrative. Nous proposons de modifier le code de l'action sociale et des familles en l'adaptant à la réalité des parcours des mineurs non accompagnés.
Il est tout d'abord proposé de modifier les conditions de l'entretien organisé par le président du conseil départemental avec tout mineur confié à l'aide sociale à l'enfance en prévoyant, d'une part, qu'il puisse être avancé à l'âge de seize ans, d'autre part, qu'il permette d'examiner la situation administrative du mineur au regard du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. À l'heure actuelle, le droit ne prévoit que l'examen des besoins en matière éducative, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources au cours de l'entretien prévu un an avant la majorité. Cette modification vise à mieux anticiper le passage à la majorité.
L'amendement modifie en conséquence l'article prévoyant la conclusion d'un protocole organisant le partenariat entre les acteurs afin d'offrir aux jeunes âgés de seize à vingt et un ans une réponse globale en matière éducative, culturelle, sociale, de santé, de logement, de formation, d'emploi et de ressources. Ce protocole aurait aussi vocation à concerner « la situation administrative ».
Cette démarche est fidèle à l'esprit du présent projet de loi et de son titre III qui vise à améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers. Plus largement, cet amendement procède du souci de la nécessaire sécurisation des parcours des personnes accueillies, notamment au titre de l'aide sociale à l'enfance.
La situation des mineurs étrangers non accompagnés a souvent été évoquée au cours de ce débat. Il se trouve qu'un travail à ce sujet est actuellement mené par la ministre des solidarités et de la santé et le Premier ministre. Et de nombreuses associations nous ont dit qu'il n'était pas souhaitable que la situation des mineurs non accompagnés soit traitée dans le cadre du CESEDA ni de ce texte. Je vous invite donc, chère collègue, à retirer cet amendement.
Ma collègue Mme Buzyn travaillant actuellement sur ce problème, je vous invite également, madame la rapporteure pour avis, à retirer cet amendement : laissons-la conclure ses travaux.
L'amendement est retiré.
Article 23 (art. L. 311–6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Articulation de la procédure d'asile et des demandes d'admission au séjour pour un autre motif
La Commission examine les amendements identiques CL108 de Mme Marietta Karamanli, CL466 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL767 de Mme Sandrine Mörch.
Par cet amendement CL108, nous proposons la suppression de cet article en apparence généreux mais en réalité très restrictif. Il interdit à un étranger débouté de sa demande d'asile de solliciter un autre titre de séjour, sauf « circonstances nouvelles ». Par ailleurs, il enserre la possibilité de demander un titre de séjour dans un délai restreint : le demandeur d'asile doit effectivement déposer sa demande de titre de séjour concomitamment à sa demande d'asile. Cela aurait pour effet de placer le demandeur d'asile dans une situation moins favorable que les étrangers en situation régulière sollicitant leur admission au séjour, ces derniers déposant leur demande au moment qu'ils jugent le plus propice.
Monsieur le ministre d'État, cet article qui interdit à un ressortissant étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement fondée sur le rejet de sa demande d'asile de solliciter un titre de séjour hors du délai fixé sauf « circonstances nouvelles » ne risque-t-il pas d'être censuré par le Conseil constitutionnel ? Il y a là une rupture d'égalité, comme l'indique le Défenseur des droits, qui signale une situation inédite dans l'ordre juridique interne.
Aujourd'hui, il est déjà possible aux préfectures de traiter concomitamment la demande d'asile et la demande de titre de séjour. Cependant, elles ne le font pas. Pour traiter plusieurs demandes parallèlement, il faut disposer des effectifs nécessaires – nous avons d'ailleurs souvent alerté le ministre d'État sur la question de l'accueil en préfecture. Les délais pourraient donc se trouver considérablement allongés par le dispositif prévu ! Ensuite, comment articuler la demande d'asile et la demande de titre de séjour ? Il existe dix-sept titres de séjour différents. Les demandeurs vont-ils à la fois faire leur demande d'asile et déposer dix-sept demandes de titre de séjour ? Comment cela se passera-t-il concrètement ?
Nous notons par ailleurs dans l'étude d'impact l'absence de chiffres fiables sur les demandes de titres de séjour faites par des étrangers déboutés du droit d'asile. Nous ne pouvons donc savoir combien de demandes seraient déposées. Dans quelles conditions matérielles articulerez-vous donc, monsieur le ministre d'État, ces deux demandes ?
Je défends là l'amendement de suppression CL466, mais nous avons aussi déposé un amendement de repli CL467, aux termes duquel une expérimentation serait menée pendant deux ans.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés souscrit aux objectifs de ce projet de loi, notamment celui d'une procédure moins longue, mais comment l'atteindre si le dépôt concomitant de deux demandes aboutit à un engorgement ?
Je défends à mon tour un amendement de suppression car si nous comprenons bien la logique administrative – purger toutes les demandes en même temps et orienter les demandeurs vers les différents titres, ce qui peut être plus efficace pour toutes les parties –, j'ai vraiment le sentiment qu'il sera compliqué pour les demandeurs d'asile d'envisager en même temps la demande d'asile, qui est complexe, et les dix-sept autres titres de séjour dont ils seraient informés. En fait, ce qui est compliqué pour nous est totalement impossible pour eux. Selon quelles modalités cela s'organiserait-il ? Prévoira-t-on des entretiens, un formulaire, une brochure ?
Par cet article, il s'agit de lutter contre les manoeuvres dilatoires consistant en demandes successives de titres de séjour mais aussi de faire gagner du temps aux demandeurs d'asile, qui pourraient déposer plusieurs demandes en même temps. Le Conseil d'État a d'ailleurs considéré que cet article était tout à fait justifié mais il a demandé que l'étranger soit informé des voies de droit à sa disposition et qu'il puisse en effet formuler correctement toutes ses demandes. Cela a donc été ajouté dans le projet de loi. Précisons qu'il ne s'agit pas d'édicter une interdiction de présenter d'autres demandes de titre de séjour après le dépôt de la demande d'asile ; en revanche, un délai précis sera fixé par décret en Conseil d'État.
Je souscris tout à fait au propos de ma collègue Jacquier-Laforge sur un point. Oui, il faudra, au-delà des moyens budgétaires et humains inscrits en loi de finances, qu'un accueil de qualité, fin et adapté aux nouvelles demandes, soit possible en préfecture, mais je crains précisément que l'amendement de repli présenté par anticipation n'entraîne des phénomènes de contournement des préfectures dans lesquelles l'expérimentation serait menée. Des étrangers qui ne seraient pas de bonne foi et voudraient se livrer à des manoeuvres dilatoires éviteraient les préfectures où cette expérimentation serait menée.
Je trouve intéressant l'emploi de la formule « manoeuvres dilatoires » à propos de migrants déboutés du droit d'asile qui essaient, d'une autre manière, de montrer qu'ils ont un droit au séjour. Il me semble assez normal que quelqu'un qui arrive en France fasse tout ce qui est possible pour exercer ses droits.
Il s'agit donc toujours plus de séparer les bons migrants, les bons réfugiés, ceux qui peuvent prétendre au droit d'asile, et les autres, qu'il faut, d'une manière ou d'une autre, empêcher de rester sur notre sol.
Par ailleurs, je souscris totalement aux propos de Mme Jacquier-Laforge à propos de la situation actuelle des préfectures. Considérez simplement les demandes d'asile : nous avons rencontré récemment le préfet de Seine-Saint-Denis, qui nous a montré de quels moyens il dispose pour répondre dans les délais. Je m'interroge quant aux moyens qui pourraient permettre de respecter le droit pour un étranger de demander un titre de séjour. Les réponses sont vraiment insatisfaisantes.
Avec l'amendement de repli qu'a déjà évoqué ma collègue Jacquier-Laforge, nous proposons une expérimentation, pour que l'application de la mesure soit restreinte et que nous puissions en mesurer les effets. Je pense qu'une préfecture telle celle des Hauts-de-Seine, qui m'est chère, souhaite que de telles possibilités lui soient ouvertes. Une expérimentation serait intéressante et répondrait à une demande, comme je l'ai déjà dit à M. le ministre d'État.
Nous pourrons revenir dans quelques instants sur la possibilité d'une expérimentation, mais tenons-nous en dans l'immédiat aux amendements de suppression.
La Commission rejette les amendements identiques.
Puis elle se saisit des amendements CL467 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, CL109 de Mme Marietta Karamanli et CL768 de Mme Sandrine Mörch.
L'amendement CL109 procède du même esprit que l'amendement CL108, qui visait à supprimer l'article 23. Nous comprenons bien la situation de certaines préfectures confrontées à une multiplication des demandes, mais – je reviens à la question que j'ai déjà posée à M. le ministre d'État – l'article 23 ne nous expose-t-il pas au risque d'une censure par le Conseil constitutionnel ? La notion de « circonstances nouvelles » est effectivement floue.
L'amendement CL768 est également un amendement de repli. Je propose que l'administration détermine elle-même si la situation de l'étranger lui permet de prétendre à un autre titre de séjour. Au cours d'un entretien, des questions seraient posées au demandeur d'asile. S'il peut prétendre à un autre titre, il en est informé par l'administration. Et s'il s'abstient de formuler cette demande dont il est informé qu'il peut la formuler, il perd le droit de la formuler ultérieurement.
J'ai déjà répondu à propos de l'amendement CL467.
Quant à l'amendement CL109, je rappelle simplement qu'on pourra toujours déposer une nouvelle demande en raison de circonstances nouvelles, y compris après avoir été débouté de la demande d'asile – il faut juste pouvoir témoigner d'une circonstance nouvelle.
Par ailleurs, chère collègue Mörch, à la suite de l'avis du Conseil d'État, il a été précisé que l'étranger devait bien être informé de la possibilité de faire une nouvelle demande en cas de circonstances nouvelles mais également de la possibilité de faire une double demande dans un délai à déterminer par décret en Conseil d'État ; il me semble donc que votre amendement est satisfait.
Je suis ainsi défavorable aux amendements CL467 et CL109, et je demande le retrait de l'amendement CL768.
M. le ministre d'État pourrait-il nous éclairer sur la façon dont il pense organiser ces demandes concomitantes ? Madame la rapporteure, vous parlez d'une « double demande ». Est-ce à dire que le nombre de demandes est limité à deux ? Ou peut-on faire une demande pour les dix-sept titres ? Et qu'en est-il si une demande aboutit avant l'autre ? Par exemple, un réfugié a automatiquement l'autorisation de travailler, mais il n'en va pas de même avec tous les titres de séjour.
Les services travaillent précisément, aujourd'hui, sur cette disposition : un certain nombre de documents sont en train d'être préparés et seront à la disposition des préfectures. C'est d'ailleurs pour cela qu'il ne faut pas se contenter d'expérimenter : il faut que la procédure s'applique dans toutes les préfectures.
Quant à la finalité de ces dispositions, d'une certaine manière, M. Coquerel a raison. Nous voulons qu'en six mois la situation du demandeur ait été examinée, que l'on sache ce qu'il en est de son éventuel statut de réfugié et que les procédures ne s'allongent pas indéfiniment, car c'est cela qui est aujourd'hui totalement inhumain.
La notion de circonstance nouvelle a bien une réalité juridique et est assez connue. Elle est couramment utilisée. Il ne s'agit pas là d'une nouveauté relativement imprécise et susceptible d'être censurée.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
La Commission rejette successivement les amendements CL467, CL109 et CL768.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL228 de la rapporteure.
Elle se saisit successivement des amendements CL509 de Mme Muriel Ressiguier et CL535 de Mme Danièle Obono.
Par l'amendement CL509 nous proposons de garantir le droit à saisine de l'administration par tout administré. Selon les termes de l'étude d'impact, « la réforme a pour objectif de limiter dans le temps la possibilité pour le demandeur de solliciter un autre titre de séjour […]. Elle vise également à proscrire toute demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui de l'asile […]. [Cette] modification législative enserre dans un délai […] la possibilité pour le demandeur de solliciter un titre sur un autre fondement ». On voit bien, effectivement, que cette volonté et ces objectifs s'affirment au détriment des possibilités et des droits mêmes des migrantes et des migrants, de leur droit de demander ou d'obtenir des titres de séjour.
L'amendement CL535 est un amendement de repli par lequel nous proposons de supprimer la condition de délai, qui semble par ailleurs, eu égard à la rédaction très imprécise du projet de loi, relever du pouvoir réglementaire. Nous proposons de consacrer l'absence de délai contraignant et de rappeler que la notion de circonstances nouvelles ne doit pas s'interpréter de manière restrictive : il peut s'agir de circonstances nouvelles de toute nature. Nous garantissons ainsi aux personnes la possibilité, toujours, de demander la reconnaissance de leur droit au séjour à l'administration.
Pour les mêmes raisons que précédemment, j'émets un avis défavorable, même si je partage l'interrogation sur les délais dans la mesure où ce n'est en effet pas la même chose de pouvoir présenter une autre demande dans les trois jours ou dans les trois mois. Le ministre d'État nous a dit à l'instant que cet article faisait l'objet d'un travail des services. La seule chose que nous pouvons attendre, c'est donc d'être informés assez rapidement.
La Commission rejette successivement ces amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CL842 de M. Florent Boudié.
Proposé par nos collègues Jean-Louis Touraine et Gabriel Attal, il vise à préciser que les circonstances nouvelles permettant de solliciter une admission au séjour peuvent notamment tenir compte de l'état de santé des demandeurs.
La Commission adopte cet amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL770 de Mme Sandrine Mörch.
Nous proposons de préciser la situation du demandeur qui n'a pas de passeport. Le demandeur doit en effet avoir un passeport pour demander un titre mais toute demande de passeport est considérée comme une volonté de sa part d'être replacé sous la protection de son pays d'origine ou d'en retrouver la nationalité, et conduit à la cessation de l'examen de sa demande par l'OFPRA. Je propose donc que, s'il ne dispose pas d'un passeport au moment de la demande d'asile, on considère qu'il ne peut prétendre à aucun autre titre et qu'il pourra donc y prétendre ultérieurement s'il réunit les conditions d'une demande.
Votre demande est satisfaite dans la mesure où la rédaction actuelle prévoit qu'une nouvelle demande sera possible en cas de circonstances nouvelles et que l'étranger en est informé. Si la situation du demandeur évolue, il est informé qu'il peut faire une nouvelle demande. Je demande le retrait.
Cet amendement est retiré.
La Commission examine ensuite l'amendement CL769 de Mme Sandrine Mörch.
Par cet amendement, un étranger pourrait obtenir un titre de séjour de six mois parce qu'il est parent d'un enfant malade sans que cela mette fin à sa demande d'asile lui permettant éventuellement d'obtenir un titre de dix ans.
Cet amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 23 modifié.
Article 24 (art. L. 321–3, L. 321– 4, L. 321– 5 [nouveau] et L. 321– 6 [nouveau] du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Refonte et simplification des documents de circulation délivrés aux mineurs étrangers
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL229 de la rapporteure.
Elle examine l'amendement CL110 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement vise à pouvoir délivrer le document de circulation pour étranger mineur au mineur malade et soigné en France, accompagné par un parent titulaire d'un titre de séjour délivré à ce titre. Il est logique que le parent ne soit pas le seul porteur d'un titre de séjour régulier. Le Défenseur des droits a soulevé le problème.
Les mineurs malades bénéficient déjà d'une carte de séjour temporaire distincte du document qu'instaure l'article 24. Le cas de la kafala est également satisfait par l'article 24. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle en vient, en discussion commune, aux amendements CL536 de M. Éric Coquerel et CL665 de M. Bastien Lachaud.
Étant très attaché à l'exercice de la souveraineté populaire dans le cadre premier de la démocratie qu'est la nation, je pense que le débat qui oppose, depuis que la République est République, ceux qui ont une conception verticale, donc ethnique, de la nationalité et ceux qui, comme nous, en ont une conception politique, est toujours très important et qu'il faut se méfier de tout ce qui ébrèche le droit du sol. Nous sommes d'accord avec l'idée de simplifier le droit très complexe du CESEDA mais, en fusionnant deux titres, à savoir le titre accordé aux enfants nés en France et celui pour les enfants nés hors de France, nous fragilisons ce droit du sol. Nous demandons donc de préserver la mention de titre d'identité républicain sans aucune modification de la procédure et des conditions d'attribution proposée par le Gouvernement dans cet article, mais de façon à s'assurer qu'au détour d'un article de ce type nous ne mettions pas en question un principe auquel j'espère que la plupart d'entre nous sont attachés.
Il est bien mieux d'appeler ce nouveau titre rassemblant deux titres existants du nom de ce document de circulation des étrangers mineurs, dès lors que l'on prend en compte cette circulation. Avis défavorable.
Vous placez sous le même titre des gens qui sont nés hors de France et des gens nés en France, revenant par là-même sur la spécificité du droit du sol. Je rappelle que, selon nos conceptions et nos lois, un mineur peut devenir Français à sa majorité du fait qu'il est né en France. Avec cet artifice, vous fragilisez cette possibilité.
La Commission rejette successivement ces amendements.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL211 de M. Éric Diard.
Elle examine l'amendement CL666 de Mme Bénédicte Taurine.
Par cet amendement, qui a été initialement proposé par la Cimade, nous proposons de mettre fin à une distinction entre les enfants de personnes titulaires de différents titres de séjour car, si cet article prévoit un document de circulation unique, permettant aux mineurs étrangers, après un voyage à l'étranger, de revenir en France, donc de faire des voyages scolaires, par exemple, il est de cinq ans sauf pour quelques exceptions que nous vous proposons de supprimer. En effet, pour les parents qui sont détenteurs de certains types de séjour, comme les salariés, les étudiants, les personnes malades soignées en France, il est prévu que la durée de validité de ce document de circulation pourra être inférieure à cinq ans. Nous estimons que cette discrimination est injustifiée étant donné que cela pourrait impliquer chaque année des coûts de renouvellement – 45 euros – et des démarches à faire par tous les parents, alors même que la préfecture peut toujours retirer un document de circulation si elle estime que la durée de validité est trop longue, eu égard au séjour de parents. Au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant consacré par l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant, il faut cesser ces distinctions et ses lourdeurs qui entravent le droit à une vie normale des personnes mineures.
La Commission rejette cet amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL231, CL230 et CL232 de la rapporteure.
Elle adopte l'article 24 modifié.
Article 25 (art. L. 212–2 du code des relations entre le public et l'administration) : Suppression de l'obligation de signature physique sur les visas d'entrée en France
La Commission adopte l'article 25 sans modification.
Après l'article 25
La Commission examine l'amendement CL521 de Mme Stella Dupont.
Il s'agit d'un amendement collectif. Les frais de timbres et taxes de régularisation ont considérablement augmenté ces dernières années. Ces dépenses constituent pour certaines personnes un véritable frein au dépôt d'une demande de titre de séjour. Le présent amendement a donc pour objectif de dresser un état des lieux des différents frais et de présenter une proposition qui permettra de prendre une décision éclairée lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2019.
La question avait été évoquée par le rapporteur général Joël Giraud pendant le PLF et l'amendement retiré pour être retravaillé. Les tarifs pour les titres de séjour sont très élevés, jusqu'à 609 euros. Cela pose un réel problème d'égalité entre les personnes qui ont les moyens et les autres. Un rapport serait bienvenu pour faire le point de ces diverses taxes.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette cet amendement.
Article 26 (art L. 5223–1 du code du travail) : Possibilité de maintien, à titre provisoire, des médecins contractuels de l'OFII jusqu'à 73 ans
La Commission examine l'amendement CL40 de la commission des Affaires sociales.
L'amendement a été adopté en commission des Affaires sociales à l'initiative du groupe majoritaire, en particulier de Mme Martine Wonner, sur un sujet très important. Les demandeurs d'asile et les réfugiés sont, du fait de leurs parcours, des personnes particulièrement vulnérables, à même de présenter une souffrance psychique. Cet amendement précise que la visite médicale est effectuée par l'OFII pour prévoir un repérage des troubles psychiques.
Je vous demande de le retirer afin que l'on puisse le retravailler en vue de la séance publique car je suis justement en contact actuellement avec l'OFII pour voir comment faire.
D'accord pour un retrait si nous parvenons à trouver une formulation qui permette d'être très opérationnel.
Cet amendement est retiré.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL540 de M. Bastien Lachaud.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL233 de la rapporteure.
Elle examine l'amendement CL903 de la rapporteure.
L'OFII traite de la procédure « étrangers malades » particulièrement importante et que nous sommes un des rares pays à avoir. Des étrangers dont la pathologie ne peut être soignée dans leur pays d'origine peuvent être accueillis en France pour être soignés. L'OFII a donc mis en place un service médical qui n'a pas été consacré dans la loi. Il me paraît important que cette charge le soit enfin.
La Commission adopte cet amendement.
Elle adopte l'article 26, modifié.
Après l'article 26
La Commission examine en discussion commune les amendements CL95 de Mme Marietta Karamanli et CL41 de la commission des Affaires sociales, l'amendement CL885 de M. Aurélien Taché, faisant l'objet du sous-amendement CL902 de Mme Marie Guévenoux, les amendements CL446 de M. Jean-Noël Barrot, CL94 de Mme Marietta Karamanli, les amendements identiques CL42 de la commission des Affaires sociales et CL886 de M. Florent Boudié, les amendements identiques CL43 de la commission des Affaires sociales et CL887 de M. Florent Boudié, les amendements CL575 de Mme Muriel Ressiguier, CL368 de Mme Anne-Christine Lang et CL519 de M. Matthieu Orphelin.
L'amendement CL95 vise à permettre aux demandeurs d'asile d'accéder au marché du travail dès l'enregistrement de leur demande. Cela permettra d'intégrer au mieux les personnes. Il n'y a pas de raison de suspecter par principe que leur demande n'est pas fondée.
L'amendement CL41 vise à permettre au demandeur d'asile de travailler dès six mois à compter de l'introduction de leur demande d'asile. Plusieurs pays européens permettent aux demandeurs d'asile d'accéder au marché du travail dès le dépôt de leur demande ou à partir de trois mois, comme l'Allemagne, la Suède, le Portugal ou l'Italie. Aussi, la convergence des législations européennes doit concerner non seulement les délais d'instruction mais également les modalités d'accueil et d'intégration. Il est important de lever les freins à l'insertion professionnelle des personnes que nous accueillons. Le droit actuel prévoit que les demandeurs d'asile ne peuvent obtenir l'autorisation de travailler qu'à l'issue d'un délai de neuf mois après le dépôt de leur demande d'asile. Il nous faut raccourcir ce délai afin de l'harmoniser avec la réduction des délais d'examen des demandes d'asile. Le Gouvernement s'est engagé à garantir un premier accueil le plus organisé et le plus digne possible. Il faut ainsi qu'un demandeur d'asile dont le dossier n'a pas encore reçu de réponse définitive dans les six mois, qui veut travailler et qui trouve un emploi, puisse pouvoir l'occuper.
Je suis heureux d'être avec vous ce soir pour débattre de ce titre III du projet de loi, relatif à l'intégration.
La politique migratoire que nous défendons vise à améliorer la procédure d'asile en réduisant ses délais pour mieux reconduire ceux que nous refusons de protéger mais aussi et surtout pour mieux intégrer ceux à qui nous donnons cette protection et qui vont construire leur vie ici avec nous. Je crois vraiment qu'il y a une exigence morale à le faire car, si les Français se sont mis à douter de nos capacités d'accueil, c'est parce que, depuis trente ans, les gouvernements et majorités successifs ne se sont pas donné les moyens de réussir cette intégration, faisant ainsi la part belle à ceux qui rêvent d'une France fermée, alors que la responsabilité imposerait au contraire de défendre une France ouverte et sûre d'elle-même, qui saura faire de la réalité migratoire une force.
Monsieur le ministre, je vous ai présenté, ainsi qu'au Premier ministre, soixante-douze propositions pour refondre notre politique d'intégration et ainsi donner aux étrangers que nous faisons le choix d'accueillir les mêmes capacités que nos compatriotes de participer à la vie du pays. Pour être effectives, et pour que nous présentions une politique complète aux Français, un comité interministériel suivi d'un plan d'action du Gouvernement est nécessaire parallèlement à la loi que nous étudions aujourd'hui. Nous restons donc dans cette attente.
Beaucoup de ces propositions portent sur l'accès à l'emploi car s'intégrer c'est d'abord travailler. Or, s'agissant des demandeurs d'asile, nous avons une des législations les plus restrictives d'Europe. Les demandeurs d'asile doivent en effet attendre neuf mois avant de simplement pouvoir demander l'autorisation de travailler. Avec cet amendement, ils pourraient le faire au bout de six mois, s'il n'a toujours pas été statué sur leur demande pour des raisons qui ne leur sont pas imputables. Ce délai est conforme à l'engagement que nous prenons devant les Français avec cette réforme de traiter les demandes d'asile en six mois. Ce serait donc un engagement fort pour en finir avec cette statistique qui est l'une des pires d'Europe et qui démontre qu'aujourd'hui seul un étranger sur trois trouve un emploi au cours des cinq premières années de son arrivée en France, ce qui a des conséquences pour les personnes elles-mêmes, bien sûr, qui peuvent basculer dans la précarité, mais aussi sur le regard que les Français portent sur les étrangers qui vivent en France, donc sur la cohésion sociale de notre pays. L'amendement CL885 est ainsi défendu.
Le projet de loi vise à réduire la durée d'examen de la demande d'asile à six mois. De fait, les demandeurs d'asile visés par une procédure accélérée verraient leur dossier examiné dans ce délai de six mois et, du coup, ne seraient pas concernés par l'autorisation de travail citée par Aurélien Taché. Je propose, par mon sous-amendement CL902, de le préciser.
Il est proposé que le demandeur d'asile puisse accéder au marché du travail sous les conditions de droit commun, notamment avec autorisation des services du ministère du travail, dès le dépôt de sa demande d'asile mais uniquement si son dossier n'est pas traité en procédure accélérée. Le travail permet de garder la tête haute, de ne pas sombrer dans l'oisiveté ultra-stressante pendant tous ces mois d'attente, d'offrir ses compétences au pays et de réaliser les travaux pour lesquels nous manquons cruellement de main-d'oeuvre en France. Cette mesure permet en outre de lutter contre le travail au noir.
L'amendement CL446 abaisse la limite pour commencer à travailler de neuf à six mois pour les demandeurs d'asile mais aussi pour les réfugiés. Cet abaissement du seuil facilite de manière effective l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile ; il convient également de lever pour eux l'obligation de présenter à l'employeur l'autorisation prévue par le code du travail. L'accomplissement de cette démarche prévue à l'article L. 5221-5 de ce code allonge en effet les procédures et, de fait, contribue à leur interdire l'accès au marché du travail. Lever cette obligation aurait en outre une signification particulière en affirmant avec force la volonté de la France d'accueillir le plus dignement possible les personnes persécutées ou supposées l'être, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur leur situation. Cela constituerait, enfin, un premier pas dans le sens de la simplification du régime de ces autorisations envisagée à l'article 27 du présent projet.
Par l'amendement CL94, nous proposons de substituer six mois à neuf mois car l'accès au marché du travail pour les étrangers, qui est une exigence du droit de l'Union européenne rappelée par le Défenseur des droits dans son avis du 15 mars dernier, est une condition essentielle pour qu'un demandeur d'asile puisse s'intégrer dans la société française. Rien ne justifie de lui en interdire l'accès pendant une durée aussi longue que neuf mois.
De manière plus générale, nous avons eu l'occasion d'échanger en séance avec le ministre au moment du budget sur les crédits de l'intégration. Le programme était globalement en augmentation mais les montants dédiés à l'intégration des migrants, notamment à titre humanitaire, paraissaient limités pour assurer un accompagnement fort, notamment durant les vingt-quatre premiers mois. Dans son discours devant la Cimade en mai, le Président de la République a insisté sur ces questions d'intégration. L'intégration des immigrés en Europe passe par une politique à la fois volontaire, continue et globale, et le travail, tout comme l'apprentissage de la langue, fait partie de l'intégration.
Au cours des auditions menées par la commission des Affaires sociales, nous avons pu constater qu'il y avait un flou entourant la situation des mineurs non accompagnés et leur accès à l'apprentissage.
L'amendement CL42 vise à éviter toute rupture dans leur parcours de formation en leur permettant de concilier le dépôt d'une demande d'asile et la poursuite d'un contrat d'apprentissage.
Mon amendement CL886 est identique à celui qui vient d'être défendu. Il a été plusieurs fois souligné que ce projet de loi n'avait pas à traiter du sort des mineurs non accompagnés, mais il me semble important de pallier ce qui m'apparaît comme une défaillance du droit d'asile. Des mineurs étrangers relevant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) ne demandent pas l'asile, alors qu'ils pourraient le faire, car ils se heurteraient à l'impossibilité de poursuivre leur contrat d'apprentissage.
L'amendement CL43 vise à permettre une expérimentation autorisant l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile dès l'introduction de la demande d'asile.
Nouveau doublon : l'amendement CL887 est identique à celui de la commission des Affaires sociales. Une expérimentation pourrait être utile dans le cadre de procédures spécifiques telles que les relocalisations, où l'asile est accordé à 90 %. Point n'est besoin de faire attendre les demandeurs six mois dans ce cas.
L'amendement CL575 propose que les demandeurs d'asile puissent être autorisés à travailler dès l'enregistrement de leur demande d'asile. Aujourd'hui, l'allocation pour demandeur d'asile est de 6,80 euros par jour, auxquels vient s'ajouter un versement de 5,40 euros par jour si l'État n'a pu assurer un hébergement. Je rappelle que le Conseil d'État avait annulé un décret du Gouvernement, en 2016, qui fixait à 4,20 euros par jour l'indemnité de logement. Celle-ci a été augmentée le 29 mars 2017 de 1,20 euro – quel cadeau ! –, montant que le Conseil d'État a de nouveau considéré comme étant trop faible.
Nous ne voyons pas pourquoi un demandeur d'asile devrait attendre avant d'avoir le droit de travailler dans ce pays.
Si nous voulons intégrer les demandeurs d'asile au coeur de la République au lieu de les laisser à ses marges comme nous l'avons trop fait jusqu'à présent, il est fondamental de favoriser la formation et l'accès à l'éducation.
À l'heure actuelle, l'apprentissage constitue une voie privilégiée pour cette intégration, notamment via les certificats d'aptitude professionnelle (CAP) en alternance ou les contrats de professionnalisation, pour lesquels les mineurs isolés doivent solliciter une autorisation provisoire de travail (APT) auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).
L'amendement CL368 vise à faciliter l'accès à ce type de formations aux mineurs isolés pris en charge par l'ASE lorsqu'ils souhaitent apprendre un métier pour mieux s'intégrer.
Quelle est la situation actuelle ?
La circulaire du 25 janvier 2016, qui fixe les modalités de délivrance de cette APT, distingue les mineurs isolés étrangers selon qu'ils ont été pris en charge par l'ASE avant ou après l'âge de seize ans. Dans le premier cas, la délivrance de cette ATP ne pose pas de problèmes particuliers. Dans le second cas, en revanche, un refus peut leur être opposé au motif qu'ils ne bénéficient pas de titre de séjour, ce qui les empêche d'intégrer un centre de formation en alternance (CFA).
Dans une ordonnance récente, le Conseil d'État a contesté le bien-fondé de cette distinction en jugeant qu'elle était illégale et portait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et à l'exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction.
Cet amendement vise donc à clarifier notre droit en inscrivant dans le code du travail l'obligation de délivrance d'une autorisation provisoire de travail aux mineurs isolés étrangers confiés à l'ASE après seize ans, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation à durée indéterminée.
L'amendement CL519 prévoit une expérimentation de deux ans pour permettre aux demandeurs d'accéder au marché du travail dès le mois qui suit l'introduction de la demande. Elle aurait lieu sur des territoires à faible taux de chômage et porterait sur des métiers en tension. Dans plusieurs régions, les entreprises ont du mal à recruter pour certaines catégories de métier et pour les emplois saisonniers. C'est le cas en Maine-et-Loire.
Il serait intéressant que la répartition des demandeurs d'asile par région permette d'allier meilleur accueil et meilleure dynamique économique.
Plusieurs possibilités ont été évoquées à travers ces amendements.
Il y a d'abord la possibilité donnée aux demandeurs d'asile de travailler au bout de six mois et non plus neuf. C'est un sujet qui nous occupe depuis longtemps. Lors de la discussion de la loi de finances pour 2018, j'avais interrogé le ministre d'État sur cet aménagement, d'autant plus pertinent dans la perspective de la réduction du délai de traitement de la demande d'asile.
Lors de la présentation du rapport de notre collègue Aurélien Taché, nous avons pu voir que cette préoccupation était centrale pour les associations d'aide aux demandeurs d'asile et pour les demandeurs d'asile eux-mêmes. Inverser la perspective, voir ce que ces personnes peuvent faire pour la France et non pas simplement ce que la France peut faire pour elles, est une démarche à laquelle je suis sensible.
Je suis donc favorable à cette mesure. Nous sommes en discussion avec le ministre d'État pour trouver le bon équilibre, grâce à une rédaction qui tienne compte de l'état actuel du marché du travail pour être la plus opérationnelle possible. Je demanderai donc aux auteurs des amendements concernés de bien vouloir les retirer. J'ai bon espoir que nous parviendrons à une rédaction commune en séance.
Pour ce qui est des amendements CL42, CL886 et CL368 relatifs à l'apprentissage, je donne un avis favorable. Cela va dans le sens de la volonté du Gouvernement de favoriser le développement de l'apprentissage.
Quant à l'amendement CL575, j'y suis défavorable.
D'abord quelques mots sur le rapport d'Aurélien Taché, madame la présidente.
Le Gouvernement va retenir beaucoup des mesures qu'il a proposées. Le Premier ministre a demandé aux différentes administrations concernées de travailler pour leur donner corps et pour les financer, car la plupart nécessite des moyens budgétaires supplémentaires. Vous avez ajouté le mot « intégration » dans le titre du projet de loi, ce qui est un symbole fort. Il faut faire en sorte que celles et ceux qui ont vocation à rester en France en ayant le statut de réfugié puissent avoir les meilleures chances d'y construire leur avenir.
Doubler le nombre d'heures d'apprentissage du français pour les étrangers en France est quelque chose de fondamental. Nous avons pu mesurer les résultats de ces cours avec Aurélien Taché en rencontrant des étrangers qui parlaient notre langue tout à fait correctement alors qu'ils ne la connaissaient pas en arrivant.
Quant à la formation civique, il est clair que les deux modules actuels de six heures ne permettent pas d'obtenir ce que l'on souhaite et qu'il faudra réfléchir à une reformulation.
Nous sommes favorables à l'ajout d'une dimension professionnelle dans le contrat d'intégration républicaine ainsi qu'aux mesures concernant l'accompagnement des publics vulnérables.
L'intégration des réfugiés appelle une approche globale, qui mobilise les ministères du travail, de la santé, de la culture et du logement. J'ai déjà demandé qu'un pilotage territorial soit réalisé sous l'égide des préfets.
Enfin, comme vous le savez, un délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des réfugiés a été nommé en la personne d'Alain Régnier qui a déjà commencé à travailler.
Je veux saluer aussi certaines expériences comme le programme Hope, qui favorise l'insertion professionnelle des réfugiés.
J'en viens au problème de l'accès au travail. Nous sommes favorables à ce que les demandeurs d'asile puissent travailler six mois après avoir déposé leur demande, à une réserve près. Il ne faut pas qu'ils puissent bénéficier d'un régime plus favorable que les personnes qui viennent légalement en France pour travailler. Nous devrons donc parvenir à une formulation commune qui permette de prendre cette précaution. Par ailleurs, cette procédure ne doit pas conduire à donner accès au monde du travail aux demandeurs d'asile qui auraient été déboutés par l'OFPRA car on sait que 80 % de ses décisions sont confirmées par la CNDA. Comme l'argent est rare, il faut veiller à faire travailler celles et ceux qui auront le plus de chances de construire leur avenir en France.
S'agissant de l'amendement CL886 de M. Boudié, nous y sommes favorables, sous réserve d'une modification rédactionnelle. Il s'agirait de remplacer les mots : « la personne » par les mots : « le mineur non accompagné » afin de bien préciser le public que nous visons.
Votre amendement CL446 est identique ou similaire à ceux qui demandent un abaissement du délai de neuf à six mois et j'ai déjà fait part de mon avis.
Il précise également que l'APT peut être accordée « aux personnes dont la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été reconnue dans les conditions prévues à l'article L. 713-1 ».
Ceux qui ont déjà un statut ont le droit de travailler. Votre demande est donc satisfaite.
Je remercie M. le ministre d'avoir rappelé son ambition en matière de politique d'intégration et d'avoir insisté sur le caractère global qu'elle devait revêtir.
S'agissant du raccourcissement du délai pour l'accès au travail, je comprends parfaitement la préoccupation du Gouvernement qu'il n'y ait pas un régime plus favorable pour les demandeurs d'asile que pour les personnes arrivant légalement en France au titre de l'immigration professionnelle. Il faudra également réfléchir aux moyens d'éviter que la procédure de délivrance de l'APT par les DIRECCTE n'empêche pas les demandeurs d'asile de travailler en temps voulu. Nous savons en effet que la durée actuelle d'instruction est si longue qu'elle rend, dans les faits, l'accès au travail impossible.
Cela étant, je retire mon amendement CL885 afin que nous travaillions avec le Gouvernement à une rédaction qui prenne en compte ces deux préoccupations.
L'orientation que nous prendrions, monsieur Taché, serait que le silence de l'administration vaut acceptation.
J'aimerais, au nom des Républicains, vous faire part d'une préoccupation. L'ouverture du marché du travail aux demandeurs d'asile six mois seulement après le dépôt de leur demande conduira nécessairement, hélas ! à accroître le rythme et le nombre des régularisations des déboutés du droit d'asile.
Soyons très concrets. Il y aura recrutement du demandeur d'asile au bout de six mois, même si l'opposabilité de la situation de l'emploi peut être invoquée et que l'autorisation provisoire de travail est maintenue. Mais que se passera-t-il dans l'hypothèse, probable, où sa demande d'asile sera refusée deux ou trois mois après son entrée dans l'entreprise ? La loi prévoira de supprimer son contrat de travail et de l'éloigner puisqu'il aura été débouté mais, dans la vraie vie, vous serez, je le crains, saisis de demandes d'admission exceptionnelle au séjour. Certains entrepreneurs iront voir le préfet pour dire que leur salarié a été débouté mais qu'il fait désormais partie de leur entreprise.
Faciliter l'ouverture du marché du travail me paraît être une fausse bonne idée. Vous allez mettre le doigt dans l'engrenage que constitue la régularisation des déboutés. Cela me paraît entrer en contradiction avec l'objectif affiché par ailleurs qui consiste, si j'ai bien compris, à veiller à l'application de la loi et donc à l'éloignement des déboutés du droit d'asile. Cela aboutira à une situation peu tenable. Je préfère de beaucoup le droit actuel.
Une remarque : en Allemagne, souvent citée en exemple, les demandeurs d'asile sont autorisés à travailler et cela n'a pas empêché qu'il y ait un grand nombre de déboutés ces trois dernières années.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette précision. Les Républicains ne considèrent pas que la politique d'immigration mise en oeuvre par la Chancelière Merkel soit un exemple à suivre. C'est un désaccord profond que nous avons avec nos amis de la CDU. Nous pensons que le choix qu'a fait la Chancelière en 2015 de dire Willkommen, c'est-à-dire « Bienvenue », à des centaines de milliers de personnes a profondément déstabilisé l'Allemagne au plan politique mais également l'Union européenne. Nous considérons que cela a alimenté les populismes en Europe. Nous ne tenons pas à reproduire les erreurs du gouvernement allemand.
En l'occurrence, je parlais du nombre de déboutés en Allemagne.
L'appel d'air suscité par Mme Merkel a mis en danger les migrants, déstabilisé l'Europe, favorisé la réapparition des partis extrêmes et a placé l'Italie dans une situation intenable : je ne pense pas que l'Allemagne soit un modèle à suivre.
En outre, les Allemands appliquent avec rigueur les règlements pour éloigner les déboutés de leur territoire et ces derniers se retrouvent en France.
Je suis d'accord avec vous sur ce point.
La mesure que vous envisagez aura un inconvénient supplémentaire. Nous aurons droit aux faux certificats de travail, c'est une évidence ! Il y a du trafic pour tout : du trafic d'êtres humains, du trafic pour les mariages, qui se négocient entre 10 000 et 30 000 euros. Pourquoi nous mettre dans une situation absolument intenable qui ne va faire qu'aggraver les difficultés et attiser les populismes ? C'est une mesure extrêmement toxique pour le « vivre-ensemble », comme on dit aujourd'hui. Elle ne fera qu'alimenter les procédures de recours. Je n'en vois pas l'intérêt. Même humainement, je ne la trouve pas bonne. Imaginez un peu la situation d'un migrant qui aurait trouvé un vrai travail et qui serait ensuite débouté. Ce n'est pas sérieux !
Cela lui permettra, lorsqu'il rentrera chez lui, de trouver plus facilement un emploi.
J'ai une question pour le ministre d'État et pour les auteurs de ces amendements, car le fond m'inquiète.
Il y a toujours un statut pour le demandeur d'asile, un cadre qui lui permet pendant une période de pouvoir vivre le mieux possible, pour ne pas dire dignement. Nous savons qu'il y a par ailleurs des situations où certains demandeurs d'asile trouvent du travail, notamment dans le Sud et l'Est au moment des vendanges. J'ai pu le constater de mes yeux, lors de la visite d'un centre où nous hébergions des demandeurs d'asile ou des réfugiés qui venaient de Calais.
Je vois deux contradictions. Je ne reviens pas sur celle qui a été évoquée par Guillaume Larrivé, pour me concentrer sur la seconde et la question du temps. Vous voulez, monsieur le ministre, poursuivre une tendance engagée et raccourcir les délais. Vous avez bien raison. Il s'agit d'apporter plus rapidement une réponse claire. Le demandeur obtient l'asile ou il est débouté, auquel cas il doit être reconduit à la frontière selon des procédures qui restent complexes. L'idée est d'arriver à un délai d'environ trois mois pour l'OFPRA et à une moyenne de six à neuf mois en fonction des dossiers.
Si le demandeur a le droit de travailler, il y a une contradiction. Je ne sais pas si c'est un « appel d'air », car il faut toujours faire attention à cette formule. Quoi qu'il en soit, on lui donne un statut supplémentaire qui me paraît assez contradictoire avec la manière dont on traite les demandeurs d'asile. Je sais que l'idée est de favoriser l'intégration. Vous dites, monsieur le ministre d'État, que cela peut même favoriser l'intégration au travail d'un débouté lorsqu'il retournera dans son pays. Comme le soulignait Guillaume Larrivé, cela risque aussi de mettre les entreprises dans une certaine difficulté.
Nous aurons ce débat dans l'hémicycle, mais cette proposition m'inspire beaucoup d'interrogations. C'est aussi le cas de nombre de propositions de mon collègue Aurélien Taché sur l'intégration, « mot-valise » dont nous avons bien du mal à cerner les contours dans notre débat national, pour aller au-delà des généralités et des bonnes intentions.
En regardant en arrière, on se rend compte que l'on a parfois mis l'accent sur l'octroi de l'asile et l'absence de lutte contre le maintien des déboutés sur le territoire, mais que l'on a très peu insisté sur l'intégration. Pour ma part, je pense justement que les difficultés que nous rencontrons dans certains quartiers viennent du fait que nous n'avons pas, au départ, suffisamment mis l'accent sur l'intégration. Or certaines personnes auxquelles nous avions accordé le statut de réfugiés n'étaient pas prêtes à vivre dans notre société ; elles n'y trouvaient pas leur place et se retrouvaient, petit à petit, à ses marges. Pour regarder comme vous la réalité de certains quartiers, je sais qu'ils ont dégénéré pour cette raison. Nous ne pouvons pas dire que nous ayons progressé au cours des dix dernières années dans ce domaine.
Il faut essayer une autre voie pour faire en sorte que les gens qui vont rester ici aient le maximum de chances de s'intégrer dans notre société. C'est d'ailleurs pour cela que je défends cette loi. D'aucuns estiment que ce texte est liberticide et qu'il vise à réduire les possibilités d'accueil. Pour ma part, j'ai toujours pensé que si l'on veut bien accueillir les nouveaux venus et les intégrer dans notre société, on ne peut pas élargir l'accueil à l'infini. Il faut tracer des limites.
C'est pourquoi il faut fixer un délai de six mois pour répondre oui ou non, et ne pas conserver, comme actuellement, des périodes grises de deux ans ou deux ans et demi. Nous avons eu un débat sur l'accueil inconditionnel avec des gens qui contestaient le fait que des agents de l'OFII puissent évaluer la situation administrative des personnes hébergées dans des centres d'accueil d'urgence. En fait, certaines personnes étaient hébergées depuis quinze ans à l'hôtel. C'est totalement absurde. Face à ce genre de situation, il faut savoir trancher. Mais je comprends votre préoccupation.
Il y a plusieurs sujets dans les dernières interventions. Nous pouvons tous regretter la montée des populismes mais, contrairement à Guillaume Larrivé, je n'accuse pas Mme Merkel d'en être la responsable. Le populisme existait depuis très longtemps en France. Souvenons-nous qu'au second tour d'une élection présidentielle, les électeurs avaient le choix entre un républicain et un populiste. On ne peut donc pas dire que les choix de certains chefs d'État – en l'occurrence Mme Merkel – aient contribué à la montée du populisme en Europe.
En Italie, c'est différent.
On parle de la nécessité d'intégrer, ce qui est précisément l'une des conditions de la réussite d'une politique d'immigration. Mais l'intégration ne passe pas par la durée et le nombre de personnes que l'on peut intégrer dans un pays. L'intégration passe d'abord par des politiques globales qui touchent le logement, la santé, le travail.
L'intégration doit être vue globalement et pas uniquement par rapport au nombre de personnes que l'on peut intégrer dans notre pays.
Pour avoir été maire de Lyon pendant seize ans, je sais que l'on ne peut construire qu'un nombre limité de logements par an. Si vous pensez que l'on peut construire des dizaines de milliers de logements sociaux tout en se préoccupant de la mixité pour ne pas créer de quartiers ghettoïsés, vous vous trompez totalement. Il existe des limites physiques et financières. Les moyens ne sont pas extensibles à l'infini et il faut faire des choix.
Je crois que nous nous sommes mal compris. L'intégration nécessite une politique globale. Je m'appuie sur des propos tenus par le Président de la République pendant la campagne électorale : « Je crois que si cela est fait dans le bon ordre, et de manière intelligente, c'est une opportunité pour nous. C'est d'abord notre dignité et c'est aussi une opportunité économique car ce sont des femmes et des hommes qui ont aussi des qualifications remarquables. » Je peux citer l'exemple d'une centaine de Syriens qui vivent dans le département de la Sarthe et qui possèdent des qualifications qui pourraient les rendre employables immédiatement, mais qui ne peuvent pas travailler.
Je voudrais répondre à une crainte exprimée par notre collègue Larrivé. Si cette procédure est raccourcie, il n'y aura pas, même si l'autorisation de travail était accordée plus rapidement, des milliers de demandeurs d'asile qui trouveront un emploi, car il existe bien d'autres freins. Un recruteur doit payer des taxes extrêmement élevées pour embaucher un étranger, et cela vaut aussi pour les demandeurs d'asile. Ne vous inquiétez pas : les verrous existent et ce type de mesure ne provoquera aucun appel d'air. Nous espérons que certains auront la chance de trouver un emploi mais ce ne sera pas la majorité, peut-être malheureusement
Autre gros problème de la politique actuelle d'intégration : elle met beaucoup trop de temps avant de démarrer. Dans notre système d'hébergement et d'accompagnement, tout est conçu pour maintenir les demandeurs d'asile dans une espèce d'attentisme et d'oisiveté. Ils sont dans des centres d'hébergement, ils sont pris en charge, ils ont une allocation, mais ils ne peuvent rien faire d'autre que d'attendre que la décision tombe. Actuellement, cette décision n'arrive qu'après de très longs délais. À l'avenir, ce sera moins long, certes, mais il faut absolument sortir de cette logique.
Si nous avons d'aussi mauvais résultats en matière d'intégration c'est parce que, pendant qu'ils sont dans les centres, ils ne peuvent pas apprendre le français. L'État ne donne pas de cours de français aux demandeurs d'asile avant un délai d'au moins dix-huit mois. Ils ne peuvent pas travailler. Ils ne peuvent même pas rencontrer de Français puisqu'ils sont dans cette espèce de système qui les met à l'écart. Les trois quarts des pays européens ne s'inscrivent pas cette logique : ils autorisent les demandeurs d'asile à travailler, ils donnent des cours de langues et ils ont de bien meilleurs résultats que nous en matière d'intégration.
Pour le reste des soixante-douze propositions, j'ai bien entendu ce qu'a dit Manuel Valls mais nous en discuterons peut-être dans un autre cadre pour ne pas rallonger les débats de ce soir.
L'amendement CL885 est retiré.
La Commission rejette successivement les amendements CL95, CL41, CL671, CL446 et CL94.
Elle adopte les amendements identiques CL42 et CL886.
Elle rejette successivement les amendements identiques CL43 et CL887 et l'amendement CL575.
Elle adopte l'amendement CL368.
Elle rejette l'amendement CL519.
Il nous reste 172 amendements à examiner, ce qui représente au moins deux heures de débat, compte tenu du rythme de nos travaux. Je vous propose de suspendre la séance quelques instants puis de terminer l'examen du texte.
Suspendue à dix-neuf heures, la réunion reprend à dix-neuf heures vingt-cinq.
Article 27 : Habilitation du Gouvernement à modifier par ordonnance la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
La Commission examine l'amendement CL111 de Mme Marietta Karamanli.
Nous proposons la suppression de cet article, car nous considérons que ce n'est pas forcément une bonne méthode que de passer par voie d'ordonnance.
Le Gouvernement souhaite une nouvelle rédaction de la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Il souhaite créer un titre de séjour unique pour les travailleurs et simplifier le régime des autorisations de travail pour le recrutement de certaines catégories de salariés par des entreprises bénéficiant d'une reconnaissance particulière par l'État. Nous considérons que ces dispositions ne nécessitent ni de contourner la procédure parlementaire ni de légiférer dans l'urgence. Je tiens particulièrement au rôle que les parlementaires que nous sommes peuvent jouer dans la législation. Il ne faut pas remettre aux ordonnances ce que nous pouvons faire nous-mêmes.
Avis défavorable. Il me semble que les termes employés dans cette loi d'habilitation, qui autorise le Gouvernement à prendre des ordonnances, sont assez clairs. Il s'agit de rendre accessible le CESEDA, dont j'ai entendu dire, au cours de nos auditions, qu'il était l'un des codes les plus compliqués à appréhender. Dans un domaine aussi sensible, une meilleure accessibilité me paraît souhaitable. Il s'agit aussi de créer un type de séjour unique pour les salariés et de simplifier le régime des autorisations de travail pour le recrutement de certaines catégories de salariés. Tout cela me semble assez clair et positif.
Je ne peux pas me ranger à cet argument qui revient à considérer que les parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs, font mal leur travail et rédigent mal les textes. Nous aurons peut-être l'occasion d'en parler lors de la prochaine réforme constitutionnelle mais c'est quand même un principe de ne pas tout renvoyer à des ordonnances.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL234 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 27 modifié.
Chapitre III
Dispositions diverses en matière de séjour
Article 28 (art. L. 313-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Renforcement des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur »
L'amendement CL880 de Mme Stella Dupont est retiré.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL113 de Mme Marietta Karamanli.
Puis elle examine l'amendement CL882 de Mme Stella Dupont.
Afin de limiter les possibilités de fraude et de maintien sur le territoire français à l'expiration des cartes d'entrée « visiteur », le projet de loi prévoit un durcissement des conditions d'octroi concernant la possession d'une assurance maladie et la preuve de l'autonomie financière du demandeur.
Ces dispositions doivent être accueillies favorablement dans la mesure où elles permettent de limiter les fraudes, mais elles ne doivent pas pour autant interdire à des personnes de bonne foi d'obtenir ce type de carte. On pense notamment aux personnes qui viennent régulièrement visiter leur famille. C'est pourquoi cet amendement propose d'accorder aux préfets le pouvoir discrétionnaire de donner des dérogations au regard de la particularité de la situation du demandeur et des garanties qu'il apporte.
Le but de cet article est précisément d'objectiver les conditions d'obtention de cette carte. Le fait de réintroduire un pouvoir discrétionnaire paraît à l'évidence contradictoire avec cette intention. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 28 sans modification.
Article 29 (art. L.313-7-2 et L. 313-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Durcissement des conditions d'octroi des cartes de séjour « ICT »
La Commission adopte l'article 29 sans modification.
Article 30 (art. L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, art. 316, 316-1 [nouveau], 316-2 [nouveau], 316-3 [nouveau], 316-4 [nouveau], 316-5 [nouveau], 2499-1 à 2499-5 [abrogés] du code civil) : Sécurisation des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » et lutte contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation
La Commission examine l'amendement CL118 de Mme Marietta Karamanli.
Nous proposons de supprimer cet article qui, sous couvert de lutte « contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation », vise à introduire une des dispositions les plus cyniques de ce projet de loi : il conditionne notamment la délivrance du titre de séjour à l'étranger se prévalant de la qualité de parents d'enfant français à la justification de la contribution effective de l'auteur de la reconnaissance de la filiation à l'entretien et l'éducation de l'enfant.
Cela reviendrait ainsi à punir l'enfant, privé de la possibilité d'être rejoint par un de ses parents, au motif que celui-ci n'arriverait pas à prouver sa contribution effective à son éducation.
Cet article est important puisqu'il a été progressivement découvert de très nombreuses reconnaissances frauduleuses, allant jusqu'à l'organisation de filières entières, comme cela nous a été dit en audition par l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST). Il n'y a absolument aucun moyen préventif aux mains des agents d'état civil lorsqu'ils se retrouvent dans de telles situations.
On pourrait faire un parallèle avec les enquêtes pour mariages frauduleux. Il faut pouvoir prendre en compte le cas des reconnaissances frauduleuses de paternité. Pour répondre à votre analyse, il me semble qu'une telle démarche est, au contraire, protectrice de l'intérêt supérieur de l'enfant dans la mesure où elle évite des reconnaissances de filiation qui ne s'accompagneraient pas d'un engagement pérenne. Elle permet d'éviter que l'enfant puisse être un enjeu de passeurs.
Pas de passeurs, en effet, mais de reconnaissances frauduleuses. Pour l'intérêt supérieur de l'enfant, il est important de pouvoir établir, avec la reconnaissance, la possibilité de subvenir à ses besoins et à son éducation. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL119 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement propose de rédiger différemment l'article, en complétant le 6° de l'article L. 313-11 du CESEDA de façon à accorder une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au parent étranger d'un enfant français tant que la reconnaissance de filiation litigieuse n'a pas été définitivement annulée par le juge civil.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CL115 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement vise à mettre fin à des situations que nous avons longuement évoquées hier, à plusieurs reprises, celles de personnes qui ont un statut de « ni-ni », c'est-à-dire qu'elles ne sont ni régularisables ni expulsables.
Nous proposons une nouvelle rédaction de l'article pour préciser : « À l'étranger qui, au regard du droit de mener une vie familiale normale au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne peut faire l'objet d'une expulsion du territoire français. »
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement CL116 de Mme Marietta Karamanli.
Elle examine ensuite l'amendement CL117 de Mme Marietta Karamanli.
Cet amendement s'inspire de la circulaire du 28 novembre 2012 qui rendait possible une régularisation par le préfet des étrangers victimes de la traite des êtres humains. Plutôt que de laisser à l'autorité administrative un pouvoir discrétionnaire en la matière, il apparaît préférable que la loi consacre ce droit de manière explicite. On ne peut pas être contre.
Si ! Votre amendement réécrit l'article 30 d'une manière qui le viderait de son contenu. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle aborde l'amendement CL120 de Mme Marietta Karamanli.
Si l'administration conteste le lien de filiation, rien ne justifie que la situation juridique des personnes concernées demeure suspendue, lorsque, au-delà d'une période de quatre mois, le procureur de la République n'a pas engagé de poursuites. Cet amendement s'inspire d'une préconisation du Défenseur des droits dans son avis du 15 mars dernier sur le projet de loi.
Avis défavorable. Madame Karamanli, il est difficile de considérer que vous « précisez » l'article 30 ; vous l'« écrasez » plutôt…
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL468 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.
Cet amendement me tient particulièrement à coeur. Les deux premiers alinéas de l'article 30 imposent à une mère d'un enfant français qui demande l'asile de prouver que le père français de l'enfant « contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation » de ce dernier. Dans les faits, si elle n'apporte pas cette preuve, elle n'obtiendra pas le titre de séjour qui lui permettrait de rester en France et d'y travailler. En clair, parce que le père ne subvient pas aux besoins de l'enfant, vous empêchez la mère de travailler sur le sol français, ce qui signifie qu'aucun des parents ne contribuera à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. La loi ne peut pas avoir pour conséquence une telle situation pour un enfant français. L'amendement vise à supprimer les deux premiers alinéas de l'article 30.
L'objectif de ces dispositions est bien de lutter contre l'obtention frauduleuse d'un état civil. Il est vrai qu'elles ne peuvent être prises au seul préjudice de la mère sans titre. Je propose que nous réfléchissions à une rédaction commune d'ici à la séance publique afin de prendre en compte le cas de figure que vous évoquez.
Le Gouvernement a vu le problème que vous évoquez, madame la députée. Nous sommes d'accord pour le résoudre tout en conservant les principes qui fondent l'article 30.
L'amendement est retiré.
La Commission en vient à l'amendement CL403 de Mme Annie Chapelier.
Cet amendement reprend la recommandation n° 4 de la délégation aux droits des femmes afin d'introduire un mécanisme dérogatoire au dispositif permettant d'octroyer un titre de séjour temporaire à un parent qui aurait engagé une procédure civile à l'encontre du parent français refusant soit de reconnaître soit d'assurer l'entretien et l'éducation de son enfant. L'introduction de ce recours remplacerait la condition ajoutée par le projet de loi visant à ce que le parent étranger prouve l'implication du parent français.
Madame la députée, je propose que nous travaillions pour améliorer la rédaction de l'amendement d'ici à la séance. Je pense, par exemple, à prendre en compte une condamnation plutôt que le fait d'avoir engagé une procédure. Sur le fond, je reste convaincue que la lutte contre l'obtention frauduleuse d'un état civil ne doit pas se faire au seul préjudice de la mère.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL771 de Mme Sandrine Mörch.
Une procédure nouvelle est mise en place en cas de soupçon de fraude s'agissant de la reconnaissance. Pourtant il semble que le pourcentage de fraude parmi les procédures de reconnaissance reste très faible. Disposons-nous de données à ce sujet ? Est-il vraiment nécessaire de créer de nouvelles procédures alors qu'il en existe déjà une ? On connaît les effets de l'excès de zèle chez l'officier d'état civil : les doutes injustifiés provoqueront des signalements qui susciteront des contentieux inutiles.
Avis défavorable. Je ne dispose pas de chiffres précis, mais, en la matière, l'audition des représentants de l'OCRIEST a été assez édifiante : les filières criminelles existent bien en matière de reconnaissance frauduleuse.
En 2016, quatorze filières spécialisées dans ce domaine ont été démantelées.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL212 de M. Éric Diard.
Puis elle adopte l'article 30 sans modification.
Après l'article 30
La Commission étudie les amendements CL747, CL741, CL743, CL744, CL750 et CL749 de Mme Valérie Boyer.
J'ai déposé cette série d'amendements pour lutter contre les mariages frauduleux. Je me propose de les présenter ensemble.
Les filières existent aussi pour les mariages frauduleux – pour un mariage, il en coûte entre 10 000 et 30 000 euros. Plusieurs articles de presse ont été consacrés au sujet par des journaux de tous les bords politiques.
Mon dispositif comporte plusieurs volets.
L'amendement CL749 vise à proposer aux officiers d'état civil des formations relatives à la détection des mariages frauduleux. Il en existe déjà, mais elles sont insuffisantes, et il faut les améliorer.
L'amendement CL743 rend obligatoire la saisine du procureur de la République en cas de doute sur la sincérité du mariage. Aujourd'hui cette saisine est possible, mais elle ne donne jamais lieu à aucun suivi. Lorsque je faisais un signalement en tant que maire, je ne recevais aucune information sur la suite qui lui était donnée – j'ai d'ailleurs demandé au préfet un bilan à ce sujet. J'ajoute que les officiers d'état civil qui procèdent aux entretiens prévus par la loi sont souvent menacés, pendant leur déroulement ou par la suite – certains rencontrent même de véritables difficultés dans leur vie quotidienne. Parce que de fortes sommes d'argent sont en jeu, les entretiens peuvent se passer extrêmement mal. De plus, comme les signalements n'aboutissent pas, les officiers d'état civil sont dissuadés de mener leur mission à bien.
L'amendement CL744 oblige le ministère public, saisi par le maire, à surseoir automatiquement à la célébration d'une union en cas de suspicion de mariage de complaisance. Il fait également passer la durée du sursis d'un à trois mois.
L'amendement CL750 prévoit que le maire désigne un ou plusieurs élus, officiers d'état civil, comme référents en matière de détection des mariages frauduleux. Aujourd'hui, parce qu'il est devenu plus facile de choisir la mairie de son mariage, nous assistons à un certain nomadisme selon la complaisance des mairies, ce qui est aussi une façon de détourner la loi. Aucune mesure n'est prise en la matière, et je signale qu'il n'existe pas de fichier relatif aux demandes de célébration de mariage frauduleux. Il serait temps de s'emparer du sujet.
Bien évidemment, je souhaite également qu'aucun mariage ne puisse être contracté si l'un des époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français. C'est l'objet de l'amendement CL741. Je sais que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'y oppose, mais ne rien faire, c'est devenir complice de trafics.
Nous devons agir efficacement pour lutter contre ces mariages frauduleux. Une forte contrainte pèse souvent sur les personnes qui participent à ce détournement visant à l'obtention de la nationalité française et de papiers.
Je suis défavorable à l'ensemble de ces amendements.
Concernant l'obligation qui serait faite à l'officier d'état civil de saisir le procureur de République, et le régime des mariages blancs et gris, l'article L. 175-2 du code civil prévoit déjà une procédure robuste qui a inspiré le dispositif de l'article 30 du projet de loi visant à lutter contre les reconnaissances frauduleuses du lien de filiation.
S'agissant du cas où l'un des futurs époux séjourne irrégulièrement sur le territoire français, l'exposé sommaire de votre amendement cite la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel qui indique « que le respect de la liberté du mariage, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé ».
Pour information, nous avons démantelé l'an dernier huit filières spécialisées dans les mariages frauduleux.
Cela montre bien que ces filières existent. Renforcer la loi permettrait de faire régresser ces trafics. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus en être complices sans réagir.
La Commission rejette successivement ces amendements.
Article 31 (art. L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Modalités de l'échange d'informations médicales nécessaires à l'examen des demandes de titre de séjour pour raisons de santé
La Commission est saisie de l'amendement CL761 de M. Aurélien Taché.
Cet amendement vise à privilégier le critère de l'insertion et de l'intégration des mineurs non accompagnés pour leur accorder le droit au séjour à dix-huit ans, plutôt que celui de l'âge d'arrivée sur le territoire – les textes distinguent aujourd'hui l'entrée avant et après seize ans.
À dix-huit ans, les mineurs confiés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) avant seize ans bénéficient d'un droit au séjour, dans la mesure où ils respectent certaines conditions, comme le caractère réel et sérieux du suivi de leur formation. En revanche, si le jeune a été confié à l'ASE après seize ans, il ne bénéficie pas de cette règle, quand bien même il serait tout autant inséré dans un parcours d'intégration.
Lors des auditions que j'ai conduites dans le cadre de la mission que m'avait confiée le Gouvernement sur la refonte de la politique d'intégration, j'ai pu constater que, dans de nombreux établissements scolaires, ces jeunes de plus de seize ans étaient pourtant dans des situations d'intégration et de réussite – ils sont mêmes parfois moteurs et impulsent de bonnes dynamiques dans des classes parmi des jeunes français qui rencontrent des difficultés. J'ai aussi constaté que tout se passait bien lorsque ces jeunes étrangers remplissaient des classes à eux seuls.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, car il ne me semble pas particulièrement opportun d'aborder ici la question des mineurs étrangers non accompagnés.
Cet amendement traite précisément de la situation de ces personnes au moment où elles deviennent majeures et où se pose la question de leur droit au séjour. Il n'aborde pas directement la question des mineurs non accompagnés. Je le maintiens.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l'amendement CL213 de M. Éric Diard.
Puis elle adopte l'article 31 sans modification.
Article 32 (art. L. 316- 3, L. 313-2 et L. 316-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Sécurisation du droit au séjour des victimes de violences conjugales et des victimes de mariages forcés
La Commission examine l'amendement CL766 de Mme Sandrine Mörch.
Des titres temporaires de séjour sont accordés aux personnes qui ont le courage de témoigner en matière de proxénétisme et de traite des êtres humains. Je propose de mettre en place un dispositif identique pour les personnes qui témoignent contre les passeurs, puisque nous souhaitons unanimement lutter plus efficacement contre les réseaux.
Il me semble que le CESEDA encadre déjà assez strictement la délivrance de titres de séjour aux personnes qui déposent plainte. J'estime donc que votre amendement est satisfait, et j'y suis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL408 de Mme Annie Chapelier.
Cet amendement reprend la recommandation n° 5 de la délégation aux droits des femmes afin de compléter l'article L. 316-3 du CESEDA pour permettre aux personnes étrangères victimes de violences conjugales ou familiales, ou menacées de mariage forcé, d'obtenir de plein droit le renouvellement de leur carte de séjour temporaire, même dans les cas où l'ordonnance de protection n'est plus en vigueur, dès lors que la victime a porté plainte contre l'auteur des faits.
Avis favorable. Madame la députée, nous vous remercions de nous permettre d'accroître la protection des victimes de mariage forcé.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL404 de Mme Annie Chapelier.
Également issu d'une recommandation de la délégation aux droits des femmes, cet amendement vise à supprimer la condition supplémentaire ajoutée par l'alinéa 4 du présent article, selon laquelle, pour pouvoir prétendre à la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection de l'article 515-9 du code civil en raison des violences exercées au sein du couple doit être détenteur d'une carte de séjour « ordonnance de protection » délivrée sur le fondement de l'article L. 316-3 du CESEDA.
Il me paraît opportun de conserver le parcours qui fait se succéder ordonnance de protection, carte de séjour, puis carte de résident. Je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'article 32 modifié.
Article 33 (art. L. 314-5-1 et L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Extension du bénéfice du renouvellement de plein droit de la carte de séjour temporaire en cas de violences familiales
La Commission adopte l'article 33 sans modification.
Après l'article 33
La Commission examine l'amendement CL469 de M. Erwan Balanant.
Cet amendement tend à renforcer la protection des compagnes et des compagnons d'Emmaüs. Leur activité solidaire au quotidien leur permettra d'accéder à un titre de séjour après trois ans de vie en communauté.
Un titre de séjour temporaire vie privée et familiale pour motif humanitaire ou exceptionnel est prévu à l'article L. 313-14 du CESEDA et précisé au 2.1.4 de la circulaire du 28 novembre 2012 relative à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière.
Être compagnes ou compagnons d'Emmaüs, c'est accéder à un parcours d'intégration complet grâce à l'apprentissage du français, l'acquisition, l'approfondissement et la valorisation de compétences professionnelles, ainsi qu'à la découverte du vivre-ensemble et de fondamentaux comme la citoyenneté, la mixité, la solidarité, la laïcité et la tolérance.
Cet amendement permettra de renforcer la circulaire du 28 novembre 2012 qui clarifie les conditions de régularisation des étrangers en situation irrégulière, et d'inscrire dans la loi la particularité des compagnes et des compagnons Emmaüs.
Je suis sensible à cette proposition, mais il serait préférable de modifier la rédaction de l'amendement afin de prendre en compte a minima les menaces potentielles à l'ordre public. Je propose un retrait et une réécriture d'ici à la séance publique.
Cet amendement me tient également à coeur, madame Florennes. J'espère que vous pourrez le retravailler afin qu'il soit adopté.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL470 de Mme Isabelle Florennes.
L'ouverture de la procédure de validation des acquis de l'expérience (VAE) aux personnes en situation irrégulière et effectuant depuis au moins trente-six mois des activités au sein d'organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires (OACAS), doit permettre une meilleure intégration ainsi qu'une insertion professionnelle plus rapide de ces publics. Ce dispositif leur assure une certification qualifiante, reconnue par les employeurs auprès desquels ils seront en mesure de faire valoir l'expertise développée dans le cadre des missions exercées bénévolement au sein de ces organismes.
Cet amendement encouragerait la professionnalisation des personnes en situation irrégulière. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL777 de Mme Valérie Boyer.
Je rappelle que 65 654 personnes ont obtenu la nationalité française par décret et que, pour obtenir la naturalisation, il faut résider en France au moment de la signature du décret de naturalisation.
La notion de résidence est plus large que la notion habituelle de domicile. Elle implique que vous devez avoir en France le centre de vos intérêts matériels, notamment professionnels, et de vos liens familiaux. Si vous résidez en France, mais que votre époux ou épouse ou vos enfants résident à l'étranger, la nationalité française pourrait vous être refusée.
La durée de résidence régulière exigée varie en fonction de la situation, mais, de manière générale, elle est fixée à cinq ans. Cet amendement propose de la porter à dix ans, car nous assumons totalement le fait qu'il faut lutter contre l'immigration illégale, certes, mais aussi contre l'immigration légale, et limiter l'accès à la naturalisation.
Il ne me semble pas, sauf à ce que l'on me fournisse des chiffres probants, qu'il y ait un effet de masse des régularisations à partir de cinq ans de résidence régulière, ainsi porter cette durée à dix ans ne me paraît-il pas utile ; ne serait-ce que parce qu'il ne s'agit pas du seul critère pris en compte.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL888 de M. Florent Boudié.
Cet amendement porte, lui aussi, sur la naturalisation et répond à une logique inverse de celle de Mme Boyer.
La naturalisation est obtenue après douze ans de résidence régulière sur le territoire français en moyenne, quand bien même la condition de résidence exigée est de cinq ans. La naturalisation demeure d'ailleurs malheureusement tributaire des parcours d'intégration, qu'ils soient réussis ou non.
La seule dérogation existante est réservée aux parcours exceptionnels d'intégration et ne concerne qu'un nombre très réduit de cas permettant d'envisager la naturalisation après deux ans.
Cet amendement propose de substituer au mot « exceptionnel » le mot « réussi » lorsque des gens vivent en France, y travaillent, y fondent leur famille et parlent français. Qu'est-ce donc qui les différencie de nous, et pourquoi refuserions-nous la naturalisation ?
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle rejette successivement, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, les amendements CL126 et CL130 de M. Jean-Carles Grelier.
Puis elle étudie l'amendement CL785 de Mme Valérie Boyer.
La France est confrontée à un nouveau défi migratoire, notre démographie est l'une des plus dynamiques d'Europe ce qui fait qu'à la différence de la plupart de nos voisins européens, nous n'avons pas besoin de l'immigration pour soutenir notre croissance.
Dans le même temps, la crise économique et sociale, les déficits budgétaires et sociaux record, l'effondrement de la construction de logements sont tels que nous n'avons pas la capacité d'accueillir une immigration supplémentaire. La France ne peut pas baisser la garde en matière de contrôle des flux migratoires. Or c'est ce que nous faisons en ce moment, c'est aussi ce qu'a fait le gouvernement socialiste depuis 2012. Il faudra rompre avec ce laxisme en adoptant enfin une véritable politique d'immigration.
Dans le même temps, il ne saurait y avoir d'admission durable au séjour sans perspective d'intégration. Il ne doit plus y avoir d'acquisition de la nationalité française au bénéfice d'étrangers qui ne se placent pas dans une démarche d'assimilation.
Actuellement, pour être naturalisé, il faut être de bonnes vie et moeurs et ne pas avoir fait l'objet d'une condamnation empêchant l'acquisition de la nationalité française, c'est-à-dire une condamnation pour crimes et délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, pour un acte de terrorisme ou à une peine supérieure ou égale à six mois de prison avec sursis.
Obtenir la nationalité française, c'est être assimilé à la société française par une connaissance suffisante de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française, ainsi que par l'adhésion aux principes et valeurs essentielles de la République française.
Or, j'ai récemment lu dans la presse qu'une personne de nationalité algérienne, reconnue coupable d'avoir commandité l'agression d'une élue locale en juin 2017, a toutefois pu officiellement acquérir la nationalité française le 8 février dernier, et ce de manière totalement légale. Je m'en suis émue par écrit et souhaitais le signaler aujourd'hui, mais peut-être le ministre me dira-t-il que mes informations à ce sujet sont erronées.
Toujours est-il que cet amendement a pour objet d'empêcher l'accès à la naturalisation à toute personne qui se rendrait coupable d'un crime ou un délit, quelle que soit l'infraction considérée, ou qui serait inscrite au fichier de traitement des individus signalés ou les plus dangereux.
Les fichiers que vous mentionnez sont déjà consultés lors d'une demande d'acquisition de la nationalité française ; mon avis est donc défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL775 de Mme Valérie Boyer.
Actuellement, nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s'il a fait l'objet soit d'une condamnation pour crimes ou délits constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, soit, quelle que soit l'infraction considérée, s'il a été condamné à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, non assortie d'une mesure de sursis.
Il en est de même de celui qui a fait l'objet soit d'un arrêté d'expulsion non expressément rapporté ou abrogé, soit d'une interdiction du territoire français non entièrement exécutée, ainsi que de celui dont le séjour en France est irrégulier au regard des lois et conventions relatives au séjour des étrangers en France.
Obtenir la nationalité française, c'est être assimilé à la société française par une connaissance suffisante de la langue, de l'histoire, de la culture et de la société françaises, des droits et devoirs conférés par la nationalité française, ainsi que par l'adhésion aux principes et valeurs essentielles de la République française. Ces principes et valeurs, ainsi que les symboles de la République sont rappelés dans la charte des droits et devoirs du citoyen français, que le postulant doit signer et qui est remise à tous les nouveaux Français lors des cérémonies d'accueil dans la citoyenneté.
Cet amendement a pour objet d'interdire l'accès à la nationalité française à toute personne qui se rendrait coupable des crimes ou délits que j'ai précédemment cités.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle rejette ensuite, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, l'amendement CL282 de M. Thibault Bazin.
Puis elle examine l'amendement CL717 de Mme Valérie Boyer.
Cet amendement a pour objet l'établissement de quotas en matière migratoire afin qu'un débat sur cette question ait au moins lieu.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres de l'immigration, nous en avons suffisamment débattu. Je ne souhaite toutefois pas que nous cédions aux injonctions d'une certaine bien-pensance qui nous adresse toujours le même message, se veut angélique alors qu'elle est en réalité inconsciente, voire dangereuse puisqu'elle prône « liberté et honte aux frontières ».
La France est généreuse, mais elle n'est pas une mosaïque ni un territoire sans limites. C'est une nation en droit de choisir qui peut la rejoindre, et aussi en droit d'exiger des personnes qui souhaitent la rejoindre qu'elles se plient à ses règles et ses coutumes.
L'unité nationale commande une autre politique d'immigration, la France n'a plus les moyens d'accueillir tout le monde ; prétendre le contraire est une faute au regard de l'incapacité à intégrer pleinement les personnes déjà présentes sur notre sol. La France doit non seulement lutter contre l'immigration illégale, mais doit aussi réduire son immigration légale au strict minimum.
Il est proposé d'instituer un débat annuel au Parlement sur l'immigration, permettant au pouvoir législatif de fixer chaque année, en fonction de l'intérêt national, des quotas d'accueil d'étrangers par catégorie de motif de séjour. Je considère qu'il est indispensable aujourd'hui que les Français soient associés à ce débat, et à tout le moins que ce débat se tienne en toute transparence.
Dans la mesure où l'immigration constitue la première préoccupation des Français, ce qui ressort de tous les sondages, il me paraît indispensable que nous ayons ce débat sur les quotas.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CL465 de Mme Laurence Vichnievsky.
Cet amendement tient particulièrement à coeur à notre collègue Laurence Vichnievsky.
À la différence de l'amendement de Mme Boyer, le MODEM propose une date contraignante pour la remise par le Gouvernement du rapport sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration, fixée au 1er juin de chaque année. Le délai de rédaction proposé est de cinq mois alors qu'il est aujourd'hui de plus de quinze mois. Un débat portant sur des statistiques anciennes n'a en effet qu'un intérêt très limité.
Un tel rapport éviterait également d'imposer par voie législative la tenue d'un débat annuel, à la différence de l'amendement précédent. Toutefois, l'esprit commun à ces deux amendements est de passer d'une logique strictement individuelle de la politique migratoire fondée sur les droits des immigrés, qui bien sûr sont très respectables, à une logique globale nationale fondée sur les flux se plaçant du point de vue du pays d'accueil.
Nous divergeons de l'amendement de Mme Boyer, car, là où il propose des quotas contraignants susceptibles d'aboutir à des rejets systématiques, nous proposons des projections, des évaluations prospectives permettant au Gouvernement de faire connaître au Parlement ses objectifs de flux de manière indicative, sans rigidité excessive.
Il me semble en effet important que nous puissions disposer de ce rapport à date fixe. C'était l'objet de ce texte que d'avoir un regard assez précis sur notre politique migratoire. En revanche, je vous propose de remplacer la mention du mois de juin par celle du mois d'octobre, afin que nous puissions avoir les chiffres à notre disposition pour l'automne. Sous cette réserve, mon avis est favorable.
La rentrée parlementaire prend place un peu avant le mois d'octobre, mais nous acceptons votre suggestion.
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Puis elle examine l'amendement CL464 de Mme Isabelle Florennes.
Il s'agit d'enrichir le rapport annuel sur les orientations pluriannuelles de la politique d'immigration en y ajoutant la mention de la politique d'asile ainsi que des données quantitatives relatives aux mineurs non accompagnés, aux mineurs placés en centre de rétention administrative (CRA), des données qualitatives du respect des orientations fixées par le schéma national d'accueil des demandeurs d'asile, et la participation du Délégué interministériel chargé de l'accueil et de l'intégration des demandeurs d'asile.
En effet, lors de son audition par la rapporteure, le délégué interministériel à l'accueil et à l'intégration des réfugiés avait insisté sur la nécessité de disposer d'un rapport plus complet sur les politiques d'asile, d'immigration et d'intégration. Je m'associe à cette demande en la complétant : compte tenu des missions qui lui incombent, le Délégué devrait pouvoir, au même titre que l'OFPRA, faire part de ses observations dans ce rapport.
Je me souviens parfaitement de cette demande de M. Alain Régnier, à laquelle je suis favorable comme je le suis en ce qui concerne l'intégration dans le rapport des orientations pluriannuelles de la politique d'immigration et d'intégration avec la politique d'asile.
En revanche, je vous demanderai de supprimer la mention des mineurs non accompagnés, car, ainsi que nous l'avons souvent dit au cours de nos débats, le texte que nous examinons n'a pas pour objet le traitement de ce sujet.
Sous cette réserve, mon avis est favorable.
La Commission adopte l'amendement ainsi rectifié.
Elle en vient à l'amendement CL782 de M. Aurélien Taché.
Cet amendement est très important, car il vise à sécuriser les parcours d'intégration au moment du renouvellement des titres de séjour en introduisant la présomption de continuité des droits d'une durée de trois mois, ce qui éviterait la brutalité des ruptures soudaines des droits, souvent due aux délais de traitement des titres en préfecture, dont les services, nous le savons, ont énormément de travail.
De ce fait, il est fréquent que le titre de séjour d'un an accordé aux étrangers arrivant dans le cadre du regroupement familial en attendant d'obtenir un titre d'une durée plus longue soit soumis à de lourdes procédures. En effet, six mois après leur arrivée, ils doivent déjà en demander le renouvellement, les rendez-vous sont longs et les droits sociaux, au travail et à la formation susceptibles d'être acquis au cours de cette première année sont souvent remis en cause lors de cette rupture brutale.
Je demande le retrait de cet amendement, car sa portée pratique serait quasi inexistante dans la mesure où il s'agit d'une autorisation qui ouvre très peu de droits, alors que les risques de détournement peuvent être élevés.
S'il est avéré qu'il n'a qu'une faible portée pratique, je suis prêt à le retirer, mais est-il possible de travailler à cette sécurisation du renouvellement des titres ? Au cours des auditions que j'ai conduites, j'ai rencontré beaucoup de personnes en rupture de droits, alors que le titre de séjour est accordé dans plus de 90 % des cas, particulièrement pour le regroupement familial. La situation peut différer en fonction des titres, mais à chaque fois que l'on se situe dans une démarche d'installation durable en France, ce qui est le cas du regroupement familial, ces ruptures sont préjudiciables.
Le Gouvernement comprend la préoccupation qui motive cet amendement, lequel ne peut toutefois pas être adopté en l'état. En effet, l'extension de l'autorisation du titre provisoire de séjour, document de très brève durée – trois à six mois –, serait problématique, car il n'est pas sécurisé, et peut donc être facilement falsifié.
En revanche, l'amendement souligne, sans la régler, la question de l'étroitesse du champ d'application de la disposition actuellement en vigueur, qui ne couvre pas les cartes de séjour pluriannuelles que notre droit a généralisées par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Dans ces conditions, nous vous proposons de trouver avec vous une rédaction répondant à vos préoccupations sans encourir les risques que je viens de signaler.
Je retire mon amendement au profit d'une nouvelle rédaction à élaborer avec M. le ministre.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL889 de M. Florent Boudié.
Lorsque les réfugiés sont protégés et obtiennent la décision positive de l'OFPRA ou de la CNDA, il s'écoule un délai souvent long avant que l'état civil soit reconstitué, ce qui n'est pas sans conséquence sur la date de démarrage du parcours d'intégration. Le document délivré à l'heure actuelle vaut autorisation provisoire pour six mois, mais des difficultés d'application sont parfois rencontrées pour l'ouverture de certains droits, et le délai de six mois a expiré avant que l'état civil soit reconstitué.
Il s'agit du même problème que celui qu'évoquait mon amendement précédent, mais il s'agit cette fois d'un public de réfugié. La création d'un document provisoire spécifique pour les réfugiés, valable jusqu'à délivrance de la carte de résident est donc proposée.
Comme pour l'amendement précédent, je vous suggère de le retirer et de vous rapprocher de M. le ministre d'État afin de trouver ensemble une meilleure rédaction.
L'amendement est retiré.
La Commission étudie l'amendement CL39 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales.
Vous l'avez relevé, monsieur le ministre, l'apprentissage du français constitue un élément clé du parcours d'intégration des demandeurs d'asile.
Cet amendement introduit dans la loi les conditions dans lesquelles la formation du français est organisée dans le cadre du contrat d'intégration républicaine, prévue par l'article R. 311-24 du CESEDA.
Le dernier alinéa de cet article précise que la durée de la formation peut être modulée en fonction du degré d'apprentissage du français par l'intéressé sans dépasser sa durée maximale. Tous les étrangers ne sont pas au même niveau d'apprentissage. Il peut être utile de prévoir deux volumes d'heures de cours distincts. La poursuite de la formation serait ainsi ciblée sur les personnes pour lesquelles le besoin existe.
Dans la mesure où la disposition proposée ressort du domaine réglementaire, je demande le retrait de l'amendement et laisse à M. le ministre d'État le soin de vous répondre.
Je vous adresse la même réponse que pour les amendements précédents, nous sommes d'accord sur l'orientation, mais nous souhaiterions pouvoir reprendre la rédaction avec vous avant le débat en séance publique.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL670 de M. Aurélien Taché.
Cet amendement propose la suppression de la taxe acquittée par les employeurs des bénéficiaires de la protection internationale. Tout doit en effet être fait pour faciliter l'intégration des intéressés, particulièrement par le truchement de l'insertion professionnelle.
Nous partageons toujours l'objectif. M. le ministre d'État s'engagera peut-être à vous proposer une nouvelle rédaction commune ; pour ma part, je demande le retrait de l'amendement.
Cet amendement est satisfait, sous réserve de vérification d'ici l'examen du texte dans l'hémicycle.
L'amendement est retiré.
La Commission étudie l'amendement CL739 de Mme Valérie Boyer.
Je rappelle que si vous êtes étranger et disposez d'attaches familiales en France, vous pouvez obtenir une carte de séjour « vie privée et familiale » sous certaines conditions. Cette carte vous autorise à travailler. Elle est valable un an et renouvelable quand elle est délivrée comme premier document de séjour. Elle est valable quatre ans quand elle délivrée en renouvellement d'un premier document de séjour.
Créée par la loi du 7 mars 2016, la carte de séjour pluriannuelle permet également aux étrangers ayant vocation à s'installer en France ou à y rester pour une durée déterminée de bénéficier d'un droit au séjour reconnu sur plusieurs années.
L'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle doit être en mesure de justifier qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens.
Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée ou son renouvellement refusé par une décision motivée.
Le présent amendement tend à faire en sorte que les personnes les plus dangereuses figurant dans le fichier des radicalisés ne puissent pas bénéficier de ce titre de séjour. Nous considérons en effet qu'elles n'ont pas à rester sur le sol français.
L'article L. 531-1 du CESEDA prévoit déjà l'expulsion des étrangers constituant une menace avérée contre l'État. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, elle rejette également l'amendement CL210 de M. Éric Diard.
Elle examine ensuite l'amendement CL407 de Mme Annie Chapelier.
L'article 313-11 du CESEDA prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » aux étrangers ayant un conjoint français en distinguant deux types de situation : d'une part, le cas d'un étranger marié à un ressortissant français « à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français » ; d'autre part, le cas d'un étranger pacsé ou en union libre avec un ressortissant français, qui s'inscrit dans un ensemble plus large de situations évaluées selon « les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ».
Dans le second cas, l'étranger pacsé à un ressortissant français n'est pas astreint à une communauté de vie, alors même que les partenaires d'un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune, à une aide matérielle réciproque et à une assistance réciproque, par exemple en cas de maladie ou de chômage.
Cet amendement vise à corriger cette différence de traitement en alignant les conditions de délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à un étranger pacsé à un ressortissant français sur celles d'un étranger marié à un ressortissant français.
Les couples mariés et pacsés n'étant pas dans la même situation juridique, il n'y a pas lieu de leur appliquer le même régime. Je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL38 de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales.
Dans la lignée des amendements présentés par nos collègues Anne-Christine Lang et Aurélien Taché, cet amendement tend à uniformiser la situation des mineurs confiés à l'ASE.
Les conditions d'attribution des titres de séjour à la majorité pour les mineurs non accompagnés diffèrent selon qu'ils ont été pris en charge avant ou après seize ans.
Pour les mineurs confiés à l'ASE entre seize et dix-huit ans, une admission exceptionnelle au séjour peut être décidée si une formation professionnelle est suivie depuis au moins six mois, selon la nature de leurs liens avec leurs familles restées dans les pays d'origine et l'avis de la structure d'accueil sur leur insertion.
L'amendement vise à supprimer la condition portant sur la durée minimale de formation requise. Cette condition peut aboutir à l'interruption de la formation qualifiante faute de titre de séjour, et n'engage pas non plus les entreprises à proposer une formation à des mineurs particulièrement motivés.
S'agissant, comme précédemment, de la problématique des mineurs non accompagnés, je vous demanderai de retirer votre amendement, afin que nous n'ayons pas à en discuter dans le cadre de ce texte.
Ce n'est pas directement un amendement sur les mineurs, puisque l'on parle de leur majorité. Par ailleurs, il a été adopté par la commission des Affaires sociales et nous y tenions beaucoup. Je souhaiterais donc le maintenir.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL776 de Mme Valérie Boyer.
Il s'agit de limiter l'accès au dispositif du regroupement familial aux enfants de seize ans ou moins.
Institué dans un contexte historique particulier dans les années 1970, le regroupement familial n'a cessé d'être étendu depuis lors par la loi et la jurisprudence. Compte tenu de la situation sociale et économique du pays, il est souhaitable de le restreindre aujourd'hui. Le regroupement familial a permis l'entrée en France de 12 000 étrangers en 2015, auquel s'ajoutent les 2 000 conjoints étrangers, les 2 200 parents d'enfants scolarisés et les 16 000 admis au titre des liens personnels et familiaux.
Le regroupement familial est soumis à certaines conditions.
Le demandeur doit avoir une résidence régulière de dix-huit mois en France et des conditions d'accueil stables et suffisantes – seuil minimum de ressources et logement adéquat.
Son conjoint doit être âgé de dix-huit ans au moins à la date du dépôt de la demande. Il n'y a en revanche pas de condition de durée du mariage.
Les enfants mineurs doivent être âgés de moins de dix-huit ans. L'enfant dont il s'agit est celui qui a une filiation établie avec le demandeur ou son conjoint. Toutefois, les ressortissants mineurs algériens recueillis par un acte de « recueil légal », qu'on appelle la « kafala » en Algérie, sont admis au regroupement familial.
Les difficultés qui y sont liées ont déjà été largement évoquées dans cette commission, mais je pense qu'on y reviendra dans l'hémicycle. Je voudrais souligner par cet amendement que nous sommes favorables à l'assimilation, bien évidemment, mais que pour la réussir, il ne faut pas accueillir au-delà de nos capacités. Or, vous en conviendrez, nous sommes déjà allés largement au-delà.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
Elle rejette également, suivant l'avis défavorable de la rapporteure, l'amendement CL250 de M. Raphaël Schellenberger.
Puis elle examine l'amendement CL784 de Mme Valérie Boyer.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur le financement de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA). Je suis déjà intervenue à plusieurs reprises sur ce sujet particulièrement préoccupant, puisque depuis des années, leur nombre ne cesse d'augmenter. En 2017, le nombre de ceux qui étaient confiés aux départements a augmenté de 85 %. On comptait 25 000 MNA pris en charge en 2017, contre 4 000 en 2010.
Selon le rapport d'information de notre collègue sénatrice Elisabeth Doineau, 7 % des MNA viennent d'Afrique, en particulier d'Afrique de l'Ouest francophone, où ils fuient la pauvreté et le manque de perspectives d'avenir. Les évaluations ont franchi le seul des 50 000 l'an dernier, et leur durée s'est allongée, pour atteindre 40 jours en moyenne.
Dans plusieurs départements, le coût global de la prise en charge des MNA augmente considérablement. Avec de moins en moins de moyens, certaines collectivités estiment que la facture pourrait atteindre 1,5 milliard d'euros dans six mois, alors qu'elle a été estimée à un milliard en septembre dernier. Ce coût est de 50 000 euros par jeune et par an, alors que la contribution de l'État ne dépasse pas 1 250 euros par mineur. Chaque année, les départements assument 25 000 cas, soit 1,25 milliard d'euros.
L'encombrement de l'ASE pose de réels problèmes pour l'accueil d'autres mineurs se trouvant déjà sur le territoire, ce qui entraîne des situations particulièrement préoccupantes. Je rappelle que certains jeunes, déboutés dans un département, se rendent dans un autre département pour tenter une nouvelle évaluation.
Cet amendement a pour objectif de demander au Gouvernement un rapport sur le financement de la prise en charge des mineurs non accompagnés, et plus particulièrement sur la répartition de cette prise en charge entre l'État et les départements.
Cet amendement, qui concerne les mineurs non accompagnés, est une demande de rapport. Pour ces deux raisons, mon avis sera défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CL789 de Mme Valérie Boyer.
C'est une autre demande de rapport sur les mariages gris ou blancs – dont je vous ai donné les chiffres. Aujourd'hui, on voudrait obtenir des réponses. J'ai proposé tout à l'heure plusieurs amendements destinés à lutter contre ces trafics. Je suis consternée qu'ils n'aient pas obtenu un avis favorable et que l'on ne puisse pas avoir un débat sur cette question.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l'amendement.
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES
Chapitre Ier
Dispositions de coordination
Article 34 (art. L. 313-10, L. 313-11-1, L. 314-8, L. 511-1, L. 742-4, L. 731-1, L. 313-9, L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Mesures de coordination
La Commission adopte l'article 34 sans modification.
Article 35 (art. L.111-10, L. 311-1, L. 311-3, L. 311-8–1, L. 311-11, L. 311-13, L. 313-2, L. 313-4-1, L. 313-11-1, L. 313-17, L. 313-18, L. 314-8-2, L. 511-5, L. 522-7 et L. 812-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) : Mesures de coordination
La Commission adopte l'amendement de coordination LC237 de la rapporteure.
L'amendement CL405 de Mme Annie Chapelier est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements de coordination CL236 et CL235 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 35 modifié.
Article 36 (art. L. 512-2 du code de la sécurité sociale) : Coordinations
La Commission adopte l'article 36 sans modification
Article 37 (art. L. 120-4 du code du service national) : Coordinations
La Commission adopte l'article 37 sans modification.
Chapitre II
Dispositions relatives aux outre-mer
Article 38 (art. L. 762-1, L. 763-1, L. 764-1, L. 766-1, L. 766-2, L. 767-1 et L. 831-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; art. L. 711-1 du code pénal) : Coordinations pour l'application outre-mer
La Commission adopte successivement l'amendement de coordination CL315, l'amendement CL316 tendant à corriger une erreur de référence et l'amendement de coordination CL409, tous de la rapporteure.
Elle adopte enfin l'article 38 modifié.
Après l'article 38
La Commission est saisie de l'amendement CL926 de la rapporteure.
Cet amendement procède aux adaptations légistiques nécessaires à l'application intelligible de la loi dans certains territoires.
La Commission adopte l'amendement.
Article 39 : Habilitation du Gouvernement à adapter par voie d'ordonnance les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'outre-mer
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL310, CL311, CL312 et CL314 de la rapporteure.
Elle adopte ensuite l'article 39 modifié.
Article 40 (art. L. 512-2 du code de la sécurité sociale) : Application outre-mer
La Commission est saisie de l'amendement CL308 de la rapporteure.
Nous avons intégré les dispositions applicables à l'outre-mer à l'article 38. Cet article 40 est désormais superflu.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 40 est supprimé.
Chapitre III
Dispositions finales
Article 41 : Entrée en vigueur
La Commission adopte l'article 41 sans modification.
Après l'article 41
L'amendement CL520 de M. Matthieu Orphelin est retiré.
La Commission examine l'amendement CL927 de la rapporteure.
Je souhaite que le Gouvernement se saisisse de la question des déplacés environnementaux. C'est un objectif que je partage avec Matthieu Orphelin et un grand nombre de collègues du groupe La République en Marche, dont j'ai repris l'amendement. Je vais céder la parole à Coralie Dubost, pour qu'elle le défende.
Je veux d'abord signaler l'implication toute particulière de nos collègues Matthieu Orphelin, Delphine O, Gabriel Attal, Véronique Riotton, Hervé Berville, Olivier Véran et Bénédicte Peyrol.
Nous avons été plus d'une cinquantaine à cosigner cet amendement, car c'est un sujet qui préoccupe la majorité : qu'allons-nous faire pour les personnes qui sont confrontées à cette nouvelle problématique ? Nous savons qu'on ne peut pas parler de réfugiés qui, eux, relèvent de la Convention de Genève. Nous avons déjà abordé différents thèmes. Si nous avons déposé cet amendement, c'est pour lancer la réflexion, ouvrir le débat, se donner les moyens de définir certains objectifs, et définir une stratégie.
Chaque année, 25 millions de personnes sont contraintes de se déplacer pour des raisons climatiques, que ce soit à l'intérieur de leur pays ou entre les différents pays. Nous partageons votre volonté. On ne saurait toutefois confondre « déplacés climatiques » et « réfugiés ». D'ailleurs, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) emploie ce terme de « déplacés climatiques », qu'il distingue bien des « réfugiés ».
Le Gouvernement va mettre la question à l'ordre du jour. Comme vous le savez, la France assume la vice-présidence de la plateforme des Nations unies sur les déplacements liés aux catastrophes, et en particulier aux catastrophes naturelles, et en prendra la présidence en juillet 2019. Il faut donc agir dès maintenant au niveau national.
Nous sommes prêts à accepter cet amendement, hormis sa dernière phrase, dont nous souhaiterions le retrait. Le Gouvernement s'engage à présenter un rapport au Parlement portant sur la stratégie nationale de prise en compte des déplacés climatiques.
Soit, mais je précise tout de même que la dernière phrase, relative aux visas humanitaires, ne vise pas à les mettre en place, mais à en évaluer l'opportunité – et donc, éventuellement, de les écarter. Bien évidemment, nous sommes prêts à porter le débat en séance, dans des termes qui nous permettraient de définir des objectifs concrets.
La Commission adopte l'amendement CL927 ainsi rectifié.
Puis elle étudie l'amendement CL471 de M. Jean-Noël Barrot.
L'amendement de notre collègue Barrot prévoit la consultation des principales personnes concernées par la mise en oeuvre des ordonnances prévues aux articles 27 et 39, afin d'améliorer l'information de la représentation nationale sur les possibles conséquences pratiques du texte qui leur sera soumis.
Il est directement inspiré du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance, dont l'article 41 introduit cette nouvelle manière de procéder. Ainsi qu'il a été précisé au cours de la première lecture de ce projet, le futur Conseil de la réforme sera naturellement très attentif à la mise en oeuvre concrète du présent article, donc à la mise en oeuvre de cette consultation.
L'obligation pour le Gouvernement d'en rendre compte au Parlement serait particulièrement pertinente concernant ce projet de loi, au regard de la grande complexité des modifications qui sont opérées, qu'il s'agisse du régime des autorisations de travail des étrangers dont l'évolution est susceptible d'emporter des conséquences économiques et sociales fortes, ou de la mise en oeuvre du CESEDA dans des territoires d'outre-mer où l'application du droit de l'immigration est non seulement très spécifique, mais aussi très sensible.
Si je peux être favorable à l'association des parties prenantes à l'élaboration des textes, il ne me semble pas que les articles en question s'y prêtent particulièrement. Ce sera donc un avis défavorable.
Je sais mon collègue Barrot très investi dans les questions d'évaluation, mais je comprends aussi votre argumentation. Je vais donc retirer cet amendement.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL258 de M. Frédéric Petit.
Il s'agit d'un amendement de repli à la suite de celui que j'avais déposé hier matin, et dont je n'ai pas bien compris pourquoi il a reçu un avis défavorable. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), en ce moment, ne fait plus passer de diplôme d'études en langue française (DELF) parce qu'il n'en a plus les moyens.
Nous devons, lorsque la possibilité se présente, utiliser la période qui va du dépôt de la demande d'asile à son règlement, en recourant à tous les moyens dont l'État dispose, en particulier ceux qui ne sont pas mis en oeuvre de manière cohérente aujourd'hui, pour former les demandeurs d'asile.
Nous avons tous relevé la relation évidente qui existe entre l'action extérieure de l'État et les migrations, et nous avons ici l'occasion d'utiliser cette cohérence pour faire oeuvre utile sur ce sujet extrêmement précis.
La phase d'attente passive pourrait être utilisée pour former le demandeur d'asile, pas uniquement à la langue française, mais aussi à l'entrepreneuriat. L'État et les opérateurs dont c'est le métier pourraient, de façon beaucoup plus coordonnée, utiliser le temps des demandeurs d'asile issus de pays ciblés par l'aide publique au développement ou par notre stratégie en matière de francophonie pour commencer ce travail de formation qu'il faudra faire dans tous les cas.
Je demande, par mon amendement, la remise rapide par le Gouvernement d'un rapport précis, qui permettrait de reposer la question de la coordination interministérielle à ce sujet au moment de la préparation de la loi de finances pour 2019.
Je crains qu'il ne soit déjà trop tard pour modifier la maquette budgétaire du projet de loi de finances (PLF) pour 2019. Je suggère de saisir le ministre des Comptes publics de cette question, et de retirer l'amendement.
Je le retire et le redéposerai en vue de la séance publique, en espérant être mieux entendu que je ne l'ai été hier.
L'amendement est retiré.
Titre
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL921 de la rapporteure et CL444 de M. Vincent Bru.
Tel qu'il est libellé, le titre du projet de loi ne met pas suffisamment en avant le volet social permettant une meilleure intégration des demandeurs d'asile. Les mesures prévues pour favoriser l'intégration sont nombreuses.
Le Gouvernement a souhaité un équilibre, et il serait opportun que cela apparaisse dans l'intitulé de ce texte, dont le titre III rassemble les dispositions visant à améliorer les conditions d'intégration et d'accueil des étrangers en situation régulière.
De plus, le Gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre certaines propositions du rapport d'Aurélien Taché favorisant l'intégration. Ainsi, par cet amendement, nous réaffirmons notre volonté de défendre, fidèles à la tradition d'accueil de la France, une intégration digne, et nous espérons donner cet objectif au texte de loi.
Je retire mon amendement, qui va dans le même sens, au profit du vôtre dont la rédaction est plus pertinente. Il est essentiel que l'intégration figure dans le titre du projet de loi.
L'amendement CL921 est retiré.
La Commission adopte l'amendement CL444.
Puis elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
Je vous informe que nous avons siégé vingt-huit heures sur ce projet de loi depuis mardi et examiné plus de 850 amendements. Ces travaux ont été denses, intenses, passionnants. Je tiens à remercier M. le ministre de l'Intérieur pour sa présence continue parmi nous, notre rapporteure qui a effectué un travail extraordinaire, et vous tous, mes chers collègues, qui êtes restés jusqu'au bout.
Le texte sera examiné en séance à partir du lundi 16 avril.
Madame la présidente, je tiens à vous remercier pour votre présidence, et me réjouis que le MODEM ait pu faire adopter trois amendements sur la trentaine qu'il avait déposée. Nous allons poursuivre les discussions avec nos collègues, la rapporteure et le ministre d'État, que je remercie pour sa présence et les réponses qu'il nous a apportées tout au long de ces débats.
Je veux à mon tour vous remercier. Il est vrai que ce texte est difficile car il met en jeu un certain nombre de valeurs. Nous avons essayé, les uns et les autres, de travailler ensemble pour converger et aboutir à un résultat qui satisfasse l'exigence d'efficacité – car les problèmes d'immigration en France et dans le monde sont difficiles et déstabilisent un certain nombre de pays – tout en préservant la volonté d'humanité qui caractérise notre pays, conformément à sa tradition historique. Nous avons réussi à concilier ces deux exigences, et je vous en remercie.
La réunion s'achève à 20 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Laetitia Avia, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, Mme Coralie Dubost, Mme Élise Fajgeles, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, Mme Marie Guévenoux, M. Sacha Houlié, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Marietta Karamanli, M. Guillaume Larrivé, Mme Naïma Moutchou, Mme Danièle Obono, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Pacôme Rupin, M. Hervé Saulignac, M. Manuel Valls, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet
Excusés. - M. Éric Ciotti, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-Michel Fauvergue, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Jean-Pierre Pont, Mme Maina Sage, Mme Alice Thourot, M. Jean-Luc Warsmann
Assistaient également à la réunion. - Mme Clémentine Autain, Mme Aurore Bergé, Mme Valérie Boyer, M. Éric Coquerel, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Anne-Christine Lang, Mme Fiona Lazaar, Mme Constance Le Grip, Mme Sandrine Mörch, Mme Delphine O, M. Frédéric Petit, M. Aurélien Taché